Il importe de distinguer ici les trois termes employés à ce sujet dans la langue du Nouveau Testament :
Hiereus, terme grec usuel pour désigner le prêtre, quelque religion qu’il desserve, est utilisé dans le Nouveau Testament, aussi bien pour le prêtre juif (Luc 1.5 ; Matthieu 8.4 etc.) que pour le prêtre païen (Actes 14.13). Le hiereus est celui qui s’occupe des choses sacrées (hiéra), sacrifices, cérémonies du culte, etc. Les versions françaises ont souvent traduit ce mot par sacrificateur (Calvin, Ostervald, Laus., Oltramare, Segond 1910, premières éditions Version Synodale), traduction qu’on abandonne aujourd’hui pour celle de prêtre (Stapfer, Segond 1901, Crampon, Bible du Centenaire, Version Synodale depuis 1934, Lasserre) : voir L. Gautier, Études, pages 247-276. En effet le hiéreus n’est pas chargé des sacrifices, comme le fait croire le titre de sacrificateur ; il est surtout l’officiant, celui qui préside un rite, un culte.
Presbutéros (d’où sont venus en français le mot savant presbytre, c’est-à-dire ancien, et le mot populaire prêtre) est le comparatif de presbus = vieux, âgé, ancien, vénérable, d’où les sens de : préférable, respectable, précieux, donnés à presbutéros. Ici la notion du prêtre n’est plus avant tout qu’il remplit la fonction de vaquer aux offices sacrés, mais plutôt : celui dont l’âge et l’expérience inspirent le respect et lui confèrent l’autorité.
Diakonos, nom du serviteur, ministre, envoyé le diacre. Étymologiquement, c’est : celui qui court à travers (dia) la poussière (konia)
Le terme hiéreus désigne généralement dans le Nouveau Testament les membres du clergé juif, dans les diverses fonctions qui leur sont attribuées. Ainsi Luc 1.5 ; Luc 1.8 parle du prêtre Zacharie, qui appartenait à la huitième des vingt-quatre classes de prêtres de l’ordre d’Aaron (cf. 1 Chroniques 24.10, classe d’Abija). Matthieu 12.5 cite l’exemple du prêtre officiant le jour du sabbat. Jésus ordonne aux lépreux qu’il guérit d’aller se montrer au prêtre, selon les prescriptions de la loi juive, d’après Lévitique 14.2 et suivants (Marc 1.44 et parallèle, cf. Luc 17.14).
Le seul exemple de prêtre fidèle, et réellement consacré aux intérêts spirituels de l’œuvre de Dieu, cité par les Évangiles, est celui de Zacharie (Luc 1.5-25 ; Luc 1.57-79). Tous les autres paraissent dans les Évangiles, soit pour faire une inquisition — auprès de Jean-Baptiste par exemple (Jean 1.19-27) —, soit pour s’opposer ou faire obstruction à Jésus et à son œuvre ou pour s’efforcer de le mettre dans l’embarras (Jean 7.32 ; Jean 7.45-47 ; Matthieu 21.15 ; Matthieu 21.23 et parallèle), soit même pour chercher à le faire périr (Luc 19.47 ; Marc 14.1 ; Marc 14.10 ; Marc 14.43 ; Marc 14.53-65 ; Marc 15.1 et parallèle, Matthieu 27.3 ; Matthieu 27.10, etc., Jean 11.47 ; Jean 11.50 ; Jean 18.14-19), opposition qui se poursuit jusqu’après sa mort (Matthieu 28.11 ; Matthieu 28.15). Jésus, d’ailleurs, avait pressenti cette opposition des prêtres (Marc 8.31 et parallèle), et n’a pas craint de dévoiler catégoriquement sa pensée à leur égard, dans la parabole des vignerons (Marc 12.1 ; Marc 12.12 et parallèle).
Il ressort de ces différents textes que Jésus a commencé par se montrer respectueux de l’institution de la prêtrise telle qu’elle existait chez les Juifs, mais que leur formalisme et leur résistance au spiritualisme qu’il apportait finirent par aboutir à une opposition constante entre les prêtres et lui, opposition qui devait causer sa mort. Aussi conçoit-on que Jésus, qui eut tant à souffrir du cléricalisme des prêtres de sa nation, n’ait jamais songé à instituer une prêtrise. Nulle part, en effet, les Évangiles ne nous disent qu’il ordonna des prêtres, mais à ceux qu’il choisit pour collaborateurs et continuateurs de son œuvre il dit : « Je vous ferai pêcheurs d’hommes » (Matthieu 4.19) ; « Voici, je vous envoie… » (apostellô, c’est-à-dire : je fais de vous des messagers ; Matthieu 10.16 ; Jean 17.18) ; « Allez, faites de toutes les nations mes disciples » (Matthieu 28.19) ; « Vous serez mes témoins, signifiant : martyrs… jusqu’aux extrémités de la terre » (Actes 1.8). Voir Succession Apostolique.
Même la parole : « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église » (Matthieu 16.18 et suivant) n’implique point l’institution d’une prêtrise. Voir Clefs (pouvoir des).
Le grand-prêtre ou souverain sacrificateur (arkhiéreus) était président du Sanhédrin (Matthieu 26.57 ; Actes 5.27 ; Actes 7.1 ; Actes 23.2) et entrait chaque année, au jour des Expiations, dans le lieu très saint où l’on offrait le sang (Hébreux 9.25). Le plus souvent ce titre est au pluriel (les chefs des prêtres), désignant soit les anciens souverains sacrificateurs, soit les familles privilégiées au sein desquelles on les choisissait. Voir Sanhédrin.
La même opposition marquée par les prêtres à l’égard de Jésus se poursuit à l’égard des apôtres (Actes 4.1-7 ; Actes 4.18-21 ; Actes 5.17 ; Actes 5.24). C’est le grand-prêtre lui-même qui sanctionne la persécution déclenchée à la suite du martyre d’Étienne (Actes 9.18). Plus tard encore il s’opposera à Paul (Actes 22.30 ; Actes 23.2 ; Actes 23.14). Un seul passage du livre des Actes (Actes 6.7) montre les prêtres juifs favorables à la prédication de l’Évangile, et même faisant acte d’adhésion à l’Église naissante. Le fait est d’ailleurs noté par le narrateur comme méritant d’arrêter l’attention.
Dans l’épître aux Hébreux (voir ce mot), Christ est présenté comme « un grand-prêtre compatissant et digne de foi » (Hébreux 2.7 ; Hébreux 4.14 ; Hébreux 5.4 ; Hébreux 5.10). Il est grand-prêtre selon l’ordre de Melchisédec (Hébreux 6.20 ; Hébreux 7.1-3 ; Hébreux 7.11 ; Hébreux 7.18 ; Hébreux 7.26-28 ; Hébreux 8.1 ; Hébreux 8.6), c’est-à-dire supérieur au sacrificateur lévitique selon l’ordre d’Aaron : (cf. Genèse 14.18 ; Genèse 14.20 ; Psaumes 110.4 ; Lévitique 16.2-23-34) le sacrificateur lévitique doit renouveler chaque année le sacrifice d’expiation, en entrant dans le sanctuaire (Lévitique 16.3 ; Lévitique 16.34), tandis que Jésus y est entré une fois pour toutes (Hébreux 9.6-15 ; Hébreux 9.24-26) pour accomplir un sacrifice définitif (Hébreux 10.11-14-19-22). C’est donc par antithèse, et non par similitude, que la prêtrise d’Aaron est mentionnée ici pour illustrer celle du Christ.
C’est à cette même notion du prêtre que se rattache l’idée du sacerdoce universel exprimée par 1 Pierre 2.5 ; 1 Pierre 2.9, d’après Exode 19.8. Le fidèle, nouveau-né de l’Esprit, qui s’approche de la « pierre vivante qu’est Jésus-Christ », devient lui-même une pierre vivante appartenant à la « sainte et royale prêtrise » (hiérateuma hagion, verset 5, et basiléïon hiérateuma, verset 9). L’idée du sacerdoce universel est encore indiquée dans Apocalypse 1.6 : « À celui qui… nous a faits rois et prêtres de Dieu… » ; et 5.10, quand l’Agneau a reçu le livre, et que les vingt-quatre vieillards proclament au sujet des hommes de toute tribu, de toute langue, de tout peuple et de toute nation : « Vous les avez faits rois et prêtres, et ils régneront sur la terre ». Et d’après Apocalypse 20.6, ceux qui participent à la première résurrection échappent au pouvoir de la seconde mort : « Ils seront prêtres de Dieu et du Christ, et régneront mille ans avec lui. »
Quant à la seconde notion, celle de Presbytre, elle a son origine dans l’institution juive des « anciens » ; voir (Exode 3.16 ; Exode 17.5 ; Lévitique 4.15) Ancien.
Dans les Évangiles, les anciens apparaissent comme les détenteurs de la tradition sacrée, tradition que les pharisiens et les scribes reprochent aux disciples de Jésus de transgresser (Marc 7.3 ; Marc 7.5 ; Matthieu 15.2). Ils constituent l’élément conservateur de la nation, soutenant les prêtres, les pharisiens et les scribes dans leur opposition à tout ce qui rompt avec le traditionalisme ; ainsi dans Matthieu 16.21 ; Matthieu 21.23, et dans le complot contre Jésus, les anciens du peuple s’allient aux chefs des prêtres pour chercher à le faire périr (Matthieu 26.3 ; Matthieu 26.47 ; Matthieu 26.57 ; Matthieu 27.1 ; Matthieu 27.3 ; Matthieu 27.12 ; Matthieu 27.20 ; Matthieu 27.41 et parallèle). De même plus tard à l’égard des apôtres (Actes 4.5 ; Actes 4.8 ; Actes 4.23 ; Actes 6.12 ; Actes 23.14 ; Actes 24.1 ; Actes 25.15). À l’occasion, les anciens se mettaient au service des représentants de l’autorité romaine (Luc 7.3).
L’Église chrétienne naissante ne tarda pas à instituer aussi des anciens, pour surveiller la bonne marche et le développement des communautés fondées par les apôtres (Actes 14.23 ; Actes 15.2 ; Actes 15.4 ; Actes 15.6 ; Actes 15.22 ; Actes 15.23 ; Actes 20.17 ; Tite 1.5). Après la conférence de Jérusalem (Actes 15), les décisions prises par les anciens de cette ville et les apôtres avaient autorité sur l’ensemble des autres communautés chrétiennes (Actes 16.4 ; Actes 21.18 ; Actes 21.20). Les conditions requises pour être presbytre sont indiquées dans Tite 1.6. Quant aux devoirs qui leur incombaient, ils consistaient : à visiter les malades (Jacques 5.14), à paître le troupeau de Dieu avec dévouement (1 Pierre 5.1-4), occasionnellement à prêcher et à enseigner (1 Timothée 5.17), et à donner l’imposition des mains aux nouveaux serviteurs de Dieu (1 Timothée 4.14, cf. Actes 13.3). Ils devaient être entourés de respect et d’honneur (1 Pierre 5.5 ; 1 Timothée 5.19). Dans l’Apocalypse, les presbytres, au nombre de vingt-quatre, constituent comme la garde d’honneur entourant l’Agneau au jour du jugement et de l’avènement de la cité sainte (Apocalypse 4.4 ; Apocalypse 4.10 ; Apocalypse 5.5 ; Apocalypse 5.6 ; Apocalypse 5.8 ; Apocalypse 5.11 ; Apocalypse 5.14 ; Apocalypse 7.11 ; Apocalypse 7.13 ; Apocalypse 11.16 ; Apocalypse 14.3 ; Apocalypse 19.4).
Il est difficile de préciser, d’après les écrits du Nouveau Testament, les limites des attributions respectives des presbytres, des diacres et des évêques ou surveillants dans l’Église primitive. D’après Tite 1.5-9, le presbytre et l’évêque paraissent se confondre l’un avec l’autre. Les apôtres s’intitulent parfois eux-mêmes presbytres ; ainsi dans 2 Corinthiens 5.20 et Éphésiens 6.20, le verbe presbeuô, traduit par : « Je remplis les fonctions d’ambassadeur », pourrait aussi se rendre par : « Je remplis les fonctions de presbytre » ; de même dans 1 Pierre 5.1 : « Moi, un presbytre comme eux… » (sunpresbutéros)
Il ressort de cet examen que, dans l’Église chrétienne primitive, la notion du prêtre-sacrificateur (hiéreus), notion commune au judaïsme et au paganisme, a été supplantée par celle du prêtre-presbytre, laquelle paraît avoir été très large à l’origine, s’appliquant au ministère chrétien d’une manière très générale, aussi bien aux diacres qu’aux évêques ou même aux apôtres. Voir Diacre, Gouvernement de l’Église. PL. B.
Numérisation : Yves Petrakian