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Transfiguration
Dictionnaire Biblique Westphal Calmet

Glorification anticipée du Christ en présence de ses trois intimes : Pierre, Jacques et Jean.

La transfiguration est un des épisodes les plus fortement attestés par la tradition évangélique primitive. Elle est rapportée par les trois synoptiques (Marc 9.2 ; Marc 9.13 ; Matthieu 17.1-13; Luc 9.28 ; Luc 9.36), et le quatrième Évangile, s’il n’en a pas conservé le récit, semble pourtant y faire allusion (Jean 12.28). Cf. également 2 Pierre 1.16 ; 2 Pierre 1.18, où l’allusion est explicite.

En fait, la transfiguration est aussi solidement établie par les textes que le baptême lui-même ; et seuls des a priori et des considérations dogmatiques ont poussé certains critiques à en contester l’authenticité. Le lecteur non prévenu a au contraire nettement l’impression d’une scène historiquement vécue. Les trois récits sont sobres, objectifs et remarquablement concordants. Ils placent tous les trois la transfiguration quelques jours (Matthieu et Marc « 6 jours », Luc « environ 8 jours ») après l’entretien décisif de Césarée de Philippe. Tous les trois aussi la situent sur une [haute] montagne, dont la tradition a fait le Thabor (d’où : « Thaborion », fête de la Transfiguration dans le calendrier grec), ou encore le mont des Oliviers, mais dans laquelle la presque unanimité des critiques modernes voient plutôt un des contreforts de l’Hermon dans le voisinage de Césarée de Philippes. D’ailleurs le Thabor n’est en aucune façon une « haute montagne », et, du temps de Jésus, son sommet était occupé par un bourg que Josèphe fortifia pendant la guerre juive (voir Thabor ; cf. Alex. Westphal, Jésus de Nazareth d’après les témoins de sa vie, Paris 1914, II, p. 207).

Quant au phénomène lui-même, les trois évangélistes sont d’accord pour parler d’un changement extraordinaire dans l’aspect du visage et des vêtements de Jésus, d’un resplendissement pareil à la lumière du soleil (Matthieu) ou d’une « blancheur éblouissante » (Luc). Il s’agit, à n’en pas douter, d’un rayonnement émanant de l’être transfiguré lui-même, et non d’une lumière réfléchie. Luc spécifie que c’est « pendant qu’il priait » que Jésus fut ainsi transfiguré. Les trois récits nous montrent en outre Jésus s’entretenant avec Moise (représentant la Loi) et Élie (représentant les Prophètes). Pierre propose de dresser trois tentes, afin de demeurer sur la montagne, mais une nuée (lumineuse, selon Matthieu) survient qui couvre Jésus et ses célestes compagnons. Du sein de la nuée une voix se fait entendre, qui confirme le témoignage rendu à Jésus lors de son baptême : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé (Matthieu ajoute : « en qui j’ai mis toute mon affection », et Luc dit : « mon Fils, mon Élu »), écoutez-le ». Quand la nuée a disparu, Jésus reste de nouveau seul avec ses disciples, auxquels il recommande le silence sur cet événement jusqu’après sa résurrection.

Ajoutons que certains traits du triple récit évangélique (somnolence des disciples, habitude qu’avait Jésus de prier la nuit, nuée lumineuse, descente dans la plaine « le lendemain » ; Luc 9.37) semblent indiquer que la scène eut lieu de nuit.

Nous ne tenterons pas, ici, de donner de la transfiguration une explication scientifique. Hier, la science niait. Aujourd’hui, plus prudente parce que mieux informée, elle s’incline plutôt et entrevoit un monde de réalités encore mystérieuses dont l’exploration ne fait que commencer. Il s’agit, en tout cas, d’un événement d’une importance capitale dans la vie de Jésus, d’une grande expérience mystique au cours de laquelle il communie intensément avec l’au-delà et reçoit une révélation décisive quant à la nature de son œuvre rédemptrice : la Croix est probablement pour la première fois pleinement comprise et acceptée par lui à la lumière d’Ésaïe 53 par exemple, et, dans la personne de Moise et d’Élie, qui symbolisaient aux yeux des Juifs la Loi et les Prophètes, le monde des esprits bienheureux s’associe à l’œuvre messianique ainsi comprise. D’après Luc « ils parlaient de son départ [grec, exode], qui devait s’accomplir à Jérusalem ». Cette expérience prépare donc Jésus au drame qui va suivre. Elle confirme sa messianité à ses propres yeux et aux yeux de ses disciples, mettant ainsi le sceau de l’approbation divine à la confession de Pierre.

Un phénomène comme celui de la transfiguration doit être étudié (et nous serions tenté de dire : « contemplé » et « interprété ») à la lumière des réalités spirituelles (ou psychiques) auxquelles la science est obligée, depuis quelque temps, d’accorder une importance et une place sans cesse croissantes. Elle fut sans aucun doute la manifestation extérieure et visible d’une expérience intime au cours de laquelle la communion habituelle de Jésus avec le Père et le monde invisible atteignit un degré d’intensité tel qu’il en fut comme transporté momentanément et par avance sur un plan de vie supérieure à la vie terrestre, le plan de la vie glorifiée qu’il devait connaître définitivement après sa résurrection. Étant donné le facteur initial, la personne de Jésus et la qualité de sa vie intérieure, une expérience de ce genre n’est nullement invraisemblable ; elle est même parfaitement admissible et normale et nous montre à quel point la matière peut, dans certains cas, être modifiée par l’action de l’esprit. C’est ainsi que la transfiguration, saisie dans sa signification profonde et universelle, jette sur notre vie et sur ses possibilités à venir une lumière singulièrement riche de perspectives glorieuses.

G. G.


Numérisation : Yves Petrakian