Quand on rapproche les indications données en notes dans nos versions bibliques et dans les commentaires, à propos des mesures juives, on observe entre elles de nombreuses différences. Ainsi la coudée, unité des mesures de longueur, aurait 0,45 m d’après Oltr, et Stapfer (note sur Apocalypse 21.17), 0,48 m d’après Segond
(note sur Matthieu 6.27), environ 0,495 m d’après Bible du Centenaire (note sur Exode 25.10), 0,48 m et 0,72 m d’après la Concordance Segond, 0,525 m d’après le Larousse au XXe siècle. Il en est de même des autres unités. Ces variations proviennent tout d’abord de ce que l’étalon de telles mesures : coudée, pied, doigt, etc., n’est jamais exactement déterminé. De plus, il y avait en Palestine, comme autrefois en France avant l’adoption du système métrique, des mesures de grandeurs différentes portant le même nom. Enfin les rapports établis par les auteurs anciens entre ces mesures et les mesures babyloniennes, grecques ou romaines ne sont jamais absolument précis. La conversion en mesures de notre temps ne saurait donc avoir une rigueur mathématique.
Elles dérivent, comme chez tous les anciens, des parties du corps humain. L’unité est la coudée, c’est-à-dire une longueur mesurée du coude à l’extrémité des doigts ; mais plusieurs sortes de coudées sont mentionnées dans l’Ancien Testament. Deutéronome 3.11, décrivant le lit de Og, roi de Basan, qu’on montrait à Rabba, lui attribue une longueur de 9 coudées et une largeur de 4, et précise qu’il s’agit de « coudées d’homme ». La même expression se retrouve dans Apocalypse 21.17, à propos des mesures de la Jérusalem nouvelle. D’après l’usage qui en est fait, il semble que ce soit la coudée ordinaire de travail. Si le rédacteur de Deutéronome a défini sa coudée, c’est qu’il devait y en avoir une autre de son temps ; ceci est confirmé par 2 Chroniques 3.3 qui donne les dimensions du Temple de Salomon en « coudées de l’ancienne mesure ». Or le prophète Ézéchiel, dans sa vision de Ézéchiel 40 et Ézéchiel 41, décrit ce Temple de Salomon, et son guide en prend les mesures avec une « coudée ayant un palme de plus que la coudée ordinaire » : (Ézéchiel 40.3) ce serait la « coudée d’ancienne mesure » citée précédemment. Il y aurait eu par conséquent deux coudées, l’une de 6 palmes et l’autre de 7, comme dans le système égyptien il y avait une coudée commune de 0,45 m et une coudée royale de 0,525 m. Il y a quelque chose d’analogue dans le système de poids babylonien ; la coexistence d’une mesure royale plus forte et d’une mesure commune plus faible était vraisemblablement destinée à favoriser le gouvernement en matière de taxations et d’impôts.
Cinq sources d’informations permettent de déterminer aussi exactement que possible la longueur de la coudée.
La coudée se divisait en 2 empans, représentant la distance de l’extrémité du pouce à celle du petit doigt dans leur plus grand écart : 0,225 m ou 0,2625 m ; en 6 palmes ou largeurs de main : 0,075 m ou 0,0875 m et en 24 doigts ou largeurs de doigt : 0,01875 m ou 0,021875 m Un seul multiple est indiqué : la canne (Ézéchiel 42.20 ; Ézéchiel 45.6 ; ce dernier texte est obscur : Segond seul traduit « cannes », Crampon, et Version Synodale ont « coudées »). Elle a une longueur de 6 coudées (Ézéchiel 40.5). C’est une des deux mesures effectives mentionnées dans la Bible ; elle est utilisée par le maçon et l’architecte (Ézéchiel 40.3 ; Ézéchiel 40.6 etc.). L’autre mesure effective est le cordeau (voir ce mot), qui se trouve aussi dans Ézéchiel 40.3 ; il est employé par le charpentier dans son travail (Ésaïe 44.13) et sert encore à mesurer les champs (Ésaïe 34.17 ; Amos 7.17), mais sa longueur exacte n’est pas donnée. Il faut ajouter à ces mesures le gomed, mentionné une seule fois dans Juges 3.16 (Segond et Version Synodale, coudée) : c’était la longueur de l’épée d’Éhud, dissimulée sous ses vêtements ; LXX le confond avec l’empan, mais c’était, selon les rabbins, une courte coudée de 5 palmes (0,375 m) les Grecs avaient une coudée analogue (pugmè, d’où pygmée), mesurée du coude à la première articulation des doigts.
Nous laissons de côté le « pas » de 2 Samuel 6.13, et la « petite distance » de Genèse 35.16 ; Genèse 48.7 ; 2 Rois 5.19, qui ne constituent point des mesures à proprement parler. La « journée de chemin » ou « de marche » (voir article) de Nombres 11.31 ; 1 Rois 19.4, avec ses multiples (Genèse 30.36 ; Nombres 10.33 ; Jonas 3.4), correspond à une mesure, analogue à l’« heure de marche », encore employée dans nos campagnes, mais elle était évidemment très approximative et il est impossible de la déterminer avec quelque exactitude. Le « chemin de sabbat » (Actes 1.12) est ainsi nommé parce qu’il représentait la plus longue distance que l’Israélite eût le droit de parcourir un jour de sabbat (voir ce mot). Il était de 2 000 coudées, correspondant à la distance qui séparait l’arche de l’alliance des troupes juives (Josué 3.4), et au territoire qui entourait les villes lévitiques (Nombres 35.5). Selon qu’on calcule en coudées communes ou en coudées royales, on obtient 900 m ou 1 050 m (Bible du Centenaire donne 990 m ; Concordance Segond : 1 050 m ; Cramp, et Oltr, disent : environ 1 km) ; Actes 1.12 précise qu’il y a environ un « chemin de sabbat » de Jérusalem au mont des Oliviers ; Josèphe, de son côté, évalue la même distance à 5 stades, soit 925 à 960 m, ce qui correspond bien à la longueur attribuée au chemin de sabbat. Mais la valeur de celui-ci a varié. La rigueur des préceptes sabbatiques contraignait les Israélites à les tourner. On pouvait doubler le « chemin de sabbat » ; il suffisait de déposer, la veille du sabbat, au terme des 2 000 coudées légales, les aliments nécessaires pour deux repas ; on constituait ainsi un domicile de sabbat d’où l’on pouvait repartir pour 2 000 nouvelles coudées. On pouvait même, en cours de route, à la condition d’employer la formule consacrée, fixer à un point en vue son domicile de sabbat, ce qui donnait le droit d’aller au but fixé et de le dépasser de 2 000 coudées. Dans le Talmud le « chemin de sabbat » équivaut au mille romain = 3 000 coudées.
Des mesures gréco-romaines sont aussi mentionnées dans le Nouveau Testament : le stade (Luc 24.13 ; Jean 6.19 ; Jean 11.18 ; Apocalypse 14.20 ; Apocalypse 21.16) valait de 185 à 192 m ; le mille (Matthieu 5.41) de 8 stades, 1 480 à 1 536 m ; la brasse, mesure de profondeur (Actes 27.28), valait 1,80 m
Système commun | Système royal | |
Coudée | 0,45 m | 0,525 m |
Empan (½ de la coudée) | 0,225 m | 0,2625 m |
Palme (⅓ de l’empan) | 0,075 m | 0,0875 m |
Doigt (¼ du palme) | 0,01875 m | 0,021875 m |
Canne (6 coudées) | 3,70 m | 3,15 m |
Chemin de sabbat (2 000 coudées) | 900 m | 1 050 m |
Stade 185 à 192 m | mesure romaine |
Mille (8 stades) 1 480 à 1 536 m | mesure romaine |
Brasse 1,80 m | mesure romaine |
Les surfaces et les volumes sont le plus souvent indiqués par les dimensions des côtés (Nombres 35.5 ; Nombres 11.31). Cependant, pour les terrains deux mesures étaient en usage. La première représentait, comme dans beaucoup de pays, la surface qu’une paire de bœufs peut labourer en un jour. Elle est mentionnée sous le nom de tsèmèd, signifiant : joug, dans Ésaïe 5.10, où LXX traduit « joug de bœufs », et Vulgate jugerum, ce que nos versions rendent par arpent (nom d’origine gauloise d’une vieille mesure agraire française très variable). Dans 1 Samuel 14.14, où les LXX ont un texte différent ne permettant pas de comparaison, la Vulgate traduit encore jugerum et commente ainsi ce mot : « qui peut être labouré en un jour par les bœufs » ; ici encore nos versions traduisent uniformément arpent. La valeur de cette mesure peut être déterminée par analogie avec l’unité romaine de même nom qui valait 25,18 ares et par rapprochement avec l’unité égyptienne de mesure des terres, qui était le carré de 100 coudées royales ou 27,56 ares.
Une autre mesure agraire correspondait à la quantité de semence nécessaire pour une terre. Dans Lévitique 27.16 le prix d’un champ est fixé à raison de 50 sicles d’argent par homer de semence d’orge (363,70 litres). On a voulu interpréter de même les « deux mesures de semence » de 1 Rois 18.32, ce qui donnerait alors non la capacité mais les termes d’évaluation de la surface du fossé creusé par Élie. Bien que la Mischna emploie la même expression hébraïque que notre texte pour désigner une mesure égale à la surface de la cour du Tabernacle (100 coudées sur 50 d’après Exode 27.9 ; Exode 27.12, soit 13,78 ares), le texte des LXX, suivi par nos versions, semble préférable au texte hébreu obscur, et les deux mesures représentent la capacité du fossé.
La « poignée » (Lévitique 2.2), très approximative, ne faisant pas partie du système hébreu des mesures. La mesure par excellence est le séah, que nos versions traduisent le plus souvent par le terme général, mesure ; dans 2 Rois 7.1, Martin a rendu inexactement séah par sat, et Ostervald encore plus inexactement par sac Dans Ésaïe 5.10, les LXX remplacent épha par « trois mesures », montrant, ce qui est confirmé par ailleurs, que le séah était le ⅓ de l’épha. Épiphane décrit le séah comme un modius de dimension extraordinaire, dépassant du ¼ le modius romain et valant 20 sextarii, tandis que Josèphe le présente comme supérieur de moitié, équivalant à 24 sextarii, d’accord en cela avec un fragment grec anonyme et avec Jérôme (Commentaire sur Matthieu 13.33). Mais Épiphane, dans un autre texte, lui attribue 22 sextarii, ce qui correspond au ⅓ de l’épha babylonien de 66 sextarii. L’épha de 3 séahs était employé pour les matières sèches, la mesure équivalente pour les liquides étant le bath. D’après Ézéchiel 45.11 ils sont égaux, et chacun d’eux vaut 1/10 de homer. L’épha correspond à l’artabe grec, ou métrète. Josèphe l’évalue à 72 sextarii. Le bath était divisé en dixièmes dont le nom nous est inconnu (Ézéchiel 45.14). L’épha et le bath étaient divisés en sixièmes (Ézéchiel 45.13) ; le 1/6 de bath s’appelait le hin, le nom du 1/6 d’épha est inconnu. Le homer contenait 10 éphas ou 30 séahs ; le cor, même mesure pour les liquides, contenait 10 baths ; ils correspondent à 10 métrètes grecs (c’est par erreur que Josèphe dit médimne). Le mot cor dérive du babylonien gour ou gourrou.Le léthek est mentionné dans Osée 3.2, Segond et Version Synodale traduisant avec Vulgate « ½ homer ». Pour Épiphane, le léthek était un grand « orner » (voir ci-dessous) de 15 modii. Le hin est un ½ séah employé pour les liquides. Dans Lévitique 19.36, LXX traduit par khous (mesure grecque de 3,23 l) et Vulgate par sextarius ; mais Josèphe, Jérôme et le Talmud lui donnent une valeur de 2 khous ou de 12 sextarii. Le hin était divisé en ½, ⅓, ¼, 1/6, 1/12 ; le ⅓ de hin était le cab ou kab, le 1/12 le log. Il y eut, dans les derniers temps, un hin sacré valant 3/4 de hin ordinaire et un grand hin de 2 hins sacrés. L’orner (ne pas confondre avec le homer) est une mesure pour les matières sèches ; il est égal à 1/10 d’épha (Exode 16.36) et est parfois appelé issaron. Épiphane l’évalue à 7 sextarii 1/5, et Eusèbe, moins exactement, à 7 sextarii, en l’appelant ce petit gomor » (grec pour orner), mais ce dernier était une mesure de 12 sextarii, ainsi nommée pour la distinguer du « grand gomor » de 15 sextarii (le léthek d’Épiphane). Le kab (2 Rois 6.25) est employé pour les liquides et les matières sèches ; d’après Josèphe et le Talmud il vaut ⅓ de hin ou 4 sextarii ; en d’autres endroits il est évalué à 6 ou 5 sextarii (grand kab = 1 kab ¼). Le log (Lévitique 14.10 ; Lévitique 14.12) sert à mesurer l’huile ; le Talmud l’assimile au 1/12 de hin, 1/24 de séah, ¼ de kab. Josèphe traduit le ¼ de kab de 2 Rois 6.25 par xeste qui est l’équivalent grec du sextarius romain. Le nèbèl, signifiant : outre à vin, mentionné par LXX dans Osée 3.2, à la place du léthek, est de capacité incertaine : 150 sextarii, mais peut-être de grands sextarii syriens, valant 3 baths.
On trouvera plus loin le tableau des rapports des mesures juives entre elles. Certaines de ces mesures suivent la numération décimale ; les autres, une numération sexagésimale ; ces dernières sont la partie la plus ancienne du système.
À l’aide de pareilles données, on peut déterminer la capacité approximative des diverses mesures. Si d’après Josèphe le log équivaut au sextarius, l’épha de 72 logs sera de 39,24 l, en prenant la capacité de 0,545 L, habituellement adoptée pour le sextarius. Ceci concorde avec les autres données faisant du hin le double du khous grec (3,23 l) et fixant l’épha à 38,76 l, et avec celles qui assimilent l’épha au métrète grec de 38,84 l. Mais la capacité du sextarius n’est pas absolument fixée ; elle peut aller à 0,562 l, ce qui donnerait un épha de 40,46 l. Il y a tout lieu de croire aussi que les équivalences données par les différents auteurs sont approximatives ; rien n’est plus facile que de confondre deux mesures de capacité ne présentant pas de grandes différences.
Le log pourrait être aussi l’équivalent de l’unité babylonienne de 0,505 l ; l’épha serait alors de 36,36 l, c’est-à-dire 66 sextarii, ce qui correspondrait à l’égalité d’Épiphane : séah=⅓ d’épha = 22 sextarii.
Le tableau suivant donne la capacité en litres des mesures juives, en prenant comme base le log = 0,505 l, 0,545 l ou 0,562 l.
Homer ou Cor | 363,60 | 392,40 | 404,64 |
Léthek | 181,80 | 196,20 | 202,32 |
Ëpha ou Bath | 36,36 | 39,24 | 40,46 |
Séah | 12,12 | 13,08 | 13,488 |
Grand Hin | 9,09 | 9,81 | 10,116 |
Hin | 6,06 | 6,54 | 6,744 |
Hin sacré | 4,545 | 4,905 | 5,058 |
Orner | 3,636 | 3,924 | 4,046 |
½ Hin | 3,030 | 3,27 | 3,372 |
Kab | 2,020 | 2,18 | 2,248 |
¼ de Hin | 1,515 | 1,635 | 1,686 |
½ Kab | 1,010 | 1,09 | 1,124 |
Log | 0,505 | 0,545 | 0,562 |
1/8 de Kab | 0,252 | 0,272 | 0,281 |
D’autre part l’artabe égyptien est l’équivalent du métréte comme l’épha ; la capacité de l’artabe (36,45 l) ne nous est connue que par des sources égyptiennes, mais elle concorde avec les chiffres précédents. Enfin, dans un texte de Josèphe, le cor équivaut à 41 modii (8,75 l), soit 358,75 l., ce qui donne un épha de 35,87 l. L’épha avait donc bien une capacité pouvant aller de 36 à 40 litres.
Des mesures gréco-romaines sont aussi mentionnées dans le Nouveau Testament. Dans Jean 2.6, la contenance des vases de pierre servant aux ablutions des Juifs est exprimée en métrètes, mesure grecque de 39,24 l. équivalant au bath ; Version Synodale traduit « mesure ».
Oltr, rend exactement : métrète. Dans Apocalypse 6.6, la « mesure » de nos versions est précisée dans le texte original : c’est le chénix (grec khoïnix), mesure grecque de 1,09 l. Enfin dans Matthieu 5.15, le modius romain (boisseau de nos versions) est mentionné ; il valait 8,75 l., mais ce texte fait allusion à l’objet de la mesure, non à la capacité, et en applique le nom à la mesure effective de 1 séah, d’usage courant dans les maisons juives. Voir, figure 227, les principales mesures de capacité retrouvées au cours de fouilles à Jérusalem (cf. Rev. Bbl., 1914).
Comme pour les mesures de longueur, l’évaluation des mesures de poids donnée en notes par nos versions présente de sensibles différences : la Concordance Segond donne pour le talent 35 kg ; Bible du Centenaire, dans note sur Apocalypse 16.21, « plus de 40 kg » ; Cramp (note sur le même texte), « un peu plus de 42 kg » Ici encore une large part doit être faite à l’approximation.
Les mesures de poids des Israélites sont apparentées aux mesures babyloniennes. Les trois principales unités étaient le talent, la mine et le sicle, qui suivaient la numération sexagésimale : 60 sicles faisaient une mine, et 60 mines un talent. Cependant, pour les métaux précieux, il existait une mine de 50 sicles. Le talent restant invariablement fixé à 60 mines, on avait donc un talent de 3 000 sicles et un autre de 3 600. Le système était très complexe : il y avait pour chaque unité deux poids, un lourd et un léger, l’un étant le double de l’autre. Enfin, comme pour les mesures de longueur, la même unité exprimait une valeur différente selon qu’il s’agissait de « poids royaux » ou de « poids communs ». Mention est faite des poids royaux dans 2 Samuel 14.26, mais nous ne parlerons ici que des poids communs. Tableau de mesures proportionnelles de capacité. En combinant les données fournies par les anciens poids babyloniens parvenus jusqu’à nous et par les monnaies, on peut évaluer les trois unités de poids aux chiffres suivants :
Poids lourd | Poids léger | |
Talent or | 49 077 gr | 24 539 gr |
Mine or | 818 gr | 409 gr |
Sicle or | 16,36 gr | 8,18 gr |
Le rapport de la valeur de l’or à celle de l’argent, d’après Hérodote, a été très longtemps de 13 ⅓ à l. Le poids d’argent correspondant à la valeur du sicle or est donc de : 16,36 x 13 ⅓ = 218,1 gr en poids lourd et 109,1 gr en poids léger. Ce poids d’argent, divisé en 10 pièces de 21,81 gr et 10,91 gr, nous donne les unités de base du système de poids connu sous le nom « babylonien ou perse ». Partagé en 15 pièces de 14,54 gr et 7,27 gr, il nous donne les unités de base du système « phénicien ». Ces désignations sont conventionnelles (elles viennent de ce que les Grecs ont associé le premier système aux Perses qui l’utilisaient pour leurs monnaies, et le deuxième aux cités phéniciennes de la côte), mais elles sont pratiques.
Le tableau suivant donne la valeur de chaque unité de poids, en grammes, dans les deux systèmes (quelques-uns des chiffres décimaux étant évalués par excès ou par défaut, plusieurs produits de multiplications en sont légèrement changés).
Système Babylonien | Système Phénicien | |||
Poids lourd | Poids léger | Poids lourd | Poids léger | |
Sicle | 21,81 | 10,91 | 14,54 | 7,27 |
Mine de 50 sicles | 1 090,50 | 545,25 | 727 | 363,50 |
Mine de 60 sicles | 1 308,68 | 654,34 | 872,45 | 436,23 |
Talent de 3 000 sicles | 65 430 | 32 715 | 43 620 | 21 810 |
Talent de 3 600 sicles | 78 520,77 | 39 260,38 | 52 347,18 | 26 173,59 |
La mine est de 50 sicles pour les métaux précieux.
Quel était le système en usage en Palestine ? Les poids trouvés dans les fouilles permettent de répondre à la question. Trois poids de pierre, provenant de Tell Sakâriyé, portent l’inscription apparente : netseph, et pèsent : 10,21 gr, 9,5 gr et 9 gr. Mais la valeur de ces derniers peut être légèrement relevée parce qu’ils présentent des cassures. Un poids portant la même inscription a été trouvé près de Jérusalem et pèse 8,61 gr, mais il devait lui aussi être un peu plus lourd car il est actuellement percé. Un poids de Samarie, du VIIIe siècle avant Jésus-Christ, porte l’inscription : ¼ de netseph et ¼ de sicle ; il pèse 2,4 gr, ce qui donne un netseph de 9,16 gr. Le plus grand de ces poids, tous antérieurs à l’exil, est inférieur de 0,7 gr au sicle léger babylonien (10,91 gr). Il ne peut s’agir d’une dégradation accidentelle de cet étalon babylonien. On se trouve en présence d’une modification volontaire ou même d’un étalon indépendant. Des poids trouvés à Naucratis, dans la basse vallée du Nil, révèlent l’existence d’un étalon de 5,184 gr, dont le double, 10,36 gr, est voisin des poids mentionnés ci-dessus. Trois poids découverts à Lakis (Tell el-Hésy) montrent qu’un tel étalon de 5,18 gr était employé en Palestine. Si nous ignorons et le sens du mot netseph et l’origine de cette unité, son existence et son usage courant en Palestine ne peuvent être mis en doute. Il était probablement en rapport avec les poids en usage à Naucratis, et de peu inférieur au sicle léger babylonien.
Mais, en territoire hébreu, cet étalon s’est modifié après l’exil et il a été remplacé par le sicle « phénicien » de 14,54 gr ou du moins par un poids s’en rapprochant beaucoup. La valeur de ce poids peut être calculée d’après les indications de Josèphe. D’après Exode 38.25, le talent hébreu contenait 3 000 sicles (voir calcul à l’article Monnaie). Josèphe évalue la mine en usage pour l’or à 2 livres ½ romaines (818,625 gr), soit 0,648 gr de plus seulement que la mine lourde (exactement 817,977). Nous savons que, pour Josèphe, le talent contenait 100 mines ; le talent de métal précieux étant de 3 000 sicles, la valeur du sicle peut être calculée :
(100 x 818,625)3000 : = 27,287 gr (sicle lourd), ce qui représente 13,643 gr pour le sicle léger. On suppose qu’il s’agit du sicle « phénicien » sous une forme légèrement réduite, d’autant plus qu’une réduction de ce genre, due probablement à une baisse du prix de l’or, s’est produite à Sidon au IVe siècle avant Jésus-Christ : le poids du sicle d’argent tombe de 28,60 gr à 26,30 gr. Un changement du rapport entre la valeur de l’or et celle de l’argent, qui devient 12 ½ à 1 au lieu de 13 ⅓ à 1, a pu pratiquement nécessiter la modification du poids du sicle, telle qu’elle paraît s’être faite. Bien que les Juifs n’aient pas eu leurs propres monnaies avant l’époque des Macchabées, ils ont pu être influencés par les poids phéniciens.
Le sicle de poids exact a été remis en usage sous la forme du sicle sacré ou sicle du sanctuaire, divisé, d’après Ézéchiel 45.12 et Exode 30.13, en 20 guéras ; LXX traduit 20 guéras par 20 oboles ; l’obole valant 0,727 gr, le poids de ce sicle est donc de 14,54 gr. Le sicle sacré est employé dans le document P pour toutes les estimations (Exode 30.23 ; Exode 38.24 ; Lévitique 27.25) ; en dehors de P il n’est mentionné que par Ézéchiel dans le passage cité plus haut. La moitié du sicle sacré est la béka (hébreu bêqâh) de Genèse 24.28 et Exode 38.26, que nos versions rendent par demi-sicle.
Un seul poids étranger est mentionné dans le Nouveau Testament : la livre romaine (grec, litra) de 327,45 gr (Jean 12.3 ; Jean 19.39).
G. V.
Numérisation : Yves Petrakian