Cet acte symbolique, qui consiste à poser les mains sur une personne ou un animal, a pour point de départ la croyance suivante : par le contact matériel entre deux êtres en la présence de la divinité, la puissance bonne ou mauvaise, les qualités ou défauts de l’un se communiquent à l’autre, en une sorte d’identification. C’est donc un rite de transmission, parfois aussi de communion.
Dans la loi des sacrifices, le fidèle, et plus souvent le prêtre au nom du fidèle, pose la main ou les mains sur la tête de l’animal à immoler (Lévitique 1.4 ; Lévitique 3.2 ; Lévitique 4.4 ; Exode 29.10 etc.), et une identification s’établit entre l’auteur du sacrifice et l’objet de ce sacrifice : le fidèle offrant le sacrifice appartient à Dieu, comme lui appartient la bête qui va être immolée. Ce serait donc ici un rite de communion. Le rapport entre le fidèle et le sacrifice est encore plus sensible dans la cérémonie pour la fête annuelle des Expiations : le prêtre pose les mains sur la tête d’un bouc vivant, confesse sur l’animal les péchés d’Israël et les met « sur la tête du bouc », après quoi celui-ci est chassé dans le désert, où il emporte toutes les iniquités dont il vient d’être chargé (Lévitique 16.20 ; Lévitique 16.22). Sans vouloir pousser le symbolisme trop loin, on peut cependant se représenter que par la confession publique les péchés sont groupés, réunis en un bloc ; alors, par l’imposition des mains, ils passent de la communauté à un tiers. Il s’agirait donc d’un rite de transmission. Moïse consacre Josué comme son successeur en lui imposant les mains ; par cette cérémonie, le grand législateur communique à Josué sa dignité et sa sagesse (Nombres 27.18 ; Nombres 27.23 ; Deutéronome 34.9).
Si les bénédictions se transmettent par l’imposition des mains, il n’en va pas autrement pour les malédictions ; par exemple dans le châtiment du blasphémateur (Lévitique 24.14).
En dehors de cas réglés par la loi, un père bénit ses enfants en leur imposant les mains (Genèse 48.14).
Dans le Nouveau Testament, l’imposition des mains accompagne toujours un bienfait. Les guérisons de Jésus se font souvent (pas toujours) avec ce geste (Matthieu 9.18 ; Marc 5.23 ; Marc 6.5 ; Marc 8.23 ; Marc 8.25; Luc 13.12 et suivant). Jésus impose aussi les mains pour les bénir aux enfants qu’on lui présente (Marc 10.16). Les Actes contiennent plusieurs exemples de guérisons par imposition des mains (Actes 9.12 ; Actes 9.17 ; Actes 28.8). C’est aussi par ce geste symbolique que se communique souvent le don du Saint-Esprit (Actes 8.17 ; Actes 19.6), qui pourtant ne lui est pas lié nécessairement (Actes 2.38 ; Actes 10.44). Baptême, imposition des mains et prière sont associés assez étroitement (Actes 6.6 ; Actes 9.17-19 ; Actes 13.3 ; Actes 19.5 ; Actes 28.8), mais non obligatoirement.
De même que les prêtres israélites étaient consacrés par imposition des mains (Nombres 8.10), de même un usage analogue, sinon identique, apparaît dès le début de l’Église chrétienne : quand, sur la demande des Douze, des aides sont choisis par la communauté de Jérusalem, les nouveaux élus, avant d’entrer en fonction, reçoivent des apôtres l’imposition des mains (Actes 6.6). Les chrétiens d’Antioche imposent également les mains à Barnabas et à Saul, au moment où ceux-ci sont désignés pour leur œuvre missionnaire (Actes 13.3). Timothée fut mis à part de la même manière pour le ministère qu’il exerçait (1 Timothée 4.14 ; 2 Timothée 1.6). L’imposition des mains s’est donc progressivement détachée du baptême, elle a servi à désigner certains fidèles en vue de charges spéciales ; le symbolisme est double : intercession de la communauté, consécration du serviteur ; par cet acte est confirmé le charisme (don spirituel) sans lequel aucun croyant ne peut s’acquitter de la tâche que lui confie le Saint-Esprit ou la communauté.
L’exemple d’Ananias imposant les mains à Saul, celui de l’Église d’Antioche imposant les mains à Barnabas et à Saul, montrent qu’il n’y a pas là une fonction ou un privilège réservés aux apôtres (voir ce mot) ; et aucun passage du Nouveau Testament ne permet de conclure que dans l’Église primitive, après la disparition des apôtres, les évêques aient eu seuls le droit d’imposer les mains.
Le cas de Saul, recevant deux fois l’imposition des mains, à Damas et à Antioche, prouve que cette cérémonie n’est pas une ordination au sens d’une entrée dans une hiérarchie régulièrement organisée.
Le passage 1 Timothée 5.22 (ne te décide pas trop vite à imposer les mains) semble se rapporter à l’imposition conférée aux pécheurs repentants (voir verset 20, 21, 24). Comme c’est par un tel rite que les rabbins juifs autorisaient leurs disciples à enseigner, ce précédent en explique les adaptations chrétiennes, sans trace aucune de notion cléricale d’une transmission de grâces particulières. Rl P.
Numérisation : Yves Petrakian