L’histoire sainte, telle que la rapportent les livres historiques de l’Ancien Testament, n’est pas une composition d’une seule venue. De nombreux documents ont concouru à sa mise au point. Ces documents se répartissent en quatre groupes, appartenant, si l’on peut dire, à quatre écoles différentes : l’école jéhoviste, qui désigne la divinité par le nom de Jéhovah (voir Dieu [les noms de], Yahvé), l’école élohiste, qui appelle Dieu Élohim, l’école deutéronomique et l’école sacerdotale. Chacune de ces écoles est représentée dans l’Ancien Testament par quatre documents nettement caractérisés, du moins pour l’histoire antérieure à la royauté. Il est vrai que la critique moderne pense avoir déterminé, surtout dans l’école J et E, des sources secondaires qu’elle appelle J 2, J 3, E 2. Mais le fait que ces fragments secondaires auraient constitué des ouvrages indépendants ne nous paraît pas suffisamment établi pour que nous nous tenions pour obligés d’en faire état. La plupart des fragments que l’on sépare ainsi de la source principale nous paraissent pouvoir lui être conservés et, quant aux autres passages, ils peuvent être considérés comme des documents isolés et ajoutés après coup à la source primitive. Nous nous bornerons ici à désigner les groupes littéraires par le document qui représente chacun d’eux dans son ensemble, rappelant que ces documents concernent avant tout le Pentateuque, les livres de Josué et de Samuel.
J (Jéhoviste), le grand document de l’histoire sainte et la mieux conservée des sources, raconte, dans un style d’une incomparable beauté et avec une hauteur de vues qui trahit la méditation et l’inspiration du prophète, l’histoire des origines de l’humanité et celle de la religion. Par ses récits du paradis perdu, de Caïn, de Noé, de la tour de Babel, de la vocation des patriarches et des institutions de Moïse, on lui doit tout ensemble les principes fondamentaux et la première esquisse du monothéisme biblique. Ce document, qui rapporte les traditions relatives à Hébron et à la tribu de Juda, est le produit d’un cycle littéraire qui dut appartenir au royaume du sud et connaître sa plus grande activité au cours des Xe et IXe siècle avant Jésus-Christ
E (Élohiste). Ce document, dont les représentations religieuses sont moins naïves que celles de J et qui rapporte surtout les traditions des dix tribus et de Béer-Séba, dut être composé dans le royaume du Nord, au cours des IXe et VIIIe siècle avant Jésus-Christ. Il est certainement antérieur à la prédication d’Amos et d’Osée, car son attachement aux sanctuaires locaux ne se comprendrait plus au temps où dominait l’influence des premiers prophètes écrivains. Sur d’autres points de grande importance, notamment sur la question théocratique, il semble que E ait conservé avec beaucoup de fidélité la tradition de Moïse. Les prophètes du VIIIe siècle ont continué la théologie de E ; l’hypothèse d’après laquelle ils auraient fait des retouches à ses narrations ne s’Impose pas.
J E. Les deux sources J et E, fortement apparentées par leur conception générale et qui se complètent dans leurs récits, ont été fondues en un seul ouvrage, sans doute à la fin du VIIIe siècle ou au début du VIIe. À cause de l’esprit qui l’anime, on appelle parfois ce document fondamental de l’histoire sainte l’écrit prophétique.
D (Deutéronome). Document exhortatif qui développe les institutions de Moïse et qui vulgarise la religion spirituelle des prophètes Amos, Osée, Ésaïe, tout en faisant déjà une certaine part au légalisme. Cet ouvrage, qui nous paraît dater de la fin du ministère d’Ésaïe, avait été caché durant les persécutions du roi Manassé. Il fut retrouvé dans le temple au temps de Josias, en 621. Cet important écrit appartient à une école d’historiographes qui retouchèrent ou commentèrent les traditions nationales dans le sens deutéronomistique, ce qui donna la rédaction J E D de l’histoire sainte. L’action littéraire de cette école est aussi désignée à l’occasion dans le présent ouvrage par la lettre D. Voir Prophète, VI, 4 (les disciples d’Ésaïe et le Deutéronome).
P (Prêtres). Histoire schématique du peuple d’Israël et Code sacerdotal. Cet ouvrage, sorti des archives du Temple, est la charte du judaïsme. Il est l’œuvre de prêtres qui avaient fortement subi l’influence d’Ézéchiel et qui développèrent son programme cultuel (cf. Ézéchiel 40 à 48) en l’accommodant aux circonstances du retour de l’exil. Le but de ce document est de faire remonter l’origine du judaïsme et de son culte à l’origine même de l’humanité. Il n’a plus rien de la naïveté des anciennes traditions ; et son caractère apologétique, que l’on retrouve dans sa continuation : les Chroniques, ôte à ce cycle de sources une partie de sa valeur documentaire. Le Code sacerdotal ayant été le pivot de la réforme d’Esdras, on peut, sans risquer de se tromper, placer sa rédaction entre 572 (fin probable du ministère d’Ézéchiel) et la promulgation de la Loi lors du renouvellement de l’Alliance par Esdras, en 444 (cf. Néhémie 8).
C S, ou H (Code des lois de Sainteté). Document relativement ancien, contenu dans l’ensemble des chapitres 17-26 du Lévitique et incorporé dans P. L’ouvrage JED fut enfin complété par le document P, que les scribes fondirent avec l’histoire sainte déjà existante. Ce travail fut composé avec une telle ingéniosité que la combinaison de ces sources échappa jusqu’au milieu du XVIIIe siècle à l’attention de la plupart des savants.
JEDP, soit le PENTATEUQUE tel que nous le lisons dans nos Bibles, doit avoir reçu sa forme actuelle avant que les Samaritains, dont il est le livre sacré, aient rompu avec la communauté juive, soit vers la fin du Ve siècle avant Jésus-Christ
Voir Bible, paragraphe 7 ; Israël, pass. ; Pentateuque ; le tableau de la page xxv (tome Ier), et l’ouvrage d’Alexandre Westphal, Sources, tome I, pages xxv à 103.
Numérisation : Yves Petrakian