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Raca
Dictionnaire Biblique Westphal Calmet

Ce mot, qui était une injure, ne se trouve qu’une seule fois dans le Nouveau Testament : Matthieu 5.22.

Il ne se présente pas assez souvent dans la littérature juive pour qu’on en puisse donner, du moins à propos de ce texte, une traduction très précise. Une note de la version Stapfer va jusqu’à dire que la signification exacte de cette insulte est inconnue. Il semble pourtant qu’on puisse affirmer ce qui suit : Raca est la transcription littérale en grec de l’hébreu correspondant, dérivé de l’adjectif réq qui, au sens propre, signifie « vide ». Au figuré, le mot a pris une signification et une extension péjoratives : on l’employait pour parler d’un homme privé de sens, d’esprit, une « tête sans cervelle », comme celui à qui s’adresse l’épître de Jacques : (Jacques 2.20) « Veux-tu comprendre, homme vain (kéné = vide) que tu es, que la foi sans les Å“uvres est stérile ? »

Dans d’autres cas, réq est appliqué à un homme sans éducation, ou sans dignité, dénué de sens moral. On peut trouver plusieurs exemples de cette dernière acception dans la littérature talmudique. Voir aussi, dans l’Ancien Testament, Juges 9.4, où il est parlé de gens sans aveu à la solde d’Abimélec. Il y a sans doute un rapport, pour la forme et pour le sens, entre « raca » et le mot français « racaille ».

Pour en revenir au texte de Matthieu 5.22, certains interprètes ont cru voir une gradation, quant à l’intensité du mépris ou de l’indignation exprimés, entre le terme injurieux de « raca » et l’appellation de « fou » qu’on trouve dans le même verset : l’un des deux mots viserait plutôt une indigence intellectuelle, et l’autre une carence dans le domaine moral. Mais cette opinion ne repose sur rien de sûr. Quoi qu’il en soit, l’injure exprimée par le mot raca paraît avoir été grave, et nous savons que la loi rabbinique se montrait fort sévère à l’égard de ceux qui en proféraient de telles ; d’ailleurs toute injure, directe ou indirecte, et toute parole diffamatoire ou même simplement satirique étaient considérées comme autant d’offenses graves, passibles du jugement de la Cour suprême, à l’égal du meurtre. Et si Jésus lui-même se montre ici d’une sévérité qui, au premier abord, peut paraître excessive, c’est que, comme toujours, il juge de la valeur ou de la gravité des paroles et des actes par le sentiment, la disposition morale, l’intention profonde d’où ils procèdent. Dans le sentiment qui pousse un homme à dire à son frère raca, Jésus voit la marque d’une disposition d’esprit qui contient en germe l’impulsion au meurtre. C’est donc déjà, au moins en principe, en esprit, une transgression du 6e commandement, qui défend d’attenter à la vie de son prochain.

Quant au sanhédrin dont il est question dans Matthieu 5.22, il se peut qu’il s’agisse de la Cour suprême qui siégeait à Jérusalem, mais aussi, selon d’autres, du sanhédrin local qui siégeait dans chaque ville (cf. Deutéronome 16.18) et dont les membres étaient nommés directement par le grand sanhédrin (voir ce mot).

M. M.


Numérisation : Yves Petrakian