Nom du pigeon dans la langue religieuse ou poétique (hébreu yânâh ; grec peristera), s’applique en Palestine à quatre espèces du genre columba, dont les plus communes sont le pigeon de roche ou bizet (columba livia) et le pigeon des bois ou ramier (columba pahimbus). Il faut y joindre la tourterelle (hébreu thôr ; grec trugôn), représentée par trois espèces, dont la tourterelle commune (turtur comniunis) et celle du Sénégal, celle-ci très familière aujourd’hui dans les rues de Jérusalem.
Ces oiseaux durent être un important objet d’élevage en Israël, si l’on en juge par leur emploi dans les sacrifices et par les mentions fréquentes qu’en fait la Bible. L’Ancien Testament évoque : les migrations de la tourterelle (Jérémie 8.7 ; Cantique 2.12), le vol puissant et rapide de la colombe (Psaumes 55.7), la beauté de ses plumes (Psaumes 68.14) et de ses yeux (Cantique 1.15 ; Cantique 4.1) ; les risques qu’elle court, oiseau sans défense, d’être stupidement prise au piège (Osée 7.11), les volées de pigeons en troupes, auxquels sont comparés les captifs libérés revenant d’Assyrie (Osée 11.11) ou ramenés sur les navires aux voiles blanches (Ésaïe 60.8), la position des nids aux flancs des précipices (Jérémie 48.22), les roucoulements gémissants (Ésaïe 38.14 ; Ésaïe 59.11, Nahum 2.8), et l’allure tendre qui a fait prendre le nom de la colombe pour un terme d’affection (Cantique 2.14 ; Cantique 5.2 ; Cantique 6.8), encore très usité aujourd’hui comme prénom des Juives. Le nom de Jémima, fille de Job (Job 42.14), doit signifier aussi colombe.
Tourterelles et jeunes pigeons étaient les seuls oiseaux tolérés dans les sacrifices (cf. Lévitique 1.2 ; Lévitique 1.14), mais exclusivement pour un holocauste (Lévitique 1.14-16) ou une purification (pécheur, mère, lépreux, naziréen, etc. : Lévitique 5.7 ; Lévitique 12.6-8 ; Lévitique 14.21-23 ; Lévitique 15.14 ; Lévitique 15.29 ; Nombres 6.10) ; les oiseaux admis sans spécification dans Lévitique 14.4 et suivant, 49 et suivant devaient être aussi des pigeons. Tel avait été le cas dans un sacrifice d’alliance d’Abram (Genèse 15.9). Cette exception mettait le sacrifice à la portée des pauvres ; c’est celui qu’offrit la mère de Jésus (Luc 2.24), et c’est pour la clientèle des petits que les marchands du temple vendaient des pigeons (Marc 11.15 ; Matthieu 21.12 ; Jean 2.14).
On s’est demandé (Robertson Smith, Rel. Sein., pages 202, 275) si le fait que ces oiseaux étaient réservés à des sacrifices extraordinaires (holocaustes, purifications) ne provenait pas de leur caractère sacré dans le paganisme sémitique : quoique animaux « purs » (voyez Lévitique 11.13 et suivant, la liste des oiseaux impurs), ils ne paraissent jamais dans la Bible comme nourriture des Israélites, alors qu’ils sont aujourd’hui l’une des principales ressources alimentaires en Palestine ; les Syriens non plus n’en mangeaient pas, et leur contact rendait impur pour la journée ; de même Phéniciens et Philistins les vénéraient comme sacrés, ce qui fit accuser les Samaritains par les Juifs d’adorer la colombe.
Son nom grec, peristera, de provenance sémitique, en fait l’oiseau d’Istar (ou Astarté). Presque toutes les religions, d’ailleurs, lui ont attribué un rôle important : des colombes avaient nourri Jupiter, ainsi que plus tard la légendaire Sémiramis, qui avait été enlevée au ciel sous la forme d’une colombe ; c’est l’oiseau de Vénus, dont le temple à Chypre était rempli de colombes ; ces oiseaux servaient à rendre des oracles en Libye, à Dodone, etc. L’origine de tous ces cultes ne peut guère se trouver ailleurs que dans les caractères les plus apparents de la colombe : mœurs douces, paisibles, inoffensives, monogamie, blancheur de certaines espèces, tout assurait à cet animal l’attention et la sympathie.
Mais, tandis que les peuples païens en faisaient un objet d’adoration ou de superstition, la Révélation biblique devait en faire un touchant emblème : la colombe de l’arche apparaît la première, opposée au corbeau (voir ce mot), symbolique porteuse du rameau d’olivier. La tourterelle de l’Éternel représente les siens, persécutés mais fidèles, qu’il n’abandonne pas (Psaumes 74.19) ;
Jésus prescrit à ses disciples la simplicité, l’innocence de la colombe, unie à la clairvoyance du serpent (Matthieu 10.16) ; et les quatre Évangiles rapportent qu’après le baptême du Seigneur le Saint-Esprit apparut sur lui sous la forme d’une colombe (Marc 1.10 ; Matthieu 3.16; Luc 3.22 ; Jean 1.32), alors qu’une voix du ciel proclamait sa sainteté (cf. Hébreux 7.26).
L’art chrétien a développé cette symbolique : la colombe rayonnante représente le Saint-Esprit ou le Seigneur lui-même ; des colombes en nombres divers représentent les dons du Saint-Esprit, les douze apôtres, l’eucharistie, la fidélité, la paix, le martyre, la résurrection, etc.
Jean Laroche
Numérisation : Yves Petrakian