Le sumbolon (de sumballeïn = jeter ensemble, joindre, mettre en contact) était un objet séparé en deux parties et dont les morceaux rapprochés servaient de signe de reconnaissance à ceux qui les possédaient. Par extension, un symbole est un signe concret représentant, par un rapport d’analogie établi naturellement ou conventionnellement, une réalité qui ne tombe pas sous les sens. Dans une acception spéciale que nous n’avons pas à retenir pour notre étude, un symbole est une confession de foi, c’est-à-dire un signe de ralliement pour ceux qui professent une même foi (ex. : le Symbole des Apôtres, le Symbole de Nicée).
Il existe un symbolisme spontané, inhérent à notre nature corporelle. En effet, si, d’une part, le corps rend impossible toute communication directe entre les esprits, il est, d’autre part, le premier et le plus simple moyen d’expression que nous possédions pour faire connaître nos désirs, nos émotions, nos volitions. Par ses attitudes (gestes, mouvements, jeux de physionomie) il représente, il mime des états d’âme qui, inaccessibles en eux-mêmes à toute perception sensible, deviennent ainsi, à travers les signes figuratifs ou symboles qui en sont donnés, l’objet d’une connaissance externe (ex., le bras en avant du corps avec le poing fermé : geste de menace et d’hostilité ; la main tendue ouverte : symbole de paix et d’alliance ; les mains jointes : attitude de supplication ; le prosternement : signe de respect et de soumission, etc.).
Ce symbolisme visuel est déjà un langage, mais bien pauvre et bien rudimentaire, car il ne peut exprimer qu’un nombre très limité d’états de conscience, d’ordre affectif surtout, et, en outre, même lorsqu’il est intentionnel, il reste trop particulier et trop dépendant de la cause immédiate qui le suscite pour être capable d’ouvrir à la pensée la voie de l’abstraction et de la généralisation sans lesquelles aucune langue n’est possible.
Le langage proprement dit est constitué par la parole, c’est-à-dire par une suite ordonnée de sons articulés émis pour exprimer la pensée. Or c’est encore le symbolisme que nous trouvons à l’origine du langage parlé, car c’est lui qui a présidé au choix des sons employés dans les premiers efforts de communication à l’aide de signes auditifs. Parmi ces sons, plusieurs se sont imposés à l’esprit parce qu’ils avaient été tout d’abord des sons inarticulés (cris ou interjections) dus à de simples réflexes déclenchés par le plaisir ou la douleur, la joie ou la tristesse et que, reproduits intentionnellement, ils évoquaient des sensations et des sentiments semblables à ceux qui les avaient fait jaillir. D’autres, produits par imitation de cris d’animaux ou de bruits extérieurs (onomatopées), ont servi tout naturellement de symboles pour nommer toute une série d’êtres et de phénomènes physiques. D’autres enfin ont été choisis parce qu’ils offraient à l’imagination des analogies, proches ou lointaines, avec telles ou telles qualités attribuées à des choses, à des actions et à des états d’âme. Dans l’état actuel de nos langues déjà fort évoluées, il ne nous est pas possible de comprendre comment ont pu s’établir la plus grande partie de ces rapprochements entre des sons et des objets ; mais le fait n’en demeure pas moins incontestable : c’est grâce au symbolisme que le génie de l’homme a pu inventer le langage.
Mais ce symbolisme originel, nous le voyons disparaître au fur et à mesure que le langage évolue. Peu à peu l’analogie fait place à la convention. Cette substitution répond autant aux nécessités de l’esprit qu’aux besoins de la vie sociale. En effet, d’une part, les signes, une fois inventés, tendent à se répéter chaque fois que l’action l’exige et acquièrent ainsi, grâce à l’habitude, un caractère de stabilité ; d’autre part, reproduits par imitation, ils sont employés à cause de leur commodité par les individus d’un même groupe comme une sorte de monnaie d’échange pour toutes les relations de la vie collective. Acceptés en vertu d’un contrat implicite, ils prennent un sens conventionnel fixé par la coutume. Ce qui compte désormais, ce n’est plus la similitude des sons avec les objets qu’ils désignent, mais le rapport de correspondance établi par convention entre les mots et les idées, de telle sorte qu’il suffira qu’un mot soit prononcé pour que, dans tous les esprits, l’idée corrélative apparaisse. Ainsi ce qui était au début un symbole naturel n’est plus maintenant qu’un signe conventionnel. Nous en avons une preuve à la fois banale et irrécusable dans la multiplicité des langues qui mettent à la disposition de l’esprit des systèmes de signes fort différents pour exprimer les mêmes pensées.
Si la convention a joué un tel rôle dans l’évolution du langage, elle est loin d’avoir été le seul facteur de cette transformation, car la modification la plus profonde est due, non à la volonté avec les contrats qu’elle peut établir, mais à la raison proprement dite avec ses fonctions d’élaboration. C’est la raison et la raison seule qui a rendu possible le passage du langage émotionnel, que l’homme a en commun avec l’animal, au langage proprement humain. En effet, pour que les signes instinctifs deviennent conventionnels, il faut qu’ils puissent se détacher des choses ou des émotions auxquelles ils adhèrent pour passer à d’autres objets ou à d’autres états de conscience reconnus semblables. Ce transfert des signes n’est possible que grâce aux fonctions d’abstraction et de généralisation. De chaque objet perçu ou remémoré dans sa réalité concrète l’esprit ne retient qu’une qualité particulièrement marquante et qui, extraite de l’ensemble des caractères, devient représentative du tout. Il suffit qu’un mot rappelle cette qualité abstraite pour que la chose tout entière soit identifiée. La raison, établissant en même temps un rapport de comparaison entre des objets, par ailleurs différents mais qui ont en commun une même qualité, réunit ces objets en un même genre. Le mot qui désignait tout d’abord l’un d’entre eux prend ainsi un sens à la fois abstrait et général. Or, c’est grâce à l’emploi de termes de plus en plus abstraits et de plus en plus propres à exprimer des relations générales que les langues ont progressé et que, soumises à la logique de l’esprit, elles sont devenues de plus en plus rationnelles.
L’écriture (voir ce mot) a suivi un développement parallèle. Elle a commencé par être symbolique, exprimant les objets de la pensée par des dessins qui étaient de simples copies-images ou de véritables symboles selon la nature sensible ou intellectuelle des choses ainsi représentées. Cette écriture idéographique a été remplacée par l’écriture phonétique, qui signale non plus les choses ou les idées, mais les éléments de la voix par lesquels on les désigne. Le progrès décisif a été l’invention de l’alphabet qui a permis de traduire les signes oraux (éléments consonants et éléments vocalisants) par des signes écrits en nombre très limité et de fixer ainsi la parole, avec la possibilité de la conserver et de la transmettre à volonté aussi bien dans l’espace que dans le temps. On comprend sans peine comment cette extension indéfinie de la parole par l’écriture a pu accentuer les caractères de convention, d’abstraction et de généralisation du langage et contribuer à faire de lui cet incomparable instrument de travail qui, créé par la raison, l’a si admirablement façonnée à son tour. En effet, la pensée implicite est nécessairement confuse, et ce n’est qu’en s’explicitant grâce au discours, intérieur ou extérieur, qu’elle devient claire et distincte et que, capable d’élaborer des concepts, c’est-à-dire des idées générales, elle peut les unir dans des jugements et des raisonnements. Ainsi s’ouvre devant elle le champ illimité de la connaissance rationnelle.
Si le langage rationnel est éminemment apte à rendre intelligibles les relations entre les choses matérielles et à énoncer les rapports entre les idées, par contre il se révèle tout à fait insuffisant quand il s’agit d’exprimer des réalités spirituelles, car ces réalités ne se laissent pas enfermer dans les cadres trop étroits et trop rigides des concepts. De là la difficulté qu’éprouve le croyant quand il essaie de traduire en termes abstraits, d’étaler sur le plan des idées et des mots ce qui, dans son expérience religieuse, est essentiellement esprit et vie. Il constate très vite que la formule intellectuelle qu’il obtient de la sorte n’est qu’une grossière approximation. Il s’efforce alors de serrer de plus près cette réalité qui lui échappe ; mais, avec une nouvelle formule, il n’arrive qu’à une nouvelle approximation. L’intervalle subsiste toujours, variable d’ailleurs suivant la nature des états d’âme car, s’il est facile de parler de sentiments superficiels, il est très difficile et parfois même quasiment impossible d’exprimer les émotions qui ébranlent l’être jusque dans ses fondements les plus profonds.
C’est pour tourner cette difficulté que nous sommes amenés tout naturellement à employer des images qui jouent le rôle de symboles. Ces images ont pour but d’évoquer ce dont nous voulons parler en établissant un rapport de similitude entre les réalités matérielles qu’elles représentent et les réalités spirituelles qu’elles doivent exprimer. Moins élaborées que les concepts, elles restent en contact plus immédiat avec les choses particulières et concrètes et, participant de l’évidence sensible de celles-ci, elles obtiennent aisément le consentement des esprits. D’autre part, à cause de leur souplesse, de leur plasticité, elles sont beaucoup plus expressives que les idées générales car, au lieu de définir la vérité en l’enfermant dans des limites trop étroites, elles la suggèrent avec une très grande force en même temps qu’elles la laissent par certains côtés indéterminée. Leur fonction est d’indiquer à la pensée une direction à suivre et de la laisser ensuite poursuivre seule la route. Le Sadhou Sundar Singh le savait bien quand, voulant montrer que le chrétien doit être dans le monde sans se laisser gagner par l’esprit du monde, il donnait, non une explication abstraite, mais cette admirable image : « Il faut que le bateau soit dans l’eau ; mais il ne faut pas que l’eau soit dans le bateau. »
Si le symbolisme est nécessaire pour exprimer la vie religieuse dans ses manifestations humaines, a fortiori est-il indispensable quand il s’agit de parler de Dieu qui en est le principe et la fin. En effet, nous ne connaissons Dieu que par analogie (voir Connaissance), et son action, qui est par essence surnaturelle et invisible, n’est perceptible qu’au regard de la foi. Mais encore faut-il que la foi qui saisit l’invisible puisse trouver son point d’appui dans le visible car, c’est là notre condition humaine, aucune connaissance, même la plus spirituelle, ne peut nous venir que par le moyen des sens. Pour croire, l’homme naturel a besoin tout d’abord de voir. Ainsi apparaît la nécessité absolue du témoignage, car c’est seulement à travers des hommes, qui sont à la fois âme et corps, que le spirituel peut devenir matériel et que l’amour invisible de Dieu, prenant une figure humaine, peut être perçu par la vue dans sa réalisation naturelle avant d’être connu par la foi dans son origine surnaturelle. Ce témoignage visible est la condition première de tout apostolat, mais, à lui seul, il ne suffit pas. Il faut qu’il soit appuyé, confirmé par le témoignage de la parole. « La foi, dit saint Paul, vient de ce qu’on entend ; et l’on entend, quand la parole du Christ est prêchée » (Romains 10.17). Or, pour apporter le message du salut, le croyant ne peut employer un langage purement spirituel puisque ce langage n’a de sens que pour ceux qui vivent selon l’Esprit. Il faut bien cependant qu’il parle le langage de la foi, sans quoi il ne serait pas un témoin ; mais il faut qu’il le fasse en des termes compréhensibles pour ceux qui n’ont pas la foi. Il faut qu’il prenne les hommes comme ils sont et là où ils sont, dans leur vie habituelle, dans le monde des choses ordinaires et des actions ordinaires, avec la connaissance ordinaire qu’ils en ont et que, choisissant par analogie des exemples, des images, des comparaisons dans ce milieu qui leur est familier, il essaie, par le moyen de ces symboles, de leur faire pressentir la réalité divine dont il témoigne.
Si tout ceci est vrai, il n’est pas étonnant que la Bible, qui est par excellence le livre des inspirés et des témoins, qui est surtout le livre unique dans lequel tout converge vers Celui qui a été « la Parole faite chair », soit en même temps le livre où le symbolisme religieux apparaisse avec un éclat incomparable.
Dans la diversité des symboles que nous offre la Bible nous pouvons distinguer plusieurs catégories.
Pour exprimer, par exemple, la souveraineté de Dieu : royaume, roi, seigneur, trône, sceptre, main puissante ; la fragilité de la vie humaine : herbe, ombre, songe, fumée ; la sécurité en Dieu : rocher, refuge, forteresse, bouclier ; la recherche de Dieu : faim, soif, terre desséchée ; l’union de Dieu avec son peuple : alliance, fiancé, mari ; l’infidélité du peuple : adultère, prostitution ; l’état de péché : ennemi, rebelle, esclave ; le châtiment : feu, épée ; le salut en Jésus-Christ : réconciliation, rédemption, racheté, affranchi, né de nouveau, adoption, héritier, scellé, lumière opposée à ténèbres ; l’activité chrétienne : planter, semer, moissonner, construire, combattre (armure du chrétien : Éphésiens 6.11 ; Éphésiens 6.17) ; l’Église et la communion des saints : corps, membres, race élue, sacerdoce royal ; la récompense de la fidélité : couronne, etc.
(voir article) sont des comparaisons, des similitudes présentées sous la forme de courts récits.
Appartiennent au même genre que les paraboles, mais sont loin d’avoir leur valeur. La fable, en effet, mettant en scène des animaux et même des êtres inanimés qui se comportent et qui parlent comme des hommes, viole l’ordre de la nature et rend ainsi impossible l’analogie qui fait toute la force de la parabole. De plus, elle ne donne que les conseils d’une sagesse humaine trop souvent terre à terre et égoïste. Nous ne trouvons que deux fables dans toute la Bible : celle des arbres choisissant un roi (Juges 9.8 ; Juges 9.15) et celle de l’épine et du cèdre (2 Rois 14.9).
Sont des métaphores continuées. Il ne faut pas confondre l’allégorie avec la parabole car, tandis que celle-ci maintient distincts le sujet et le terme de la comparaison, celle-là les identifie de telle sorte que le signe devient la chose signifiée. Voici les principales allégories de la Bible :
On voit par ces exemples que l’allégorie est bien « un discours figuré qui présente à l’esprit un sens caché sous le sens littéral ». Encore faut-il remarquer que l’image peut être assez transparente pour que le sens caché se laisse facilement deviner ; mais, plus l’allégorie est artificielle et compliquée, plus elle risque de devenir obscure et incompréhensible.
Dans l’allégorie le symbolisme est toujours voulu puisque l’image est donnée intentionnellement avec son double sens. L’interprétation allégorique, elle, consiste à prendre un texte qui, en lui-même, est clair et à lui donner un sens caché qu’il n’avait pas dans la pensée de l’auteur.
Ce procédé d’interprétation était fort en honneur chez les rabbins.
L’apôtre Paul l’a parfois employé. Exemples :
L’auteur de l’épître aux Hébreux s’en est également servi pour établir la sacrificature éternelle de Jésus-Christ selon l’ordre de Melchisédec (Hébreux 7.1 ; Hébreux 7.28). Mais ce sont surtout les Pères de l’Église et tout particulièrement Origène qui ont usé et parfois abusé de cette méthode d’interprétation des Écritures (voir Bible [Commentaires sur la]), méthode aujourd’hui tombée en discrédit à cause de son caractère arbitraire et de ses résultats trop souvent fantaisistes (ex. : l’interprétation allégorique du Cantique des Cantiques, selon laquelle le bien-aimé serait Jésus-Christ, et la jeune fille son Église).
Comme celui de la création d’Adam et d’Eve et celui de leur désobéissance dans le jardin d’Éden (Genèse 2 et Genèse 3). Ces récits, qui par leur langage figuré s’apparentent aux récits babyloniens, expriment des vérités qui, elles, font incontestablement partie du trésor de la Révélation. Les livres de Daniel, de Jonas et de l’Apocalypse peuvent être rangés dans la catégorie des récits symboliques.
Exemples :
Le mot objet désignant « ce qui se présente devant les yeux, s’offre au regard », il est naturel qu’on ait choisi des objets comme symboles visibles des réalités invisibles. Exemples : l’arc-en-ciel, signe de l’alliance entre Dieu et tous les êtres vivants ; l’arche, symbole de la présence de Jéhovah ; les chérubins d’or, symbole de l’adoration et de la prière perpétuelle ; les vêtements sacerdotaux de fin lin, symbole de la sainteté de l’Éternel ; l’eau du baptême, symbole de la grâce qui purifie l’âme ; le pain et la coupe de la sainte Cène, symboles de la communion au corps et au sang du Christ.
Exemples :
On sait quel rôle ont joué les visions dans la littérature apocalyptique en général et, pour ne citer que les écrits canoniques, dans le livre de Daniel et dans l’Apocalypse en particulier. Ici triomphe le symbolisme avec ses obscurités parfois, mais aussi avec ses richesses inépuisables pour représenter des réalités qui, inaccessibles en elles-mêmes, ne peuvent être connues que par analogie. Comment, en effet, sans le secours des symboles eût-il été possible au Voyant de Patmos, transporté en esprit dans le ciel, d’exprimer dans une langue humaine ce qu’aucun œil n’a vu, ce qu’aucune oreille n’a entendu ? (Apocalypse 7.9-17 ; Apocalypse 22.1-5).
Alb. D.
Numérisation : Yves Petrakian