(Du latin princeps.) Dans nos différentes versions, ce titre représente un grand nombre de mots hébreux ou grecs dont la traduction est loin d’être uniforme et dont la plupart ont le plus souvent le sens de chef (voir ce mot), applicable à des situations et des rangs fort divers, dans les domaines militaire, diplomatique, judiciaire, religieux, etc. ; on les rend aussi par : gouverneur, magistrat, grand, noble, etc. Nous énumérons ces termes originaux en allant des plus communs aux plus rares, nous bornant aux passages où Segond et Version Synodale ont conservé le titre précis de prince. Voir aussi Gouvernement, Roi, Justice rendue.
Sâr, signifiant : qui exerce une autorité ; cf. l’assyrien sarroû = roi, désigne principalement des chefs de tous ordres, israélites ou non (Nombres 21.18) ; des fils de rois (Psaumes 45.17), des courtisans très proches de leurs rois (Psaumes 105.22 ; Ésaïe 10.8 ; Ésaïe 49.7 ; Sophonie 1.8 ; Esther 1.14 ; Ecclésiaste 10.1 ; Ecclésiaste 10.6-17), hauts administrateurs dans l’armée, la justice, le gouvernement, le service du Temple (Ésaïe 32.1 ; Michée 7.3 ; Psaumes 148.11) ; des privilégiés ou des parvenus de la fortune (Ésaïe 23.8 ; Job 3.15 ; Job 29.9 ; Ecclésiaste 10.7), etc. Au figuré, c’est un des titres du Messie, qui l’oppose à la plupart des princes terrestres, en ce qu’il sera le Prince de la paix (Ésaïe 9.5).
C’est le féminin, sârâh, qui désigne des princesses : femmes nobles (Juges 5.29), épouses de seigneurs (Esther 1.18), femmes de qualité, dans le harem royal de Salomon, distinctes de ses concubines (1 Rois 11.3), et même des épouses de rois (Ésaïe 49.23, cf. Lamentations 1.1) ; voir Reine.
Nâsî (qui est élevé), terme applicable au pouvoir suprême en Israël (Exode 22.28 ; 1 Rois 11.34, Segond), est, en dehors de ces deux textes, exclusivement employé par des écrivains sacerdotaux (Ézéchiel, Chroniques, Esdras, document P du Pentateuque). Y sont ainsi désignés : Abraham (Genèse 23.6), divers chefs de clans (Ismaélites, Genèse 17.20 ; Sichem, 34.2 ; Madianites, Josué 13.21), les représentants officiels des maisons d’Israël d’après l’organisation sacerdotale (Nombres 1.16 ; Nombres 1.44 ; Nombres 7.2 ; Nombres 34.18 etc. 1 Chroniques 2.10 ; 1 Chroniques 4.38 ; 2 Chroniques 1.2, etc.).
Ézéchiel appelle prince plutôt que roi l’infidèle Sédécias (Ézéchiel 7.27 ; Ézéchiel 12.10 ; Ézéchiel 12.12 ; Ézéchiel 21.30), prononce une complainte sur les « princes d’Israël », les derniers rois de Juda morts en captivité (Ézéchiel 19), et dénonce aussi sous le nom de princes les grands de Juda responsables avec leurs rois de la ruine de leur peuple (Ézéchiel 21.17 ; Ézéchiel 22.6 ; Ézéchiel 45.8) ; il prédit aussi la ruine des princes étrangers, Tyr, Égypte, Édom, etc. (Ézéchiel 7.16 ; Ézéchiel 30.13 ; Ézéchiel 32.29 ; Ézéchiel 38.2 et suivant)., mentionne les princes de Kédar (cheiks arabes (Ézéchiel 27.21) ; enfin, dans son programme de restauration religieuse le prophète voit à la tête de la communauté « le prince, fils de David (Ézéchiel 34.24 ; Ézéchiel 37.24), nouveau David, qui dans le royaume futur devra cumuler les fonctions de roi et de sacrificateur : il possède un domaine territorial (Ézéchiel 45.7 et suivant) et touche de modestes redevances (Ézéchiel 45.13 et suivants) en retour desquelles il doit fournir les victimes des holocaustes et des sacrifices du culte public (Ézéchiel 46.2 ; Ézéchiel 46.11 et suivants), et gouverner son peuple avec une « droiture » et une « justice » que ses devanciers n’ont pas connues (Ézéchiel 45.9). » (Alexandre Westphal, Sources, volume II, p. 360). Voir Prêtres, III, 3. Au retour de l’exil, Sesbatsar est aussi appelé prince de Juda (Esdras 1.8).
Nâgtd, signifiant : qui est en vue, en tête, a le sens général de prince (Job 31.37 ; Psaumes 76.12 ; Proverbes 28.16) et s’applique fréquemment aux rois d’Israël ou de Juda comme à d’autres souverains (cf. 1 Chroniques 5.2 ; Ézéchiel 28.2), mais on le traduit généralement par chef (1 Samuel 9.16 ; 1 Samuel 13.14etc.) ; il peut être aussi le titre de hauts fonctionnaires du Temple (2 Chroniques 35.8), de chefs de tribus, d’armées, etc. (1 Chroniques 12.27 ; 1 Chroniques 13.1 etc.).
Nâdîb (généreux, noble de caractère, d’où : noble par le rang social) est un terme poétique désignant d’une manière générale grands, nobles et puissants (1 Samuel 2.8 ; Psaumes 47.9 ; Proverbes 17.7 ; Proverbes 25.7 ; Job 34.18 ; Cantique 7.2 etc.).
Nâsîk, signifiant : établi, installé, employé comme synonyme de nâsî (Josué 13.21 ; Ézéchiel 32.30), s’applique aux princes d’Israël (Michée 5.4) comme à ceux des ennemis de Dieu (Psaumes 83.12).
Rôzén (du verbe râzan = peser) introduit la notion de force, celle du potentat (Juges 5.3 ; Habakuk 1.10 ; Psaumes 2.2) qui peut d’ailleurs aussi gouverner avec sagesse (Proverbes 8.15 ; Proverbes 31.4).
Nâzîr (du verbe nâzar = dédier ; voir Naziréen) possède étymologiquement l’idée de consécration (Genèse 49.26 ; Deutéronome 33.16 ; Lamentations 4.7).
Alloûph, signifiant : chef de mille, est rendu une fois par prince dans la Version Synodale (Exode 15.15).
Sèrèn, mot philistin (peut-être apparenté au grec turannos),désigne les tyrans de ce pays (Juges 16.5 ; 1 Samuel 5.8 ; 1 Chroniques 12.19 etc.), au nombre de cinq (Juges 3.3 ; 1 Samuel 6.4), chacun régnant sans doute sur l’une des cinq cités (Josué 13.3 ; 1 Samuel 6.16 ; 1 Samuel 6.18).
Quelques-uns des termes précités se retrouvent dans les livres apocryphes de l’Ancien Testament, mais n’ajoutent pas grand’chose à leur emploi dans les livres canoniques : on y voit, sous le nom de princes, des sortes de vice-rois (Siracide 46.13), des vassaux d’Alexandre le Grand (1 Macchabées 14), des gouverneurs philistins ( Siracide 46.18), des personnages imposants (Siracide 8.8 ; Siracide 39.4 ; Siracide 41.17), parfois avisés et sages (Siracide 44.4) ; quelques-uns deviennent l’objet d’un culte idolâtrique (Sagesse 14.19 et suivant). Au figuré, il faut retenir la belle déclaration du Siracide : « Dieu est le prince du pardon » (Siracide 16.11).
Signifiant : premier, commandant en chef, était sous le régime romain un magistrat en général, ou plus spécialement un magistrat de province, un préfet délégué en une région conquise, enfin le détenteur d’une magistrature suprême. Alors qu’aux trois premières significations correspondent dans nos versions les traductions : chef, juge ou magistrat (Luc 12.38 ; Actes 3.17 ; Actes 7.27 ; Actes 7.35 ; Actes 16.19 etc.), c’est à la dernière que répond le titre de prince. Il est employé au sens propre à propos des princes des nations dans
Matthieu 20.25 ; Actes 4.26 (citation de Psaumes 2.2), passages auxquels s’oppose la proclamation du Prince des rois de la terre (Apocalypse 1.5, cf. Psaumes 89.28). Au figuré, Satan (voir ce mot) est appelé dans les Évangile synoptiques le Prince des démons (Marc 3.22; Luc 11.15 ; Matthieu 9.34 ; Matthieu 12.24), dans le 4e Évangile le Prince de ce monde (Jean 12.31 ; Jean 14.30 ; Jean 16.11), et dans une épître de saint Paul le Prince de la puissance de l’air (Éphésiens 2.2). Ces trois images montrent chacune sous un aspect particulier le Maître de l’empire spirituel du mal, dans un monde ennemi de Dieu ; mais les trois points de vue synoptique, johannique et paulinien s’accordent aussi dans la constatation que le Christ échappe totalement à sa puissance : (Jean 14.30) par sa sainteté (noter, au cours de sa tentation, Matthieu 4 parallèle Luc 4, l’offre de « tous les royaumes du monde et de leur gloire ») il a vaincu le monde (Jean 16.33), il a condamné et chassé le Prince de ce monde (Jean 16.11 ; Jean 12.31, cf. Luc 10.18). L’apôtre Jean peut écrire aux enfants de Dieu : « Celui qui est en vous est plus grand que celui qui est dans le monde » (1 Jean 4.4). L’apôtre Paul avait écrit : « Vont être anéantis les princes de ce monde », qui ont « crucifié le Seigneur de gloire » (1 Corinthiens 2.6 ; 1 Corinthiens 2.8) ; qu’il s’agisse là des autorités humaines responsables de ce crime, ou des esprits qui d’après les Juifs influaient sur le monde (voir Domination, Principauté), leur pouvoir et leur œuvre seront abolis par la victoire du Prince, Seigneur et Roi souverainement élevé par Dieu le Père (cf. 1 Corinthiens 15.25 ; Philippiens 2.9-11). Voir Monde.
Signifiant : premier conducteur ; ou initiateur, introducteur d’une cause première) est précisément le titre supérieur qui élève au-dessus du Prince du péché le « Prince et Sauveur » (Actes 5.31), « le Prince de la vie » (Actes 3.15), par où sans doute il faut entendre l’« auteur » de la vie, comme dans Hébreux 2.10 ; Hébreux 12.2 où se retrouve le même terme avec des déterminations plus précises : « auteur du salut », « auteur de la foi » (voir dernier alinéa de l’article Chef.
Jean Laroche
Numérisation : Yves Petrakian