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Communion
Dictionnaire Biblique Westphal

Grec koïnônia, de koïnos, adjectif qui signifie : commun à plusieurs personnes.

1. Koïnônia

Comme le subst. koïnônos, a d’abord le sens d’associé, de compagnon, d’ami. Les apôtres de Jérusalem donnent à Paul et Barnabas « la main d’association » (Galates 2.9) ; Paul en appelle à l’amitié de Philémon (Philémon 1.17) ; Jacques et Jean sont les associés de Simon (Luc 5.10). D’où l’idée de participation à un effort, à une œuvre, à un crime (Matthieu 23.30, cf. 2 Jean 11 ; 1 Timothée 5.22, comparez aussi 2 Corinthiens 6.14).

2.

Dans plusieurs textes, koïnônia désigne la participation des chrétiens à « l’assistance que l’on doit aux saints » (Romains 15.26). Il s’agit ici du devoir des chrétiens aisés de faire part de leurs biens aux chrétiens déshérités. Par ceux-ci, on entendait avant tout, à l’origine, les membres de l’Église de Jérusalem, que leur excommunication de la synagogue avait mis au ban de la société et privés des moyens de gagner leur vie. On disait : « communion dans la diaconie », c’est-à-dire participation au service fraternel, aux distributions charitables (2 Corinthiens 8.4). À lui tout seul le mot koïnônia est quelquefois l’équivalent de « libéralité », « contribution », « collecte » (2 Corinthiens 9.13) et suffit pour désigner le devoir d’assistance (Hébreux 13.16, cf. Romains 12.13 ; Galates 6.6 ; Philippiens 4.16). Le chrétien doit être koïnônikos, c’est-à-dire prompt à donner (1 Timothée 6.18).

3.

Inversement, koïnônia, au sens philosophique et religieux, indique la participation d’un individu aux caractères de la nature humaine ou de la nature divine, ainsi qu’aux biens spirituels (Romains 15.27). Jésus a participé au sang et à la chair (Hébreux 2.14). Dans les Mystères païens, le repas sacré faisait de l’initié le participant de l’énergie de son dieu. L’initié se nourrissait matériellement de son dieu. Ainsi, dans un texte magique il est dit à la coupe : « Tu es du vin et tu n’es pas du vin, mais tu es les entrailles d’Osiris ». C’est à cette communion que Paul fait allusion quand il dit aux Corinthiens : « Je ne veux pas que vous entriez dans la koïnônia des démons » (1 Corinthiens 10.20). Quant à la koïnônia obtenue par la participation au repas du Christ, le repas de la Cène, elle est d’un autre ordre. D’abord parce que le Christ est une victime réelle, qui a donné, dans l’histoire, sa chair et son sang pour la rédemption des pécheurs, et qui a annoncé lui-même son sacrifice avant de l’accomplir (Matthieu 16.21-23 ; Marc 14.21; Luc 20.9-19 etc.) ; ensuite parce qu’après avoir dit : qui mange ma chair et qui boit mon sang a la vie éternelle, il a ajouté que ces paroles étaient d’ordre spirituel et que la chair en elle-même ne sert de rien. Ainsi pouvons-nous comprendre que la communion à laquelle Jésus appelle ses disciples dans le repas de la sainte Cène est une communion à son Esprit, une participation à sa vie divine, mystiquement liée au geste symbolique qu’il accomplit lorsqu’étant là, à table, présent et vivant dans son corps, il dit en langue araméenne : « Ceci, mon corps » (Marc 14.22 ; voir Cène). La représentation de son corps par le pain et de son sang par la coupe enseigne aux chrétiens que la communion à laquelle ils sont appelés par leur Maître est une commémoration de sa mort, une acceptation de la rançon qu’il a payée, un engagement dans leur devoir de rachetés, devoir ainsi formulé par saint Paul : « Je vous exhorte, par les compassions de Dieu, à offrir vos corps en sacrifice vivant, saint, acceptable par Dieu, ce qui est votre culte rationnel » (Romains 12.1). La communion de la chambre haute s’accomplit au-dessus de toute matérialité, dans l’ordre de la moralité la plus élevée. C’est la communion spirituelle où se réalise le culte en esprit du Dieu qui est Esprit (Jean 4.23 et suivant).

4.

Nous atteignons ici au sens de koïnônia = communion de la nouvelle créature avec la divinité : la communion en Jésus (1 Corinthiens 1.9), au sang de Jésus (1 Corinthiens 10.16), aux souffrances du Christ (Philippiens 3.10 ; 1 Pierre 4.13), avec le Dieu qui est lumière (1 Jean 1.6 et suivant), avec le Père et le Fils (1 Jean 1.3) et par le don du Saint-Esprit (2 Corinthiens 13.13), participation à la nature divine (2 Pierre 1.4) et à la gloire qui doit apparaître (1 Pierre 5.1). Tous ces traits, qui caractérisent la communion chrétienne avec Dieu et Jésus, sont résumés dans cette définition de Paul aux Éphésiens : la koïnônia du mystère de Christ, mystère caché de toute éternité en Dieu, le créateur de toutes choses (Éphésiens 3.4-9, comparez Colossiens 1.27 ; Colossiens 2.2 ; Colossiens 4.3). Ce mystère, c’était l’œuvre de la rédemption et du rétablissement de l’humanité dans la filialité divine. Nul n’a mieux compris et retenu l’enseignement du Christ sur cette koïnônia que l’apôtre Jean, qui en expose les conditions et les effets dans les pages où il rapporte les entretiens de la chambre haute (Jean 14 ; Jean 15 ; Jean 16). Méditer ici l’image du cep et des sarments (Jean 15.1 ; Jean 15.11), avec la parole centrale : « Demeurez en moi et je demeurerai en vous » (cf. Jean 14.21 ; Jean 14.23). À ces déclarations répondent les affirmations de Paul : « Christ est ma vie » (Philippiens 1.21), « ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ qui vit en moi » (Galates 2.20). On voit par là que cette koïnônia n’est pas un état de passivité, une extase mystique, mais qu’elle garde à tous ses degrés son caractère primordial de « participation ». Dans ses conditions comme dans ses privilèges, elle manifeste chez le chrétien qui en jouit des bénédictions reçues et des devoirs à accomplir. L’humain et le divin ne se pénètrent que par une action réciproque. Dieu se donne à l’homme par la grâce de Jésus-Christ, l’homme se donne à Dieu par la foi en vue du service chrétien. Aussi la communion avec la divinité n’existe-t-elle réellement que là où elle porte ses fruits dans la communion fraternelle (1 Jean 3.10 ; 1 Jean 4.21).

5.

La communion fraternelle est la koïnônia où s’exprime la réalité de notre communion avec Dieu et Jésus. Aussi le Maître et ses apôtres reviennent-ils sans cesse sur ce sujet (cf. 1 Jean 3.16 ; Philippiens 2.1 ; Philippiens 1.5 ; Philémon 1.6 ; 1 Jean 1.3 ; Hébreux 10.33). Jésus donne les principes de cette communion dans le Sermon sur la montagne (Matthieu 5 ; Marc 6 ; Marc 7). Paul en formule les conditions dans 1 Corinthiens 13. Jean lui consacre toute sa grande épître (1 Jean). Dans la prière sacerdotale, elle est l’objet central de l’intercession du Christ : « Qu’ils soient un, comme nous sommes un » (Jean 17.11 ; Jean 17.20 et suivant). Pour Jésus, la « communion des saints », que proclamera plus tard le Symbole des apôtres, est l’argument décisif qui convaincra le monde de la réalité de la rédemption. En effet, les divisions au sein de la famille humaine sont le fruit direct de la chute ; de même, la communion fraternelle rétablie parmi les chrétiens de tout temps, de tous peuples, de toute opinion, est la preuve qu’une force régénératrice est entrée dans l’humanité, que le racheté du Christ est vraiment une nouvelle créature et que le Royaume de Dieu est reconstitué sur la terre usurpée par Satan. Un croyant qui sait à quel prix Jésus l’a aimé et qui a vraiment conscience de ce que Jésus a fait pour lui, ne peut pas ne pas éprouver de la joie a vivre en commun avec ceux qui ont expérimenté les mêmes grâces et qui sont l’objet du même amour. Ce qui peut séparer : notion ou forme du service, lui apparaît secondaire auprès de ce qui unit : le service lui-même. C’est ce qu’avaient compris les apôtres de Jérusalem quand ils admirent Paul dans leur koïnônia (Actes 15 ; Galates 2.9). La grande hérésie dans le monde chrétien n’est pas d’ordre intellectuel, elle est d’ordre moral ; elle est dans le fait que les disciples qui se réclament du même Sauveur et participent aux mêmes bénédictions spirituelles se refusent à s’aimer, à se comprendre, à se supporter, à s’entr’aider les uns les autres, et qu’ils en viennent même, sous prétexte de zèle, à haïr et à persécuter des frères (Philippiens 2.1 et suivant, 1 Corinthiens 1.10 ; 1 Corinthiens 1.16 ; Galates 5.13-15 ; Marc 3.24).

Au contraire de cet état de choses, que nous voyons sévir dans toute l’histoire de l’Église à travers les siècles et qui suffirait à expliquer la grande pitié du Royaume de Dieu sur la terre après dix-neuf siècles de prédication de l’Évangile, nous voyons dans l’Église primitive de Jérusalem la communion fraternelle s’exprimer spontanément en communauté des biens. Les prophètes messianiques avaient déjà dit à l’Israélite fidèle : « Partage ton pain avec celui qui a faim » (Ésaïe 58.7). La première communauté de Jérusalem, dans l’enthousiasme de la fraternité en Christ et aidée dans son geste par la conviction que Jésus allait bientôt reparaître, poussa la solidarité chrétienne jusqu’à mettre tout en commun (Actes 2.42 ; Actes 2.47). C’était la koïnônia sociale dans sa réalisation la plus émouvante : « Personne ne disait que ce qu’il possédait fût à lui en particulier » (Actes 4.32). Mais ne faisons pas dire aux textes ce qu’ils ne renferment pas. La communauté des biens qui manifesta la communion fraternelle à l’aurore de l’Église n’avait rien du bouleversement économique que le communisme préconise de nos jours. Tout y était volontaire et individuelle expression des sentiments du cœur. Le droit de propriété comme le droit pour chacun de disposer de ce qui lui appartient n’était pas contesté. Nous en avons la preuve éclatante dans ces paroles de Pierre à Ananias : « Si tu n’avais pas vendu ton champ, ne te serait-il pas resté ? et après l’avoir vendu, n’étais-tu pas libre d’en garder le prix ? » (Actes 5.4). C’est pourquoi nous voyons bientôt, dans les Actes (Actes 6), les nécessités imposées par le développement de l’Église et par les persécutions qu’elle souffrait, amener la koïnônia à s’exprimer dans la diakonia, le service fraternel où les chrétiens qui ont des biens temporels se montrent empressés à subvenir aux besoins des frères dans le dénuement. De ce que la diakonia s’est pervertie dans la suite en aumône, laissant subsister le paupérisme et même l’entretenant au sein de l’Église, il ne faut point conclure que les chrétiens ont trahi le christianisme en abandonnant la primitive communauté des biens, mais simplement qu’ils sont devenus incapables de la communion fraternelle qui inspire le véritable amour des grands pour les petits, des heureux pour les malheureux et qui permet, dans la liberté des initiatives, l’organisation familiale du Royaume de Dieu fondé par Jésus-Christ.

Alexandre Westphal


Numérisation : Yves Petrakian