Introduction.
Cette lettre n’est pas, en réalité, la première que Paul ait écrite à l’Église de Corinthe. C’est au moins la seconde (cf. 1 Corinthiens 5.9). L’apôtre a eu avec les Corinthiens une correspondance active. 2 Corinthiens 2.3 et suivant suppose une autre épître, intermédiaire, qui s’est perdue. La première et la deuxième lettres canoniques ne sont que la première et la deuxième en date de celles qui nous ont été conservées.
Certains auteurs considèrent 1 Corinthiens comme un modèle de composition « Peut-on », écrit Godet, « se représenter une méthode plus ferme et plus sûre d’elle-même que celle d’après laquelle sont ordonnées les matières si diverses traitées dans notre épître ? Jamais, nous paraît-il, édifice intellectuel ne fut conçu et exécuté plus admirablement ». D’autres, par contre, se fondent principalement sur 1 Corinthiens pour dénier à Paul tout talent d’écrivain ; au jugement de Renan, « Paul n’avait pas la patience qu’il faut pour écrire ; il était incapable de méthode ». Certains critiques invoquent la prétendue incohérence de 1 Corinthiens pour en contester l’intégrité. Ces opinions extrêmes ne se justifient point. L’analyse de l’épître ne permet pas d’établir un plan strict et aussi parfaitement ordonné que celui d’un bon traité philosophique. C’est d’ailleurs le lot habituel de toutes les lettres authentiques, et particulièrement de celles où l’on rencontre une abondance de thèmes variés. Cependant, l’étude attentive montre que 1 Corinthiens ne mène pas à l’aventure, de sujet en sujet. Le ton est donné habilement dès les premières lignes, et les parties se succèdent suivant un certain plan. D’autres épîtres pauliniennes, aux soucis moins variés, ont plus de cohésion ; mais toutes gardent la spontanéité et la liberté du véritable genre épistolaire, dont elles représentent une espèce originale et qui exige un soin particulier. La plupart, en effet, sont destinées à être lues dans une ou dans plusieurs communautés.
Après des instructions, avis, exhortations et des salutations, Paul termine par une bénédiction et une déclaration d’amour chrétien. Le verset final est précédé de cet avertissement étrange (verset 22) : « Si quelqu’un n’aime point le Seigneur, qu’il soit anathème ! Maranatha… » Ce terme a-t-il quelque rapport avec ce qui précède, où figure-t-il isolément, comme un signe de ralliement, peut-être comme un sceau (Godet) ? Toutes les suppositions ont été faites. Les deux mots araméens dont cette expression est formée peuvent être maran atha ou marana tha. Dans le premier cas, on traduit : notre Seigneur est venu (Chrysostome) ou notre Seigneur est proche (Meyer, Béer, etc.) ; on peut ; aussi traduire ; notre Seigneur est le signe (Ch. Bruston).Dans le deuxième cas, plus probable, on aurait ici l’original araméen d’une prière courante dans l’Église primitive : Seigneur, viens ! (cf. Apocalypse 22.20, Didaché 10.6).
On compte 91 « hapax » (Romains en a 96 ; 2 Corinthiens 92 ; Éphésiens 38 ; Philippiens 36 ; Colosiens 34 ; Galates 33). La phrase est relativement courte et nette, comme il convient dans une lettre aussi pratique. Seuls quelques passages, celui des viandes par exemple, ont des tournures embarrassées. Par contre, on trouve de fort belles envolées (chapitres 13 et 15), où le style, emporté par l’inspiration, acquiert une aisance, une majesté, un rythme, une harmonie qui font honneur à la langue commune, assez pauvre en productions littéraires.
Les idées abstraites sont rares chez Paul, sans cesse préoccupé de réalisations ; elles le sont particulièrement ici. Pourtant, le chapitre 15 permet de juger du développement et de l’état de sa pensée dans le domaine eschatologique. Alors qu’en 1 et 2 Thessaloniciens le problème du moment de la parousie était au premier plan, sans qu’il fût peut-être soupçonné que les chrétiens, vivants ou morts, eussent à subir, pour cet événement, des modifications organiques importantes, dans 1 Corinthiens 15 la question principale est celle de la nature de la résurrection. L’effort intellectuel et religieux de Paul se traduit par sa notion originale du corps spirituel, dont tous les hommes, vivants ou morts, doivent être revêtus au moment de la parousie (1 Corinthiens 15.52). Cet effort se poursuivra, intense, jusqu’à 2 Corinthiens, qui marquera un progrès nouveau (cf. article 2 Corinthiens, I, 1ère p.). La mystique paulinienne s’élève, en 1 Corinthiens 13, jusqu’au niveau des plus belles envolées johanniques. L’amour est présenté comme la vertu et le bien suprêmes. Les notions pratiques prépondérantes en 1 Corinthiens ne sont aucunement négligeables. Par les horizons qu’elles ouvrent sur la mission chrétienne primitive, sur l’activité de l’apôtre, sur le milieu de cette activité, sur la vie intense et variée, pleine de risques, de problèmes, d’imprévus, d’une vaste communauté paulinienne, elles constituent l’introduction indispensable à l’ecclésiologie d’Éph., et le fondement d’une saine théorie de l’Église.
Ne fut jamais contestée que par un petit nombre d’extrémistes, dont les opinions bizarres n’ont guère que le mérite de leur étrangeté. Avec Romains, 2 Corinthiens, Galates, 1 Corinthiens appartient au groupe des quatre grandes épîtres que Baur, le chef de l’école de Tubingue, considérait comme inattaquables.
Vers l’an 90, Clément de Rome, écrivant aux Corinthiens, se réfère expressément à la lettre de Paul. Le passage typique est celui-ci : « Reprenez l’épître du bienheureux apôtre Paul : Que vous a-t-il écrit, premièrement, au commencement de l’Évangile ? En vérité, il vous a donné des directions spirituelles sur lui-même, Céphas et Apollos, parce qu’alors déjà vous vous livriez à des préférences » (chapitre 47). On rencontre des allusions à 1 Corinthiens, dont certaines ont le caractère de citations, dans les épîtres d’Ignace, de Polycarpe, dans le Pasteur d’Hermas, l’épître à Diognète, la Didaché, dans les écrits de Justin Martyr. Les plus anciens Canons de l’Église (Muratori, vers 175) et de l’hérésie (Marcion, vers 140) renferment 1 Corinthiens ; elle est utilisée, comme faisant partie de l’Écriture sainte, par Athénagore, Théophile, Irénée, Tertullien, Clément d’Alexandrie, etc.
Elle a été présentée par Bruno Bauer et Havet, qui font de 1 Corinthiens un produit de la philosophie judéo-alexandrine. Elle a été reprise par Loman et l’école radicale hollandaise. Le Bernois Steck a supposé l’existence d’une société de faussaires constituée à Rome au IIe siècle pour composer et éditer certains écrits, dont les épîtres pauliniennes, et, en particulier, celle-ci.
On peut écarter immédiatement les preuves métaphysiques tirées soit du panthéisme hégélien (Bruno Bauer), soit du monisme matérialiste (Loman), et tendant à établir qu’une personnalité historique puissante, comme celle de Jésus ou de Paul, est impossible. L’argument tiré du silence des Actes sur les faits supposés par 1 et 2 Corinthiens, n’a guère plus de poids ; bien d’autres événements ne sont pas relatés dans Actes ; l’auteur ne prétend pas tout raconter. On ne voit pas ce que la disparition de deux autres lettres aux Corinthiens peut prouver contre celles qui nous ont été conservées. Quant à certaines contradictions signalées en 1 Corinthiens, ou bien entre 1 et 2 Corinthiens, à supposer qu’elles soient réelles, on pourrait, tout au plus, invoquer les premières contre l’intégrité, mais non contre l’authenticité.
Elle est fondée solidement sur la critique interne et sur le témoignage des Pères. Les circonstances historiques supposées par l’épître, ses notions théoriques et pratiques, ses menus détails personnels ne se comprennent bien que dans une admission pleine et entière de l’authenticité paulinienne.
1 Corinthiens a été contestée de deux manières.
Cette thèse, qui se confond, sur bien des points, avec celle de l’inauthenticité, et qui tombe alors sous les mêmes critiques, a été soutenue par Voelter, et récemment par Delafosse. Ce dernier a découvert dans 1 Corinthiens, comme dans Romains et ailleurs, quatre couches successives : une assise paulinienne assez mince, un étage marcionite imposant (vers 150) et deux étages catholiques (de 150 à 200). Son critère est d’un simplisme étonnant. Partout où il discerne un élément judaïque, il prononce : messianisme, paulinisme ; partout où il distingue la tendance universaliste et le dualisme moral, il salue : marcionisme ; partout où l’Esprit est en cause, il décide : montanisme ; partout où il s’agit de rédemption ou de résurrection, il décrète : catholicisme. Le moindre changement de ton ou la moindre incidente sont l’indice d’une interpolation ou d’une stratification nouvelle. Aucune école critique n’a pris au sérieux cette méthode et cette argumentation, de pure fantaisie.
Ainsi présentée, la thèse de la non-intégrité n’a rien à faire avec celle de l’inauthenticité. Sous cette forme, elle associe généralement 1 et 2 Corinthiens pour y voir le recueil, plus ou moins complexe et incohérent, de la correspondance paulinienne avec l’Église de Corinthe (Spitta, Kabisch, J. Weiss, Clemen, Loisy). Goguel a proposé le classement suivant : Lettre A la 1ère (cf. 1 Corinthiens 5.9), grouperait, dans l’ordre suivant : 2 Corinthiens 6.14-7.1, 1 Corinthiens 6.12 ; 1 Corinthiens 6.20 ; 1 Corinthiens 10.1 ; 1 Corinthiens 10.22 ; Lettre B (en réponse aux questions des Corinthiens) : 1 Corinthiens 5.1-6 ; 1 Corinthiens 5.11 ; 1 Corinthiens 7.1-8 ; 1 Corinthiens 7.13 ; 1 Corinthiens 10.23-14.40 ; 1 Corinthiens 15.1-58 ; 1 Corinthiens 16.1-9 ; 1 Corinthiens 16.12. Lettre C (écrite à un moment où la situation de l’Église s’est aggravée) : 1 Corinthiens 1.10-4.21 ; 1 Corinthiens 9.1 ; 1 Corinthiens 9.27 ; 1 Corinthiens 16.10-11 Lettre D (la lettre sévère) mentionnée en 2 Corinthiens 2.3 : 2 Corinthiens 10.1-13.10 ; Lettre E (écrite alors que la situation est rétablie) : 2 Corinthiens 1.1-6 ; 2 Corinthiens 1.13 ; 2 Corinthiens 7.2-8. Lettre F (adressée aux églises d’Achaïe) : 2 Corinthiens 9.1-15 le passage 1 Corinthiens 16.15 ; 1 Corinthiens 16.18 rentrerait en B ou C ; le reste serait indéterminable. L’argumentation de l’auteur se fonde principalement sur les incohérences, réelles ou supposées, de 1 et 2 Corinthiens ; sa méthode consiste généralement à grouper en un seul écrit ce qui a trait aux mêmes sujets ; les résultats sont d’une précision déconcertante en leur complexité. Il paraît encore préférable de tenir certains défauts de plan, certaines absences de transitions, certaines répétitions ou certaines digressions, pour la rançon habituelle, et qui, du reste, a ses avantages et ses charmes, du genre épistolaire. On distingue d’ailleurs, en 1 Corinthiens, un souci de composition (cf. I, 1er). Il serait étrange de dénier à un auteur le droit de traiter le même thème à diverses reprises, et surtout en plusieurs écrits. L’amalgame de six lettres et de fragments indéterminés en deux épîtres qui se tiennent est quelque chose de prodigieux, dont l’hypothèse paraît autrement onéreuse que celle de l’intégrité.
Divisaient la communauté corinthienne (1 Corinthiens 1.12). La question du baptême y était sans doute pour quelque chose (1 Corinthiens 1.13-16), le baptisé ayant une tendance à se croire dépendant, peut-être magiquement, de celui qui l’avait baptisé. Paul rappelle qu’il y a un seul baptême, le baptême en Christ. Il mentionne, après ceux qui prétendent le suivre, et qui sont les premiers désavoués, les partisans d’Apollos. On a supposé qu’Apollos était plus ou moins responsable de cet état de division, qu’il prêchait un baptême d’initiation analogue à celui des cultes à mystères (Heinrici), qu’il fut un précurseur des gnostiques marcionites (Farrar). Les textes (1 Corinthiens 3.6 ; 1 Corinthiens 3.8 ; 1 Corinthiens 16.12) montrent, au contraire, qu’il n’existait entre Apollos et Paul aucune opposition, aucune rivalité (B. Weiss, Schmiedel, Godet, Lietzmann). Avec ses talents extérieurs et sa science étendue, le docteur alexandrin avait groupé autour de sa personne un cercle d’admirateurs exclusifs et enthousiastes. Férus de beau langage et d’abstractions, ils paraissent visés dans le passage où Paul attaque la sagesse orgueilleuse (1 Corinthiens 2.6-3.4). Par réaction contre ceux d’Apollos, un parti de Paul s’était constitué ; mais les principes n’étaient pas en cause.
Il en allait autrement du parti de Pierre, qui s’opposait aux deux autres. On ne voit pas qu’il soit visé particulièrement en 1 Corinthiens 3.10-23, dont le ton n’est pas plus acerbe qu’en 1 Corinthiens 3.5 ; 1 Corinthiens 3.9 ou 1 Corinthiens 2.6-3.4, où il peut être question de ceux d’Apollos. C’est en dehors de l’épître qu’il faut rechercher ce que pouvaient être ceux de Pierre. Ils se vantaient de posséder la tradition chrétienne primitive. Ils se réclamaient de Pierre, le principal des témoins oculaires de la vie de Jésus. Peut-être Pierre était-il passé à Corinthe (cf. Eusèbe, Histoire ecclésiastique, II, 25 ; cf. 1 Corinthiens 9.5). La plupart de ses partisans étaient probablement des judéo-chrétiens (Harnack, Bousset).
Les termes, le contexte et la construction du passage (1.12) rendent probable l’existence à Corinthe d’un quatrième parti : le parti de Christ. Certains auteurs ont tenté d’opposer la formule : « et moi de Christ » à celles qui précèdent, comme la formule de Paul, formule d’union proposée à tous les partis (Calvin, Eichhorn, Bleek, von Dob-schùtz, Reitzenstein, Lake). Cette opinion séduisante se heurte à l’ordonnance de la phrase, qui unit les quatre formules et ne permet pas d’opposer la dernière aux trois autres. Elle est visée en même temps que les autres, et particulièrement, par l’exclamation indignée : « Christ est-il divisé ? » ce qui veut dire également : Christ est-il un chef de parti ? Quelques auteurs, embarrassés par le texte et par l’explication à lui donner, ont conclu à l’interpolation du passage : « et moi, de Christ » (J. Weiss, Heinrici, Goguel). La majorité des critiques n’ont pas jugé que la difficulté du texte justifiât ce traitement, et ont admis l’existence d’un parti de Christ. Mais quel est ce parti ? Est-il celui des meilleurs qui, outrés du particularisme des autres, ne se réclament que du Christ (Rückert, Hofmann, Renan) ? Dans ce cas, pourquoi l’apôtre les blâme-t-il ? S’agit-il de pagano-chrétiens faisant de l’Évangile une philosophie morale et de Jésus un nouveau Socrate (Neander, Olshausen) ; de messianistes sectateurs, non de Jésus, mais du Christ juif (C. Schmidt, Godet) ; des partisans d’un certain Crispus (Perdelwitz) ? Ces hypothèses sont toutes plus ou moins fantaisistes. Christian Baur a le mérite d’avoir bien posé la question. Il a mis en avant un texte précis : 2 Corinthiens 10.7, où Paul écrit : « Si quelqu’un prétend être de Christ, qu’il tienne compte de ceci : de même qu’il est de Christ, nous le sommes aussi ». Or, dans ce passage, Paul vise ses adversaires judaïsants les plus acharnés. Voilà sans doute la clé du mystère. Baur, emporté par sa doctrine des deux partis régnant dans l’Église, identifie ceux de Paul et ceux d’Apollos d’une part, ceux de Christ et ceux de Pierre d’autre part. Mais il est juste de maintenir les quatre termes. Reuss, B. Weiss considèrent le parti de Christ comme celui des judaïsants légalistes qui, au contraire des partisans de Pierre, ne respectent même pas les décisions du concile de Jérusalem. Ils prétendent relever directement du Christ. Paul, en 2 Corinthiens, n’hésite pas à manier contre eux, tour à tour, l’ironie et l’invective ; il les appelle : apôtres éminentissimes et faux apôtres (2 Corinthiens 11.5 ; 2 Corinthiens 11.13 ; 2 Corinthiens 11.15 ; 2 Corinthiens 12.11). Telle paraît être la solution la plus acceptable d’un problème délicat et complexe.
Était, sans doute, après la division en partis, le danger qui menaçait le plus gravement l’Église. Une fausse conception de la liberté, favorisée par l’indiscipline et la légèreté grecques (voir Corinthe), avait pour conséquence un laisser-aller générai. Les vertus chrétiennes d’ordre et de contrôle personnel disparaissaient des assemblées et même des agapes. Un cas d’immoralité particulièrement grave était toléré dans l’Église. Il était temps que l’apôtre intervînt.
Paul est à Éphèse, où il compte rester jusqu’à la Pentecôte (1 Corinthiens 16.8). Il a reçu des Corinthiens une lettre (1 Corinthiens 7.1) et une députation de trois personnes (1 Corinthiens 16.17). Il a eu des renseignements sur les partis par les gens d’une maison corinthienne ou éphésienne : ceux de Chloé. Son intention est d’aller à Corinthe pour y prendre des mesures énergiques (1 Corinthiens 4.21 ; 1 Corinthiens 11.34) et pour y séjourner quelque temps (1 Corinthiens 16.5-7).
Le temps, le lieu de la composition des épîtres aux Corinthiens. Paul visita Corinthe pour la première fois et y fonda l’Église en 50-52. Il fit ensuite un séjour à Antioche (Actes 18.23) et entreprit son troisième voyage missionnaire qui le conduisit à Éphèse vers la fin de 54. Il y resta plus de deux ans (Actes 19.10), jusqu’à l’émeute de Démétrius (printemps 57 ?). Il n’est pas possible de dire où et quand il écrivit aux Corinthiens pour la première fois. Il est malaisé d’établir à quel moment de son séjour à Éphèse il composa 1 Corinthiens ; l’une des principales données du problème est la visite mentionnée en 2 Corinthiens 2.1. La construction ne permet guère d’interpréter : « J’ai décidé que ma deuxième visite chez vous ne s’effectuerait pas dans le chagrin » (Heinrici, Drescher). 2 Corinthiens 12.14 ; 2 Corinthiens 13.1 s’y opposent d’ailleurs, puisque cette visite annoncée ne serait pas la deuxième mais la troisième. La traduction normale est celle-ci : « J’ai décidé de ne pas vous faire une seconde visite pénible » (Schmiedel, Bachmann, Lietzmann, Goguel, etc.). Une visite pénible est donc supposée ; c’est la deuxième des trois que Paul fit en tout à Corinthe et dont deux seulement sont mentionnées en Actes, encourageantes l’une et l’autre. Cette visite intermédiaire fut-elle effectuée avant la composition de 1 Corinthiens (Bleek, Reuss, B. et J. Weiss, Zahn) ? 1 Corinthiens 16.7 peut aussi bien faire allusion à un projet abandonné qu’à une visite antérieure (Bachmann, Goguel). La visite mentionnée en 2 Corinthiens 2.1 fut décevante. L’affliction et l’angoisse de l’apôtre lui dictèrent ensuite une lettre qu’il écrivit en pleurant (2 Corinthiens 2.4). Le ton de 1 Corinthiens et l’absence d’allusions ne permettent guère de soutenir ni que cette visite ait été déjà faite, ni que ce soit cette lettre. La visite s’est effectuée après la composition de l’épître (Godet, Weizssecker, Pfleiderer, Jülicher, Bachmann, Goguel). Elle se trouve d’ailleurs annoncée en 1 Corinthiens 4.21 ; 1 Corinthiens 11.34. De Corinthe, Paul gagna la Macédoine où il resta peu de temps. N’ayant pas reçu de meilleures nouvelles de l’Église, il évita l’Achaïe (2 Corinthiens 1.15-16). De retour à Éphèse, il écrivit une lettre angoissée (2 Corinthiens 2.4 ; 2 Corinthiens 2.7 ; 2 Corinthiens 2.6 ; 2 Corinthiens 2.8 ; 2 Corinthiens 12.21). C’est peu après qu’il dut quitter Éphèse, surpris par l’émeute de Démétrius, au printemps de 57. Si la Pentecôte mentionnée en 1 Corinthiens 16.8 est celle de 57, 1 Corinthiens daterait sans doute de fin 56 ou début de 57 ; mais comment situer tous les événements indiqués en quelques mois peu favorables aux voyages ? Cela paraît difficile. Peut-être vaut-il mieux considérer la Pentecôte mentionnée en 1 Corinthiens 16.8 comme celle de 56. Paul aurait effectué ses voyages au début de l’été 56 ; il serait revenu à Éphèse pour y prolonger son séjour. Les données des Actes ne sont pas contredites. S’il en est ainsi, 1 Corinthiens a été composée à Éphèse vers le début de 56, la lettre angoissée en l’été 56, et 2 Corinthiens, de Macédoine, en l’été 57.
Sur les destinataires, cf. III 1° A, et article Corinthe. La composition de 1 Corinthiens a autant de motifs qu’une situation complexe et inquiétante pose de problèmes particuliers. Son but général est justement de remédier à cette situation. Ce fut seulement après deux autres lettres, et un an plus tard, que l’apôtre put faire à Corinthe le séjour prolongé qu’il avait projeté. 1 Corinthiens n’en est pas moins l’une des plus remarquables parmi les épîtres de Paul, et celle, assurément, dont la valeur documentaire est la plus grande. Deux cimes s’y détachent sur le fond étonnamment complexe, mouvant et bariolé de la communauté corinthienne : l’une, à la masse imposante, aux puissants contreforts, est la résurrection (chapitre 15) ; l’autre, fine, élancée, montant plus haut encore, dans un à pic vertigineux, vers les cieux éternels, est l’amour (chapitre 13). Où trouver un tableau plus saisissant et plus inspirant ? H. Cl.
Numérisation : Yves Petrakian