Jusqu’à la période de l’Exil, les métiers sont restés rudimentaires, chaque famille fabriquant elle-même une grande partie de ce qui lui était nécessaire : nourriture, vêtements, ustensiles. Après l’Exil, le peuple, devenu plus solidaire et plus raffiné, eut des ouvriers spécialisés dans les différents corps de métier. Le travail manuel, généralement méprisé chez les anciens, était davantage en honneur chez les Israélites de cette époque, stimulés par les nécessités de la reconstruction de leur patrie dévastée, et encouragés par les ordonnances de la Loi (voir pourtant ; Siracide 38.24 et suivants, une démonstration de la prétendue supériorité de l’étude sur tous les métiers). Au surplus, la spécialisation resta toujours embryonnaire, l’artiste ne se distinguant guère de l’artisan. Le même mot hébreu khdrâch, signifiant : tailleur, dont le sens général est celui d’artisan (Deutéronome 27.15), est aussi traduit suivant les cas dans la Version Synodale : ouvrier (Osée 8.6), forgeron (Ésaïe 41.7), charpentier (Jérémie 24.1), tailleur de pierre (2 Samuel 5.11), sculpteur (Jérémie 10.9), faiseur d’idoles (Ésaïe 45.16), lapidaire (Exode 28.11), etc., etc. Pratiquement, la différenciation des professions se fait moins d’après les objets manufacturés que d’après les matières premières ouvragées, quoiqu’il arrive aussi que la même profession mette parfois en œuvre des matériaux différents.
L’ouvrier est un charpentier (1 Chroniques 22.15), non seulement au sens étymologique de ce mot français (fabricant de chars, de charpentes), mais aussi aux sens voisins de menuisier, ébéniste, carrossier, sculpteur sur bois, et avant tout bûcheron pour abattre le bois (Ésaïe 10.15). À l’époque de David, les charpentiers professionnels sont des étrangers (2 Samuel 5.11, cf. 1 Rois 5.6) ; on n’en trouve d’israélites qu’au temps de l’Exil (2 Rois 24.14 ; 2 Rois 24.16, cf. Jérémie 24.1). Le charpentier est si étroitement associé au maçon dans la construction, que plus tard le grec tektôn, signifiant : constructeur, désignera à la fois l’un et l’autre ; mais le rôle particulier du charpentier est moins de bâtir que d’ornementer l’intérieur des bâtiments de luxe, et surtout que de fabriquer les meubles, ainsi du reste que les instruments agricoles (voir Charpentier).
La Bible ne parle que de cinq espèces de bois travaillés (voir article à leurs noms) : acacia, utilisé pour le tabernacle (Exode 25.5 ; Exode 26.15 ; Exode 27.1 ; Exode 27.6 ; Exode 30.1 ; Exode 30.5) ; cèdre, charpente et boiseries (2 Samuel 7.2 ; 1 Rois 6.10 ; 1 Rois 6.15) ; cyprès, menuiserie (1 Rois 6.15-34) ; olivier, sculpture (1 Rois 6.31) ; sandal, ébénisterie (1 Rois 10.12).
Principaux outils du charpentier. La hache (Deutéronome 19.5 ; 1 Samuel 13.20 ; 1 Rois 6.7 ; Psaumes 74.6), dont le tranchant en métal était fixé sur un manche en bois ; Jérémie 10.3 semble parler d’une herminette ; et 1 Samuel 13.20, Psaume 74 = Ésaïe 10.15, de cognées
Le marteau (1 Rois 6.7 ; Jérémie 10.4), semblable au nôtre, succéda au maillet en bois (Juges 4.21) pour planter les piquets de tente.
La scie (Ésaïe 10.16), d’après les fouilles, était une égoïne, aux dents inclinées vers le manche, à l’inverse de nos scies modernes ; la Bible en mentionne l’usage pour la pierre (1 Rois 7.9) ; c’était un des travaux publics au temps de David (2 Samuel 12.31 ; 1 Chroniques 20.3). Cet instrument servit parfois à un supplice barbare (Hébreux 11.37) ; d’après une tradition juive très tardive ; Ésaïe aurait été scié sur l’ordre du roi Manassé.
Le cordeau, le crayon, le ciseau, le compas sont employés par le fabricant d’idoles (Ésaïe 44.13). Voir encore Clou.
L’ouvrier est un forgeron, dont la besogne est aussi variée : les travaux de forge semblent remonter à une haute antiquité, celle qui succéda à l’âge de pierre (Genèse 4.22). On travaille à diverses époques : airain, fer, étain, plomb (Nombres 31.22). Sous les Juges, les Israélites font forger et aiguiser chez les Philistins leurs charrues et leurs épées (1 Samuel 13.19) ; Salomon doit recourir aux ouvriers tyriens (1 Rois 7.40). Après l’Exil est mentionné le forgeron israélite (Ésaïe 44.12, cf. Zacharie 1.20) ; à l’époque du Nouveau Testament, l’ouvrier en cuivre (2 Timothée 4.14). Voir Métaux, et, pour les métaux précieux, Fondeur.
Sont surtout travaillés l’airain et le fer.
L’airain, alliage de cuivre et d’étain, était le plus souvent utilisé : pour objets cultuels (Exode 38.29 et suivant, 1 Rois 7.41-46), armes (1 Samuel 17.6 ; 2 Samuel 21.16), etc.
Le fer, assez fréquemment cité (Deutéronome 8.9 ; Josué 6.19 ; Josué 22.8, etc., 1 Chroniques 22.3), devient d’un usage courant au temps de l’Exil (Ésaïe 44.12). Les serruriers emmenés par Nébucadnetsar (2 Rois 24.14, cf. Jérémie 24.1 29 : 2) pouvaient être aussi armuriers.
Principaux outils du forgeron : le marteau de forge (Ésaïe 44.18 ; Jérémie 50.23), l’enclume (Ésaïe 41.7), le soufflet (Jérémie 6.29).
L’ouvrier est un tailleur de pierres ou maçon (1 Chroniques 22.15) ; s’il est spécialisé, il est aussi d’origine étrangère jusqu’à l’Exil (2 Samuel 5.11). Il exécute des travaux fort divers : extraction (1 Rois 5.17), taille (1 Rois 6.7), creusement de cuve (Ésaïe 5.2) ou de tombeau dans le roc (Ésaïe 22.16), construction sur un modèle ou un plan (Exode 25.9), édification de murs et de maisons ou d’édifices plus ou moins riches (1 Rois 6ss). Au retour de l’Exil, tout le monde se met aux travaux de reconstruction (Esdras 3.10 ; Esdras 5.2 ; Néhémie 3). L’auteur de 2 Macchabées 2.29, dans sa préface, se compare à l’architecte et au décorateur. Jésus, qui fut comme Joseph constructeur en général et non exclusivement charpentier, emprunte au « bâtiment » des termes de comparaison (Matthieu 7.24 ; Matthieu 21.42 d’après Psaumes 118.22, etc.) ; de même saint Paul (1 Corinthiens 3.9 et suivants, Éphésiens 2.20-22, etc.).
Pour l’origine des pierres ainsi employées, voir Carrière, Guébal, Pierre.
Principaux outils du maçon : la masse (Jérémie 23.29), la scie (1 Rois 7.9), le fil à plomb ou niveau (Amos 7.7), la canne, ou règle à mesurer (Ézéchiel 40.3), le cordeau (Zacharie 1.16).
(voir Poterie). L’argile entrant dans la construction n’exigeait pas d’ouvrier spécialisé (Lévitique 14.12). On crépissait avec une sorte de mortier fait d’argile ou de chaux (Daniel 5.5) ; celle-ci donnait aux murs extérieurs une blancheur éclatante au grand soleil (Matthieu 23.27 ; Actes 23.3). Les parois de terre battue et d’argile desséchée étaient faciles à percer (Matthieu 6.19), de même que les simples toitures de gravats (Marc 2.4).
L’Ancien Testament ne parle pas des ouvriers en cuir, mais les objets de cuir ne manquent pas.
Le tanneur ou corroyeur (Actes 9.43) préparait la peau des animaux domestiques et des poissons (Exode 25.6), par macération dans l’eau, puis extraction des poils à la lime ou au moyen d’acides végétaux. Ce travail malodorant, méprisé des Israélites parce que les animaux morts étaient réputés impurs, s’exécutait habituellement hors de la ville (Talmud Jérémie), quelques fois au bord de la mer (Actes 10.32). Cf. Scholten, Pal. M, I, pages 23 à 32. Le tanneur fabriquait aussi les objets de cuir, casques, boucliers, etc., tandis que chaussures et ceintures se faisaient à domicile.
L’habillement (voir Vêtement) ne nécessitait guère d’ouvrier spécialisé (cf. 1 Samuel 2.19).
Le tissage (voir Filage et tissage) et la broderie (voir ce mot) s’exécutaient ordinairement à la maison. Par contre, pour teindre et fouler, on s’adressa de bonne heure à des professionnels.
Les teinturiers traitaient les étoffes (Exode 35.26) et les peaux (Exode 25.6). La belle image de Ésaïe 1.18 fait allusion à leur travail ou à celui des foulons.
Les foulons (voir ce mot) travaillaient hors de la ville, près d’un étang ou d’une source (2 Rois 18.17 ; Ésaïe 7.3). Le tissu « neuf », littéralement « non foulé » (Matthieu 9.16), était plongé dans une eau alcaline, puis blanchi au soufre, et foulé au pressoir, ou massé à la main ou au pied. Les vêtements déjà portés étaient travaillés à peu près de la même manière pour être détachés (Malachie 3.2).
Pour les métiers concernant la nourriture, voir Alimentation, Maison, Pain, Lait, Moulin, etc.
Les Israélites, essentiellement agriculteurs, n’eurent pas d’industrie particulièrement florissante. Comme dans les grandes cités d’Orient, les ouvriers de leurs villes se groupèrent par quartiers : rue des Boulangers (Jérémie 37.21), val des Fromagers ou Tyropéon à Jérusalem (Josèphe, Guerre des Juifs, V, 4.1), val des Charpentiers (Néhémie 11.36), comme les Israélites du temps d’Achab eurent leurs rues de commerçants à Damas et les Syriens les leurs à Samarie (1 Rois 20.34). Ce sont aussi des corporations que désignent les expressions : maison des ouvriers du fin lin, potiers, etc. (1 Chroniques 4.21), fils des parfumeurs ou des orfèvres (Néhémie 3.8 ; Néhémie 3.31) ; comparez, à Éphèse, la corporation de ce dernier métier (Actes 19.25). Voir Bertholet, Histoire de la civilisation d’Israël 2e page, ch. II
Ls F.
Numérisation : Yves Petrakian