L’Ancien Testament parle plusieurs fois d’hommes auxquels les versions donnent le nom de géants, traduction qui représente divers termes hébreux.
D’après Genèse 6.4, ce sont des hommes à qui leur puissance valut un renom légendaire en Israël. Étymologiquement, les Nephilim seraient : « ceux qui sont tombés, déchus », ou « ceux devant lesquels on tombe » (en admiration ou vaincu), ou encore « ceux qui se distinguent, qui sont remarquables », mais aucune de ces étymologies ne s’impose et ni LXX, ni Vulgate (qui traduit : « géants ») ne semblent s’en être inspirés. Dans la mythologie gréco-latine, les Géants sont des hommes d’une taille énorme que Zeus détruisit (Odyssée, VII, 59), des fils du Tartare et de la Terre qui voulurent escalader le ciel, furent foudroyés par Jupiter et ensevelis sous l’Etna (Ovide, Métam.,1, 152, V 319). Traduire Nephilim par « Géants » c’est donc employer par analogie un terme mythologique pour rendre un mot hébreu qui exprime une idée précise seulement voisine de lui. En tout cas, Genèse 6.4 ne permet pas d’affirmer que les Nephilim étaient des êtres de taille gigantesque ni même d’en faire des demi-dieux. Nous retrouvons les Nephilim dans Nombres 13.33, où les explorateurs hébreux envoyés par Moïse en Canaan leur comparent les Cananéens. L’expression : « nous étions à nos yeux et aux leurs comme des sauterelles », certainement hyperbolique, marque le découragement des explorateurs ; ou bien la confusion existe déjà entre Nephilim et Rephaïm (cf. plus bas), ou bien les explorateurs cherchent à faire partager leur terreur en faisant planer sur les Cananéens un mystère inquiétant : les fils d’Anak sont issus des Nephilim ! Dans la littérature postérieure, Juges 16.8 sous le nom « Fils des Titans » évoque peut-être les Nephilim ; Sagesse 14.6 désigne plus clairement « les orgueilleux géants » comme une race de révoltés contre Dieu. D’après Pseudo-Esdras 5.52 et suivants, la taille des hommes aurait baissé peu à peu ; l’anthropologie préhistorique ne le démontre aucunement, mais il existe une tendance populaire très répandue à considérer les ancêtres comme des géants (ou des nains) et à leur prêter des âges fabuleux.
Nom de la racine gâbar =être fort. Ce terme désigne dans l’Ancien Testament des hommes remarquables par leur vigueur et leur courage : des héros (2 Samuel 1.19) ; il n’est donc pas correct de traduire « géants ».
C’est l’équivalent exact de notre mot « géant ».Rapha (sing.) se rencontre 2 Samuel 21.16-18 ; 2 Samuel 21.20-22 1 Chroniques 20.4 ; 1 Chroniques 20.6 ; 1 Chroniques 20.8, avec une légère variante orthographique ; le pluriel rephaïm (qui désigne aussi les âmes des morts) est fréquent dans l’Ancien Testament pour désigner plusieurs peuplades établies en Canaan, des hommes de taille plus élevée que celle des Hébreux et que ceux-ci redoutaient à cause de leur force et de leur férocité. Au temps de David il y avait des Rephaïm à Gath ; Isbi-Benob, Saph, Goliath le Guittite et l’homme de forte stature ayant douze doigts et douze orteils (2 Samuel 21.16-22) étaient tous quatre des géants de Gath. À la veille de la conquête par Josué, les géants étaient plus répandus. Og, roi de Basan, était le dernier représentant de ceux qui étaient fixés à l’est du Jourdain (Deutéronome 3.11). À l’ouest du Jourdain, les Anakim (les fils d’Anak étaient des Rephaïm : Deutéronome 2.11) avaient leur quartier général dans la région d’Hébron (Nombres 13.22 ; Josué 14.12-15 ; Josué 15.13 ; Josué 11.21 ; Juges 1.20), mais il y en avait aussi dans les régions montagneuses de Juda et d’Israël, dans la plaine philistine jusqu’au bord de la mer (Josué 11.21 et suivant) et au mont Carmel (Josué 17.15). Un nom géographique comme « Vallée des Rephaïm » (Josué 15.8 ; Josué 18.16 ; 2 Samuel 5.18 ; 2 Samuel 5.22 ; 1 Chroniques 11.15 ; 1 Chroniques 14.9), près de Jérusalem, indique aussi pour le moins leur passage, à moins qu’il ne faille traduire ici : « vallée des fantômes » (dans 2 Samuel 5.18 ; 2 Samuel 5.22, LXX traduit : « vallée des Titans »). Si les données ethniques et géographiques de Genèse 14 sont solides (et elles semblent confirmées par celles de Deutéronome 2.10 ; Deutéronome 2.26), il devient possible de faire remonter les différentes peuplades des Rephaïm à une époque très reculée. « Les quatre rois » battent d’abord les Rephaïm à l’est du Jourdain dans la région qui sera le royaume de Og ; plus au sud Ils rencontrent les Zuzim ou Zamzummim (Deutéronome 2.20) dans une région qui sera plus tard occupée par les Ammonites ; puis les Émim dans le pays occupé plus tard par les Moabites ; enfin vers Séir ils battent les Horites qui étaient sans doute des Rephaïm, bien que ce ne soit pas spécifié (Genèse 14.6 ; Deutéronome 2.12 ; Deutéronome 2.22). Genèse 15.20 cite les Rephaïm à côté des Kénites, Hittites, Phéréziens, Amoréens (les Anakim ne sont pas nommés, mais Hébron est appelée « la cité d’Arba », Genèse 23.2 ; Genèse 35.27 ; or Arba était le « grand homme parmi les Anakim », Josué 14.15, père d’Anak, Josué 15.13, et, d’après Nombres 13.22, Hébron fut bâtie par les Anakim).
De tout ce qui précède, il résulte qu’aux temps anciens les Rephaïm occupaient de vastes régions en Palestine, avant la venue des envahisseurs philistins, moabites et édomites. Peut-être faudrait-il donc voir en eux les anciens habitants de la Palestine, en tout cas ceux qui ont précédé les Cananéens. Il se pourrait fort bien que les Rephaïm, ces hommes de haute stature, soient à identifier avec les peuples qui envahirent la Palestine au début du troisième millénaire et dressèrent dans la vallée du Jourdain les monuments mégalithiques dont les restes se sont conservés jusqu’à nos jours. Cette opinion est appuyée par le fait que les Horites (voir ce mot), habitants des cavernes, sont vraisemblablement des Rephaïm. Quoi qu’il en soit, l’Ancien Testament nous montre toujours les Rephaïm comme une race en voie de disparition, dont les individus vivent au milieu d’autres peuples : Og, de la race des Rephaïm, est politiquement un Amoréen (Josué 2.10), Goliath, de la race des Rephaïm, est politiquement un Philistin. Au point de vue ethnographique, il ressort des récits susmentionnés que ces hommes étaient caractérisés par leur grande taille : Goliath mesurait, dit-on, 6 coudées et un empan (ou palme), soit environ 2 m 60 (1 Samuel 17.4) ; à Rabbath-Ammon, on montrait le lit en fer (ou le sarcophage) d’Og, roi de Basan, qui mesurait 9 coudées de long et 4 de large (environ 3 m 50 sur 1 m 60). L’expression : « un peuple de haute taille et nombreux comme les Anakim » (Deutéronome 2.10) indiquerait qu’ils connurent des jours de grande extension ; mais l’intention encourageante de ce passage permet d’y voir une expression hyperbolique. À l’époque où Israël entre en contact avec eux, ils sont assujettis par les peuples de taille normale qui les ont vaincus et semblent leur être supérieurs.
Après David, les Rephaïm ne sont plus mentionnés. Plus tard, on les confondit avec les Nephilim, on parla de leur révolte contre Dieu et on montra divers objets laissés par eux à Hébron, à Damas et ailleurs (Sagesse 14.6 ; Siracide 16.7 ; Siracide 47.4, Baruch 3.26).
L. V
Numérisation : Yves Petrakian