Les régions bordées par l’Arménie, la Perse, le golfe Persique et le désert de Syrie doivent leur fertilité et leur civilisation aux deux fleuves célèbres qui les arrosent : le Tigre et l’Euphrate. Les Grecs appelaient bien à propos ces contrées : Mésopotamie, « au milieu des fleuves ». Dans l’antiquité, la surface bordée par les deux rivières était bien plus restreinte qu’aujourd’hui, car le cours de l’Euphrate est maintenant à l’Ouest, celui du Tigre à l’est de leur cours de jadis ; d’autre part, la terre a envahi le golfe Persique sur une étendue de plus de 100 km (les villes de Éridou et Our étaient anciennement sur la mer). Les deux fleuves débouchaient d’ailleurs dans la mer séparément. On peut dire que l’Euphrate est le fleuve de la Babylonie, tandis que le Tigre est le fleuve de l’Assyrie. Sur l’ancien cours inférieur de l’Euphrate s’élevaient les villes de Éridou, Our, Larsa, Shourouppak, Nippour, Kish, Babylone et Sippar ; sur le cours supérieur du Tigre florissaient les villes de Assour, Kalah et Ninive. Le cours tranquille de l’Euphrate et le cours tumultueux du Tigre semblent avoir laissé leur empreinte sur le caractère national respectif des Babyloniens et des Assyriens.
À l’époque la plus reculée, nous trouvons deux peuplades distinctes en Babylonie : au sud les Sumériens (voir Asianiquhs), au nord les Accadiens, de race et de langue sémitiques. Les Assyriens sont de même des Sémites. Dans les temps historiques, la Mésopotamie a été envahie par les peuplades voisines, les Élamites, les Kassites, les Amorréens, les Araméens, sans pourtant modifier dans une mesure considérable ses caractères ethniques.
Arbelles est la seule ville de l’ancienne Mésopotamie qui n’ait pas disparu : les autres sont toutes ensevelies, oubliées. Le rabbin Benjamin de Tudela (1160) est le premier qui ait donné, après des siècles de silence, une description des ruines de Ninive et de Babylone. Marco Polo, qui visita Bagdad et Mossoul, ne semble pas s’être intéressé aux ruines. Depuis lors, Babylone fut visitée par le médecin allemand Rauwolff (1574), par le commerçant anglais Eldred (1583), par Shirley (1599), qui vit aussi Ninive ; par Cartwright (1611), par Pietro délia Valle (1614-26), et par bien d’autres depuis. Tous, excepté le premier, commettent l’erreur de confondre Babylone avec Bagdad. Jean Otter, de l’Académie Royale des Inscriptions, détermina à peu près, sur les données des géographes arabes, l’emplacement de Babylone et de Ninive. Le Carmélite Emmanuel de Saint-Albert, Niebuhr, l’abbé Beauchamp, Guillaume Olivier, au XVIIIe siècle, et les Anglais Rien, Buckingham et Porter, au commencement du XIXe, ont préparé par leurs voyages l’époque des fouilles archéologiques.
Paul Botta, agent consulaire français à Mossoul, commença en 1842 les fouilles en Mésopotamie et découvrit le palais de Sargon à Khorsabad ;
Layard découvrit les palais de Kalah à Nimroud trois ans plus tard et, en 1849-50, ceux de Ninive à Kouyoundjik (où son successeur Rassam découvrit en 1853 la bibliothèque d’Assourbanipal). En Babylonie, les fouilles commencèrent en 1854, quand Lof tus explora le sol de Warka (Érek). Peu après, Taylor travailla à Mukayyar (Our) et Rawlinson à Birs Nimroud (Borsippa). En même temps Fresnel et Oppert firent des fouilles à Babylone et, en 1877, de Sarzec commença celles de Tello (Lagash), qu’il continua avec des résultats surprenants jusqu’à sa mort en 1901. Les Américains (Peters, Haynes) eurent d’excellents résultats à Nippour (depuis 1888) et les Allemands de même à Babylone (Moritz et Koldewey, depuis 1887) et à Assour (Andreae, depuis 1903). Banks découvrit l’ancienne ville de Adab à Bismya (1903). De nos jours, les fouilles les plus importantes sont celles de Our, Kish, Ourouk (Érek), Nuzi (près de Ker-kouk).
Voir Atlas 8 Dans la période ancienne de l’histoire de la Babylonie, nous assistons à une lutte entre villes pour l’hégémonie du pays qui, même lorsqu’il était conquis, ne restait jamais longtemps dans les mêmes mains (voir Asianiques). Quand une nouvelle dynastie d’origine amorréenne s’empara du trône de Babylone, la lutte fut acharnée entre Isin et Larsa, ce qui devait faciliter le triomphe de Babylone. Le premier de ces rois amorréens, Soumouabou (2225-2212), dirigea son attention vers le nord: il s’empara de Kish, mais ne put pas régner sans difficultés sur tout le pays de Accad ; il fut même attaqué par un « patesi » (gouverneur) de Assour. Son successeur, Soumou-la-ilou (2212-2176), dans ses trente-six années de règne, réussit à étendre son pouvoir sur le territoire de Accad tout entier, bien que Kish eût secoué le joug de Babylone au commencement de son règne. Zabioum (2175-2161) transmit à Abil-Sin (2161-2144) le royaume dans son étendue intégrale. Mais, pendant ce temps, les Élamites menaçaient les trois villes rivales, Isin, Larsa et Babylone : leur roi, Kou-dour-Maboug, installa son fils, Warad-Sin, sur le trône de Larsa (2167) ; le sceptre de ce dernier passa, à sa mort, à son frère Rim-Sin (2155-2094). Sinmouballit (2143-2124), le successeur de Abil-Sin, s’allia avec Rim-Sin qui, en 2126, s’empara de Isin. Quand le célèbre fils de Sinmouballit, Hammourapi (2123-2081), devint roi de Babylone, il n’avait donc qu’un seul rival sérieux : Rim-Sin, mais il le battit complètement en 2095, après avoir étendu ses domaines jusqu’à Assour et Ninive. Ainsi il fonda un empire s’étendant du golfe Persique jusqu’à l’Assyrie, il acheva l’union des Sumériens avec les Sémites, et fit de Babylone une métropole qui a laissé sa marque sur l’histoire universelle. Conquérant invincible, Hammou-rapi se distingua surtout comme administrateur soucieux des moindres détails du gouvernement et comme législateur éclairé (voyez, sur son code, paragraphe 8). Il restaura les temples, creusa des canaux et, en général, améliora la situation sociale et économique du pays. Samsou-ilouna (2080-2043) continua la politique sage de son illustre père, mais il dut combattre contre les ennemis du dehors : les Kassites, montagnards sauvages qui devaient plus tard s’emparer du royaume, menacent la frontière orientale ; un prétendant, qui se faisait passer pour le vieux Rim-Sin, organise une révolte dans le sud ; à l’Ouest, des Amorréens essayent de franchir la frontière. Bien que Samsou-ilouna réussît à vaincre ces ennemis, il ne put pas empêcher la formation d’un État indépendant dans les marécages près du golfe Persique, le « Pays de la mer » où Ilouma-iloum fonde une dynastie qui, après que les Hittites eurent donné le coup de grâce à la dynastie de Hammourapi (1926), saisit les rênes du gouvernement de la Babylonie (1925-1762).
La faiblesse de ces rois de la IIe dynastie était propice à une invasion étrangère : sous le commandement de Gandash (1761), les Kassites conquirent le pays et fondèrent la IIIe dynastie babylonienne, qui occupa le trône pendant cinq cent soixante-seize ans. Comme d’ordinaire, les conquérants barbares s’assimilèrent la civilisation des vaincus ; la contribution principale des Kassites au progrès semble avoir été le cheval, qui, auparavant, était presque inconnu en Babylonie. Vers 1720, les rois kassites étendirent leur pouvoir sur le « Pays de la mer ». Après un siècle et demi durant lequel les sources font défaut, les tablettes de Tell-el-Amarna (Égypte), provenant des archives d’Aménophis III et IV et contenant une partie de la correspondance diplomatique des deux pharaons avec les princes de l’Asie antérieure, vers 1400, jettent quelques lueurs sur les règnes de Kadash-man-Ellil Ier et de Bournabouriash II, dont onze lettres sont connues. Bournabouriash rappelle à Aménophis IV la politique favorable à l’Égypte de son père Kourigalzou II, qui refusa de favoriser l’insurrection du pays de Canaan contre l’Égypte, et il l’exhorte à agir de même à son égard, maintenant qu’un vassal du roi babylonien (Ashour-ouballit, roi d’Assyrie) envoie une ambassade en Égypte, comme s’il était un souverain indépendant. En général, ces lettres concernent des mariages et des cadeaux. Depuis 1400, l’Assyrie commence à prendre conscience de ses forces et se soustrait au pouvoir des rois kassites, dont l’autorité est en déclin. Bournabouriash, malgré le ton très fier de sa lettre, fit une convention au sujet des frontières avec Ashour-ouballit, dont il épousa la fille ; quand un fils de ce mariage fut tué par un complot antiassyrien, Ashour-ouballit eut l’audace d’envahir la Babylonie et de placer un autre de ses petits-fils sur le trône. Ce dernier, Kourigalzou III, battit le roi d’Élam, Hourpatila ; mais quand il se tourna contre l’Assyrie après la mort de son grand-père, il échoua complètement. Nous apprenons au moyen des archives hittites que Kadashman-Tourgou avait l’intention de s’allier au roi hittite contre l’Égypte, mais il ne semble pas qu’il ait envoyé une armée. Le célèbre traité de paix entre Ramsès II et Hattpusil fut signé au temps de son fils Kadashman-Ellil II, dont une lettre à Hattousil a été retrouvée dans la capitale hittite. L’Assyrie prend de plus en plus l’offensive contre la Babylonie : Toukoulti-Ninourta Ier prit Babylone et fit prisonnier son roi Kashtiliash III (1256). La lutte se poursuivit dans la suite avec un succès variable : Adad-shoum-outsour battit les Assyriens et assiégea même la capitale (Assour). Sous ses successeurs immédiats, Melishipak II et Mardouk-apal-iddina Ier, la Babylonie jouit d’une paix et d’une prospérité relatives, mais Zababa-shoum-iddina fut battu d’abord par Ashour-dan Ier d’Assyrie, et peu après par Shoutrouk-Nahunté, roi d’Élam, qui emporta à Suse, avec un grand butin, le code de Hammourapi. Il n’est donc pas surprenant que son successeur, Ellil-nadin-ahe, fût le dernier roi de la ligne kassite.
La IVe dynastie (dite pashe) compte onze rois, qui régnèrent cent trente-deux ans. Le plus célèbre est Neboukadrezar Ier ou Nébucadnetsar, vers 1140 ; après une défaite, il réussit à porter la guerre dans le territoire même d’Élam et des Amorréens, mais il fut battu par les Assyriens. Mardouk-nadin-ahe, trente ans après, eut d’abord quelques succès contre Téglath-Phalasar, mais vit bientôt sa capitale et d’autres villes occupées par les Assyriens, qui, d’ailleurs, ne purent pas y rester longtemps. Les trois dynasties suivantes (Ve - VIIe) ne surent pas empêcher les ravages des Soutéens, Araméens nomades, qui, sous le fondateur de la VIIIe dynastie, Nabou-moukin-apli (vers 1000), deviennent les maîtres de la situation. D’autre part l’Assyrie croît en puissance : Adad-nirâri ravagea plusieurs villes de Babylonie, Ashour-natsir-pal irrtposa ses conditions à Nabou-apal-iddin qui avait fait alliance avec les Araméens de Souhi (879), et Salmanasar III aida Mardouk-zakir-shoum à se défaire d’un frère qui s’était proclamé souverain des régions orientales, mais en même temps il le réduisit à la position d’un vassal (852). Mardouk-balatsou-iqbi essaya en vain, avec l’aide d’Élam, de secouer le joug assyrien ; même, pendant la période de décadence de l’Assyrie qui suivit (jusqu’à la moitié du VIIIe siècle), les faibles souverains babyloniens n’essayèrent pas d’affermir leur autonomie. Du reste, cette période est très obscure.
Téglath-Phalasar III, le fondateur du grand empire assyrien, obligea Nabonassar (IXe dynastie) à reconnaître son autorité et, après le court règne de trois rois babyloniens, il saisit lui-même « les mains de Mardouk » en se faisant proclamer, sous le nom de Poulou (cf. 2 Rois 15.19), roi de Babylone (Xe dynastie). Son successeur, Salmanasar V, en fit autant et prit, en Babylonie, le nom de Ouloulaï. À sa mort (722), Mérodac-Baladan II (cf. 2 Rois 2.12 et suivants, Ésaïe 39), prince de Bit-Jakin, organisa une insurrection des patriotes babyloniens contre l’Assyrie et, s’alliant avec Houmbanigash, d’Élam, il battit le nouveau roi assyrien, Sargon, à Der. Ce ne fut que douze ans plus tard que Sargon, après ses guerres en Syrie et en Arménie, réussit à le chasser et, en 709, à se faire proclamer « lieutenant » de Babylone (pour ne pas froisser les sentiments des Babyloniens, bien qu’en réalité il exerçât des pouvoirs souverains). Sennachérib, fils et successeur de Sargon, se défit de Mérodac-Baladan, qui avait de nouveau occupé le trône, et proclama Bel-ibni vice-roi (702), mais il fut obligé de le remplacer trois ans plus tard par son fils Ashour-nadin-shoumi (700-694). Ce dernier, tandis que son père attaquait Mérodac-Baladan dans son refuge sur la côte d’Élam (Sennachérib avait construit une flotte pour traverser la mer), fut fait prisonnier par le roi d’Élam, qui le remplaça par Nergal-shezib (694-669). Sennachérib, à son retour, emmena ce roi captif en Assyrie, mais Moushezib-Mardouk (693-689), prince caldéen ennemi de l’Assyrie, se fit proclamer roi. En 691 une grande coalition, comprenant toutes les tribus araméennes de Babylonie, les Perses et les Babyloniens, fut battue par Sennachérib à Haloulé ; deux ans après, la grande ville de Babylone fut complètement rasée et inondée par Sennachérib. Assar-haddon (681-669) renversa la politique de son père ; il rétablit la paix en Babylonie et, dix ans après sa destruction, il ordonna la reconstruction de la capitale. Mais il commit l’erreur de partager l’empire entre deux de ses fils : Assourbanipal reçut l’Assyrie et Shamash-shoum-oukin (669-648) devint vice-roi de Babylone. Une guerre féroce entre les deux frères ne tarda pas à éclater ; bien que soutenu par plusieurs rois, Shamâsh-shoum-oukin fut assiégé dans Babylone et périt dans les flammes de son palais.
Toutefois, après la mort d’Assourbanipal, l’Assyrie, saignée par ces longues guerres, allait bientôt être anéantie. En Babylonie, Nabopolassar (625-604) devient roi (XIe dynastie néo-babylonienne) et délivre pour toujours son pays du joug assyrien. Ses attaques contre l’Assyrie en 616 n’eurent pas de succès : l’Égypte se rangea contre lui ; mais, deux ans après, Cyaxare le Mède entre en campagne contre l’Assyrie ; il prend Assour, où Nabopolassar le rejoint et où le traité d’alliance est confirmé par le mariage de Nébucadnetsar (Nabuchodonosor), fils de Nabopolassar, avec la petite-fille de Cyaxare. Les alliés marchèrent ensemble contre Ninive en 612, la prirent en trois mois et la détruisirent complètement. Le Pharaon Néco voulut profiter de la débâcle assyrienne pour s’emparer de la Palestine : il défit Josias à Méguiddo (2 Rois 23.29) en 608, mais Nabopolassar envoya Nabuchodonosor à sa rencontre ; et les Égyptiens, complètement battus à Carchémish, durent abandonner leurs conquêtes d’Asie (604). Au moment d’envahir l’Égypte, Nabuchodonosor dut, rentrer à Babylone à cause de la mort de son père. Toutefois, la Palestine et la Syrie devenaient des provinces babyloniennes. Quand le royaume de Juda, malgré les remontrances de Jérémie, se révolta, Jérusalem fut prise et les principaux citoyens furent déportés (597). Quand, plus tard, Sédécias s’allia à l’Égypte, à Tyr et à Sidon (587), sa capitale fut prise et détruite après un siège d’un an et demi ; Tyr fut aussi assiégée pendant treize ans (585-573) mais ne put pas être prise (cf. Ézéchiel 29.18). Dans ses inscriptions, Nabuchodonosor parle de ses constructions, mais ne dit pas un mot de ses campagnes. C’est lui, en effet, qui fut considéré comme le créateur de la nouvelle Babylone (cf. Daniel 4.30), celle qui remplit d’admiration les historiens classiques (cf. Flavius Josèphe, Antiquités judaïques, X, 11.1), le véritable centre commercial et littéraire de l’Asie occidentale jusqu’à Alexandre ; les plus grandioses des ruines que les fouilles récentes ont révélées sont l’œuvre de sa main. Son fils et successeur, Évil-Mérodac (561-559), se montra inapte à gouverner et fut remplacé par son beau-frère Neriglissar (559-556), qui mourut bientôt, laissant le trône à son jeune fils, Labashi-Mardouk, déposé après neuf mois. Nabonide (555-539) fut élu par le parti sacerdotal ; prêtre et archéologue, ce roi s’intéressa plus aux questions de chronologie et aux travaux de restauration des temples qu’aux affaires d’État, qu’il laissa en grande partie aux soins de son fils Bel-shatsar (cf. Daniel 5). En ce temps, Cyrus, roi d’Anzan, vassal d’Astyage roi des Mèdes, réussit à déposer celui-ci, avec l’approbation de Nabonide, qui ne se doutait pas des conséquences de cet acte (550). Cyrus conquiert ensuite la Lydie (546) et se tourne contre la Babylonie ; Belshatsar est battu à Opis, Sippar ouvre ses portes aux Perses (539) ; Babylone est prise en trois mois par Gobryas, et Cyrus y est reçu en libérateur, tandis que Nabonide, qui s’était enfui, devait finir sa vie dans l’exil. À l’époque perse, Babylone conserva encore pour un temps son importance, mais des rébellions, sous Darius Ier et Xerxès, contribuèrent à hâter sa décadence ; sous Alexandre, la ville eut sa dernière heure de grandeur, mais la fondation de Séleucie, la nouvelle capitale, en 312, ôta désormais toute importance à la vieille métropole.
Voir Atlas 7 Les fouilles de Assour, qui, comme le pays tout entier, porte le nom du dieu national, ont démontré que la plus ancienne civilisation du pays était sumérienne ; d’autre part, le nom des plus anciens rois assyriens connus, Oushpia, le fondateur du temple du dieu Ashour, et Kikia, qui bâtit les murs de la capitale, ne sont pas sémitiques, mais mitanniens. On pourrait en déduire que les Mitanniens, connus par les lettres de Tell-el-Amarna (vers 1400), étaient la population autochtone et qu’ils adoptèrent la culture sumérienne. En Cappadoce, on a retrouvé des tablettes, datant du XXVe siècle, qui ont un cachet nettement assyrien (voir Asianiques). Nous devons placer l’invasion des Sémites en Assyrie peu après cette date. Les fouilles ont révélé leurs ravages et la période de décadence culturelle qui suit. Mais peu à peu ils subirent l’influence de la culture sumérienne (écriture et religion en particulier). En réalité, vers 2400, l’Assyrie est tributaire de Bour-Sin, roi de Our, qui envoie Zarikoum comme gouverneur du pays. Dans les premiers temps de la 1ère dynastie de Babylonie, l’Assyrie semble avoir été plus ou moins autonome, mais Hammourapi énumère les villes de Assour et de Ninive parmi celles de son empire. Après la chute de cette dynastie, l’Assyrie devient indépendante (Shamshi-Adad II, vers 1860) ; suivent trois siècles dont nous ne savons rien : peut-être les Mitanniens ont-ils occupé le pays pendant une partie de ce temps, car, vers 1400, Doushratta, roi de Mitanni, envoie à son beau-frère, le Pharaon Aménophis III, une statue d’Ishtar de Ninive, ville qui lui est soumise. Mais déjà Ashour-ouballit (vers 1380) envoie en Égypte une ambassade et agit en souverain indépendant, bien que Bournabouriash de Babylone prétendît le considérer comme vassal ; nous avons même vu qu’il intervint dans les querelles dynastiques de Babylone, et plaça son petit-fils sur le trône, tout en gardant peut-être le pouvoir dans ses propres mains. Il avait battu les Mitanniens et avait incorporé à son royaume une partie de leur territoire. Ses successeurs se montrèrent d’aussi bons capitaines : Ellil-nirari bat les Babyloniens et leur enlève du territoire ; Arik-den-ili fait des raids bien réussis ; Adad-nirari Ier fait des campagnes dans le nord, l’ouest, et le sud ; Salmanasar Ier (1290-1260) battit Shattouara roi de Hanigalbat avec ses alliés, les Hittites et les Ara-méens Ahlamê, aussi bien que les Coutéens et les Babyloniens ; pour des raisons stratégiques, il transféra sa capitale de Assour à Kalah. Le premier Assyrien qui occupa le trône de Babylone fut Toukoulti-Ninourta Ier (1260-1240), qui se distingua aussi par des campagnes importantes dans les montagnes au nord-est, nord-ouest, et dans la région du lac de Van. Lui aussi, il fonda une nouvelle capitale en l’appelant de son nom, Kar-toukoulti-Ninourta, mais elle ne lui survécut pas. Il fut tué par son fils au cours d’une révolution, à la suite de laquelle l’Assyrie traversa une période de décadence.
Une nouvelle dynastie commence avec Ninourta-apal-Ekour (vers 1190). Après quelques règnes sans grande importance, Ashour-resh-ishi Ier (vers 1120) battit des peuplades voisines et la Babylonie. Son fils, Téglath-Phalasar Ier (vers 1110), étendit les frontières de l’empire assyrien dans le nord et l’Ouest, plus loin que ses prédécesseurs, et atteignit même les bords de la mer Noire et de la Méditerranée (sans pourtant oser attaquer Damas et les plus importantes villes phéniciennes). En cinq ans, il se vante d’avoir conquis quarante-deux peuples avec leurs rois. Il battit aussi, dans la suite, Mardouk-nadin-akh, roi de Babylone, en réduisant son royaume en vasselage, bien qu’on ait des raisons de croire que ce dernier sût prendre sa revanche. En tout cas Ashour-bel-kala, fils de Téglath-Phalasar, conclut un traité de paix avec le roi babylonien et épousa sa fille.
Les campagnes militaires avaient affaibli l’Assyrie, qui traversa une période de décadence et ne put empêcher les nouvelles provinces plus éloignées de secouer son joug. Les tribus araméennes en profitèrent pour pénétrer dans la Syrie du nord, en Mésopotamie et même dans la Babylonie méridionale, en y occupant des territoires fertiles. Les populations de ces régions devinrent de plus en plus araméennes de race et la langue araméenne devint plus tard celle de toute la région entre la Méditerranée et la Perse (Jésus parlait araméen). Adad-nirari II (vers 900) prépara le terrain pour les grandes conquêtes de ses successeurs immédiats. Toukoulti-Ninourta II (vers 890) part en campagne chaque année et nous a laissé ses itinéraires de marche. Ashour-natsir-pal II (884-880) nous a laissé bien des inscriptions et des monuments, retrouvés dans les ruines de sa capitale, Kalah, qu’il restaura en y faisant travailler ses prisonniers de guerre. Implacable envers ses ennemis, qu’il écorchait, empalait, torturait sans pitié, il se battit dans le nord-est et le nord-ouest, et atteignit les bords de la Méditerranée, où les grandes villes phéniciennes s’empressèrent de lui payer tribut, mais il n’osa pas attaquer le royaume de Damas. Salmanasar III (859-824), son fils, recula encore les frontières de l’empire. Il se battit surtout en Syrie ; une coalition qui comprend Ihouleni, roi de Hamath, Adad-idri, roi de Damas, Achab, roi d’Israël, de même que des troupes de la Cilicie, d’Ammon, et d’Arabie, lui livra bataille à Qarqar (854). Bien qu’il se vante d’avoir massacré ses ennemis, Salmanasar dut rentrer en Assyrie. Dans la suite, il battit Hazaël, roi de Damas, et l’enferma dans sa capitale, autour de laquelle il détruisit tous les palmiers ; mais il ne put pas prendre cette ville fortifiée. Cependant Tyr, Sidon, et Jéhu, roi d’Israël, lui envoyèrent leur tribut. Il mourut pendant une révolte de son fils aîné, Ashour-danin-apla, laissant son trône à un autre fils, Shamshi-adad V (824-810), l’époux de la célèbre Sémiramis. Malgré ses campagnes, ce roi dut réduire l’étendue de ses frontières. Par contre, son fils, Adad-nirari III (810-782), après quatre ans passés sous la tutelle de sa mère, put se vanter d’avoir reçu les tributs des régions orientales de la Médie et de la Perse, du « pays hittite, Amurru dans sa totalité, Tyr et Sidon, du pays de Omri, Édom, Palastu (c’est-à-dire le pays des Philistins) et de Damas ». Il introduisit en Assyrie le culte de Mardouk et de Nabou ; un de ses fonctionnaires put même écrire à propos de ce dernier : « Aie confiance dans Nabou, n’aie de confiance dans aucun autre dieu ». Salmanasar IV (782-772) et Ashour-dan (772-754) se battirent contre les Araméens et contre Damas, mais sous leur règne et sous celui du pacifique Adad-nirari IV (754-746), qui périt dans une révolte, l’Ourartou (Arménie) se fortifie aux dépens de l’Assyrie. Téglath-Phalasar III (745-727), un des plus grands parmi les rois assyriens, réussit à étendre et à organiser l’empire comme aucun de ses prédécesseurs n’avait su le faire. Il eut du succès sur tous les fronts : il fit cesser les empiétements de l’Ourartou en Syrie ; il réduisit Arpad (Ésaïe 10.9), ce qui provoqua la prompte soumission de nombre de princes de la Palestine septentrionale, parmi lesquels Ménahem d’Israël (2 Rois 15.19 et suivant) ; il étendit ses frontières du côté de la Médie. En 734, Achaz de Juda l’appela contre ses ennemis « Retsin, roi de Syrie, et Pékach fils de Rémalia » (2 Rois 15.37 ; 2 Rois 16.7). Ce dernier vit les provinces septentrionales de son royaume envahies par l’Assyrien (2 Rois 15.29) et fut tué par Osée (2 Rois 15.30) qui se soumit promptement. Téglath-Phalasar continua sa marche vers le sud et prit Gaza ; la reine des Arabes envoya son tribut. Deux ans plus tard, la ville de Damas tomba dans ses mains (2 Rois 16.9) et devint une province de l’empire. En 729, il devint roi de Babylone sous le nom de Poulou (Pul : 15.19). Pour consolider ses conquêtes, il déporta des populations entières (cf. 2 Rois 15.29) et remplaça souvent les princes conquis par des gouverneurs assyriens. Salmanasar V (727-722) marcha contre Osée, roi d’Israël, et l’assiégea pendant trois ans dans sa capitale.
À la mort de Salmanasar (pendant le siège de Samarie), Sargon II (722-705) s’empara de la couronne et fonda la dernière et la plus glorieuse dynastie assyrienne. Quelques mois après, Samarie fut conquise et 27 290 de ses habitants furent emmenés en captivité (cf. 2 Rois 17.6 ; 2 Rois 18.11). En 721, Mérodac-Baladan se proclama roi de Babylone et fit alliance avec le roi d’Élam ; ce dernier battit Sargon, qui voulait s’emparer de la Babylonie. Le roi assyrien se dirigea alors vers la Syrie, où l’Égypte intriguait comme d’habitude : il battit Jaou-bidi, roi de Hamath, à Qarqar (720), et Hanno, roi de Gaza, ainsi que ses alliés égyptiens, à Raphia. Les années 717-714 furent consacrées à des campagnes contre Oursa Ier (Rousa), roi de l’Ourartou (Arménie) : Sargon s’empara d’abord de la capitale du royaume hittite, Car-chémish, puis du royaume de Van, et enfin battit Oursa si complètement que celui-ci se tua. L’Ourartou cessa d’être une menace pour l’Assyrie, mais son affaiblissement permit aux Cimmériens, dans la suite, de faire des raids en territoire assyrien. Après une campagne en Philistie (711), Sargon put enfin se diriger contre Mérodac-Baladan ; au cours de deux campagnes, il conquit la Babylonie et fut reçu avec enthousiasme par les prêtres de la capitale. Il eut également du succès contre les Mèdes et reçut le tribut de sept rois de Chypre. Ses capitales furent successivement Assour, Kalah, Ninive (où il fonda une bibliothèque qui devait devenir célèbre), et, en 707, il inaugura la ville qu’il avait bâtie et qu’il appela d’après son nom, Dour-Sharrou-kin (à Khor-sabad) ; il y mourut de mort violente deux ans après, en laissant le trône à son fils Sennachérib (705-681). Ce dernier, moins habile à la guerre et dans la paix, mais plus cruel et plus orgueilleux que son père, détruisit complètement la ville de Babylone (voir plus haut dans la section correspondante de l’histoire de Babylone). Pendant son règne, Sennachérib n’eut pas à s’occuper des frontières à l’est et au nord de son empire ; par contre, les provinces occidentales lui donnèrent autant de difficultés que la Babylonie. Depuis Tyr jusqu’à Juda et Édom, les princes formèrent une coalition contre l’Assyrie ; ils comptaient d’abord (703) sur l’appui de Mérodac-Baladan (2 Rois 20.12-19 ; Ésaïe 39) et, après la défaite de ce dernier (702-701), sur l’Égypte (Ésaïe 30.1-5). On commença par se débarrasser des rois d’Askalon et d’Ékron, fidèles à l’Assyrie (ce dernier, Padi, fut jeté dans une prison de Jérusalem), de même que du gouverneur assyrien d’Ashdod. En 701, Sennachérib attaqua et prit Sidon, dont le roi s’était enfui ; alors un bon nombre de princes palestiniens, dans leur terreur, vinrent à Lakis payer leurs tributs. Askalon fut vite prise et Sennachérib se dirigea vers Ékron : à Eltékéh, il battit complètement les Égyptiens, prit Ékron sans difficulté et replaça Padi sur le trône.
Ainsi Ézéchias, roi de Juda, se trouva seul, appuyé sur des troupes de mercenaires arabes, à résister à l’armée assyrienne. Soutenu par la promesse d’Ésaïe, il fortifia sa capitale et se prépara à la résistance ; le reste du pays fut saccagé : 46 villes fortes tombèrent dans les mains des Assyriens (cf. 2 Rois 18.13) qui, selon le compte rendu officiel, sans doute exagéré, emmenèrent 200 150 Judéens en Assyrie. Ézéchias fut bloqué à Jérusalem comme « un oiseau dans sa cage » ; il décida de se soumettre et envoya son tribut à Lakis (2 Rois 18.14 ; selon les sources assyriennes, à Ninive). D’autre part les événements narrés dans 2 Rois 19.9 et suivants ne peuvent pas avoir eu lieu en 701, car Tirhaka régna de 689 à 664 : il s’agit d’une campagne ultérieure de Sennachérib contre l’Égypte, dans laquelle son armée fut décimée par la peste près de la frontière égyptienne (2 Rois 19.35, Hérodote, II, 141 ; Bérose, dans Josèphe, Antiquités judaïques, X, 1.5 ; les sources assyriennes parlent d’une campagne de Sennachérib en Arabie en 690), ou bien l’auteur biblique et les auteurs grecs font allusion à la campagne d’Assarhaddon contre l’Égypte en 675, qui n’eut pas de succès. Sennachérib nomma Assarhaddon (681-668) son successeur, mais fut tué par son fils Arad-Malkat (ou par ses fils Adrammélek et Sharetser, 2 Rois 19.37). Après avoir mis fin à la révolte, Assarhaddon entreprit la reconstruction de la ville de Babylone. Dans le nord, il réussit, avec beaucoup de peine, à retenir les hordes cimmériennes qui avaient envahi l’Ourartou. En Syrie, il n’eut pas de succès contre Tyr, mais il conquit Sidon (676). Plus tard, après la campagne de 675 qui n’aboutit pas, il marcha contre l’Égypte par la voie du désert : Tirhaka fut battu, Memphis fut prise (671), et, après la conquête de Thèbes, tout le pays fut occupé et divisé en vingt-deux provinces. Assarhaddon mourut en 669, au cours d’une deuxième expédition en Égypte ; il avait réglé sa succession en nommant Assourbanipal (669-626) prince héritier, et son fils aîné, Shamash-shoum-oukin (669-648), roi de Babylone (sa mère était babylonienne). La campagne d’Égypte se poursuivit malgré la mort du roi assyrien, et Tirhaka fut de nouveau battu ; on réorganisa le pays jusqu’à Thèbes, mais une nouvelle révolte éclata après le départ de l’armée assyrienne ; nouvelle expédition punitive jusqu’en Nubie, contre le neveu de Tirhaka qui avait pris le commandement après la mort de son oncle. En Syrie tout était tranquille : Manassé (698-643) avait adopté une politique opposée à celle de son père, Ézéchias, et favorisait l’Assyrie. En Asie Mineure, Gygès, roi de Lydie, fait alliance avec Assourbanipal et obtient son secours contre les Cimmériens (660). Mais lorsque Psammétik, entre 658 et 651, réussit à délivrer pour toujours l’Égypte du joug assyrien et à fonder la XXVIe dynastie, Gygès s’allia avec lui et, privé du concours assyrien, fut battu par les Cimmériens (652) ; son fils, Ardys, s’allia de nouveau avec Assourbanipal en 646. Une lutte féroce entre Shamash-shoum-oukin, soutenu par l’Élam, et Assourbanipal (652-648), se termina par le suicide du premier, mais l’Assyrie dut continuer les opérations en Caldée et en Arabie, et dut entreprendre deux expéditions très coûteuses contre l’Élam (646 et 641), qui ruinèrent complètement ce pays et préparèrent par là les conquêtes de Cyrus. Assourbanipal triompha ainsi de tous ses ennemis, son empire atteignit le zénith de la puissance, les arts et les sciences florissaient comme jamais auparavant, mais l’Assyrie, saignée par tant de guerres, allait vite succomber sans espoir de relèvement. Les faibles souverains qui suivirent Assourbanipal virent toutes les provinces se déclarer indépendantes. Enfin Ninive tomba sous les coups de Cyàxare, roi des Mèdes ; de Nabopo-lassar, roi de Babylone ; et des Scythes, dans l’été de 612 ; Nahum (Nahum 2-3) chanta sa ruine dans un péan superbe. La lutte se poursuivit jusqu’en 605 : à cette date la nation assyrienne cessa d’exister.
On peut supposer que, à une époque très reculée, le clan était à la base de l’organisation sociale et que le terme sumérien pour roi (lu-gal = homme grand) indiquait à l’origine le chef du clan, qui surpassait les autres en stature, force, intelligence et possessions. Mais déjà au commencement de l’époque historique nous trouvons en Caldée une organisation territoriale plutôt qu’ethnique : le pays est divisé en de petits États, des cités dont le dieu local est théoriquement le roi, mais qui sont gouvernés par des gouverneurs (patesi ou isak) ou des rois choisis par les dieux eux-mêmes et qui, comme Naram-Sin, reçoivent les attributs de la divinité déjà avant leur mort. Cette apothéose tomba en désuétude à partir d’Hammourapi, bien que ce roi s’appelle encore « le dieu des rois ». Ce qui était essentiel pour un roi était d’appartenir à une lignée de souverains légitimes et les usurpateurs devaient avoir recours à des généalogies imaginaires ou bien prétendre avoir reçu des dieux une vocation spéciale à la royauté. Les titres des souverains correspondaient théoriquement à l’étendue de leurs domaines : roi d’une ville, roi de Sumer et d’Accad, roi des quatre régions (Babylonie, Élam, Amurru et Assyrie), et enfin, en Assyrie, roi du monde (shar kishshati). Comme chef de l’État, le roi s’occupait des relations avec les autres États, de l’administration de la justice, de la conduite de la guerre, du développement agricole et commercial du pays, de la construction des temples et des palais, du culte public. La correspondance de Hammourapi nous montre les mille détails qui retenaient l’attention du roi. D’ailleurs l’armée des fonctionnaires alla croissant et devint une bureaucratie très développée dans l’empire des Sargonides. Dans le palais royal, il y avait un majordome, un échanson, un panetier en chef, un chef des provisions, mais ces titres avaient perdu leur signification primitive et indiquaient simplement de hauts fonctionnaires ou de hauts officiers (cf. le « rab-shakè », échanson, dans 2 Rois 18.17). Parmi les hauts fonctionnaires, il faut aussi compter le grand vizir, le préfet du palais, le secrétaire en chef, le juge principal. Le roi avait une garde royale pour protéger sa personne, des courriers, des scribes, des interprètes pour sa correspondance. Le gouvernement des provinces, culminant dans les préfets, occupait aussi une nombreuse bureaucratie.
L’humanité, selon la conception babylonienne, occupe une zone intermédiaire entre les dieux et les animaux : au plus haut de l’échelle, le roi « est semblable à dieu » ; à l’autre extrême, l’esclave « est l’ombre de l’homme » ; au milieu, l’homme « est l’ombre de dieu » (Harper, Assyr. Babyl. Letters, № 652). Dans la société, la royauté et le clergé occupent une place à part ; le reste des sujets se divise en trois classes : les patriciens, les plébéiens (mush-kenu, d’où vient le mot « mesquin »), et les esclaves (cf. Code de Hammourapi, paragraphes 196-205 ; 209-214 et pass.). En général, les classes étaient séparées par des barrières difficiles à franchir, bien que la législation témoigne qu’il y avait des mariages entre membres de castes différentes (ibid., paragraphe 175). La classe moyenne, la bourgeoisie, était la plus nombreuse : agriculteurs, pâtres, petits commerçants, fonctionnaires subalternes, formaient la base de la société. Mais, comme souvent au cours de l’histoire (en Israël et à Rome par exemple), les difficultés économiques tendaient à concentrer la richesse dans les mains des puissants et à réduire les petits bourgeois au rang d’esclaves (cf. Amos 2.6 ; Ésaïe 5.8), dont le nombre va croissant d’une façon redoutable : à l’époque la plus ancienne, c’était exceptionnel pour une famille d’avoir plus d’une vingtaine d’esclaves, tandis que, plus tard, on en trouvait souvent plus d’une centaine dans la possession d’un seul individu. Il ne semble pas qu’ait été rigoureusement appliquée la loi qui ordonnait la délivrance, après trois ans de servitude, du débiteur insolvable réduit en esclavage (Code de Hammurabi, paragraphe 117, cf. Exode 21.2). Les réformes sociales de certains rois, comme Ourou-kagina, Téglath-Phalasar III et Salmanasar V, n’eurent pas de résultats plus satisfaisants que les discours d’Amos et d’Ésaïe : en Mésopotamie comme en Israël, l’appauvrissement progressif de la classe moyenne fut une des causes de la ruine nationale.
Dans aucun autre domaine, probablement, l’influence babylonienne n’a été aussi étendue et aussi permanente que dans les institutions commerciales : Babylone a trafiqué dès sa jeunesse (Ésaïe 47.15) ; les marchands de Ninive sont plus nombreux que les étoiles du ciel (Nahum 3.16) et, par conséquent, bon nombre de mots babyloniens, en particulier les noms de métaux, poids et mesures, métiers, étoffes, transactions commerciales, etc., ont passé dans l’hébreu parlé au pays de Canaan (et aussi dans l’araméen et l’arabe). Des caravanes babyloniennes visitaient depuis une époque reculée des pays lointains, et le babylonien devint le langage de la diplomatie vers 1400, comme l’atteste la correspondance internationale des pharaons retrouvée à Tell-el-Amarna (un millénaire plus tard ce sera l’aratnéen qui deviendra la linsua franco). On développa même des communications postales, surtout pour les communications officielles, on bâtit des routes et des ponts (cf. Hérod. I, 186), on navigua sur les fleuves et les canaux (cf. lois de Hamm. sur la construction de bateaux et sur la navigation, paragraphe 234-240). Les articles d’exportation étaient surtout des produits agricoles (Hammourapi nomme les graminées, la laine et l’huile : paragraphe 104) ; on importait les matières premières (métaux, pierres et bois), des objets d’art et des esclaves. On exportait aussi des articles fabriqués, comme ce « beau manteau de Sinéar » (Josué 7.21) pris par Acan dans le butin de Jérico. Les centaines de contrats qu’on a publiés nous permettent de fixer d’une façon exacte le prix des choses vendues. Aux environs de 2100, un sicle d’argent (qui correspond à peu près à un dollar) était le prix de 120 litres de blé, de 5 litres d’huile, de 120 litres de dattes, de 7 kg de laine, de 2 habits, de 4 meules de moulin, de 3 pots ; un ouvrier gagnait un sicle par mois ; le prix légal moyen d’un esclave était de 20 sicles (Code de Hammurabi, paragraphe 252 ; en Canaan 30 sicles : Exode 21.32). Un bœuf coûtait de 15 à 25 sicles, une vache de 2 à 5, un âne de 4 à 15, une brebis 1 ou 2, un cochon 1 sicle. Les champs coûtaient 1/10e de sicle par are, les vergers un sicle par are, le loyer d’une maison ordinaire était de 3 sicles par an. L’intérêt sur un prêt s’élevait ordinairement à 20 pour cent pour l’argent et à 33 ⅓ pour cent pour les graminées.
Dans l’histoire de la jurisprudence, la Babylonie occupe, avant l’époque romaine, une place unique. Le célèbre code de Hammourapi (vers 2083), rédigé en langue sémitique, mais fondé sur des codes sumériens antérieurs (on a retrouvé les parallèles sumériens des articles 191-192, 209-212, 244-245), est le code de lois le plus complet que nous connaissions dans l’antiquité orientale. L’analyse qui suit (cf. notre article dans Americ. Journ. o’f Sentit. Lang., 1920, 36, 310ss, où sont indiqués les parallèles avec le « jus civile » romain) montre l’ordre logique des lois et l’étendue des sujets traités (les nombres entre parenthèses indiquent les articles du code).
Il y a des ressemblances entre le code de l’alliance (Exode 20.22 à Exode 23.33) et le code de Hammourapi : dans les deux les injures sont généralement punies d’après la lex talionis (œil pour œil, dent pour dent) ; et dans le détail, on peut comparer Ham. 250s avec Exode 21.28 et suivant ; Ham. 8 avec Exode 22.1 ; Ham. 21 avec Exode 22.2 ; Ham. 57s avec Exode 22.5 ; Ham. 266s avec Exode 22.9-13, etc. Cependant le code babylonien contient seulement des lois civiles, pénales et commerciales, tandis que le code biblique contient des sections de caractère purement moral et religieux. Il y a aussi beaucoup de différences de détail qui font entrevoir deux civilisations assez différentes. Il n’y a donc pas de raison suffisante pour supposer que le législateur biblique a connu directement le recueil des lois babyloniennes.
Pour l’Assyrie, nous n’avons pas un code aussi complet, mais on a retrouvé à Assour trois fragments de codes, dont le premier, presque complet, date de la fin du deuxième millénaire.
Le deuxième traite du droit rural (succession, déplacement des bornes des champs (cf. Deutéronome 9.14), creusage de puits ou cuisson de briques sur le champ d’autrui, etc.) ; le troisième, du vol et du commerce. Le premier ne présente pas l’ordre logique des lois de Hammourapi et s’occupe surtout des femmes. Les sujets suivants y sont traités : vol (1-6) ; obscénité (7-9) ; meurtre (10) ; adultère (12-18 ; 22s) ; sodomie (19s) ; coups portés à une femme enceinte (21 ; 49-51) ; fuite de l’épouse (24) ; succession (25-29 ; 46) ; fiançailles (30-33 ; 47s) ; mariage d’une veuve (35) ; absence du mari (36 ; 45) ; divorce (37-38) ; saisie d’une femme pour dette (39 ; 44 ; 48) ; habillement des femmes en un lieu public (40) ; concubines (41) ; sorcellerie (47) ; avortement volontaire (52) ; séduction d’une vierge (54s) ; punition de l’épouse (56-58).
Dans la grande masse de documents cunéiformes en langue assyro-babylonienne que les fouilles ont mis au jour, une très petite proportion seulement a un caractère littéraire marqué ; le reste n’était pas destiné au grand public. Mais même dans ces productions littéraires proprement dites, il n’y a rien qu’on puisse comparer, pour la beauté de forme et la solidité de fond, aux plus belles pages de l’Ancien Testament. Les ouvrages poétiques que nous connaissons ont été retrouvés dans les écoles (un bon nombre sont des copies très défectueuses des élèves) de Nippour, de Sippar, d’Assour, et même de Tell-el-Amarna en Égypte, et dans les bibliothèques royales, dont la plus complète est celle de Ninive, où Assourbanipal fit réunir des copies des principaux textes poétiques, magiques, scientifiques, etc. La production poétique est essentiellement religieuse, liturgique : on récitait les épopées et on chantait les hymnes dans le culte des dieux. Il n’y a que de rares fragments de chansons populaires et seulement la première ligne de quelques chants d’amour (semblables à ceux du Cantique des cantiques) dans un catalogue retrouvé à Assour. Dans le genre épique, les poèmes plus importants sont le récit de la création du monde par Mar-douk après son combat avec le monstre Tiâmat ; l’histoire légendaire de Gilgamesh (contenant le récit du déluge), le mythe d’Adapa, la descente d’Ishtar aux enfers, et l’ascension d’Étana au ciel. Dans le genre lyrique nous possédons un bon nombre d’hymnes en l’honneur des divinités (en particulier d’Anu, d’Enlil, de Mardouk, de Ninourta, de Nabou, d’Ashour, de Sin, de Sha-mash, de Tammouz, d’Ishtar, etc.), des prières, des psaumes de pénitence, des lamentations, etc. Les meilleures pages de prose se lisent dans les inscriptions royales (histoire des campagnes militaires, annales, biographies laudatives du monarque), surtout dans celles de Sennachérib et d’Assourbanipal. Tandis que, dans la poésie, l’Assyrie se borna à copier les vieux poèmes babyloniens (dont la plupart sont d’origine sumérienne), dans la prose des inscriptions royales et même de la correspondance épistolaire officielle, l’Assyrie développe un style original, limpide, parfois imagé et sonore.
La distinction nette entre le domaine de la connaissance scientifique et celui de la superstition est une des grandes découvertes du génie hellénique. Il faut pourtant reconnaître que, dans l’astronomie et dans la médecine, les Babyloniens ont fait des observations exactes dont se sont servi plus tard les savants grecs ; mais, même dans ces recherches, on ne s’est jamais complètement débarrassé des entraves de l’astrologie et de la magie. L’observation de la position et des mouvements des astres avait pour but principal la détermination des présages. On tire des horoscopes de la position des planètes à la naissance d’un enfant ; on interprète la portée des éclipses dans les affaires humaines ; on observe les phases de la lune et la position du soleil pour fixer le calendrier. Chaque mois commence avec la nouvelle lune ; chaque année avec l’équinoxe de printemps (21 mars) ou (plus rarement) avec l’équinoxe d’automne (21 septembre) ; pour mettre d’accord l’année lunaire avec l’année solaire, on intercalait un treizième mois. Ce calendrier (et même les noms des mois) fut adopté par les Juifs après l’exil, de même que la cosmologie babylonienne, d’après laquelle la terre est plate et ronde, nageant sur l’océan souterrain et surmontée par la voûte des cieux qui soutient les eaux célestes. Les notions de zoologie, de botanique et de physique étaient assez rudimentaires, et la géométrie, l’arithmétique et la chimie poursuivaient des buts purement pratiques. La médecine ne se bornait pas à l’administration de drogues et à l’intervention du chirurgien : nombre de maladies étaient attribuées à la possession démoniaque et exigeaient les arts magiques de l’exorciste et des cérémonies religieuses appropriées ; il y a toute une littérature sur les incantations et sur les rites par lesquels on obtenait le secours divin. La divination se fondait principalement sur l’interprétation des phénomènes célestes (astrologie) et terrestres, en particulier l’examen du foie (cf. Ézéchiel 21.26, figure 87), l’interprétation des songes (cf. Joseph et Daniel), des naissances monstrueuses et des mouvements de certains animaux.
À l’époque préhistorique, chaque ville se bornait à l’adoration du dieu local ; quand, avant le commencement de l’histoire, les villes sumériennes furent réunies en royaumes, les théologiens groupèrent les principaux dieux locaux en un panthéon, fixèrent les fonctions et la parenté de chaque dieu, et préparèrent des listes de divinités dont des fragments datant du IVe millénaire nous sont parvenus. La religion des Sémites de la Mésopotamie est fondamentalement sumérienne : les dieux, leurs fonctions et attributs, de même que les rites et la liturgie du culte, ne subirent pas de modifications profondes dans la religion des Sémites ; même le caractère astral de la théologie remonte aux Sumériens. Les Sémites se bornèrent à traduire dans leur langue les noms de quelques dieux et la littérature religieuse (bien que le sumérien restât la langue sacrée jusqu’à l’époque la plus tardive) et à donner une place prééminente aux dieux de leurs capitales : Mar-douk en Babylonie et Ashour en Assyrie. Dans les listes, les dieux sont rangés en deux triades principales : une triade cosmique (Anou, Enlil, Ea) et une triade astrale-météorologique (Sin, Shamash, Adad) ; chaque triade est complétée par une divinité féminine (Bêlit-ilê et Ishtar). Anou, comme l’indique son nom en sumérien, est le dieu du ciel ; dieu suprême, habitant au plus haut des cieux, il n’est pas favorable aux mortels et, en dehors de Ourouk, sa ville, il ne recevait guère de culte. Sa femme (Antou) dut céder sa place à Ishtar. Le nom Enlil signifie probablement « seigneur du vent », mais, à l’époque historique, il est le dieu de la terre, le souverain des hommes. Son grand temple (E-kur : maison de la montagne) était à Nippour. Sa femme, Ninlil, intercède pour les mortels ; son fils est Ninourta (Ninib). Ea signifie « maison de l’eau » ; son nom sumérien (En-ki) signifie « seigneur de l’inférieur », c’est-à-dire de l’abîme (Genèse 1.2), l’océan souterrain qu’on appelait Apsou (ab-zou = demeure du savoir). Dieu du savoir, seigneur de l’humanité, Ea enseigna aux hommes les arts et les sciences, et, en particulier, la divination et les rites magiques. Sa ville était Éridou (anciennement sur la mer) ; sa femme, Damkina. Son premier-né, Mardouk (qu’on appelait aussi Bel, seigneur, cf. Ésaïe 46.1 ; Jérémie 50.2 ; Jérémie 51.44), le dieu de Babylone, devint le dieu principal de tous les Babyloniens à cause de l’importance de sa ville : on lui attribuait la victoire sur le monstre Tiâmat et la création du monde. La femme de Mardouk était Zarpa-nitoum et son fils Nabou (Nébo dans Ésaïe 46.1). Ce dernier, dont la ville était Borsippa, était le scribe parmi les dieux ; son épouse s’appelait Tashmetoum. La souveraine ou mère des dieux, qu’on nommait Ninmakh, Ninkhursagga, Nintu, etc., appartenait à ce même groupe de divinités. La deuxième triade était composée de Sin (le dieu lunaire, adoré à Harran), de Shamash (le dieu solaire, dont les temples les plus connus étaient à Larsa et à Sippar) et d’Adad ou Ramman (le dieu des orages, qu’on identifiait avec le dieu Teshoub des Hittites et le dieu Amurru des Amorréens) ; la déesse de ce groupe est Ishtar (l’Astarté des Phéniciens, appelée Astoreth dans l’Ancien Testament), la déesse de l’amour et de la guerre qui ordonna une lamentation annuelle pour la mort de son amant Tammouz (cf. Ézéchiel 8.14). Ashour était le dieu suprême des Assyriens.
Le culte consistait essentiellement dans le sacrifice et dans la prière : « Chaque jour rends tes hommages à ton dieu : sacrifice, prière, digne encens ». La plus solennelle des fêtes annuelles était la fête du nouvel an en l’honneur de Mardouk (quand le roi saisissait les mains du dieu). Le séjour des morts, le pays d’où l’on ne revient pas, était comme le Cheol de l’Ancien Testament une vaste et obscure caverne souterraine ; la déesse Éreshkigal et le dieu Nergal y régnaient sur les morts.
L’architecture babylonienne était massive et monotone : on se servait de briques cuites pour les palais et les temples, et de briques séchées au soleil pour les maisons particulières ; l’ornementation extérieure consistait en moulures de briques, de figures en relief en briques émaillées, de tours et de créneaux. Dans la sculpture, on admire les statues et les bas-reliefs de l’époque sumérienne (Our-Nina et Goudéa) et les bas-reliefs et les colosses imposants de l’époque assyrienne.
Voir les figures 23 à 31.
E.-H. PF.
Numérisation : Yves Petrakian