Parmi les divers termes que ce mot représente dans nos traductions, le plus fréquent et de beaucoup est l’hébreu sâdèh ou sâdaï, qui se trouve plus de 300 fois dans l’Ancien Testament, avec les différentes significations que nous allons distinguer, et entre lesquelles varient aussi les termes grecs du Nouveau Testament : agros, khora, khôrion, alors que les autres termes hébreux moins répandus ont un sens ordinairement plus limité.
1. Campagne
Plus de 100 fois c’est d’elle qu’il s’agit, par opposition à la ville (Exode 8.13 etc.), mais avec un caractère très marqué d’isolement (Genèse 24.63 etc.) et même de danger (Deutéronome 21.1), vu la distance des lieux habités et vu le grand nombre de bêtes sauvages de toutes sortes qui la hantent, quadrupèdes, oiseaux ou reptiles (Exode 22.31 ; 2 Samuel 17.8 ; Osée 13.8, etc.). C’est ce sens général de rase campagne et de solitudes inhabitées qu’expriment aussi l’hébreu khouts (Job 5.10 ; Proverbes 8.28) et l’araméen bar (Daniel 2.38 ; Daniel 4.12 ; Daniel 4.32) ; c’est celui qu’il faut voir dans la parole de Jésus sur les « lis des champs » et l’« herbe des champs » (Matthieu 6.28-30), fleurettes spontanées des terrains non cultivés (cf. Psaumes 103.15). « En dehors du désert qui monte en Judée presque jusqu’aux portes des villes, il est souvent question du champ, la plus grande partie des régions de collines, rude, inculte, mais non pas exclusivement stérile, où les « bêtes des champs », c’est-à-dire les bêtes sauvages, trouvaient moyen de pulluler et de devenir un sérieux obstacle à la conquête du pays par Israël. Ce champ est un élément du paysage de l’Ancien Testament, et nous y reconnaissons aujourd’hui les landes, hauteurs, jungles et rochers qui constituent le sol de presque toutes les régions accidentées, et qui n’ont jamais pu être cultivées, même pour la vigne. » (G.A. Smith, Hist. Geogr. pages 79-80). Campagne infiniment variable d’aspect suivant la saison (pluies ou sécheresse) ou le climat, comportant des pâturages dans les régions les plus fraîches (Genèse 29.2 ; Exode 9.3; Luc 2.8), mais vite brûlée au soleil d’été et presque aride jusqu’à la saison des pluies. Sur le littoral, c’est toute la flore de la Méditerranée : arbrisseaux toujours verts, plantes printanières vite fanées, lauriers-roses, myrtes, pins d’Italie, oliviers, champs de blé. Sur le plateau, entaillé de nombreux lits de torrents dévalant vers la plaine ou le Jourdain, c’est la végétation des steppes de l’Orient : arbres plus clairsemés (chênes, pistachiers, cèdres, genévriers, cyprès, pins, etc., dans les parties montagneuses), multitude d’arbustes épineux, de buissons, de labiées aromatiques, de petites plantes brillantes et fugaces, de chardons ; même flore sur le plateau au delà du Jourdain. Dans la vallée du Jourdain, c’est une flore tropicale qui rappelle celle de la Nubie et de l’Abyssinie, avec son acacia seyal, son dattier à l’état sauvage et son papyrus.
2. Champ
- D’abord au sens de terrain spécialement affecté à la culture : c’est le champ proprement dit, comme il n’en existait pas avant la pluie sur le sol et avant le travail de l’homme (Genèse 2.5). On y fait pousser les diverses céréales (Genèse 37.7 ; Deutéronome 24.19 ; Ruth 2.2 et suivants, 1 Chroniques 11.33 ; Juges 3.3, etc.), les divers légumes (2 Samuel 23.11 ; Ésaïe 1.8, Lettre de Jérémie 70, etc.) et même les divers arbres et arbustes, fruitiers ou non (Deutéronome 20.19 ; Ézéchiel 17.24) ; ainsi, le chdémah est mis plusieurs fois en rapport avec la vigne (Deutéronome 32.32 ; Ésaïe 16.8 ; Habakuk 3.17). Ce dernier terme désigne aussi les champs cultivés en général (2 Rois 23.4 ; Jérémie 31.40), comme khôra dans Jacques 5.4. Voir Agriculture. C’est dans un champ de blé (littéralement « dans les blés ») que Jésus et les Douze passaient un jour de sabbat (Marc 2.23 et parallèle) ; c’est ce genre de champ qui lui a fourni le fond de plusieurs importantes paraboles : le grain de moutarde (Matthieu 13.31), le trésor caché (Matthieu 13.44), où le champ n’a guère de valeur symbolique, et surtout le semeur (Marc 4.4 et suivants et parallèle), où sans être nommé le champ est décrit dans ses différents genres de sol, sur lesquels portent les applications spirituelles (verset 15 et suivants) ; enfin l’ivraie, qui montre le champ (Matthieu 13.24 et suivants), c’est-à-dire « le monde » (verset 31), ensemencé par le bon semeur et par l’Ennemi (voir Ivraie). Du même ordre est l’image du « champ que Dieu cultive » (1 Corinthiens 3.9), et, au point de vue du moissonneur, des « champs (Version Synodale : campagnes) qui blanchissent pour la moisson » (Jean 4.35).
- Un sens dérivé du précédent est celui de pièce de terre appartenant à un individu ou à une famille, quelque chose comme fonds de terre ou propriété foncière, quel que soit l’usage qui en est fait : celui d’Éphron qu’Abraham acheta (Genèse 23.13 ; Genèse 25.9 et suivant), ceux des Égyptiens (Genèse 47.20), d’Othniel (Josué 15.18), de Josué (1 Samuel 6.14), de Joab (hébreu khelqâ, 2 Samuel 14.30 et suivants), de Hanaméel que Jérémie acheta en plein siège de Jérusalem, pour prêcher la foi à ses compatriotes (Jérémie 32.7 s), de Manassé (Juges 8.3), de Joseph (Jean 4.6), etc. ; ceux qui deviennent tout naturellement des noms de districts ou de localités : le champ du Foulon (Ésaïe 7.3), le champ de la sépulture des rois (2 Chroniques 26.23), le champ du Potier, devenu le champ du Sang (Matthieu 27.7ss Actes 1.18), etc., et tous ceux que désignent des expressions générales (Lévitique 27.16 ; Deutéronome 5.21 ; Proverbes 31.16 ; Michée 2.2 etc.). C’est parce que ces pièces de terre n’étaient souvent marquées que par quelques bornes (voir ce mot), trop faciles à déplacer (Deutéronome 19.14 ; Job 24.2 etc.), ou par un petit mur en pierres sèches sujettes à s’écrouler (Proverbes 24.31), que tout terrain cultivé non enclos pouvait s’appeler un champ, quels qu’en fussent les dimensions et les produits particuliers.
- Une trentaine de fois, sâdèh équivaut à notre territoire, ou district dépendant plus ou moins d’une ville ou d’une tribu (Genèse 36.35 ; Genèse 41.48 ; Lévitique 25.34 ; Juges 5.4 ; Ruth 1.18 ; Psaumes 78.12 ; Psaumes 78.43, 1 Macchabées 16.10 etc.).
- Enfin sâdèh et sâdaï désignent la terre par opposition à la mer, dans 1 Chroniques 16.32 ; Psaumes 96.12 (cf. Sagesse 19.7), et probablement le continent par opposition à l’île de Tyr dans Ézéchiel 26.8-8.
Ch.-Ed. M. et Jean Laroche