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Proverbes (livre des)
Dictionnaire Biblique Westphal

Contenu et division

Placé aussitôt après les Psaumes dans le recueil canonique des « Écrits » (divers), le livre des Proverbes comprend 8 parties.

  1. Proverbes 1.1-9.18 : « Proverbes de Salomon…  » Tableaux développés, exhortations, où la justesse du trait, l’art de la composition, la variété des détails (cf. Proverbes 7.6 ; Proverbes 7.23) éclatent souvent en pleine lumière. Ailleurs (cf. Proverbes 1.20-33), la parenté avec la littérature prophétique, notamment avec Jérémie, s’affirme non moins puissamment.
  2. Proverbes 10.1-22.16 : « Proverbes de Salomon ». Petites sentences d’un seul vers mais bipartites presque partout.
  3. Proverbes 22.17-24.22 : « Paroles des sages », sentences en un ou plusieurs vers.
  4. Proverbes 24.23 ; Proverbes 24.34 : « Voici encore qui vient des sages ».
  5. Proverbes 25.1-20 ; Proverbes 25.27 (cf. 2e) : « Voici encore des proverbes de Salomon, recueillis par les gens d’Ézéchias, roi de Juda ».
  6. Proverbes 30, a) versets 1, 14 : « Paroles d’Agur, fils de Jaké, le Massaïte » (la traduction de ce dernier mot, plus probable que « sentences » [Version Synodale, Segond], fait d’Agur un représentant de la région de Massa [voir ce mot]) ; b) v.15-33. Énigmes, surtout sous forme d’énumérations. Prière inspirée par l’humilité et la sagesse.
  7. Proverbes 3.11 ; Proverbes 3.9 : « Paroles du roi Lémuel. Sentences par lesquelles sa mère l’instruisit. » (Ici aussi, lire sans doute : « Lémuel roi de Massa », au lieu de « roi Lémuel, sentences » [voir Lémuel].)
  8. Proverbes 31.10-31 (sans titre) : Eloge de la femme vertueuse (en acrostiche ; voir Alphabétique [poème]).

L’ordre des séries a changé dans les LXX : 1, 2, 3, 6a, 4, 6b, 5, 7, 8. Ni d’un côté ni de l’autre on n’aperçoit un plan quelconque. De cette juxtaposition résulte plutôt l’indépendance primitive des huit collections. On relève en outre beaucoup de doublets, soit dans 1-3, soit entre 1 et 2, 2 et 3, 4 et 5, mais principalement entre les deux blocs les plus considérables, 2 et 5 ; le plus souvent, il a dû y avoir deux emplois séparés du même original, du moins quand l’identité se borne à un membre de phrase. Il est impossible de reconstituer le détail des sources utilisées par chacun des collectionneurs.

But et caractère

Ne cherchons pas ici de simples aphorismes populaires (voir Proverbe) comme il s’en trouve ailleurs, éparpillés dans l’Ancien Testament (2 Samuel 24.14 ; 1 Samuel 10.12 ; 1 Rois 20.11). ou dans le Nouveau Testament (Luc 4.23). Le livre des Proverbes se compose d’œuvres authentiquement littéraires, analogues aux poésies gnomi-ques des Grecs et à celles des anciens égyptiens (doctrine d’Ani, instruction de Pta-rotek, dialogue d’un homme fatigué de la vie avec son âme, proverbes d’Amen-em-opé).

L’ouvrage se propose d’enseigner la sagesse (khokmâ), c’est-à-dire la connaissance pratique des moyens d’arriver au bonheur. Sagesse éminemment religieuse, elle repose avant tout sur la crainte de l’Éternel (Proverbes 1.7 ; Proverbes 9.10, cf. Psaumes 111.10). Ce caractère est surtout accentué dans le prologue du livre (cf. Proverbes 2.5 ; Proverbes 8.35). Morale et religion s’identifient pratiquement avec cette sagesse presque personnifiée. La thora, la loi, pour nos auteurs, c’est plus souvent l’enseignement des sages (ou des parents) que le commandement à proprement parler (cf. Proverbes 1.8 ; Proverbes 3.1 ; Proverbes 4.2 ; Proverbes 6.20 ; Proverbes 6.23 ; Proverbes 7.2 ; Proverbes 13.14). Il n’est presque plus question d’obligations cultuelles (cf. Proverbes 3.9 ; Proverbes 15.8 ; Proverbes 21.3-27).

Cependant la sagesse garde un caractère profane, car elle se confond aussi avec l’intérêt bien entendu (cf. Proverbes 6.32 ; Proverbes 6.35 ; Proverbes 24.17 et suivant, etc.). Le fond de la morale des Proverbes n’est pas plus religieux que ses mobiles ; elle est modérée, bourgeoise, principalement négative : que le pieux lecteur se défie des autres et de lui-même, évite les querelles, veille sur sa langue, fuie tout excès, fauteur de misère. L’amitié elle-même doit produire la prudence : évite de blesser ton ami.

Comme éléments positifs, on préconise le travail et les vertus de la vie familiale. Morale saine et forte, mais sans envolée ; ne soupçonnant pas la possibilité de l’héroïsme, elle passe à peu près sous silence le sacrifice, le pardon, l’amour. Comparez plutôt les Proverbes au Sermon sur la montagne ! Aussi bien, la sagesse hébraïque émanait-elle de gens d’expérience, de vieillards, d’habiles compagnons tels que Jacob, Joseph, Ahitophel, ou encore de politiques, conseillers des rois (cf. Jérémie 18.18 ; Ézéchiel 7.26). Encore qu’on la tienne pour un don de l’Éternel, une faveur divine à se concilier, la sagesse peut être mauvaise (2 Samuel 13.3) quand elle prétend se passer de Dieu (Ésaïe 9.21). Une vieille tradition, adoptée sinon créée par le yahvisme, voulait que l’homme l’eût primitivement acquise au moyen d’un larcin (Genèse 3). La sagesse des Proverbes procède de tout ce passé.

Le sage hébreu fait aussi œuvre d’éducateur. Il appelle volontiers son lecteur : « mon fils », surtout dans les collections 1, 3, 5 et 7. L’enseignement moral que reflète ce livre était très simple et très pur. L’intention pédagogique des préceptes en souligne encore le caractère utilitaire.

Ils sont tout pénétrés d’individualisme et d’universalisme. Les allusions à la nation n’y reviennent que de loin en loin (Proverbes 11.14 ; Proverbes 14.34 ; Proverbes 29.2 ; Proverbes 29.18). Il en sera de même dans la plupart des ouvrages gnomiques du judaïsme. Leurs auteurs, aussi bien que les représentants du légalisme sacerdotal, ne connaissent plus le puissant enthousiasme des prophètes. Voir Sagesse.

Âge du livre

Il est impossible, en effet, d’attribuer à Salomon les collections qui portent son nom : 1, 2 et 5. D’après 1 Rois 4.32, ce roi aurait prononcé 3 000 proverbes ; notre livre contient seulement 935 versets. Les variantes (fréquentes dans 2 et 5 en particulier) ne sauraient provenir du même auteur. Voit-on le possesseur du fameux harem royal se livrer à l’éloge convaincu de la chasteté et de la monogamie ? Les Proverbes jugent la royauté du point de vue d’un petit bourgeois timoré (Proverbes 16.14 ; Proverbes 19.12 ; Proverbes 20.2 ; Proverbes 25.3 ; Proverbes 29.4). La tradition faisait de Salomon le patron du genre gnomique (cf. Ecclesiaste, Sagesse de Salomon), comme elle attribua la poésie lyrique à David et la loi en bloc à Moïse. En outre, la somme des lettres hébraïques composant le nom de Salomon donne 375 et la collection 2 contient 375 versets, résultat obtenu peut-être intentionnellement (cf. Proverbes 25.1 : les chapitres 25-29 contiennent 136 versets, valeur totale des lettres du nom d’Ézéchias).

Cela dit on conçoit l’impossibilité d’assigner une date à chacun des proverbes isolément. Les collectionneurs ont pu travailler durant plusieurs siècles. Mais certains indices permettent d’attribuer à l’ensemble du recueil une date post-exilique. Il ne fait aucune allusion à l’idolâtrie ou au paganisme. La collection 2, la plus ancienne, suppose déjà tombées dans le domaine public de grandes vérités acquises par le prophétisme (cf. Proverbes 16.2 ; Proverbes 20.9 ; Proverbes 21.3, etc.).

Il existe une thora écrite (cf. Proverbes 28.4 ; Proverbes 28.7 ; Proverbes 28.9 ; Proverbes 29.18). Le prologue fait des emprunts au Deutéronome et peut-être au livre de Job. Justice est assimilée à « aumône » dans Proverbes 10.2 ; Proverbes 11.4. La langue est souvent aramaïsante : dans Proverbes 29.18, l’expression « révélation et loi » paraît faire allusion à une sorte de double canon, au moins en formation (loi et prophètes). La personne de la sagesse était inconnue chez les premiers grands prophètes (Ésaïe 5.21 ; Ésaïe 29.14 ; Jérémie 8.8 ; Jérémie 18.18).

L’universalisme des Proverbes peut bien ne pas affirmer encore explicitement que le yahvisme est la religion de tous les hommes ; en admettant que des païens (cf. les amis de Job, les Édomites) soient doués de sagesse, on n’en fait pas néanmoins des ralliés. Mais l’individualisme si prononcé ne date pas d’avant Jérémie et Ézéchiel. Y serait-on parvenu indépendamment du grand courant prophétique ?

L’âge respectif des 8 collections ne se peut déterminer en lui-même. Tout au plus aperçoit-on l’ordre de leur admission dans le recueil. 2 forme le noyau primitif, auquel 3 et 4 servirent d’appendices. Vint ensuite 5, pourvu à son tour de post-scriptum : 6, 7, 8. La préface I ne prit place en tête du livre que lorsqu’il comprenait au moins les séries 2-6, car dans les versets 1,6, sorte d’avis au dernier collectionneur, il y est fait allusion aux paroles et énigmes de 6. Ce prologue, qui ne se donne pas pour une œuvre de Salomon, semble correspondre à la période grecque ; le rôle de la sagesse personnifiée (derrière laquelle sans doute peut s’apercevoir quelque vieille conception mythologique) n’en rappelle pas moins la théorie platonicienne des idées. L’étrangère perverse pourrait être l’hétaïre grecque, qui dut se faire connaître au monde oriental à la suite des armées macédoniennes.

La question de l’origine égyptienne de diverses sentences reste ouverte. Il ne semble pas que, même si l’on est amené à l’admettre sur une assez large étendue, la date de la juxtaposition des collections formant le livre lui-même doive être reportée sensiblement plus haut que la période comprise entre 332 et 190 ; en tout cas ce terminus ad auem est solidement établi par le livre de Jésus, fils de Sirach, qui connaît (Proverbes 16 cf. Siracide 47.17) et imite tous les genres ici représentés.

Jg. M.


Numérisation : Yves Petrakian