Livres apocryphes de l’Ancien Testament. On désigne de ce nom un certain nombre d’écrits qui ne figurent pas dans la Bible hébraïque, mais qui ont été introduits dans sa traduction grecque, dite version des LXX, d’où ils ont passé dans la Bible latine et dans toutes les Bibles anciennes et modernes jusqu’au début du XIXe siècle. Apocryphe est la transcription d’un mot grec qui veut dire « caché ». On cachait des livres sacro-saints, qu’on tenait à dérober aux profanes. On cachait aussi des ouvrages d’origine incertaine et de valeur douteuse qu’on tenait plus ou moins pour suspects. C’est en cette acception défavorable que le terme d’apocryphe a été appliqué aux écrits de l’Ancien Testament dont nous parlons. Il va sans dire que ceux qui les ont ajoutés à la Bible ne leur accolaient point cette épithète ; ils n’en ont pas fait non plus un groupe à part. Les tenant en la même estime que le reste des livres saints, ils les y ont mêlés étroitement et les ont dispersés dans les diverses parties du recueil sacré. Par exemple, un des plus anciens manuscrits des LXX, le Vaticanus, donne le 3e livre d’Esdras entre les Chroniques et Esdras, la Sagesse de Salomon et la Sagesse de Sirach entre Job et Esther, Judith et Tobit après Esther, Baruch après Jérémie, la Lettre de Jérémie après les Lamentations.
La liberté avec laquelle on traitait ainsi les Écritures ne surprendra pas, si l’on se souvient qu’à l’époque où la Bible fut traduite en grec, ni le contenu ni l’ordre n’en étaient définitivement fixés. On la complétait encore en Palestine, au milieu du IIe siècle avant Jésus-Christ. Les Juifs d’Égypte, qui formaient une colonie nombreuse et puissante, ne se firent donc pas scrupule d’ajouter aux livres saints qui leur venaient de la métropole, d’autres écrits qu’ils jugeaient précieux et capables d’édifier les fidèles. L’Église chrétienne primitive sanctionna en quelque sorte leur procédé, puisqu’elle adopta la Bible grecque. Et elle ne fit que suivre l’exemple des Juifs d’Alexandrie lorsqu’à l’Ancien Testament elle ajouta le Nouveau.
D’assez bonne heure, des doutes furent exprimés sur tel ou tel des livres saints qui n’appartenaient pas à la Bible hébraïque. C’est ainsi qu’un ami d’Origène, Julius Africanus, voulait exclure l’Histoire de Suzanne, incorporée dans la traduction grec de Daniel. Ces protestations isolées eurent peu d’écho.
Le premier docteur chrétien qui songea à contester l’ensemble des écrits introduits par les LXX dans le recueil des Saintes Écritures, et qui les traita d’apocryphes, fut Jérôme, l’auteur de la Vulgate (IVe siècle). Chargé par le pape Damase d’une révision de la Bible latine, dont il circulait des copies diverses et plus ou moins altérées, il recourut aux sources et fut amené à suspecter tous les livres de l’Ancien Testament qui ne se trouvent pas dans le canon hébreu ; il déclara dans son Prologus galeatus (préface aux livres de Samuel et des Rois) que ces écrits devaient être rangés parmi les apocryphes et n’appartenaient pas au canon. Néanmoins, il n’osa pas rompre avec la coutume et les admit dans sa traduction. Les idées de Jérôme furent vivement combattues dans l’Église, en particulier par Augustin, et la tradition ancienne fut confirmée : tous les livres admis par les LXX demeurèrent réputés canoniques.
Au XVIe siècle, beaucoup d’écrivains protestants se rallièrent plus ou moins aux vues de Jérôme. Luther admit bien dans sa Bible allemande tous les Apocryphes, mais il les rejeta à la fin de l’Ancien Testament et les fit précéder de cette notice : « Livres qui ne doivent pas être estimés à l’égal de la Sainte Écriture, mais qui pourtant sont utiles et bons à lire ». L’Église luthérienne s’en tint à cette façon de voir. Les calvinistes jugèrent les Apocryphes avec plus de sévérité. Robert Olivétan, dans sa traduction française de la Bible (1535), les donne en appendice, comme Luther, avec cet avertissement : « Les livres qui précèdent (l’Ancien Testament) se trouvent en langue hébraïque et sont reçus de tous. Les suivants sont dits apocyphes… ils n’existent plus ni en hébreu ni en caldéen et ne sont reçus ni tenus pour légitimes ni par les Hébreux, ni par l’Église, ainsi que réfère saint Jérôme. Ils ont été corrompus et falsifiés en maints passages ». La révision de 1588 est plus nette encore : « Ces livres ne sont pas divinement inspirés, comme le reste des Saintes Écritures, et ne doivent pas être produits publiquement en l’Église pour servir de règle aux articles de foi, ni même aux points de vérité de l’histoire sainte. »
L’Église catholique demeura fidèle à la pensée d’Augustin. Le célèbre concile de Trente (1546) proclama la canonicité des livres apocryphes contenus dans la Vulgate, à l’exception toutefois des 3e et 4e livres d’Esdras et de la Prière de Manassé. Quelques docteurs essayèrent, plus tard, de faire une distinction entre les livres de l’Ancien Testament hébreu et les Apocryphes, en donnant à ceux-ci l’appellation de deutérocanoniques. Mais cette tentative eut peu de succès, et le concile du Vatican (1870) confirma le décret du concile de Trente.
La polémique qui s’établit entre le catholicisme et la Réforme, au sujet des Apocryphes, amena les protestants à les traiter avec une sévérité croissante. En Hollande, il fut très sérieusement question de les exclure de la Bible. Il y parut même une édition qui ne les contenait pas (Leyde 1665). Les partisans de la coutume eurent de la peine à faire décider leur maintien par le Synode de Dordrecht. Les Bibles protestantes continuèrent à les imprimer, mais en leur infligeant des préfaces de plus en plus dures. « Ces livres, disait David Martin, en 1707, sont lus de fort peu de monde, et si on en excepte l’Ecclésiastique, la Sapience, le Ier livre des Macchabées et le chapitre 7 du 2e, tout le reste ne vaut presque pas la peine d’être lu. »
Dans de telles conditions, il était inévitable que le maintien des Apocryphes dans les Bibles protestantes finît par apparaître comme un scandale. Ce sentiment se manifesta avec une force particulière en Ecosse, au début du XIXe siècle, dans des milieux fortement attachés au dogme de l’inspiration littérale des Écritures. On y jugea intolérable que la parole humaine fût associée, dans un même volume, à la Parole de Dieu. Tel fut aussi l’avis de quelques Sociétés bibliques locales, affiliées à la Société Biblique de Londres, et elles réussirent à obtenir de cette dernière que les Apocryphes fussent exclus de toutes ses éditions (1826). Les Sociétés bibliques du continent persistèrent, pour la plupart, à les imprimer, mais il parut de plus en plus des éditions qui ne les donnaient pas, et le nombre de leurs lecteurs alla sans cesse en diminuant. En France tout au moins, ils sont à peu près abandonnés, à l’heure actuelle, et on ne les trouve plus guère que dans une publication spéciale de la Société Biblique de Paris (1909).
Que faut-il penser des griefs formulés contre les Apocryphes ? Le plus important — et sans lequel sans doute on n’eût jamais eu l’idée d’en chercher d’autres — c’est l’absence de ces livres de la Bible hébraïque. Mais pourquoi les Juifs de langue grecque n’auraient-ils pas eu le droit, aussi bien que leurs coreligionnaires de Palestine, d’avoir leurs écrits sacrés ? Les chrétiens ne se sont-ils pas cru autorisés à ajouter le Nouveau Testament à l’Ancien ? Au surplus, ils adoptèrent, dès l’origine, non pas la Bible hébraïque, mais la Bible grecque, avec son ordre et son contenu particuliers. On aurait compris que la Réforme, voulant retourner aux sources les plus anciennes, eût abandonné la Bible des LXX pour lui substituer celle des Hébreux. Mais ce n’est pas le parti qui fut adopté. On garda la Bible grecque, avec sa disposition spéciale des matières, en y retranchant les écrits qui ne figuraient pas dans le canon hébreu, ce qui donna à la Bible protestante un certain air de Bible expurgée.
Pour renforcer leur position, les partisans de l’exclusion des Apocryphes avancèrent d’autres arguments. Ces livres, disaient-ils, n’ont pas été reçus de tous, et ils citaient naturellement l’opinion de Jérôme. Mais ils oubliaient volontiers deux faits essentiels :
On a encore élevé des objections contre le contenu des Apocryphes : on a critiqué leur morale, leur piété, leurs dogmes et jusqu’à leurs miracles. Reproches injustes ou tout au moins exagérés. Les Apocryphes sont des écrits parfaitement sains et qui peuvent être mis sans aucun inconvénient entre les mains de tous. Ils ont des conseils d’une prudence parfois poussée jusqu’à l’égoïsme, mais ce trait se retrouve ailleurs aussi dans l’Ancien Testament. La piété qu’ils expriment n’est peut-être pas toujours héroïque, mais elle est simple, sans trop de mièvrerie ni de formalisme. Leur dogmatique diffère fort peu de celle des livres du canon hébreu. Elle n’apporte guère comme nouveautés que l’affirmation très nette de la résurrection (2 Macchabées 7) et celle de l’immortalité de l’âme (Sagesse de Salomon en particulier Sagesse 2.23 ; Sagesse 3.9 ; Sagesse 5.16), idées qui étaient étrangères à l’antique religion d’Israël (la résurrection apparaît timidement dans le livre de Daniel 12.2, et dans un chapitre tardif de Ésaïe 26.19).
On a beaucoup reproché aux Apocryphes quelques passages qui semblaient confirmer des doctrines spécifiquement catholiques : l’intercession des anges (Tobit 12.12) et des saints (2 Macchabées 15.14 ; Baruch 3.4), la rédemption des âmes après la mort et l’efficacité des prières pour les trépassés (2 Macchabées 12.42-45), et enfin le mérite des œuvres (Tobit 4.7 ; Tobit 12.8-14 ; Siracide 3.30). Mais cette dernière idée remplit l’Ancien Testament et apparaît même dans le Nouveau (Jacques 2.24). Quant à l’intercession des anges, elle n’est pas dans le texte allégué : (Tobit 12.12) n’affirme rien de plus que Apocalypse 8.4 (les anges portent à Dieu les prières des hommes). En ce qui concerne l’expiation pour les morts, mentionnée occasionnellement (2 Macchabées 12.45), elle n’est certes pas plus choquante que le baptême pour les morts (1 Corinthiens 15.29). Les raisons mises en avant pour écarter les Apocryphes ne semblent donc pas décisives. Il n’en est aucune qu’on ne pût faire valoir aussi bien contre tel ou tel des autres livres du canon.
On doit reconnaître toutefois que les Apocryphes ne sont pas ce qu’il y a de plus précieux dans le recueil sacré. Ils ne se distinguent pas par leur puissance spirituelle. Leurs auteurs sont des épigones, plus imitateurs que créateurs. Ils vivent sur la révélation de l’ancien Israël bien plus qu’ils ne la continuent. Le souffle prophétique leur fait presque entièrement défaut. Si leur exclusion est fort regrettable au point de vue historique, elle ne fait perdre à la Bible rien d’essentiel au point de vue religieux.
Ni les manuscrits des LXX ni les éditeurs modernes ne sont d’accord soit sur le nombre des Apocryphes, soit sur l’ordre dans lequel il convient de les ranger. Ceux que le concile de Trente a proclamés canoniques sont les suivants : Tobit (ou Tobie), Judith, Additions à Esther ; Sagesse de Salomon (ou Sapience), Sagesse de Jésus fils de Sirach (ou Ecclésiastique), Baruch, avec la Lettre de Jérémie, Additions à Daniel, 1 et 2 Macchabées. On ajoute généralement à cette liste la Prière de Manassé et le 3e livre d’Esdras (admis tous deux en appendice dans la Vulgate), souvent aussi 3 Macchabées, et quelques fois 4 Esdras (appendice de la Vulgate) et 4 Macchabées. Nous ne retiendrons pas ces deux derniers livres ; voir pour l’un Apocalypses et pour l’autre Pseudépigraphes. Les Apocryphes peuvent être classés comme suit, d’après leur caractère littéraire :
« Macchabée », dérivé probablement de l’hébreu maqqaba (marteau), était le surnom de Judas, l’un des fils du prêtre Mattathias, protagoniste de l’insurrection juive contre les rois de Syrie. Ce nom a été étendu aux membres de sa famille, puis à sa dynastie et enfin aux martyrs du judaïsme quels qu’ils fussent (d’où la désignation de 3 et 4 Macchabées livres qui n’ont aucun rapport avec la race de Judas). 1 Macchabées raconte l’histoire du peuple juif pendant quarante années (de l’avènement d’Antiochus Épiphane à Jean Hyrcan, 175-135 avant Jésus-Christ). Il fait le récit des luttes qui lui assurèrent l’indépendance pour plus d’un siècle. C’est un des meilleurs livres d’histoire de la Bible. Chronologie uniforme et précise. Narration simple, claire, suivie, sans exagérations ni légendes, et remarquablement impartiale. L’auteur anonyme, qui vivait très près des événements qu’il rapporte, et qui a pu en connaître des témoins, paraît s’être exactement renseigné. Quoique ses dires ne soient pas exempts d’erreurs de détail, ils semblent dignes de foi. Ses indications géographiques sont justes et ses assertions concordent avec celles des historiens païens. On peut douter cependant de l’authenticité des pièces diplomatiques dont il cite un assez grand nombre (lettre du roi de Sparte Arius au grand-prêtre Onias, lettres des Romains à Judas et à ses frères Jonathan et Simon, etc.). Ces documents, comme les discours des personnages mis en scène, paraissent avoir été librement reconstitués. Certains même ont dû être forgés de toutes pièces. Le livre, très probablement écrit en hébreu ou en araméen (d’après le style et aussi d’après les témoignages d’Origène et de Jérôme), a dû voir le jour vers la fin du IIe siècle ou le commencement du Ier siècle avant notre ère.
Il ne fait pas suite au Ier. Il raconte les événements survenus entre 176 et 161 avant Jésus-Christ. Le récit proprement dit est précédé de deux lettres adressées aux Juifs d’Égypte par les Juifs de Palestine, pour les engager à célébrer la fête de la Purification du Temple, instituée par Judas Macchabée (1 Macchabées 4.41 et suivants, 2 Macchabées 10.1-8). Ces documents sont apocryphes et ne sont probablement pas de l’auteur de l’histoire proprement dite. L’histoire elle-même, qui commence en 2.19, se donne comme l’abrégé d’un grand ouvrage composé par Jason de Cyrène. Ce n’est là vraisemblablement qu’un artifice littéraire. Le récit n’a aucune des qualités de celui de 1 Macchabées, il est déparé par des inexactitudes et des exagérations manifestes : qu’on lise seulement 10.18-23, où 9 000 hommes s’étant réfugiés dans deux tours, Judas en tue 20 000, après qu’un certain nombre se sont échappés ! Seuls les chapitres 3 et 4, qui racontent les intrigues des familles sacerdotales à Jérusalem et qui expliquent fort bien l’intervention des rois de Syrie dans les affaires intérieures de la Judée, avec les persécutions qui s’ensuivirent, présentent une réelle valeur historique. Signalons, à un autre point de vue, les récits de martyres, principalement celui du chapitre 7, qui ont été certainement dramatisés, mais qui ne manquent pas de grandeur. Ils ont ému et réconforté beaucoup de chrétiens à travers les siècles. Le livre, écrit dans une bonne langue grecque, mais qui pèche pourtant par l’abus de la rhétorique, paraît dater des environs de l’ère chrétienne. Son auteur a dû être un pharisien, très zélé pour la Loi, très attaché aux principes théocratiques, fortement imbu du mépris et de la haine de l’étranger. Son ignorance de la topographie de la Palestine autorise à penser qu’il vivait dans la « diaspora » (voir ce mot), en Égypte probablement.
Il est un conte plutôt qu’une histoire. Il raconte les persécutions que le roi d’Égypte Philopator (226-204 avant Jésus-Christ) aurait fait subir aux Juifs établis dans ce pays. Il se distingue par une rhétorique fort ampoulée et par des récits de miracles fantastiques. Son origine peut être placée après celle de 2 Macchabées un peu avant la destruction du Temple par Titus (70 après Jésus-Christ). L’auteur, anonyme, est resté inconnu, comme ceux des deux livres précédents.
C’est une charmante nouvelle, qui eut beaucoup de succès dans l’antiquité, et qui plaît aujourd’hui encore. Elle nous fait pénétrer dans la vie intime d’une digne et pieuse famille juive, qui aurait vécu dans la déportation à Ninive. Elle fut écrite très probablement en grec, par un auteur inconnu. On n’en peut déterminer avec quelque certitude ni le lieu ni la date, qui semble en tout cas antérieure à l’ère chrétienne.
Judith aussi est un conte, dû à un auteur anonyme, qui voulait exalter les sentiments patriotiques et religieux des Juifs. L’héroïne, Judith, une belle et pieuse Israélite, sort de sa ville assiégée et, simulant la trahison, pénètre dans le camp du général assyrien Holopherne. Ayant conquis le chef païen par son intelligence et son charme, elle réussit, par la protection divine, à lui couper la tête, un jour que le sommeil de l’ivresse l’avait terrassé, et elle ramène le sanglant trophée dans la place de Betyloua. Ce dramatique récit, qui a inspiré maintes tragédies, a dû être composé en hébreu ou en araméen (Jérôme affirme l’avoir lu dans cette langue), aux environs de l’an 100 avant Jésus-Christ.
Elles se composent de sept fragments divers intercalés dans ce livre, peut-être par son traducteur grec. Celui-ci a pu les puiser dans la tradition car l’histoire d’Esther a inspiré tout un cycle de légendes. Les « additions » sont antérieures à Josèphe, qui les a utilisées dans les Antiquités judaïques (fin du Ier siècle). On n’en peut préciser autrement la date. Dans le présent ouvrage, les références relatives à ce livre suivent la numérotation de ces morceaux telle que la donne l’édition française de la Soc. Biblique de Paris (apocryphe).
Il est, semble-t-il, un fragment d’une traduction grec qui comprenait les livres des Chroniques, d’Esdras et de Néhémie. Cette version, plus élégante que celle des LXX, a été utilisée par Josèphe, qui l’a connue dans sa forme actuelle. La partie qui en subsiste comprend la fin de 2 Chroniques, Esdras et la fin de Néhémie. Elle se ramène au texte hébreu, auquel elle ajoute trois morceaux, dont deux fort courts et insignifiants. L’autre, qui occupe deux chap (3 et 4), peut s’intituler « Les trois pages de Darius ». Trois jeunes gardes du corps de ce souverain se livrent à un tournoi oratoire, chacun faisant l’éloge de ce qu’il estime être le plus puissant en ce monde : le vin, — le roi, — les femmes et la vérité. Il y a de l’ingéniosité dans ces développements, et même de l’éloquence, surtout dans l’éloge de la vérité. Ce fragment a été composé très probablement en grec ; on ne peut dire s’il appartenait primitivement au texte grec de 3 Esdras, ou s’il y a été interpolé. 3 Esdras est désigné par l’abréviation apocryphe Esdras dans le présent ouvrage.
Cinq fragments assez courts, dont les trois premiers : Suzanne, Bel et le Dragon, n’ont aucun rapport avec le livre de Daniel. Ils y ont été ajoutés (ordinairement à la fin) parce que Daniel en est le héros. « Suzanne » est un joli conte bien connu, qui met en lumière la chasteté d’une jeune femme juive et la sagesse de Daniel encore enfant. « Bel » et « le Dragon » tournent en dérision le culte des idoles. La prière d’Azarias et le Cantique des trois jeunes gens (cf. Daniel 1.6 et suivants) sont un ou deux morceaux lyriques intercalés entre Daniel 3.23 et 3.24. Il n’est pas sûr qu’ils aient été composés tout exprès pour illustrer le contexte où nous les trouvons, ni qu’ils soient de l’auteur de la version grec de Daniel. Peut-être même sont-ils la traduction d’un original hébreu. Ni la date, ni l’auteur, ni le lieu d’origine des « additions à Daniel » ne sauraient être précisés. Le plus probable, c’est qu’ils sont contemporains de la version grecque du livre hébreu, ou un peu antérieurs.
Elle est une brève composition lyrique (15 versets), inspirée par 2 Chroniques 33.12-16. Il ne peut s’agir en aucune façon du texte authentique de la prière que mentionne le passage cité.
Il est un petit écrit en cinq courts chapitres, attribué à Baruch, secrétaire du prophète Jérémie (cf. Jérémie 32.12 ; Jérémie 36.4-26). Il se compose de trois morceaux : le premier (en prose) est une confession des péchés d’Israël, précédée d’une notice sur le « livre de Baruch » ; le deuxième (en vers) est un éloge de la Sagesse ; le troisième (en vers également) contient trois chants sur la captivité et le retour. L’origine de ces fragments sans unité réelle est inconnue. Ils sont postérieurs, en tout cas, au livre de Daniel, que le premier a imité et dont il a même reproduit textuellement quelques lignes.
Elle est adressée aux captifs qui vont être emmenés à Babylone, est une composition apocryphe suggérée par Jérémie 29. Elle s’applique surtout à démontrer le néant des idoles. Elle imite Ésaïe 41 ; Ésaïe 42 ; Ésaïe 43 ; Ésaïe 44 ; Jérémie 10 Psaume 115 Psaume 135. L’origine en est inconnue.
Que les Latins ont nommée l’Ecclésiastique, est le plus gros des livres apocryphes (51 chapitres). L’auteur, qui se désigne lui-même (50.27), s’appelait Jésus, fils de Sirach (texte grec) ou Siméon, fils de Jésus, fils d’Éléazar, fils de Sira (texte hébreu). Il paraît avoir dirigé, à Jérusalem, une école de « sagesse », c’est-à-dire d’enseignement moral et religieux, et il a écrit son livre pour conserver le souvenir de ses leçons. Le contenu de l’ouvrage est analogue à celui des Proverbes. Il est en général plus religieux. Cependant il lui arrive de descendre à des sujets très terre à terre : il donne des conseils sur la politesse et même des prescriptions sur l’indigestion et la colique ! Sa morale est saine et ferme, mais souvent assez dure et voisine de l’égoïsme. Ayant observé les hommes avec soin, il a conservé sur eux peu d’illusions, et moins encore sur les femmes. Il invite ses lecteurs à se défier de leurs semblables, et même de leurs amis. La fin du traité est consacrée à l’éloge des « Pères », depuis Adam jusqu’à Simon, fils d’Onias, auquel est consacré un assez long développement. On a l’impression que l’auteur a vu de ses yeux officier ce grand-prêtre (219-199 avant Jésus-Christ). Cela permettrait de placer la composition du livre au début du IIe siècle avant notre ère. Cette date est également suggérée par la préface du traducteur grec, qui se donne comme le petit-fils de l’auteur, et qui déclare s’être fixé en Égypte la trente-huitième année du roi Évergète (170-116), soit en 132. La Sagesse de Sirach fut écrite en hébreu et en vers, suivant l’usage adopté pour ce genre littéraire (voir Proverbe). Le texte original, que Jérôme encore a connu, disparut ensuite. Il a été retrouvé en partie, au cours des dernières années du XIXe siècle, dans une antique synagogue du Caire. Les feuillets exhumés, dont beaucoup sont en mauvais état, appartiennent à quatre manuscrits différents et donnent environ les deux tiers de l’ouvrage.
Elle ne provient certainement pas du fils de David, mais elle lui ferait honneur. C’est, de tous les Apocryphes, celui qui contient le plus de pensée et de poésie. La première partie (chapitres 1-9) est d’une grande beauté : elle est consacrée à l’éloge de la « Sagesse », qui est célébrée magnifiquement. Dans la deuxième partie (10-19), l’auteur semble s’être proposé de montrer les révélations de la Sagesse dans l’histoire d’Israël, mais, arrivé à la sortie d’Égypte, il s’embarque dans des subtilités parfois ingénieuses mais fort alambiquées, et il s’y noie. Il y a cependant, là encore, une page extrêmement remarquable sur la grandeur et la bonté de Dieu (Sagesse 11.20 ; Sagesse 12.2 ; Sagesse 12.11-18). L’auteur est un Juif demeuré fortement attaché à sa religion et à son peuple, mais qui s’est nourri de la philosophie grecque. Il lui a emprunté notamment l’idée de l’immortalité de l’âme, qu’il développe avec beaucoup d’éclat. Mais il est plutôt poète que dialecticien : l’art de systématiser sa pensée n’est pas son fort. À ce point de vue, il est bien resté israélite. Il vivait probablement à Alexandrie, au Ier siècle avant notre ère. C’est un précurseur de Philon. On a cru reconnaître dans le Nouveau Testament quelques échos de son livre (cf. Romains 1.18-32 et Sagesse 13-14). La langue originale est certainement le grec.
Pour le Nouveau Testament, voir Évangiles apocryphes.
Numérisation : Yves Petrakian