Nom symbolique. D’aucuns proposent de le rattacher à l’assyrien ablou, fils, mais il est bien plus normal de voir ici la forme hébraïque hébel qui signifie vapeur, souffle passager, vanité (cf. Ecclésiaste 1.2). Par ce nom, qui ne se comprendrait pas comme un nom propre donné à son fils par le premier couple qui abordait la vie plein de confiance dans sa jeunesse et dans sa force, l’auteur de notre récit a voulu sans doute indiquer la fragilité, le néant de tout espoir conçu en dehors de la ligne tracée par Dieu à la destinée de l’humanité. En tout cas, le nom est inspiré par le drame Genèse 4.3-8, il ne le précède pas. Malheureusement, une mutilation du texte hébreu nous empêche de savoir l’occasion du meurtre. Il porte : « Et Caïn dit à Abel son frère… » La suite manque. Nos versions françaises, en traduisant : « Caïn parla à Abel », esquivent la difficulté sans combler la lacune. Les LXX ajoutent : « Traversons la campagne ». Mais ce n’est peut-être qu’une glose. Tout ce que le récit nous permet de savoir, dans sa teneur actuelle, c’est qu’Abel, par sa manière d’être, avait l’approbation de Dieu et que Caïn ne l’avait pas. Celui-ci en avait conçu de l’irritation, de la jalousie. Sa réponse après le crime : « Suis-je le gardien de mon frère ? » (Genèse 4.9) nous révèle combien sont grands déjà les ravages de la chute dans la nature humaine. Par contre, Abel, la victime innocente, a pris figure de martyr, voire de martyr pour la foi et pour la justice (Hébreux 11.4 ; 1 Jean 3.12 ; cf. Hébreux 12.24). Abel symbolise, à la bifurcation des chemins, l’humanité qui, engagée dans la voie interdite par Dieu, s’efforce tout de même de lui rester fidèle et de mériter encore sa faveur, tandis que Caïn incarne l’évolution brutale qui fait descendre la race humaine vers les mœurs féroces de l’animalité. Et c’est Caïn qui l’emporte, inaugurant la lignée des bourreaux par qui, de siècle en siècle, Satan a barré la route aux hommes qui voulaient revenir à Dieu. C’est en ce sens que Jésus déclare aux Juifs ses adversaires : « Malheur à vous, fils des meurtriers des prophètes, sur vous retombera tout le sang innocent qui a été répandu dès la création du monde, depuis le sang d’Abel… » (Matthieu 23.34; Luc 11.51). C’est d’Abel qu’il a été dit : « Quoique mort, il parle encore » (Hébreux 11.4).
Alexandre Westphal
Numérisation : Yves Petrakian