Le nom de Sanhédrin s’applique, à l’époque romaine, à la fois aux petits tribunaux communaux existant dans toutes les villes de la Palestine et au Grand Conseil de Jérusalem dont le rôle était infiniment plus important. Dans le Nouveau Testament, le mot se rapporte toujours au grand Sanhédrin, excepté dans Matthieu 10.17 ; Marc 13.9. Le terme de Sanhédrin est la déformation hébraïque du mot grec sunédrion qui, en dehors du judaïsme, désigne toute assemblée, et en particulier le tribunal. La Mischna emploie cette expression de sanhédrin ou sanhédrin gedola, signifiant : grand Sanhédrin, à côté de bet din haggadol, signifiant : maison du grand jugement. Le Nouveau Testament dit le plus souvent sunédrion (Matthieu 5.22 ; Marc 14.55 et parallèle Marc 15.1 et parallèle, Jean 11.47 ; Actes 4.15 ; Actes 5.21 ; Actes 6.12 ; Actes 22.30 ; Actes 23.1 ; Actes 24.20). C’est le terme dont se sert aussi l’historien Josèphe ; il l’emploie pour la première fois dans les Antiquités (XIV, 5.4), en parlant des cinq conseils de district institués par le proconsul Gabinius (57-55). Un synonyme de Sanhédrin est, pour Josèphe, boulé, signifiant : conseil. Dans le Nouveau Testament nous ne trouvons pas ce mot lui-même, mais un membre du Sanhédrin, Joseph d’Arimathée, y est appelé bouleutès, signifiant : conseiller, Marc 15.43; Luc 23.50. Les autres expressions synonymes pour Sanhédrin sont, dans le Nouveau Testament, presbutérion, signifiant : collège des anciens, Luc 22.66 ; Actes 22.5 et gérousia, signifiant : Sénat, Actes 5.21.
Des tribunaux locaux, sortes de conseils municipaux, existent en Israël depuis les temps les plus reculés. Les « anciens de la ville » sont souvent mentionnés dans les livres historiques de l’Ancien Testament, longtemps avant l’exil. Les réformes d’Esdras et de Néhémie n’y ont rien changé et, à l’époque romaine, l’existence de cette autorité locale appelée sanhédrin, ou « petit sanhédrin », ou boule, est attestée par le Nouveau Testament (Matthieu 10.17 ; Marc 13.9 : « Vous serez livrés aux sanhédrins » ; voir aussi les « anciens » de Capernaüm dans Luc 7.3), par Josèphe et la Mischna. Le « tribunal » auquel Jésus fait allusion dans Matthieu 5.21 est également le petit sanhédrin, opposé au grand Sanhédrin, mentionné au verset 32. D’après Josèphe (Antiquités judaïques, IV, 8.14 ; Guerre des Juifs, II, 20.5), ces tribunaux se composent d’au moins 7 membres. D’après la Mischna (Sanhédrin, 1 6), ce chiffre est porté à 23 pour les communes plus importantes.
Le grand Sanhédrin de Jérusalem, dont les décisions sont reconnues par tous les Juifs, est de date beaucoup plus récente. Les indications rabbiniques qui le font remonter jusqu’au temps de Moïse sont dénuées de fondement. Ni les 70 anciens adjoints à Moïse (Nombres 11.16), ni les notables mentionnés dans Deutéronome 17.8s et dont le rôle est exclusivement juridique ne constituent une autorité comparable à celle du grand Sanhédrin. Nous en rencontrons des traces seulement après l’exil. Encore faut-il descendre jusqu’à l’époque grecque pour trouver une indication sûre. Car il n’est pas certain que les « anciens » cités par Esdras (Esdras 5.5-9 ; Esdras 6.7 ; Esdras 6.14 ; Esdras 10.8) et les « magistrats » cités par Néhémie (Néhémie 2.16 ; Néhémie 4.14 ; Néhémie 5.7 ; Néhémie 7.5) aient été organisés en conseil. L’existence d’un Sénat (gérousia) est attestée par Josèphe depuis le règne d’Antiochus le Grand seulement (223-187). C’est une sorte de gouvernement aristocratique présidé par le grand-prêtre. Désormais, ce Sénat joue un grand rôle dans l’histoire du judaïsme ; surtout les deux livres des Macchabées en font souvent mention (voir notamment 2 Macchabées 11.27). Épurée des éléments hellénophiles, la gérousia survit aux guerres des Macchabées et elle exerce ses fonctions pendant tout le règne des Hasmonéens. Seulement, à la suite de la prise de Jérusalem par Pompée en 63 avant Jésus-Christ, le proconsul Gabinius (57-55), pour assimiler la Palestine aux autres provinces romaines, enlève son importance au Sénat de Jérusalem, en divisant le pays en cinq districts ou sunédria (Flavius Josèphe, Antiquités judaïques, XIV, 5.4 ; Guerre des Juifs, I, 8.5). De la sorte, la gérousia de Jérusalem est rabaissée au rang d’un conseil de district dont la compétence ne s’étend pas aux autres districts. Mais déjà en 47, César met fin à cette division, et l’ancien pouvoir du Sénat est rétabli. Non seulement la Judée, mais aussi la Galilée est, en ce temps, du ressort du Sénat. Ainsi Hérode est obligé de se présenter devant lui pour rendre compte d’actes commis en Galilée (Flavius Josèphe, Antiquités judaïques, XIV, 9.3 et suivants ; c’est à cette occasion que Josèphe applique pour la première fois le terme de Sanhédrin au Sénat de Jérusalem). Hérode, arrivé au pouvoir, tue les membres du Sanhédrin (Antiquités judaïques, XIV, 9.4), mais il les remplace par d’autres, et l’institution subsiste (Antiquités judaïques, XV, 6.2). Après la mort d’Hérode, le royaume étant partagé entre ses fils, la Judée seule dépend du Sanhédrin sous Archélaüs et les procurateurs romains. Mais en même temps, la puissance de ce conseil grandit beaucoup : le pouvoir effectif est désormais entre ses mains jusqu’à la catastrophe de 70. La destruction de Jérusalem entraîne la disparition du Sanhédrin, qui doit céder la place aux organes de l’administration provinciale des Romains.
À Jabné (Jamnia), les Juifs constitueront plus tard un nouveau Sanhédrin qui n’aura de commun que le nom avec le grand Sanhédrin. Composé seulement de scribes, il ne jouera plus de rôle politique et n’aura aucun caractère officiel.
À l’époque de Jésus et des apôtres, le Sanhédrin est la plus haute autorité juridique et administrative. Toutes les questions trop importantes pour être réglées par les tribunaux locaux sont portées devant lui, à moins qu’elles ne soient du ressort exclusif des procurateurs romains. Juridiquement, sa puissance est limitée, en ce temps, à la Judée. Jésus n’est mis en accusation qu’à Jérusalem. Pourtant les décisions du Sanhédrin engagent moralement tous les Juifs ; ainsi Paul est porteur de lettres adressées par le Sanhédrin aux synagogues de Damas (Actes 9 2 22.5 26.12). Le Sanhédrin dispose de la police (Marc 14.43 ; Actes 4.3 ; Actes 5.17 et suivants). Il est autorisé à prononcer la condamnation à mort, même sur un citoyen romain lorsque celui-ci a franchi une certaine limite dans le temple (Flavius Josèphe, Guerre des Juifs, VI, 2.4). D’après Jean 18.31, toutes les condamnations à mort doivent être confirmées par le procurateur romain. Mais cette question est fort controversée de nos jours. Les circonstances du martyre d’Étienne (Actes 7.57) ne sauraient être invoquées contre le caractère obligatoire de l’autorisation du procurateur, si vraiment il a été mis à mort au milieu d’un rassemblement tumultueux de la foule.
D’après la Mischna (traité Sanhédrin), le Sanhédrin se compose, conformément au nombre des « anciens » mentionnés dans Nombres 11.16 de 71 membres nommés probablement à vie et par cooptation, et reçus par le rite de l’imposition des mains. Sous la présidence du grand-prêtre, ils se réunissent dans une salle spéciale, à l’est de la place appelée Xyste (voir ce mot), probablement sur la colline du temple (Flavius Josèphe, Guerre des Juifs, V, 4.2). C’est par exception que le procès de Jésus a lieu au palais du grand-prêtre.
D’après le Nouveau Testament et Josèphe, le noyau du Sanhédrin est formé par les représentants les plus influents du haut clergé, les « archiprêtres », cités toujours en premier lieu dans le Nouveau Testament Les autres membres sont des « scribes » ou des « anciens ». Puisque le Sanhédrin comprend avant tout l’aristocratie sacerdotale, l’influence du parti des Sadducéens (voir ce mot) y prédomine. Mais, depuis Alexandra, des scribes y entrent en plus grand nombre (voir Pharisiens), et désormais l’influence pharisienne grandit dans le Sanhédrin. À l’époque du Nouveau Testament, les deux tendances y sont représentées : (Actes 23.6) les Sadducéens ont une plus grande autorité extérieure dans l’assemblée, mais les Pharisiens inspirent l’esprit de ses décisions.
Numérisation : Yves Petrakian