Dans le dramatique entretien qui commente la parabole des vignerons d’après la relation de Matthieu (Matthieu 21.40-44), lui seul a transformé en dialogue le discours suivi donné par Marc et conservé par Luc. Jésus, visant la sanction divine qui, de l’aveu de ses interlocuteurs, devait suivre le meurtre du « fils », cite en l’appliquant manifestement à sa personne un texte de l’Ancien Testament (Psaumes 118.22), où il est question d’une « pierre rejetée par ceux qui bâtissaient » et « devenue la pierre angulaire ».
Cette pierre angulaire sur laquelle va s’élever un nouvel édifice, destiné à remplacer l’ancienne théocratie, c’est donc lui, le Christ. Le Psalmiste cité semble n’avoir pensé qu’à la destinée du peuple juif, mais l’application du Messie se retrouve dans le Targum et des commentaires juifs anciens. Les deux mots grecs employés par nos évangélistes, et rendus par « pierre d’angle », signifient littéralement « tête d’angle » ; ils désignent donc à la fois une pierre d’angle et une clef de voûte. Ainsi le Christ est tout ensemble le fondement et le Chef de son Église.
Les apôtres devaient être naturellement amenés à reprendre le texte et son application. D’après Éphésiens 2.15-22 et notamment le verset 20, de même qu’une pierre d’angle unit et soutient deux murs, ainsi le Christ réconcilie par son sacrifice, érige en « un temple saint » deux humanités : la juive et la païenne. SaintPierre à son tour (1 Pierre 2.6-8) s’empare du texte Psaumes 118.22, mais en le combinant avec deux textes antérieurs et d’où vraisemblablement il procède : Ésaïe 28.16 ; Ésaïe 8.14. L’idée de l’apôtre, analogue à la prophétie du vieillard Siméon au sujet de l’enfant Jésus (Luc 2.34 et suivant), est que le Christ devient tour à tour pour qui « s’approche » de lui, suivant la confiance qui lui est donnée ou refusée, pierre de soutien et moyen de salut, ou « pierre d’achoppement ». Voir Scandale. Hry B.
Numérisation : Yves Petrakian