I. Quels furent, sous le règne de Trajan, les évêques des Romains et des Alexandrins.
II. Ce que les Juifs eurent à souffrir sous lui.
III. Les apologistes de la foi sous Hadrien.
IV. Les évêques des Romains et des Alexandrins sous cet empereur.
V. Les évêques de Jérusalem depuis le Sauveur jusqu’à cette époque.
VI. Le dernier siège des Juifs sous Hadrien.
VII. Quels furent, en ce temps, les premiers auteurs d’une science qui porte un nom mensonger.
VIII. Quels furent les écrivains ecclésiastiques.
IX. Lettre d’Hadrien défendant de nous frapper sans jugement.
X. Quels furent, sous le règne d’Antonin, les évêques des Romains et des Alexandrins.
XI. Des hérésiarques de ce temps.
XII. De l’apologie de Justin à Antonin.
XIII. Lettre d’Antonin au conseil d’Asie sur notre doctrine.
XIV. Ce qu’on sait de Polycarpe disciple des apôtres.
XV. Comment sous Vérus Polycarpe subit le martyre, ainsi que d’autres, dans la ville de Smyrne.
XVI. Comment Justin le philosophe, prêchant la parole du Christ dans la ville de Rome, fut martyr.
XVII. Des martyrs que mentionne Justin dans son ouvrage.
XVIII. Quels écrits de Justin sont venus jusqu’à nous.
XIX. Quels sont ceux qui, sous le règne de Vérus, ont gouverné l’Église des Romains et celle des Alexandrins.
XX. Quels, l’Église d’Antioche.
XXI. Les écrivains ecclésiastiques célèbres à cette époque.
XXII. Hégésippe et ceux dont il parle.
XXIII. Denys, évêque de Corinthe, et les lettres qu’il a écrites.
XXIV. Théophile, évêque d’Antioche.
XXV. Philippe et Modeste.
XXVI. Méliton et ceux dont il fait mention.
XXVII. Apollinaire.
XXVIII. Musanus.
XXIX. L’hérésie de Tatien.
XXX. Bardesane le Syrien et les écrits qu’on montre de lui.
Vers la douzième année de Trajan [109], mourut l’évêque d’Alexandrie dont nous avons parlé un peu plus haut ; Primus lui succéda dans sa charge ; il était le quatrième depuis les apôtres. À cette époque, Evareste, après avoir occupé huit années entières le siège de Rome, le laissa à Alexandre qui eut le cinquième rang depuis Pierre et Paul.
L’enseignement de notre Sauveur et l’Église florissaient et progressaient de jour en jour, tandis que la situation malheureuse des Juifs allait de mal en pis. Déjà vers la dix-huitième année du règne de Trajan , une nouvelle sédition en fit de nouveau périr un nombre très considérable. À Alexandrie et dans tout le reste de l’Égypte, ainsi qu’à Cyrène, ils furent emportés par un violent esprit de révolte et ils se soulevèrent contre les Grecs qui vivaient avec eux. La rébellion devint grande, et l’année suivante une guerre affreuse s’alluma. Lupus était alors gouverneur de toute l’Égypte. Il arriva que les Juifs au premier engagement eurent l’avantage sur les Grecs ; mais ceux-ci s’enfuirent à Alexandrie, se mirent à donner la chasse aux Israélites et les tuèrent. Les Juifs de Cyrène ainsi privés du secours qu’ils en avaient espéré, se mirent à piller le pays d’Égypte et à dévaster les nomes qui s’y trouvent. Ils avaient pour chef Lucua. L’empereur envoya contre eux Marcius Turbo avec de l’infanterie, des vaisseaux et de la cavalerie. Ce général leur livra de nombreux combats dans une guerre pénible qui dura longtemps ; il tua un nombre très grand, non seulement des Juifs de Cyrène, mais encore de ceux d’Égypte qui s’étaient portés au secours de leur chef Lucua.
Trajan soupçonna les Juifs de Mésopotamie de vouloir pareillement attaquer les habitants de ce pays, aussi donna-t-il l’ordre à Lusius Quietus d’en purger la province. Celui-ci dirigea donc une expédition contre eux et en fit grand massacre. À la suite de ce succès, il fut nommé par l’empereur gouverneur de Judée. Les écrivains grecs qui ont raconté les événements de cette époque nous rapportent également ceux-là dans les termes qu’on vient de lire.
Trajan, après avoir régné vingt ans moins six mois eut pour successeur à l’empire .Aelius Hadrianus. [août 117]. Quadratus dédia à ce dernier un discours qu’il lui fit remettre et où il présentait l’apologie de notre religion, parce qu’alors des hommes malfaisants essayaient de tracasser les nôtres. On trouve encore maintenant ce livre chez beaucoup de frères et nous l’avons, nous aussi. On y peut voir des preuves éclatantes de l’esprit de son auteur comme aussi de son exactitude apostolique. Cet écrit porte en lui la preuve de son antiquité dans le récit qu’il présente en ces termes : « Les œuvres de notre Sauveur, parce qu’elles étaient vraies, ont été longtemps présentes. Ceux qu’il a guéris, ceux qu’il a ressuscites des morts n’ont pas été vus seulement au moment où ils étaient délivrés de leurs maux ou rappelés à la vie ; ils ont continué à exister pendant la vie du Christ et ont survécu à sa mort pendant d’assez longues années, si bien que quelques-uns sont même venus jusqu’à nos jours ».
Voilà ce qui concerne Quadratus. Aristide lui aussi, un des fidèles disciples de notre religion, a laissé, comme ce dernier, une apologie de la foi, dédiée à Hadrien. Son écrit est également conservé jusqu’ici chez beaucoup.
La troisième année du même règne [119-120], Alexandre, évêque de Rome, mourut après avoir achevé la dixième année de son administration ; Xystus fut son successeur. Dans l’Église d’Alexandrie, à la même époque, Juste remplaça Primus dans la douzième année de sa présidence.
Quant aux évêques de Jérusalem, je n’ai trouvé conservées nulle part les dates qui les concernent ; on raconte seulement qu’ils ont siégé très peu de temps. J’ai lu toutefois que, jusqu’au siège des Juifs sous Hadrien, il y avait eu là quinze successions d’évêques. On dit qu’ils étaient tous hébreux de vieille roche et qu’ils avaient reçu d’une âme sincère la connaissance du Christ. Aussi, dès ce temps-là, des gens compétents pour se prononcer en pareille question déclarèrent qu’ils étaient dignes de la charge épiscopale. D’ailleurs, l’Église de Jérusalem était alors composée uniquement d’Hébreux fidèles. Il en fut ainsi depuis les apôtres, jusqu’au siège que subirent les Juifs révoltés de nouveau contre Rome et où ils furent détruits en de terribles combats.
Comme les évêques de la circoncision prennent fin à cette époque, il est peut-être nécessaire d’en donner ici la liste depuis le premier. Le premier fut donc Jacques, le frère du Seigneur ; le second après lui, Siméon ; le troisième, Juste ; Zacchée, le quatrième ; le cinquième, Tobie ; le sixième, Benjamin ; Jean, le septième ; le huitième, Matthias ; le neuvième, Philippe, le dixième, Sénèque ; le onzième, Juste ; Lévi, le douzième ; Ephrem, le treizième ; le quatorzième, Josèphe ; enfin le quinzième, Judas. Tels furent les évêques de la ville de Jérusalem depuis les apôtres jusque au temps dont il est question présentement ; ils appartenaient tous à la circoncision.
Le règne [d’Hadrien] en était alors à la douzième année [128-129], Xystus avait accompli la dixième de son épiscopat à Rome et Télesphore lui succédait ; il était le septième depuis les apôtres. Un an et quelques mois plus tard, Eumène obtint la première dignité dans l’Église d’Alexandrie ; il venait ainsi au sixième rang de succession ; son prédécesseur avait duré onze ans.
La révolte des Juifs prenait donc à nouveau de plus vastes proportions. Rufus, gouverneur de Judée, après avoir reçu des renforts de l’empereur, profita sans pitié des folies de ces réfractaires et marcha contre eux. Il leur tua des masses serrées d’hommes, de femmes et d’enfants ; puis, selon les lois de la guerre, les déposséda de leur pays.
Le chef des Juifs s’appelait Barchochébas, nom qui signifie étoile. Il n’était du reste qu’un voleur et un assassin ; mais par son nom, il imposait à ces hommes serviles, et se donnait pour un astre qui leur était venu du ciel et qui devait les éclairer dans leurs malheurs.
La guerre était dans toute son intensité, la dix-huitième année du règne [134-135], et elle était concentrée autour de Bether, petite ville très forte, à peu de distance de Jérusalem. Le siège dura longtemps ; la faim et la soif réduisirent les révoltés aux dernières extrémités de la misère. L’auteur de cette folie en subit le juste châtiment et, depuis ce temps, tout le peuple reçut, par une loi et des prescriptions d’Hadrien, la défense absolue d’approcher du pays qui entoure Jérusalem : si bien qu’il était interdit aux Juifs de regarder même de loin le sol de leur patrie. C’est ce que raconte Ariston de Pella.
Ainsi Jérusalem n’avait plus de Juifs dans ses murs et elle en était venue à perdre complètement ses anciens habitants : elle ne renfermait plus que des étrangers. La ville romaine qui lui fut substituée changea de nom, et, en l’honneur de l’empereur Aelius Hadrianus, elle fut appelée Aelia. L’Église qui s’y trouvait n’était également plus composée que de Gentils. Le premier qui en devint évêque, après ceux de la circoncision, fut Marc.
Déjà, comme des astres étincelants, les Églises brillaient dans l’univers, et sur le genre humain entier s’épanouissait la foi en notre Sauveur et maître, Jésus-Christ. De son côté, le démon jaloux de tout bien, ennemi de la vérité, adversaire permanent et irréductible du salut des hommes, se mit à ourdir toutes ses machinations contre l’Église. Il l’avait attaquée autrefois par les persécutions du dehors ; maintenant cette voie lui étant fermée, il recourut à des hommes pervers et à des magiciens, comme à de pernicieux instruments pour la ruine des âmes et à des serviteurs déperdition ; et il usa ainsi d’une autre tactique. Il ne négligea rien. Ses magiciens et ses imposteurs usurpaient le nom de notre croyance, et, à la fois, ils attiraient ainsi à eux les fidèles qu’ils précipitaient ensuite dans l’abîme de la damnation, tandis qu’ils agissaient par leurs actions sur ceux qui ignoraient notre foi, et les détournaient du chemin qui conduit à la parole du salut.
De Ménandre, que nous avons dit plus haut être le successeur de Simon, sort une puissance, comme un monstrueux serpent à deux gueules et à deux têtes, les chefs des deux hérésies différentes, Saturnin, originaire d’Antioche, et Basilide d’Alexandrie. Ils établirent, l’un en Syrie et l’autre en Égypte, des écoles d’hérésies haïes de Dieu. Irénée nous apprend que Saturnin répétait la plupart des mensonges de Ménandre et que Basilide, sous prétexte de profonds mystères, débitait sans fin ses inventions et s’égarait lui-même dans les fictions monstrueuses d’une hérésie impie.
Un grand nombre de membres de l’Église défendirent la vérité en cette circonstance et luttèrent avec beaucoup d’éloquence pour le triomphe de la croyance des apôtres et de l’Église. Plusieurs voulurent même, dès cette époque, fournir dans leurs écrits, à ceux qui devaient venir après eux des méthodes préventives contre ces hérésies que nous avons citées. De ces œuvres, une est venue jusqu’à nous : due à un écrivain alors de très grand renom, Agrippa Castor, elle eut une réfutation parfaite de Basilide, et la malice de ce sorcier y est mise à jour. II révèle ses artifices secrets et dit que cet homme avait composé vingt-quatre livres sur l’Évangile ; il inventait des prophètes qu’il appelait Barcabbas et Barcoph, et d’autres encore qui n’ont jamais existé, auxquels il donnait des noms barbares pour frapper ceux qui se laissaient prendre à de pareils procédés. Il enseignait qu’il était indifférent de manger de la viande immolée aux idoles et qu’on pouvait sans y regarder parjurer sa foi dans les temps de persécution. Comme Pythagore, il imposait à ses disciples un silence de cinq ans. Le même écrivain rapporte encore d’autres choses analogues à celles-ci concernant Basilide et il montre ainsi admirablement l’erreur flagrante de ladite hérésie.
Irénée écrit aussi que Carpocrate vivait en même temps que ceux-ci. Il était le père d’une autre hérésie, celle qui porte le nom des Gnostiques. Ces derniers s’adonnaient également à la magie de Simon, non plus en secret comme celui-ci, mais bien publiquement, comme s’il se fût agi de quelque chose de grand. Ils étaient presque pleins de vénération pour les philtres qu’ils composaient avec un soin extrême, pour certains démons qui envoient les songes, pour ceux qui sont familiers et pour cent autres merveilles de ce genre. Comme conséquence décela, à ceux qui de valent aller jusqu’au bout dans leurs mystères ou plutôt dans leur infamie, ils enseignaient qu’il fallait se permettre tout ce qu’il y a de plus honteux ; il n’y avait pas d’autres moyens d’échapper aux princes du monde, comme ils disaient, que de leur accorder à tous satisfaction par une conduite infâme.
Il arriva que le démon, qui se réjouit du mal, se servît de ces auxiliaires, soit pour asservir et perdre ensuite ceux qu’ils avaient misérablement trompés, soit pour fournir aux nations infidèles, dans les écarts de ceux-ci un ample prétexte de dénigrement contre la parole divine : leur renommée se répandait en effet au détriment de tout le peuple chrétien. C’est ainsi, en grande partie, qu’est née cette légende impie et absurde, qui circulait à notre sujet parmi les incroyants d’alors, et dans laquelle on racontait que nous commettions des incestes monstrueux avec nos mères ou nos sœurs et que nous nous livrions à d’abominables festins. Tout cela du reste ne servit pas longtemps au démon ; la vérité se leva bientôt et en vint, avec le temps, à briller d’une vive lumière. Les machinations des ennemis disparurent aussitôt, confondues par leur propre activité. Les hérésies s’entassaient les unes sur les autres ; les premières s’évanouissaient successivement et se perdaient, de diverses manières, en des sectes multiples et des formes variées. Au contraire, toujours semblable à lui-même, l’éclat de l’Église catholique et seule véritable croissait et se développait ; ce qu’il y a de vénérable, de loyal, de libre, de sage, de pur dans son gouvernement divin et sa philosophie, rayonnait sur la race entière des Grecs et des barbares. Avec le temps, s’éteignit donc la calomnie qui s’était exercée contre toute notre croyance. Notre enseignement demeura seul victorieux auprès de tous et on reconnut qu’il l’emportait hautement par la gravité et la prudence, ainsi que par ses doctrines divines et philosophiques. Aussi bien, maintenant personne n’ose plus insulter notre foi par une appellation méprisante ni par la calomnie, comme celle dont usaient avec plaisir auparavant, ceux qui s’étaient autrefois conjurés contre nous.
Du reste, à l’époque dont nous parlons, la vérité se suscita encore à elle-même des défenseurs nombreux, qui combattirent les hérésies athées, non seulement en des discussions orales, mais encore en des dissertations écrites.
Quels furent les écrivains ecclésiastiques
En ces temps, florissait Hégésippe ; nous avons déjà recouru à de nombreuses citations de lui, pour établir, sur son autorité, divers faits du temps des apôtres. Après avoir raconté en cinq livres, d’une exposition fort simple, la tradition infaillible de la prédication apostolique, il indique clairement l’époque où il vécut, et il écrit ceci de ceux qui les premiers érigèrent des statues d’idoles : « On leur élevait des cénotaphes et des temples, comme on fait encore aujourd’hui. L’un d’eux fut Antinous, esclave d’Hadrien César, à la gloire de qui l’on célèbre les jeux antinoiens et qui vivait de nos jours (voyez l’Appendice). L’empereur bâtit en effet une ville qui porte son nom et lui donna des prophètes ».
Au même temps, Justin, sincère ami de la vraie philosophie, s’exerçait encore aux écrits des Grecs. Il indique lui aussi cette, époque dans l’apologie à Antonin en ces termes : « Il ne nous paraît pas hors de propos de rappeler encore ici Antinous qui vivait de notre temps tout récemment : tous, par crainte, s’empressaient de l’honorer comme un Dieu, quoiqu’ils sussent fort bien qui il était et d’où il était sorti ».
À propos de la campagne d’alors contre les Juifs, le même ajoute : « Dans la guerre juive actuelle, Barchochébas, le chef de la révolte, faisait conduire les seuls chrétiens à de terribles supplices s’ils ne reniaient et ne blasphémaient Jésus-Christ ».
Dans le même ouvrage, il expose sa conversion de la philosophie grecque à la religion de Dieu ; il montre qu’il n’a pas fait cela sans réflexion, mais après examen ; voici ce qu’il en écrit : « Je me plaisais aux enseignements de Platon, et j’entendais dire que les chrétiens étaient attaqués ; cependant je les voyais sans crainte devant la mort et tout ce qu’on estime être redoutable, et j’en concluais qu’il était impossible qu’ils vécussent dans le mal et l’amour du plaisir. Celui qui aime les délices, qui n’est pas tempérant, qui se plaît à se nourrir de chair humaine, pourrait-il accueillir avec empressement une mort qui doit lui ravir ce qu’il chérit ? ne s’efforcerait-il pas au contraire de prolonger par tous les moyens, l’existence d’ici-bas, et de se soustraire aux magistrats plutôt que d’aller s’accuser lui-même pour être mis à mort ? »
Le même écrivain raconte encore qu’Hadrien reçut du clarissime gouverneur Serenius Granianusune lettre au sujet des chrétiens, disant qu’il n’était pas juste qu’en dehors de toute inculpation, on mît à mort les chrétiens sans jugement, pour plaire à la foule qui vociférait contre eux. Le prince répondit à Minucius Fundanus, proconsul d’Asie, et lui interdit de ne juger personne sans qu’il y ait une plainte et une accusation en règle. Justin donne la copie du rescrit, gardant le texte latin tel qu’il est ; il le fait précéder de ceci : « Et d’après une lettre du très grand, très illustre César Hadrien, votre père, nous aurions pu vous demander d’enjoindre que, selon notre réclamation, il y eût des procédures. Cependant la raison de notre requête est moins ce qu’a ordonné Hadrien que la conviction de la légitimité de notre réclamation. Nous y joignons la copie de la lettre d’Hadrien afin que vous sachiez que nous disons vrai : en voici les termes ».
Et l’écrivain susdit donne le texte latin (voyez l’Appendice) ; nous l’avons, selon notre pouvoir, traduit en grec ainsi qu’il suit :
« À Minucius Fundanus. « J’ai reçu une lettre que m’a écrite le clarissime Serenius Granianus dont tu es le successeur. L’affaire qu’il me proposait m’a semblé mériter examen, de peur que les hommes ne soient inquiétés, et les dénonciateurs, favorisés dans leur mauvaise besogne. Si donc les habitants de la province peuvent ouvertement soutenir leur requête contre les chrétiens, de façon à ce que la chose soit plaidée devant le tribunal, qu’ils se servent de ce seul moyen et non pas d’acclamations ni de simples cris. Il est, en effet, préférable de beaucoup, si quelqu’un veut porter une accusation, que lu en connaisses toi-même. Cela étant, si quelqu’un les accuse et montre qu’ils ont fait quelque chose contre les lois, statue selon la gravité de la faute. Mais, par Hercule, si quelqu’un allègue cela par délation, retiens cette mauvaise action et aie soin qu’elle soit punie ».
Tel est le rescrit d’Hadrien.
Ce prince subit sa destinée après vingt et un ans de règne [10 juillet 138]. Antonin le Pieux lui succéda à l’empire. La première année de son gouvernement, arriva la mort de Télesphore, dans la onzième année de sa charge, Hygin fut choisi pour l’épiscopat des Romains.
Irénée raconte que Télesphore illustra sa mort par le martyre ; au même endroit, il nous montre que, sous Hygin, l’évêque des Romains, dont nous venons de parler, Valentin, auteur de la secte qui porte son propre nom, et Cerdon, chef de celle de l’erreur de Marcion, florissaient tous deux à Rome. Voici ce qu’il en écrit ;
« Valentin vint en effet à Rome sous Hygin, y fut dans tout son éclat sous Pie et y demeura jusqu’à Anicet. Cerdon, le prédécesseur de Marcion, vécut lui aussi sous Hygin, qui était le neuvième évêque [de Rome]. Il entra dans l’Église, et confessa son erreur ; mais il y persévéra, tantôt enseignant sa doctrine en secret, tantôt la désavouant de nouveau, tantôt convaincu de donner des enseignements mauvais, et il se retirade l’assemblée des frères ».
Irénée nous donne ces détails au troisième livre de son ouvrage contre les hérésies. Du reste au premier, il avait déjà dit ceci de Cerdon : « Un certain Cerdon, qui se rattache par ses origines aux sectateurs de Simon, résidait à Rome sous Hygin, le neuvième héritier de la succession épiscopale depuis les apôtres. Il enseignait que le Dieu annoncé par la loi et les prophètes n’était pas le Père de notre Seigneur Jésus-Christ. Celui-ci est connu, l’autre ne l’est pas ; l’un est juste, l’autre est bon. Son successeur, Marcion, originaire du Pont, développa son enseignement et blasphéma sans pudeur ».
Le même Irénée explique abondamment l’abîme sans fond de matière que Valentin a enveloppée d’erreurs ; puis, il dévoile sa malice cachée et sournoise semblable à celle d’un reptile qui se blottit dans un trou. Il apprend en outre qu’un autre, du nom de Marc, était la même époque très habile en jongleries magiques il décrit même en ces termes leurs mystères grossiers et leurs initiations abominables : « Les uns préparent un lit nuptial et accomplissent un rite secret en prononçant je ne sais quelles paroles sur ceux qu’ils initient. Ils disent que ce qu’ils font là sont des noces pneumatiques, à l’image des noces d’en haut. Les autres conduisent les initiés vers l’eau et les y plongent en disant : « Au nom du Père « inconnu de toutes choses, dans la Vérité mère de tout « et dans celui qui est descendu en Jésus ». D’autres enfin prononcent des mots hébreux pour frapper davantage ceux qu’ils initient ».
Mais après quatre ans d’épiscopat, Hygin mourut, et à Rome, Pie prit en main l’administration de l’église. D’autre part, à Alexandrie, après les treize années entières du gouvernement d’Eumène, Marc fut désigné comme pasteur, et, après dix ans, il laissa la charge de l’Église d’Alexandrie à Céladion. Dans la ville de Rome, lorsque Pie fut mort après un épiscopat de quinze années, Anicet y devint chef de l’Église. C’est sous lui qu’Hégésippe nous raconte qu’il fut à Rome et qu’il y demeura jusqu’à l’épiscopat d’Eleuthère.
C’est à cette époque surtout que brillait Justin. Il prêchait la parole divine sous l’habit de philosophe et il défendait la foi dans ses écrits. L’un de ceux-ci est dirigé contre Marcion qui vivait encore, nous dit-il, au moment où il écrivait. Voici ses paroles (voyez l’Appendice) : « Un certain Marcion, originaire du Pont, enseigne encore actuellement à ceux qui l’écoutent, qu’il faut admettre un Dieu plus grand que le Créateur. Grâce à l’aide des démons, il a amené partout beaucoup d’hommes à blasphémer, à nier que l’auteur de cet univers soit le Père du Christ et à reconnaître qu’en dehors de lui, il existe un autre être plus grand. Ainsi que nous l’avons dit, tous les sectateurs de ces hommes sont appelés chrétiens à la manière des philosophes auxquels, bien que leurs doctrines soient différentes, le nom de la philosophie est commun ».
Il ajoute ceci : « Nous avons composé un livre contre toutes les hérésies qui existent ; si vous voulez le lire, nous vous le donnerons ».
Ce même Justin, en outre de travaux excellents destinés aux Grecs, rédigea encore d’autres ouvrages contenant l’apologie de notre foi. Il les adressa à l’empereur Antonin surnommé le Pieux et au Sénat romain ; car il vivait alors à Rome. Il déclare qui il est et d’où il vient, en ces termes tirés de l’Apologie.
L’apologie de Justin à Antonin
« À l’empereur Titus Aelius Hadrianus Antoninus Pius, César Auguste et à Verissimus, son fils, Philosophe, et à Lucius, par la nature fils de César Philosophe et de Pius par l’adoption, ami de la science, au Sacré Sénat et à tout le Peuple des Romains : pour les hommes de toute race qui sont injustement haïs et calomniés, moi, l’un d’eux, Justin, fils de Priscus, fils de Bacchius, né à Flavia Neapolis de la Syrie Palestinienne, j’adresse et présente cette requête ».
Le même empereur, sollicité par d’autres frères d’Asie qui étaient en butte à toutes sortes de violences de la part des populations de cette province, jugea à propos d’adresser ce rescrit à l’assemblée d’Asie.
Lettre d’Antonin à l’assemblée d’Asie sur notre doctrine
« L’empereur César Marc Aurèle Antonin Auguste, Arméniaque, souverain pontife, tribun pour la quinzième fois et consul pour la troisième [7 mars-9 décembre 161], à l’assemblée d’Asie, salut.
Je sais que c’est aussi aux dieux de veiller à ce que de tels hommes n’échappent pas au châtiment ; car ce serait à eux, bien plutôt qu’à vous-mêmes, de punir ceux qui ne veulent pas les adorer. Vous jetez ces gens dans le trouble, et vous les ancrez dans la croyance qui est la leur, en les accusant d’athéisme. Mais quand ils sont inculpés, ils estiment préférable de se montrer en mourant pour leur Dieu que de vivre. C’est de là qu’ils tirent leur victoire, sacrifiant leur vie plutôt que de consentir à ce que vous leur demandez de faire. Quant aux tremblements de terre passés ou présents, il n’est pas hors de propos de vous rappeler, à vous qui perdez si facilement courage quand ils se produisent, que vous feriez bien de comparer notre conduite avec la leur. Ils sont pleins de confiance en Dieu ; vous, pendant tout le temps où vous semblez être plongés dans l’incurie, vous vous désintéressez et des autres dieux et du culte de l’immortel ; celui-ci, les chrétiens l’adorent, et vous les pourchassez et les persécutez jusqu’à la mort. Beaucoup de gouverneurs de province du reste ont écrit déjà à notre très divin père au sujet de ces hommes. Il leur a répondu qu’il ne fallait pas les inquiéter, s’il n’était pas prouvé qu’ils entreprissent rien contre la souveraineté romaine. Plusieurs se sont aussi adressés à moi-même, je leur ai écrit en me conformant à son avis. Si donc quelqu’un s’obstine à faire une affaire à un chrétien parce qu’il est chrétien, que cet inculpé soit renvoyé des fins de la plainte, lors même qu’il serait évident qu’il est chrétien, et que l’accusateur soit puni. Promulgué à Ephèse dans l’assemblée d’Asie (voyez l’Appendice) ».Que les choses se soient ainsi passées, c’est ce dont témoigne Méliton, évêque de l’église de Sardes, et alors bien connu. Cela du moins ressort de ce qu’il dit dans une apologie de notre doctrine adressée par lui à l’empereur Vérus.
À cette époque, Anicet gouvernait l’église des Romains. Polycarpe, qui vivait encore, fut à Home pour s’entretenir avec lui d’une question concernant le jour de la Pâques. C’est Irénée qui rapporte ce fait. Le même écrivain donne encore sur Polycarpe un autre récit qu’il faut joindre à ce qu’on a déjà dit de lui ; en voici la teneur :
«
Non seulement Polycarpe fut disciple des apôtres et vécut avec nombre de personnages qui avaient vu le Seigneur ; mais les apôtres l’établirent pour l’Asie évêque dans l’église de Smyrne : nous-même l’avons vu dans notre premier âge. Il vécut en effet longtemps ; puis après une vieillesse très avancée et un martyre glorieux et des plus éclatants, il mourut. Il n’eut jamais qu’un enseignement : celui qu’il avait appris des apôtres, que l’Église transmet et qui est le seul véritable. Toutes les Églises de l’Asie en témoignent et ceux qui lui ont succédé jusqu’ici attestent qu’il fut un témoin de la vérité autrement digne de foi et sûr que Valentin, Marcion et le reste des esprits pervers. Venu à Rome sous Anicet, il ramena dans l’Église de Dieu beaucoup des hérétiques dont il a été question plus haut ; il leur enseignait qu’il n’y a qu’une seule vérité laissée par les apôtres, celle qui est transmise par l’Église.«
Il existe encore des gens qui l’ont entendu raconter que Jean le disciple du Seigneur vint un jour aux thermes d’Éphèse. Lorsqu’il y aperçut Cérinthe, il en sortit précipitamment, sans prendre de bain, et disant : « Fuyons, de peur que l’édifice ne tombe sur nous ; « Cérinthe, l’ennemi de la vérité, s’y trouve ». Le même Polycarpe, à Marcion qui l’aborde et lui dit : « Reconnais-nous », répondit : « Je reconnais, je « reconnais le premier-né de Satan ». Telle était la circonspection des apôtres et de leurs disciples : ils ne voulaient avoir aucun rapport même de parole avec ceux qui falsifiaient la vérité, selon la recommandation de Paul : « Après un ou deux avertissements, évite l’hérétique, avec la certitude que quiconque est dans cet état est perverti et qu’il pèche, condamné qu’il est par son propre jugement ».« Il y a encore de Polycarpe une lettre aux Philippiens qui est très considérable : ceux qui le voudront et qui ont souci de leur salut pourront y apprendre le caractère de sa foi et sa prédication de la vérité ».
Voilà ce que dit Irénée. Dans l’écrit aux Philippiens dont il a été question et que nous avons encore, Polycarpe se sert de témoignages tirés de la première épître de Pierre (voyez l’Appendice).
Antonin, appelé le Pieux, acheva la vingt-deuxième année de son règne [mars 160], il eut pour successeurs son fils, Marcus Aurelius Verus, appelé aussi Antonin, et Lucius, son frère.
C’est à cette époque que Polycarpe mourut martyr, lors des persécutions très violentes qui bouleversèrent l’Asie. J’ai cru tout à fait utile d’insérer dans cette histoire, le souvenir écrit de sa mort qui nous en été conservé. Il existe une lettre, adressée aux églises du Pont au nom de l’église à laquelle il présidait, qui expose en ces termes ce qui le concerne : « L’église de Dieu qui habite Smyrne à celle de Philomélium et à toutes les chrétientés du monde appartenant à la sainte Église catholique : que la miséricorde, la paix, l’amour de Dieu le Père et de notre Seigneur Jésus-Christ surabonde en vous. Frères, nous vous écrivons (voyez l’Appendice) ce qui concerne les martyrs et le bienheureux Polycarpe qui, par son martyre, a comme scellé et fait cesser la persécution »..
Ensuite, avant d’en venir à ce dernier, ils racontent ce qui concerne les autres martyrs et décrivent la constance qu’ils ont montrée dans les tourments. Ils disent en effet la surprise dont étaient frappés les spectateurs, rangés en cercle sur les gradins, quand ils les voyaient, déchirés par les fouets, à ce point qu’on apercevait les veines et les artères les plus intérieures, et qu’apparaissaient les entrailles et les parties les plus cachées du corps. Ils étaient ensuite étendus sur des coquillages marins et des pointes aiguës, et, après avoir enduré toutes sortes de supplices et de tortures, enfin ils étaient exposés pour devenir la pâture des fauves. Ils racontent qu’on remarqua surtout le très courageux Germanicus ; fortifié par la grâce de Dieu, il domina la crainte du trépas innée à tout homme. Le proconsul voulait le persuader ; il lui alléguait son âge ; il lui disait qu’il était très jeune et dans la fleur de sa vie, et le priait d’avoir compassion de lui-même. Le martyr, sans hésiter, intrépidement, attira sur lui une bête farouche, lui fit presque violence et l’irrita, afin de sortir plus vite de leur monde injuste et pervers. Devant cette mort remarquable, la multitude entière fut stupéfaite en voyant le courage du pieux martyr et la vaillance de toute la race des chrétiens. Puis, elle se reprit à crier en masse : « Enlevez les athées. Qu’on cherche Polycarpe! » Le tumulte, grâce à ces cris, arriva à son comble. Un certain Phrygien de race, qui s’appelait Quintus, venu récemment de son pays, voyant les bêtes et les autres tourments dont il était menacé, sentit son âme fléchir, eut peur et finalement se laissa aller à sauver sa vie. Le texte de la lettre que nous avons citée nous apprend que ce chrétien avait agi trop inconsidérément, en se présentant à la légère au tribunal avec d’autres. Sa chute fut ainsi pour tous un exemple éclatant ; elle prouva qu’il ne faut pas affronter de tels périls à l’aventure et sans circonspection.
Voilà tout ce qui concerne ces martyrs.
Polycarpe, lui, fut tout à fait admirable. Tout d’abord, au récit de ces scènes, il demeura calme, gardant sa sérénité accoutumée et sa tranquillité d’âme ; il voulut même continuer à habiter la ville. Il céda pourtant à ceux de ses compagnons qui étaient d’un avis contraire et l’exhortaient à s’éloigner ; il se retira dans un domaine peu distant de Smyrne et y vécut avec quelques-uns de ses disciples. Nuit et jour, il ne faisait que persévérer dans les prières qu’il adressait au Seigneur, et il ne cessait d’y demander et d’implorer la paix pour toutes les églises de la terre : c’était du reste tout à fait sa coutume. Pendant sa prière, il eut la nuit une vision. Trois jours avant d’être pris, il vit l’oreiller qui était sous sa tête brûler soudain et se consumer. Il s’éveilla sur-le-champ, interpréta aussitôt la vision à ceux qui étaient là, leur prédit presque ce qui devait arriver et il leur annonça clairement qu’il lui faudrait mourir par le feu pour le Christ. Ceux qui le cherchaient, le faisaient avec toute l’activité possible. Contraint de nouveau par l’affection et l’attachement des frères, on dit qu’il alla dans un autre domaine. À peine y était-il que les émissaires arrivaient et saisissaient deux des serviteurs qui étaient là; ils en battirent un et grâce à lui ils parvinrent à la retraite de Polycarpe. Ils étaient arrivés le soir. Ils le trouvèrent reposant alors dans une chambre haute d’où il eût pu s’échapper et passer dans une autre maison. Il ne le voulut pas et dit : « Que la volonté de Dieu soit faite ». Lorsqu’il sut que ceux qui le poursuivaient étaient là, dit le récit, il descendit près d’eux, leur parla avec un visage tout à fait serein et très doux. Eux, qui jusque là ne le connaissaient pas, pensaient voir une apparition en contemplant cet homme si chargé d’années, cette physionomie si imposante et si calme, et ils s’étonnaient qu’on mît tant d’acharnement à s’emparer d’un tel vieillard. Aussitôt Polycarpe fit en hâte servir la table et les invita à prendre un copieux repas ; il leur demanda seulement une heure pour prier en liberté. Ils y consentirent : il se leva et, animé par la grâce du Seigneur, il se mit à prier. Ceux qui l’entendaient en étaient frappés, et plusieurs d’entre eux se repentaient d’en vouloir à la vie de cet homme vénérable et pieux.Voici au reste, pour ce qui suivit, le texte même de la lettre (voyez l’Appendice)
« Quand il eut achevé sa prière et fait mention de tous ceux qu’il avait connus, petits et grands, illustres ou obscurs, de toute l’Église catholique répandue dans le monde, l’heure départir venue, on le plaça sur un âne et on l’emmena à la ville. C’était un jour de grand sabbat. Hérode, l’irénarque, et son père, Nicétas, le croisèrent : ils le prirent sur leur char et, assis près de lui, essayèrent de le décider. Ils lui disaient : « Quel mal y a-t-il à dire ces mots : Seigneur César, et à sacrifier et à sauver sa vie ».
Le vieillard se tut d’abord ; ils insistèrent : « Je ne dois pas, reprit-il, faire ce que vous me conseillez ». Voyant alors qu’ils ne gagnaient rien, ils lui dirent des paroles blessantes, le firent descendre avec précipitation si bien qu’en quittant le char, il se déchira le devant de la jambe. Il n’en fut pas plus ému que s’il n’avait rien souffert. Il marchait gaiement et en hâte, se laissant conduire vers le stade.«
Le tumulte était tel dans le stade qu’on avait peine à rien entendre. Lorsque Polycarpe entra, une voix du ciel lui dit : « Sois courageux, Polycarpe, et agis vaillamment ». Personne ne vit qui parlait, mais beaucoup des nôtres perçurent ces paroles. Le vieillard fut donc amené et le bruit redoubla quand on sut qu’il était pris. Il se présenta donc au proconsul qui lui demanda s’il était Polycarpe : il répondit que c’était lui. Alors le magistrat l’exhorta à renier sa foi : « Aie pitié de ton âge », lui disait-il et d’autres paroles de même genre qu’il leur est coutume de répéter. Puis, il ajouta : « Jure par la fortune de César, repens-toi, dis : « Enlevez les athées ». Polycarpe regarda toute la foule du stade d’un visage grave, étendit la main vers eux, gémit et leva les yeux vers le ciel : « Enlevez les athées », dit-il. Le proconsul insista et dit : « Jure et je te mettrai en liberté; insulte le Christ ». Polycarpe repartit : « Il y a quatre-vingt-six ans que je le « sers et il ne m’a pas fait de mal ; comment puis-je blasphémer mon roi et mon Sauveur?» Le proconsul le pressa encore :« Jure par la fortune de César.— Si tu cherches une vaine gloire, dit-il, à me faire jurer par la fortune de César, comme tu le dis en feignant d’ignorer qui je suis, écoute. Je te le déclare librement : je suis chrétien. Si tu désires apprendre la doctrine du christianisme donne-moi un jour et tu l’entendras ». Le proconsul dit : « Persuade le peuple ». Polycarpe dit : « Je veux bien encore te « rendre raison ; car nous avons appris à donner aux magistrats et aux autorités établies par Dieu, l’honneur qui leur convient et qui ne nous nuit pas. Quant à ceux-ci, je ne les juge pas dignes d’entendre ma défense ». Le proconsul dit : « J’ai des bêtes et je t’exposerai à elles si tu ne changes pas d’avis ». Polycarpe dit : « Appelle-les ; nous ne changeons jamais pour aller du meilleur au pis, mais il est beau de passer des maux à la justice ». Le gouverneur reprit : « Je te ferai dompter par le feu si tu méprises les fauves, à moins que tu changes d’avis ». Polycarpe dit : ,« Tu me menaces d’un feu qui brûle un moment et s’éteint peu après ; car tu ne connais pas le feu du jugement à venir et le châtiment éternel réservé aux impies. Mais pourquoi tardes-tu ? Fais amener ce que tu voudras ».«
Tandis qu’il prononçait ces paroles et beaucoup d’autres il paraissait rempli de courage et de joie, et son visage étincelait de bonheur. Ainsi tout ce qu’on lui avait dit, l’avait laissé impassible. Le proconsul au contraire restait stupéfait ; il envoya le héraut annoncer au milieu du stade : « Polycarpe s’est par trois fois déclaré chrétien ». Lorsqu’on eut entendu cette proclamation, toute la foule des païens et des Juifs habitant Smyrne ne contint plus sa colère et clama à grands cris : « Il est le docteur de l’Asie, le père des chrétiens, le destructeur de nos dieux ; c’est lui qui apprend à beaucoup de gens à ne pas sacrifier et à ne pas adorer ». En même temps, ils criaient et demandaient à Philippe l’asiarque de lâcher un lion contre Polycarpe. Celui-ci répondit que cela ne lui était pas permis, parce que les combats des bêtes étaient achevés. Ils se mirent alors à crier unanimement de brûler vif Polycarpe. Il fallait en effet que la vision de l’oreiller qu’il avait eue s’accomplit. Lorsque le saint vieillard priait, il avait vu son chevet brûler, et s’étant tourné vers les fidèles qui l’entouraient, il avait dit d’une façon prophétique : « Je dois être brûlé vivant ». Cela fut fait plus rapidement que dit. La foule sur-le-champ courut dans les ateliers et les bains pour y chercher du bois et des fagots, elles Juifs étaient, selon leur coutume, très ardents à cette besogne. Quand le bûcher fut prêt, Polycarpe quitta lui-même tous ses vêtements, enleva sa ceinture et essaya d’ôter lui-même sa chaussure : il n’était plus accoutumé à le faire seul, car chacun des fidèles s’empressait constamment à qui toucherait le plus vite son corps ; la perfection de sa vie était si complète qu’il avait été vénéré même avant qu’il n’eût des cheveux blancs. On plaça donc rapidement autour de lui les matières du bûcher. À ceux qui allaient l’y clouer, il dit : « Laissez-moi comme je suis, celui qui m’a donné d’avoir à souffrir le feu, me donnera de rester tranquillement au bûcher sans être assujetti par vos clous ». On ne le cloua donc pas, mais on le lia. Il avait les mains attachées derrière le dos ; il ressemblait ainsi à un agneau de choix pris dans un grand troupeau pour un holocauste agréable au Dieu tout-puissant. Il dit : « Ô Père de Jésus-Christ, ton Fils aimé et béni par qui nous avons reçu le bienfait de te connaître, Dieu des anges, des Puissances, de toute créature et de toute la race des justes qui vivent en ta présence, je te bénis parce que tu m’as jugé digne, en ce jour et à cette heure, d’être admis au nombre de tes martyrs, de prendre part au calice de ton Christ pour ressuscitera la vie sans fin de l’âme et du corps dans l’incorruptibilité du Saint-Esprit. Reçois-moi devant toi aujourd’hui parmi eux, dans un sacrifice généreux et agréable, selon que tu me l’avais préparé et annoncé, et que tu réalises, ô Dieu ennemi du mensonge et véritable. C’est pourquoi je te loue de toutes choses, je te bénis, je te glorifie, par le pontife éternel Jésus-Christ, ton Fils aimé par lequel, à toi, avec lui dans le Saint-Esprit, gloire, aujourd’hui et dans les siècles avenir, Amen » .«
Dès qu’il eût dit « Amen » et achevé sa prière, les gens du bûcher allumèrent le feu, et une grande flamme s’éleva. Nous vîmes alors un prodige, nous du moins à qui il fut donné de l’apercevoir et nous étions réservés pour raconter aux autres ce qui arriva. Le feu monta en effet en forme de voûte ou comme une voile de vaisseau gonflée par le vent et entoura le corps du martyr. Lui cependant était au milieu, semblable non à une chair qui brûle, mais à l’or et à l’argent embrasés dans la fournaise. Nous respirions un parfum aussi fort que celui qui s’exhale de l’encens et d’autres aromates précieux. Les pervers voyant enfin que les flammes ne pouvaient attaquer sa chair, ordonnèrent au bourreau d’aller le percer de son glaive. Il le fit et un flot de sang jaillit, si bien que le feu s’éteignit et que la foule fut tout étonnée qu’il y eût tant de différence entre les incroyants et les élus. Polycarpe était l’un d’entre eux, lui, le docteur apostolique et prophétique le plus admirable de notre temps, évêque de l’église catholique de Smyrne ; toute parole sortie de sa bouche s’est en effet accomplie et s’accomplira. « Le mauvais, jaloux et envieux, l’adversaire de la race des justes, quand il eut vu la grandeur de son martyre, cette vie irréprochable depuis son début, le diadème d’immortalité qui la couronnait et cette victoire remportée d’une façon incontestable, prit soin que le cadavre de Polycarpe ne nous fût pas laissé, quoique beaucoup eussent désiré qu’il en fût ainsi et eussent souhaité d’avoir parte sa sainte dépouille. Certains suggérèrent donc à Nicétas, père d’Hérode et frère d’Alcé, d’intervenir auprès dii gouverneur pour qu’il nous refusât le corps du martyr, de peur, disait-il, que, quittant le crucifié, nous ne nous missions à adorer celui-ci. Ils tinrent ce langage à l’instigation et sur les instances des Juifs : ceux-ci nous épiaient même, lorsque nous allions retirer le cadavre du feu. Ils ignoraient que jamais nous ne pourrons ni abandonner le Christ, qui a souffert pour le salut de ceux qui sont sauvés dans le monde entier, ni adresser nos hommages à un autre. Nous l’adorons, lui, parce qu’il est fils de Dieu, et nous aimons aussi à bon droit les martyrs, mais comme des disciples et imitateurs du Seigneur, à cause de leur invincible attachement à notre roi et maître. Puissions-nous leur être unis et devenir leurs compagnons à l’école du Christ. Le centurion voyant la jalousie des Juifs, fit placer le corps au milieu selon leur coutume, et le brûla. De la sorte, ce ne fut que plus tard que nous avons enlevé ses ossements, plus chers que des pierres précieuses et plus estimables que l’or ; nous les avons placés dans un lieu convenable. C’est là que nous nous réunirons dans l’allégresse et la joie lorsque nous le pourrons et quand le Seigneur nous permettra de célébrer le jour natal de son martyre, pour nous souvenir de ceux qui ont combattu avant nous, et pour exercer et préparer ceux qui doivent lutter dans l’avenir. Voilà ce qui concerne le bienheureux Polycarpe. Il fut le douzième qui souffrit le martyre à Smyrne, en comptant ceux de Philadelphie, mais c’est de lui seul qu’on se souvient de préférence et dont on parle en tous lieux, même chez les païens ».Voilà comment il faut apprécier l’admirable fin de cet homme merveilleux et apostolique qu’était Polycarpe ; les frères de l’église de Smyrne en ont fait le récit dans l’épître que nous avons citée. Dans le même livre, se trouvent encore d’autres martyres qui ont eu lieu dans la même ville à la même époque de la mort de Polycarpe. Parmi eux, Métrodore, qui paraît avoir été prêtre de l’erreur de Marcion, périt par le feu. Un des athlètes d’alors se distingua et fut très célèbre ; il s’appelait Pionius. Ses diverses confessions, la liberté de son langage, les apologies qu’il fit de sa foi devant le peuple et les magistrats, les enseignements qu’il donna à la foule dans ses discours, ses encouragements à ceux qui avaient succombé dans l’épreuve de la persécution, les exhortations qu’il adressait aux frères qui venaient à lui dans la prison, les souffrances et les tourments qu’il eut ensuite à endurer comme, entre autres, d’être percé de clous, son courage au milieu des flammes et enfin sa mort après tous ces merveilleux combats, tout cela est exposé très au long dans la relation écrite qui le concerne. Nous y renverrons ceux qui la désireraient ; nous l’avons insérée dans notre collection des anciens martyres. On montre en outre aussi les passions d’autres chrétiens martyrisés à Pergame, ville d’Asie, Garpus et Papylus, et une femme, Agathonice, qui périrent glorieusement, après avoir confessé leur foi à plusieurs reprises et d’une façon remarquable.
En ces temps, Justin, dont nous venons de parler tout récemment, avait présenté aux empereurs cités plus haut un second livre sur nos dogmes. Les machinations ourdies contre lui par le philosophe Crescent lui valurent l’honneur d’un divin martyre (ce Crescent ambitionnait la vie et la conduite auxquelles convient le nom de cynique). Justin, après l’avoir plusieurs fois confondu dans des discussions contradictoires et en présence de témoins, enfin victorieux, ceignit par son martyre la couronne de la vérité qu’il avait prêchée. Dans l’Apologie dont nous avons parlé, cet ami parfait de la vérité l’avait clairement annoncé et avait décrit comment tout cela devait lui arriver (voyez l’Appendice). Voici ses paroles : « Moi aussi, je m’attends à devenir l’objet d’embûches, et à être mis dans les ceps, grâce à quelqu’un de ceux qui portent le nom de philosophe, grâce peut-être à Crescent qui aime non pas la sagesse, mais le bruit. Non, il n’est pas digne d’être appelé philosophe [ami de la sagesse], l’homme qui, parlant de ceux qu’il ne connaît pas, accuse en public les chrétiens d’athéisme et d’impiétés, et fait cela pour plaire au grand nombre qui est dans l’erreur. S’il n’a jamais lu les enseignements du Christ et nous attaque, c’est un homme d’une méchanceté absolue, et de beaucoup pire que les ignorants ; car souvent ceux-ci se gardent de discuter et de calomnier ce qu’ils ignorent. S’il les a lus sans en saisir la grandeur, ou encore si, l’ayant comprise, il se conduit de telle sorte pour n’être pas soupçonné d’être chrétien, il est bien plus lâche et plus pervers, puisqu’il ne s’élève pas au-dessus d’un qu’en dira-t-on niais et déraisonnable et qu’il est vaincu par la peur. Je lui ai proposé des questions et je l’ai interrogé sur quelques-uns de ces sujets ; je tiens à ce que vous sachiez que j’ai constaté d’une façon convaincante que vraiment il ne sait rien. Pour prouver que je dis la vérité, si ces discussions n’ont pas été connues de vous, je suis prêt à renouveler devant vous mes questions : cela serait digne de la majesté impériale. Si vous avez appris quelles furent mes questions et ses réponses, il vous est évident qu’il est dans une ignorance complète de ce qui nous concerne, ou, s’il en connaît quelque chose, il n’ose pas le dire à cause de ceux qui l’entendent ; comme je l’ai dit plus haut, il se montre ami non pas de la sagesse, mais du qu’en dira-t-on et fait peu de cas de l’excellente parole de Socrate (voyez l’Appendice) ».
Voilà ce qu’écrivait Justin.
Ainsi qu’il l’avait annoncé, après avoir été en butte aux machinations de Crescent, il y trouva la mort. Tatien, un homme qui dès sa première jeunesse s’adonna aux lettres grecques et ne s’y fit pas peu de renom, et qui a laissé dans ses écrits beaucoup de preuves de son talent, le rapporte dans son Discours aux Grecs de la manière que voici : « Justin, cet homme tout à fait digne d’admiration, disait avec raison que ceux dont il vient d’être fait mention ressemblent à des voleurs ».Et après quelques mots sur les philosophes, il ajoute : « Crescent, qui est venu nicher dans la grande ville, les dépassait tous en pédérastie et son avarice était grande. Lui qui conseillait le mépris de la mort, il la craignait si bien qu’il n’eût point de relâche avant de l’avoir déchaînée sur Justin comme le plus affreux malheur, parce que, prêchant la vérité, celui-ci avait prouvé que les philosophes sont des gourmands et des charlatans ».
Telle fut la cause du martyre de Justin.
Le même Justin avant son propre combat fait mention dans sa première apologie d’autres chrétiens qui ont souffert le martyre. Il fait aussi ce récit qui est utile à notre sujet ; voici ce qu’il écrit (voyez L’Appendice) :
«
Une femme vivait avec un mari licencieux ; elle avait été licencieuse elle-même autrefois. Quand elle eut connu les enseignements du Christ, elle s’assagit et elle essaya de persuader aussi à son mari de l’imiter. Elle lui exposa les enseignements qu’elle avait reçus et lui représenta le châtiment futur du feu éternel dont sont menacés ceux qui ne vivent pas selon la pureté et la droite raison. Celui-ci demeura dans les mêmes débauches et par ses pratiques s’aliéna l’esprit de la femme. Celle-ci pensa en effet que c’était une impiété de continuer à partager la couche d’un homme toujours en quête de voluptés réprouvées par la loi naturelle et par la justice, et elle résolut de le quitter. Ses proches la supplièrent et lui conseillèrent de patienter dans l’espoir d’un changement chez son mari : elle se fit violence et resta. Cependant son mari partit pour Alexandrie et elle apprit qu’il se conduisait plus mal encore. Aussi bien pour ne pas devenir complice de ses crimes et de ses infamies en continuant à vivre avec lui, à s’asseoir à sa table et à partager sa couche, elle lui donna ce que vous appelez le repudium et se sépara de lui. Ce bonhomme aurait dû se réjouir de ce que sa femme, qui se plaisait autrefois à se livrer sans retenue au vin et à toutes sortes de désordres avec les serviteurs elles mercenaires, avait renoncé à une telle conduite ; il aurait dû être bien aise de ce qu’elle voulait le voir cesser lui aussi ces pratiques. Mais comme elle l’avait quitté malgré lui, il porta contre elle une accusation, disant qu’elle était chrétienne. Elle te présenta une requête à toi, empereur, et elle exprima le désir qu’il lui fût accordé préalablement d’arranger ses affaires, promettant que celles-ci une fois terminées, elle viendrait répondre à l’accusation, et tu y consentis.«
Son mari n’avait alors plus rien à lui dire pour le moment. Il se tourna contre un certain Ptolémée, qu’Urbicius condamna, parce qu’il avait été le maître de cette femme dans la doctrine des chrétiens ; voici comment. Le débauché persuada à un centurion de ses amis de jeter en prison Ptolémée (voyez l’Appendice), de s’en emparer et de lui demander seulement s’il était chrétien. Ptolémée, par amour de la vérité, par répugnance de l’équivoque et du mensonge, confessa qu’il l’était. Le centurion le mit dans les fers et le fit longtemps souffrir en prison. Enfin, le captif fut conduit auprès d’Urbicius qui pareillement lui posa la même et unique question, à savoir, s’il était chrétien. Celui-ci de nouveau, persuadé qu’il était redevable des biens qui étaient en lui à la doctrine du Christ, confessa l’école de la vertu divine. Celui qui nie quelque chose, le fait, ou bien pour condamner ce qu’il nie, ou bien sachant qu’il en est indigne et qu’il y est étranger, pour éviter de rendre témoignage. Rien de ceci ne convient à un vrai chrétien. Urbicius ordonna qu’on emmenât Ptolémée au supplice. Un certain Lucius, lui aussi chrétien, voyant une sentence aussi déraisonnablement prononcée, dit à Urbicius : « Quel est le grief ? Cet homme n’est convaincu ni d’adultère, ni de débauche, ni d’homicide, ni de pillage, ni de vol, ni en un mot d’une injustice quelconque. Il avoue seulement porter le nom de chrétien et tu le unis. Urbicius, tu ne juges pas selon les intentions de l’empereur Antonin le Pieux, ni du philosophe, fils de César, ni du sacré Sénat ». Urbicius, sans répondre autre chose à Lucius, lui dit : « Toi aussi me « parais être chrétien ». Celui-ci répliqua : « Parfaitement ». Le préfet commanda qu’on le conduisît lui aussi à la mort. Le condamné répliqua qu’il lui en savait gré, parce qu’il allait quitter des maîtres très méchants pour se rendre auprès de Dieu qui est un bon père et un bon roi. Un troisième survint, qui fut aussi condamné avec eux.»À cela, Justin ajoute avec raison et comme conclusion (voyez l’Appendice) les paroles rappelées plus haut : « Et moi aussi je m’attends à des embûches de la part de quelqu’un de ceux qui portent le nom de philosophe, etc ».
Justin nous a laissé un grand nombre d’ouvrages, ils sont la preuve d’un esprit cultivé et zélé pour Tes choses divines et l’on n’en peut tirer que profit : nous y renverrons ceux qui aiment la science, après avoir indiqué ici, pour être utile, celles de ses œuvres qui sont venues à notre connaissance.
D’abord, il y a de lui le discours adressé à Antonin surnommé le Pieux, ainsi qu’à ses fils et au sénat de Rome, en faveur de nos croyances ; puis, celui qui contient une seconde apologie de notre foi et que Justin adressa au successeur et homonyme de l’empereur précédent, à Antoninus Verus, dont nous venons, à l’instant, de raconter ce qui concerne l’époque. Il y a encore le Discours aux Grecs, où l’auteur, après avoir examiné longuement beaucoup de questions agitées par nous et les philosophes grecs, disserte sur la nature des démons ; mais il n’y a pas d’urgence à en rien citer ici. Il nous est venu encore en autre écrit adressé aux Grecs, que Justin a intitulé Réfutation ; un ouvrage, De la monarchie de Dieu, qu’il établit non seulement d’après nos Ecritures, mais aussi d’après les livres des Grecs ; un écrit intitulé Psalmiste ; une autre œuvre, en forme de scolies, De l’âme, dans laquelle, développant diverses questions qui se rapportent à ce sujet, il donne les opinions des philosophes grecs ; puis, il promet de les contredire et d’expliquer son propre sentiment dans un autre livre. Il composa encore le Dialogue contre les Juifs, où il raconte la discussion qu’il eut à Éphèse avec Tryphon, le plus célèbre israélite de l’époque. Il y montre de quelle manière la grâce divine le poussa vers la doctrine de la foi, avec quel zèle il s’était auparavant adonné à l’étude de la philosophie et quelle ardente recherche il avait faite de la vérité. En ce qui regarde les Juifs, il raconte, dans le même ouvrage, comment ils ont suscité toutes sortes d’obstacles à l’enseignement du Christ, et il s’adresse à Tryphon en ces termes : « Non seulement vous n’avez pas changé de sentiment en ce qui concerne vos méfaits d’autrefois, mais en ce temps là, vous avez fait choix d’hommes spéciaux que vous avez envoyés de Jérusalem dans toute la terre pour dire qu’il venait de paraître une hérésie athée, celle de chrétiens. Ce sont eux qui ont répété tout ce que débitent contre nous tous ceux qui nous ignorent ; en sorte que vous êtes coupables d’injustice non seulement envers vous, mais bel et bien envers tous les hommes ».
Justin écrit en outre que de son temps encore les dons de prophétie brillaient dans l’Église et il fait aussi mention de l’Apocalypse de Jean, disant clairement qu’elle est de l’apôtre. Il cite certaines paroles des prophètes, et convainc Tryphon que les Juifs les ont retranchées de l’Écriture. Bien d’autres travaux de Justin sont encore entre les mains de beaucoup de chrétiens. Les écrits de cet homme ont paru aux anciens eux-mêmes tellement dignes d’estime qu’Irénée en cite des passages. Ainsi d’abord, dans le quatrième livre contre les hérésies, il dit : « Et c’est avec raison que Justin déclare, dans son ouvrage contre Marcion, qu’il ne serait pas même convaincu par le Seigneur lui-même, s’il l’entendait dire qu’il y a un autre Dieu que le créateur du monde ».
Puis, au cinquième livre du même ouvrage : « Et Justin observe fort bien qu’avant la venue du Sauveur, Satan n’a jamais osé blasphémer Dieu, parce qu’il ne savait pas encore sa condamnation ».
Ceci était nécessaire à dire pour encourager ceux qui aiment la science à fréquenter avec soin les ouvrages de cet écrivain. Voilà ce qui concerne Justin.
Le règne dont nous parlons en était déjà à sa huitième année (108-169). Anicet avait accompli dans l’Église des Romains la onzième année de son épiscopat, lorsqu’il eut pour successeur Soter. Quant à l’Église d’Alexandrie, elle fut présidée par Géladion pendant quatorze ans, puis par Agrippinus, qui fut son successeur.
Théophile est connu comme le sixième évêque de l’Église d’Antioche depuis les apôtres ; Cornélius, successeur d’Héron, avait été le quatrième, et Eros, qui vint après Cornélius, le cinquième
À cette époque florissaient dans l’Église Hégésippe, que nous connaissons d’après ce qui précède, Denys, évêque des Corinthiens, Pinylos, évêque de Crète ; avec eux, Philippe, Apollinaire et Méliton, Musanus et Modeste, et surtout Irénée. Grâce à leurs écrits, l’orthodoxie de la tradition apostolique dans la vraie foi est venue jusqu’à nous
Dans les cinq livres de Mémoires que nous avons de lui, Hégésippe a laissé, en effet, un document très complet de sa croyance personnelle. Il y fait connaître qu’au cours de son voyage à Rome, il eut des rapports avec beaucoup d’évêques, et qu’auprès de tous, il a trouvé la même doctrine. Après avoir parlé de l’épître de Clément aux Corinthiens, il ajoute ceci qu’il est bon d’entendre (voyez l’Appendice) : « [2] L’église des Corinthiens demeura dans l’orthodoxie jusqu’à l’épiscopat de Primus. Lorsque je naviguais vers Rome, j’ai vécu avec les gens de Corinthe et j’ai passé parmi eux un certain nombre de jours et je me suis réjoui avec eux de la pure té de leur doctrine. À Rome où je fus, j’ai établi une succession jusqu’à Anicet, dont Eleuthère était diacre : Soter fut le successeur d’Anicet, et Eleuthère vint après lui. Dans chaque succession et dans chaque ville, on est fidèle à l’enseignement de la loi, des prophètes et du Seigneur ».
Le même Hégésippe expose aussi les débuts des hérésies de son temps, en ces termes : « Après Jacques le Juste, qui subit le martyre comme le Seigneur, pour la même doctrine, Siméon, fils de Clopas, oncle du Christ, fut établi second évêque de Jérusalem ; tous le préférèrent parce qu’il était cousin germain de Jésus. L’Église alors était appelée vierge, parce qu’elle n’avait encore été souillée par aucun enseignement erroné. Mais Thébuthis, mécontent de n’avoir pas été évêque, commença dans le peuple, l’œuvre de corruption qui vint des sept sectes juives, dont il faisait lui-même partie. De celles-ci sortirent Simon, le chef des Simoniens ; Cléobius, celui de Cléobiens ; Dosithée, celui des Dosithéens ; Gorthée, celui des Gorathéniens, et les Masbothéens. C’est d’eux que vinrent les Ménandriens, les Marcianistes, les Carpocratiens, les Valentiniens, les Basilidiens, les Saturniliens, qui avaient tous introduit, chacun de son côté, leurs différentes opinions particulières. C’est d’eux encore que sont sortis les pseudo-christs, les pseudo-prophètes, les pseudo-apôtres qui divisèrent l’unité de l’Église par des pernicieux discours contre Dieu et son Christ ».
Le même Hégésippe rappelle encore les anciennes hérésies qui ont existé chez les Juifs :
« Il y avait, dit-il, chez les circoncis, parmi les fils d’Israël, différentes croyances contre la tribu de Juda et contre le Christ, Ce sont celles des Esséniens, Galiléens, Hémérobaptistes, Masbothéens, Samaritains, Sadducéens, Pharisiens ».
Il nous a transmis beaucoup d’autres renseignements dont nous avons en partie, déjà fait mention et que nous avons donnés selon la convenance du récit.II cite l’Évangile aux Hébreux et l’évangile syriaque, et rapporte des particularités de la langue hébraïque, d’où il ressort qu’il a passé du judaïsme à la foi chrétienne. Du reste, il rapporte encore d’autres particularités comme venant d’une tradition juive orale. C’est non seulement lui et Irénée, mais aussi tout le chœur des anciens, qui donnent le nom de Sagesse pleine de vertu aux Proverbes de Salomon. Pour ce qui est des livres des apocryphes, il nous raconte qu’un certain nombre d’entre eux, composés par des hérétiques, parurent à son époque. Mais il faut maintenant passer à un autre sujet.
Il faut d’abord parler de Denys, qui occupa le siège épiscopal de l’église de Corinthe. Cet évêque, non content d’exercer son zèle divin sur ceux qui étaient soumis à son autorité, l’étendait encore et sans compter à d’autres pays. Il se rendait très utile à tous, par les lettres catholiques qu’il composait pour les Églises. Parmi ces écrits, se trouvent la lettre adressée aux Lacédémoniens, qui est une catéchèse d’orthodoxie et qui a pour sujet la paix et l’unité ; la lettre aux Athéniens, où il les convie à croire et à vivre selon l’évangile,et où il les blâme de leur négligence ; ils avaient en effet presque abandonné les enseignements du Christ depuis que leur chef Publius avait été martyrisé lors des persécutions de cette époque. Il nous apprend que Quadratus, devint leur évêque après le martyre de Publius et il atteste que celui-là mit tout son zèle à rassembler les fidèles et à raviver leur foi. Il nous apprend en outre que Denys l’Aréopagite, dont la conversion par l’apôtre Paul est rapportée par les Actes, reçut le premier la direction de l’Église d’Athènes. On montre encore une autre lettre adressée à ceux de Nicomédie, dans laquelle Denys attaque l’hérésie de Marcion et défend la règle de la vérité. Il écrivit encore à l’Église de Gortyne en même temps qu’aux autres Églises de Crète ; il loue Philippe, leur évêque, de ce que son église s’est signalée par un grand nombre d’actions courageuses ; il rappelle qu’on doit se garder de fréquenter les hérétiques. Dans sa lettre à l’Église d’Amastris et à celles du Pont, qu’il dit avoir écrit à la prière de Bacchylide et d’EIpiste, il commente les saintes Écritures et nous apprend que leur évêque s’appelait Palmas ; il donne plusieurs avis sur le mariage et la continence et engage ses correspondants à recevoir les pécheurs, quelque coupables qu’ils soient, qu’ils aient commis une faute ordinaire ou même le péché d’hérésie. À ces lettres il faut ajouter une autre aux habitants de Gnosos dans laquelle Denys exhorte Pinytos, leur évêque, à ne pas imposer aux frères le lourd fardeau de la chasteté, mais à avoir en vue la faiblesse du grand nombre. Celui-ci répondit en exprimant son admiration et l’accueil favorable qu’il fait à son exhortation ; il en gage son collègue à distribuer encore à son peuple une alimentation plus solide, dans des écrits plus virils, de peur que, nourri constamment de lait, il ne vieillisse insensiblement dans une longue enfance. On peut voir par cette réponse, comme en un tableau achevé, l’orthodoxie de la foi de Pinytos, quel souci il avait du besoin de ses ouailles, quelle était son éloquence, et quelle enfin son intelligence des choses divines.
On a encore de Denys une lettre aux Romains ; elle est adressée à Soter, alors leur évêque : rien n’empêche d’en citer le passage où l’auteur approuve l’usage conservé parmi les Romains jusqu’à la persécution de notre temps. Voici ce qu’il écrit (voyez l’Appendice) :
«
Depuis le commencement, vous avez en effet coutume de donner toutes sortes de secours à tous les frères ; vous envoyez aux nombreuses Églises, dans chaque ville, des provisions de bouche : ainsi vous soulagez le dénuement de ceux qui sont dans le besoin ; ainsi par les ressources que, dès le début, vous leur faites parvenir, vous soutenez les confesseurs qui sont aux mines. Romains, vous gardez les traditions que vous ont laissées vos pères les Romains. Non seulement Soter, votre bienheureux évêque, les maintient ; mais il les développe, en fournissant généreusement tout ce qu’on expédie aux saints ; et, quand les chrétiens viennent à lui, il les accueille par des paroles aimables, comme un père bienveillant ferait ses enfants ».Denys, dans cette même lettre, parle de l’épître de Clément aux Corinthiens ; il montre que, depuis longtemps, l’usage antique était d’en faire la lecture dans l’assemblée des fidèles. Il dit en effet :
« Aujourd’hui nous avons célébré le saint jour du dimanche, pendant lequel nous avons lu votre lettre ; nous continuerons à la lire toujours, comme un avertissement, ainsi que du reste la première que Clément nous a adressée ».
Le même Denys se plaint encore que ses propres lettres aient été falsifiées : « Des frères, dit-il, m’ont prié d’écrire des lettres et je l’ai fait ; mais les apôtres du diable vont mêlé de l’ivraie et ils ont tantôt retranché et tantôt ajouté. Sur eux repose la malédiction « Malheur à vous! » Il n’est pas étonnant qu’ils aient altéré les enseignements du Seigneur, puisqu’ils se sont attaqués à d’autres qui n’ont pas leur importance ».
Il y a encore de Denys une autre lettre envoyée à Chrysophora, sœur très fidèle. Il lui donnait par écrit les avis qui correspondaient à sa situation et lui présentait l’aliment de la vérité qui lui convenait. Voilà ce qui regarde Denys.
De Théophile, que nous avons dit avoir été évêque d’Antioche, on a trois livres d’Institutions à Autolycus ; un autre qui a pour titre Contre l’hérésie d’Hermogène, où il se sert de témoignages tirés de l’Apocalypse de Jean ; on montre aussi de lui d’autres livres catéchétiques.
À cette époque aussi, les hérétiques gâtaient comme l’ivraie, la pure semence de l’enseignement apostolique. Aussi partout les pasteurs des églises en éloignaient les brebis du Christ comme on le fait pour les bêtes sauvages. Tantôt ils les écartaient par des avertissements et des exhortations adressées aux frères ; tantôt ils les prenaient ouvertement à partie, soit en des discussions ou des réfutations faites de vive voix en leur présence, soit aussi en des mémoires écrits où leurs opinions étaient réfutées par des preuves très rigoureuses. Que Théophile ait avec les autres été mêlé à ces luttes, cela apparaît clairement dans un livre qu’il a noblement composé contre Marcion. Cet ouvrage nous a été conservé jusqu’à maintenant avec ceux dont nous venons de parler.
Maximin succéda à Théophile sur le siège d’Antioche et fut le septième évêque depuis les apôtres.
Philippe, que grâce au dire de Denys nous savons avoir été évêque de l’église de Gortyne, fit lui aussi, avec un très grand zèle, un ouvrage contre Marcion. Il en est de même d’Irénée et de Modeste : celui-ci mit au grand jour, plus excellemment que les autres et pour tout le monde, l’erreur de cet hérétique. Un grand nombre les imita et leurs œuvres sont encore maintenant gardées chez beaucoup de frères.
En ces temps, Méliton, évêque de l’église de Sardes, et Apollinaire, évêque de celle de Jérusalem, se distinguaient aussi par l’éclat de leur science. Chacun de son côté, ils adressèrent des écrits apologétiques de la foi à l’empereur romain de cette époque dont il a été question. De leurs travaux, voici ceux qui sont venus à notre connaissance : de Méliton, les deux livres Sur la Pâque, le livre De la manière de vivre et des prophètes, celui De l’Église, Du dimanche, De la foi de l’homme, De la création, De la soumission des sens à la foi ; en outre le livre Sur l’âme et le corps ou sur l’unité; et l’écrit Sur le baptême et sur la vérité et sur la foi et la génération du Christ ; un livre de sa prophétie ; [Sur l’âme et le corps;] le livre Sur l’hospitalité, La clef, Du diable et de l’Apocalypse de Jean, De Dieu corporel et, enfin, l’opuscule À Antonin (voyez l’Appendice).
Au début du livre De la Pâque, Méliton indique l’époque où il écrivit, en ces termes : « Sous Servilius Paulus, proconsul d’Asie, au temps où Sagaris fut martyr, surgit un débat important à Laodicée concernantla Pâque, qui arriva justement ces jours-là, et c’est alors que ceci a été écrit ».
Clément d’Alexandrie dans son ouvrage sur la Pâque mentionne ce livre de Méliton et dit lui avoir inspiré d’entreprendre son travail.
Pans l’ouvrage qu’il adressa à l’empereur, Méliton raconte ceci qui a été accompli contre nous sous son règne : « Ce qui n’était jamais arrivé, la race de ceux qui honorent Dieu est maintenant persécutée en Asie en vertu de récents édits. Des sycophantes sans pudeur et désireux du bien des autres prennent prétexte de ces ordonnances pour voler ouvertement et piller la nuit comme le jour des gens qui sont innocents ».
Il dit plus loin : « Si cela se fait par ton ordre, c’est bien : un prince juste ne peut en effet rien ordonner d’inique ; pour nous, nous recevrons avec joie la récompense d’une telle mort. Mais nous t’adressons cette seule requête : examine d’abord toi-même l’affaire de ceux qui sont les auteurs d’une telle obstination, et juge équitablement s’ils méritent la mort et le châtiment ou bien la vie sauve et la paix. Cependant si cette résolution et ce nouveau décret, qui seraient déplacés même contre des ennemis barbares ne sont pas de toi, nous te prions avec plus d’instance encore de ne pas nous abandonner dans un pareil brigandage public ».
Il ajoute encore ceci : « En effet, la philosophie qui est la nôtre a d’abord fleuri chez les barbares ; puis, elle s’est épanouie, parmi tes peuples sous le grand règne d’Auguste, ton aïeul, et ce fut surtout pour ton propre règne un bon augure. Car depuis, la grandeur, l’éclat et la puissance de Rome ont toujours grandi. Toi-même, tu en fus l’héritier désiré ; tu le resteras avec ton fils, si tu conserves la philosophie qui est née avec l’empire, a commencé sous Auguste, et que tes ancêtres ont honorée à côté des autres religions. C’est une très grande preuve de l’excellence de notre doctrine qu’elle se soit épanouie on même temps que l’heureuse institution de l’empire, et que, depuis lors, à partir du règne d’Auguste, rien de regrettable ne soit arrivé mais au contraire que tout ait été brillant et glorieux selon les vœux de chacun. Seuls entre tous, excités par des hommes malveillants, Néron et Domitien ont voulu faire de notre doctrine un sujet d’accusation ; depuis ces princes, selon une. déraisonnable coutume, le mensonge des dénonciateurs a coulé contre nous. Mais tes pieux ancêtres ont réprimé leur aveuglement ; ils ont écrit fréquemment et à beaucoup, pour les blâmer d’avoir excité des soulèvements contre les chrétiens. C’est ainsi qu’il est avéré que ton grand-père. Hadrien a écrit à plusieurs, notamment à Fundanus, proconsul d’Asie. Ton père, alors même qu’il gouvernait l’empire avec toi, a mandé par lettres aux villes, et entre autres, aux habitants de Larisse, de Thessalonique et d’Athènes , ainsi qu’à tous les Grecs, de ne pas soulever de troubles à notre sujet. Quant à toi, qui es tout à fait dans leur manière de voir, avec encore plus d’humanité et de philosophie, nous sommes convaincus que tu feras tout ce que nous te demandons ».
Voilà ce qui se trouve dans l’ouvrage dont nous avons parlé. Au début des Extraits qu’il a composés, dans l’introduction, le même auteur fait le catalogue des écrits incontestés de l’Ancien Testament. Il est nécessaire de le reproduire ici ; en voici les termes : « Méliton à Onésime, son frère, salut. Ton zèle pour la doctrine t’a fait souvent désirer d’avoir des extraits de la Loi et des Prophètes concernant le Sauveur et toute notre foi ; tu as souhaité aussi savoir avec précision quels sont les livres saints anciens, quel est leur nombre et l’ordre où ils sont placés. Je me suis appliqué à cette œuvre : je sais ton zèle pour la foi, ton ardeur à connaître la doctrine ; je sais que c’est par amour de Dieu que tu mets cela avant tout le reste, et que tu combats pour le salut éternel. Etant donc allé en Orient, j’ai demeuré là où a été annoncé et accompli ce que contient l’Écriture ; j’ai appris avec exactitude quels sont les livres de l’Ancien Testament ; j’en ai dressé la liste, et je te l’envoie. Voici les noms : cinq livres de Moïse : la Genèse, l’Exode, les Nombres, le Lévitique ; le Deutéronome, Jésus Navé, les Juges, Ruth, quatre livres des Rois, deux des Paralipomènes, les Psaumes de David, les Proverbes de Salomon ce qui est aussi la Sagesse, l’Ecclésiaste, le Cantique des cantiques, Job ; les livres des prophètes : Isaïe, Jérémie, les douze prophètes en un seul livre, Daniel, Ézéchiel ; Εsdras. De ces écrits j’ai fait des extraits que j’ai divisés en six livres ». Voilà ce qui est de Méliton.
De l’œuvre d’Apollinaire une grande partie a été conservée par beaucoup de gens. Voici ce qui en est venu jusqu’à nous : l’ouvrage adressé à l’empereur dont il est question plus haut, cinq livres Aux Grecs#8239;; & De la Vérité, I et II; et Aux Juifs, I et II; ceux qu’il a composés plus tard Contre l’hérésie des Phrygiens, qui devait peu après proposer ses innovations et qui commençait, alors pour ainsi dire, à naître. C’est à cette époque que Montan, et ses pseudo-prophétesses faisaient leur début dans leurs errements (voyez l’Appendice).
Nous avons encore cité Musanus dans ce qui précède. On montre de lui un ouvrage très habile adressé à des frères qui glissaient dans l’hérésie dite des Encratites. Cette secte était alors à son début et elle apportait au monde une doctrine étrangère, pernicieuse et mensongère. On dit que le chef de cet égarement était Tatien.
Un peu plus haut, nous avons cité ses paroles sur l’admirable Justin, et nous avons raconté qu’il était le disciple de ce martyr. Irénée l’apprend en son premier livre de son ouvrage sur les hérésies ; voici ce qu’il écrit à la fois de Tatien et de son erreur : « De Saturninus et de Marcion viennent ceux qu’on appelle Encratites. Ils prêchent qu’on ne doit pas se marier, ils mettent de côté l’ordre antique établi par Dieu et blâment tranquillement celui qui a fait l’homme et la femme pour la propagation du genre humain. Ils introduisent l’abstinence des aliments qu’ils disent avoir eu vie, et, par là, montrent leur ingratitude envers Dieu, l’auteur de l’univers. Ils nient aussi le salut du premier homme. On trouve maintenant que cela leur vient d’un certain Tatien, qui le premier inventa ce blasphème. Il avait été disciple de Justin. Tant qu’il vécut avec lui, rien de cela ne parut. Mais après son martyre, Tatien se sépara de l’Église ; il s’éleva dans la pensée qu’il était un maître, s’aveugla au point de se croire supérieur aux autres et donna son caractère personnel à son école. Il imagina des éons invisibles, comme ceux qu’on trouve dans les fables de Valentin ; comme Marcion et Saturnin, il appela le mariage une corruption et une débauche ; de lui-même, il soutint qu’Adam n’est pas sauvé ».
Voilà ce que dit alors Irénée. Peu après, un certain Sévère fortifia la susdite hérésie et c’est de lui que les membres de cette secte tirent l’appellation de Sévériens. Ils se servent de la loi, des prophètes et des évangiles ; mais ils interprètent à leur façon les pensées des saintes Écritures. Ils traitent l’apôtre Paul d’une manière irrévérencieuse et rejettent ses épîtres : ils ne reçoivent pas non plus les Actes des Apôtres. Leur premier chef, Tatien, fit une compilation et un mélange des évangiles arrangea je ne sais comment, et qu’il appela Diatessaron ; on trouve encore aujourd’hui cet ouvrage entre les mains de quelques-uns. On dit aussi qu’il eut l’audace de changer certaines paroles de l’apôtre pour redresser l’arrangement de la phrase.
Il a laissé un très grand nombre d’écrits parmi lesquels beaucoup mentionnent surtout son fameux Discours aux Grecs, dans lequel il parle des temps antiques et où il montra que Moïse et les prophètes des Hébreux ont existé avant tous les Grecs célèbres. Il semble que c’est le plus beau et le plus utile de tous ses écrits. Voilà ce qui concerne ces auteurs (voyez l’Appendice).
Sous le même règne, les hérésies se multiplièrent en Mésopotamie. Un homme très savant et très habile à discuter en langue syriaque, Bardesane, composa des dialogues contre les Marcionites et d’autres qui avaient introduit diverses croyances ; il les écrivit en sa langue et son écriture nationales, ainsi que beaucoup d’autres de ses ouvrages. ses disciples, que son éloquence avait attirés nombreux autour de lui, les traduisirent en grec.
Parmi ces œuvres, il faut citer le très habile dialogue Sur le destin dédié à Antonin, et celles que la persécution qui sévissait alors lui fournit encore, dit-on, l’occasion d’écrire. Il avait d’abord été de l’école de Valentin ; mais il la dédaigna et réfuta la plupart des fables de cet hérétique et il lui sembla à lui-même pour ainsi dire revenir à la croyance plus orthodoxe ; du reste, il n’était pas complètement tombé dans l’abîme de cette antique hérésie. À cette époque, mourut Soter, évêque de l’église des Romains.
i : ἐπίσκοπος mss., Κέρδων ἐπίσκοπος ER syr., Rufin.
ιι, 2 : M. Rutilius Lupus. Sur ces soulèvements des Juifs, voy. Shuerer, Geschichte des jüdischen Volkes, t. I, p. 661 suiv. — : Dion Cassius, LXVIII, XXXII, appelle le chef des révoltés André. — Marcius Turbo, probablement successeur de Rutilius dans la préfecture d’Égypte (cf. SPARTIEN, Hadr., vii), avant l’arrivée de Rammius Martialis dans ce poste au commencement de 118. — 5 : Λουκίω mss., syr., RUF. ; Κυήτω À (c’e.-à-d. Quieto), Κούντω BD, κοίντω EMR; Quieto, RUF. ; syr. La forme véritable est attestée par SPARTIEN, Hadr., ν : Lusium Quietum ; DION, LXVIII, 32; THIEMISTIUS, Or., XVI, ed. HARDUIN, p. 205 A. Il fut envoyé en Judée après son consulat (115) comme légat consulaire.
iii, : γὰρ ἦν : d’après M. Schwartz, dittographie de παρῆν, qui précède, introduite dans le texte avant Eusèbe.
v, 3, Sur celte liste, voy. L. Duchesne, Origines chrétiennes (autographie, 2e éd.), p. 125.
vi, 1 : Tincius Rufus (BOUGHESI, Œuvres, t. III, p. 62 ; t. VIII, p. 189); cf. Shuerer, Geschichte des jüd. Volkes, t. I, p. 687 suiv. — : Βηββηρα BDB, Βίββηρα AEMT, Bethera RUF. ; le nom grec est un accusatif. Voy. Shuerer, ib., p. 693, note 130.
vii, 4 : ἀπορρητοτέρων AEBT, syr., lat.; ἀπορρητοτέρω BDM ; ut allius aliquid et uerisimilius adinuenisse uideatur, IRENEE. — : κρατοῦσα : c’est un des noms du christianisme après la paix de l’Église ; voy. la note de Valois.
viii, i:ὁ M syr., ὁ καί BD, om. AEBT ; qui Antinoii appellantur, nostris adhuc temporibus instituti, Rufin. Cf. plus bas, dans la citation de Justin, Ἀντινόου τοῦ νῦν γενομένου. — . Le nom exact du proconsul d’Asie était Q. Licinius Silvanus Granianus Quadronius Proculus ; et celui de son successeur, Minicius Fundanus. Voy. sur ces passages de Justin et les divergences des textes, l’édition des Apologies donnée dans cette collection par M. Pauligny.
x. Sur le rescrit d’Hadrien, voy. l’article de M. CALLLEWAERT, dans la Revue d’histoire, et de littérature religieuses, t. VIII (1903), p. 152 suiv. La traduction d’Eusèbe s’est substituée au texte latin dans le ms. de Justin. Un assez grand nombre d’historiens ont considéré le texte latin, donné par Rufin, comme l’original. Bien que cette opinion soit très probablement fausse (voyez CALLEWAERT, l. c, p. 181), nous croyons utile de reproduire ce texte ci-dessous.
Exemplum epistulae imperatoris Hadriani ad Minuciuin Fundanum proconsulem Asiae,
« Accepi litteras ad me scriptas a decessore tuo Serennio Graniano clarissimo uiro et non placet mihi relationem silentio praeterire, ne et innoxii perturbentur et calumnia toribus latrocinandi tribuatur occasio. Itaque si euidzenter prouinciales huic petitioni suae adesse ualent aduersum Christianos, ut pro tribunali eos in aliquo arguant, hoc eis exequi non prohibeo. Precibus autem in hoc solis et adclamotionibus uti eis non permitto. Etenim multo aequius est, si quis uolet accusare, te cognoscere de obiectis. Si quis igitur accusat et probat aduersum leges quicquam agere, memoratos homines, pro merito peccatorum etiam supplicia statues. Illud mehercule magnopere curabis, ut si quis calumuiae gratia quemquam horum postulauerit reum, in hunc pro sui nequitia suppliciis seuerioribus uindices ».
xi 1 : ἕνατος mss., syr., lat. ; EPIPHANE, XLI, I ; XLII, 1: CYPRIEN, Epist., LXXIV, 2. De même dans l’extrait suivant. § 2. Mais l’ancienne traduction latine a ici octauus, cl cf. plus loin, V, vi, 4. « Hic error antiquissimus est » VALOIS. — : γνωριζομένου : voy. la note sur III, xxii. — 9. Sur les variantes de Justin et les difficultés de ce passage, voy. l’édition PAUTIGNY, p. xxxn. Nous ne savons rien de plus d’un ouvrage spécial de Justin contre Marcion.
xii. Sur cette adresse, voy. aussi la même édition. p. XXVI.
xiii. L’authenticité de la lettre d’Antonin a été défendue par M. Harnack, Das Edikt des Antoninus Piux (Leipzig, 895), qui a tenté d’en restituer le texte, en éliminant un certain nombre d’interpolations. Voy. un résumé de M. SALTET. dans la Revue d’histoire et de littérature religieuses, t. 1 (1896), p. 384, avec les principales objections que soulève cette opération. En général, on est resté sceptique et le document n’est pas réhabilité voy. M. SCHANZ, Geschichte der römischen Litteratur, t. III. 2e éd., 1905, p. 249). M. Schwartz croit que c’est la traduction d’un apocryphe rédigé en latin. Les noms et les titres de l’empereur sont erronés et il est à peu près impossible de tirer un sens des §§ 1 et 5. De plus, le ms. de saint Justin, Β. Ν. gr. 450, daté de 1301. donne à la suite des Apologie*, un autre texte gree. C’est probablement une version différente du même original. Voici ce texte, tel «|ue M. Schwartz l’a édité d :ms son édition de ÏHisl. ceci. ifEusèbe, t. I, p. :t28. Si le sens est semblable, il y a de nombreux écarts dans l’expression.
Ἀντωνίνου ἐπιττολή πρὸς τὸ κοινὸν τῆς Ἄσίας
Αὐτοκράτωρ Καῖταρ Τίτος Αἴλιος Ἀδριανὸς Ἀντωνϊνος Σεβαστός Εὐσεβής, ἀρχιερεὺς μέγιστος, δημαρχιχῆς ἐξουσίας τὸ xδ’ ὕπατος τὸ δ’
ἐξουσίας ὕπατος; πδ’ ms. ] (10 déc. 160 — 7 mars 161), πατὴρ πατρίδος [ τὸ κα’ ad. ms. ; corrigé par M. Schwartz] τῷ κοινῷ τῆς Ἀσίας χαίρειν. Ἐγὼ ᾤμην ὅτι καὶ τοῖς θεοῖς ἐπιμελὲς [τοὺς θεοὺς ἐπιμελεσις ms. ] ἔσεσθαι μὴ λανθάνειν τοὺς τοιούτους· πολὺ γὰρ μᾶλλον ἐκείνους κολάσοιεν, εἴπερ δύναιντο, τοὺς μὴ βουλομένους αὐτοῖς προσκυνεΐν· οἷς ταραχὴν ὑμεῖς ἐμβάλλετε, καὶ τὴν γνώμην αὐτῶν ἥνπερ ἔχουσιν, ὡς ἀθέων κατηγορεῖτε καὶι ἕτερα τινα [ἐμνάλλετε] ἅτινα oὐ δυνάμεθα ἀποδεῖξαι. Εἴη δ’ ἂν ἐκείνοις χρήσιμον τὸ δοκεῖν ἐπὶ τῷ κατηγορουμένῳ τεθνάναι, καὶ νικῶσιν ὑμᾶς, προιέμενοι τὰς ἑαυτῶν ψυχὰς ἥπερ [εἴπερ ms.] πειθόμενοι οἷς ἀξιοῦτε πράσσειν αὐτούς. Περὶ δὲ τῶν σεισμῶν τῶ γεγονότων καὶ τῶν γινομένων, οὐκ ἀπεικός [εἰκός ms. ] ὑπομνῆσαι ὑμᾶς ἀθυμοῦντας ὅτανπερ ὦσι, παραβάλλοντας [-ες ms.] τὰ ὑμέτερα πρὸς τὸν ἐκείνων, ὅτι εὐπαρρνσιαστότεροι ὑμῶν γίνονται πρὸς τὸν θεὸν, καὶ. ὑμεῖς μὲν ἀγνοεῖν δοκεῖτε παρ’ ἐκεῖνον τὸν χρόνον τοὺς θεοὺς καὶ τῶν ἱερῶν ἀμελεῖτε, θρῃσκείαν δι’ τὴν περὶ τὸν θεὸν oὐx ἐπίστασθε· ὅθεν καὶ τοὺς θρῃσκεύοντας ἐξηλάκατε [ἐζηλώκατε ms.] καὶ διώκετε ἕως θανάτου. Ὑπὲρ τῶν τοιούτων καὶ ἄλλοι τίνὲς τῶν περὶ τὰς ἐπαρχίας ἡγεμόνων τῷ θειοτάτῳ μου πατρὶ ἔγραψαν· οἷς καὶ ἀντέγραψε μηδὲν ἐνοχλεῖν [ὀχλεῖν ms. ] τοῖς τοιούτοις, εἰ μὴ φαίνοιντό τι ἐπὶ τὴν ἡγεμονίαν Ῥωμαίων ἐγχειροῦντες. Καὶ ἐμοὶ δὲ περὶ τῶν τοιούτων πολλοὶ ἐσήμαναν. οἷς δὴ καὶ ἀντέγραψα τοῦ πατρός μου κατακολουθῶν γνώμῃ. Εἰ δέ τις ἔχοι πρός τινα τῶν τοιούτων πρᾶγμα καταγέρειν ὡς τοιούτου, ἐκεῖνος ὁ καταφερόμενος ἀπολελύσθω τοῦ ἐγελήματος κἂν φαίνηται τοιοῦτος ὤν, ἐκεῖνος δὲ ὁ καταφέρων ἔνοχος ἔσται τῇ δίκῃ.
xiv. 4 : διδάξας : ἐδίδαξεν. — ἡ ἐκκλησία mss., τῇ ἐκκλησίᾳ lat.. In. lat. — ἃ καὶ μόνα : καὶ μόνα In. — 5 : τὸν Παλύκαρπον AMΤ lat., IREN., syr.; τὸν (τοῦ) Πολυκάρπου θρόνον BDER. — ὑπὸ τῆς ἐκκλησίας mss., syr. ; καὶ τῇ ἐκκλησίᾳ lat., IR. lat. — : ἐπιγίνωσκε BDM syr., lat., conclusion du Martyrium Polycarpi, dans le ms. de Moscou, qui a tiré ces additions d’Irénée (FUNK, Patres apostolici, 2e éd., p. 344 ; ἐπιγινσκεις AEBT% lR. — ἐπιγινώσκω ἐπιγινώσκω : ἐπιγινώσκω, syr., cognosco te In.
xiv. 9. Rapports et citations de la première épitre de saint Pierre avec la lettre de Polycarpe aux Philippiens : Polycarpe Prima Petri
i. 3 i, 8.
ii, 1 i, 13. 21.
il, 2 iii, 9.
v, 3 ii, 11.
viii, 2 iv, 7.
vii, I ii, 22, 24.
x, 1 iii, 8.
x. 2 ii, 12; ν, 5
xii. 2 i, 21.
Voy. les éditions des Pères apostoliques et The New Testament in the Apostolic fathers, by a committee of the Oxford society of historical theology (Oxford, 1905), p. 86 suiv.
xv, 2 : κατὰ Πόντον ABDM syr., lat. ; κατὰ τόπον ERT Schwartz. On peut hésiter entre les deux leçons. Philomelium n’est pas dans le Pont, mais en Phrygie. De plus, l’adresse authentique, citée ensuite, porte κατὰ πάντα τόπον. Mais, d’autre part, πάντα manque dans Eusèbe, et il faudrait prouver que κατὰ τόπον suffit. Il est probable que certains mss. d’Eusèbe ont été corrigée d’après l’adresse de la lettre et qu’Eusèbe a bien écrit, en dépit de la géographie, κατὰ Πoντον. — 3 : ἐγράψαμεν : l’auteur d’une lettre se place souvent au moment où on la lira et met au passé ce qui est encore pour lui un présent ; KUEHNER, Grammatik der Griech. Sprache, t. II, le partie, par B. GERTH Hlannovre, 1898), p. 168 ; Fr. BLASS, Grammatik des neutestamentlichen Griechisch, § 57, 10 (1e éd., Goettingue, 1896, p. 190). — : ἄθρόυς; : voy. la note sur III, viii, 6.
Le texte du Martyrium Polycarpi [G) diffère sur plus d’un point de celui d’Eusèbe. Voici les principales divergences. , κύριος EMBT, G; κύριε ABD, Domine trad. lat. de G. — 33 : τοῦ Χριστοῦ σου EB lat., partie des mss. de G; σου om. ABDMT, syr., un ms. de G. — ; ἀρχιερέως mss., syr., G ; deum et pontificem, Rufin (addition antisubordinatienne). — ἐν πνεύματι mss., σύν syr.lat., XÏI G. — : καθολικῆς om. syr., lat. — : δ’ Ἄλκης : Eusèbe avait Δάλκης (tous les mss., sauf D, lat., syr.) ; δὲ Ἄλκης; D, corrigé d’aprés G qui a gardé le texte primitif.— τῶν σῳζόμενων om. T, lat.. un ms. de G : d’après M. Schwartz, texte primitif auquel s’est ajouté, ensuite une correction (ou une glose), τοῦ πάντος κόσμου. — : δωδεκάτου paraît avoir été la leçon de l’archétype de nos mss. d’Eusèbe ; mais les traductions supposent un autre texte : κ mit den zwölf von Philadelphia die zeugten » ; syr. ; cum quo etiam alii duodecim ex Philadelphia uenientes... martyrio consummati sunt, lat. Cf. G : Πολύκαρπον ὃ;... δωδέκατος. — μαρτυρήσαντος Schwartz ; μαρτυρήσαντος ὅς mss. ; μαρτυρήσας — 8;... κατατεθειμένων om. lat. — ὑπὸ πάντων μᾶλλον mss.. πάντων μᾶλλον syr., soius inler celcros trad. lat. de G, ὑπὸ πάντων G. Primitivement : πάντων μᾶλλον, glosé ou corrigé par μόνος, qui a passé dans le texte et a été rattaché à πάντων par ὑπό (Schwartz). — À ces observations, il faut ajouter que M. Schwartz considère comme doublons ou interpolations : : προσαχένθος... προσελθόντα (doublon de άγόμενος... εἰσιόντι 10-17); : προσευχόμενος et ἐπιστραφείς (et 10 : εὐχόμενον), interpolalions antérieures à Eusèbe ; : οἳ ... τὰ γενόμενα : ἐπίσκοπος (suspecté à tort). En revanche, Eusèbe n’a pas la mention de la colombe, § 39 : ἐξῆλθε περιστερὰ καὶ πλῆθος αἵματος, G. — Sur , et , voy. JUSTIN, Apol., I, vi, 1.
xvi, 1. Sur l’ordre des Apologies de Justin, voy.. dens cette collection, l’édition PAUTIGNY, p. x suiv. — . Sur les divergences d’Eusèbe avec le ms. de Justin, voy. ib., p. xxxvi. — . La citation de Platon est restée dans l’encrier d’Eusèbe : Ἀλλ’ οὔτι γε πρὸ τῆς ἀληθείας τιμητέος ἀνήρ, « La vérité doit passer avant l’homme »,
xvii, 1. Voy, l’éd. citée des Apologies, p. xv. et, sur la citation qui suit, p. xxxv. M. Schwartz considère comme des interpolations antérieures à Eusèbe. 8, ὃν... ἐκολάσατο (omis par Rufin) : , εἴς... Πτολεμαῖον (omis par Rufin): . ἐπεῖπεν (et aussi γινώσκων que donne à la place le ms. de Justin). Le préfet s’appelait Q. LolliusUrbicus (non Urbicius). - : τούτοις... ἀκολούθως, sur la portée donnée à ces mois par les éditeurs de Justin, voy. l’éd. citée, p. xxxv.
xviii, 2. Sur les empereurs dédicataires des Apologies, voy l. c„ p. xii et i« xxv. — : λέγοντας et καταλέγοντας; : syr., lat. ; λέγοντες et καταλέγοντες mss. d’Eusèbe et Justin, SCWARTZ.
xxii, 2 : τοῖς Κορινθίοις, ancienne glose, d’après M. Schwartz. — : διαδοχὴν ἐποιησάμην : mss., syr., « mauvaise correction, introduite pour combler une lacune » (Schwartz), permansi inibi. La question du catalogue d’Hégésippe est très contreversée ; voy. les histoires littéraires. — : καὶ Μασβώθιοι, ancienen interpolation (antérieure au syr. et au lat.) d’après V. Schwartz. — : Ἰσμαηλιτῶν VALOIS; ἰσμαήλ τῶν mss., syr.. lat.; ἰσμαὴλ ἡ τῶν AMT. — αὖται mss., syr., om. lat. ; M. Schwartz conjecture pour Hégésippe : αὐτῆς. — : παννάρετπν σοφίαν : ce titre a été donné aussi au recueil de Jésus Sirach ; voy. SCHUEBER, Gesch. des jüidichen Volke, t. III (3* éd.), p.161.
xxiii, 10 : passage altéré profondément d’après M. Schwartz : « πάντας μὲν ἀδελφούς n’a pas de correspondant ; πολλαῖς et ταῖς κατὰ πᾶσαν πόλιν s’excluent ; ὧδε devait commencer une nouvelle phrase, et άναψύχοντας; et ἐπινορηγτοῦντας sont altérés par un accord fautif ; δι’ ὧν πέμπετε ἐφοδίων, om, par lat. d’après une conjecture, ne peuvent guère être authentiques, ἀρχῆθεν se rapporte à πατροπαράδοτον ». — : τὴν προτέραν... γραφεῖσαν désigne l’épître de Clément comme première par rapport à celle de Soter, non par rapport une autre de Clément. Ce passage ne permet pas d’affirmer que la Secunda Clementis était reconnue et lue par Denys de Corinthe ; on en peut plutôt conclure le contraire.
xxvi, 2 : ἢ ἕνος: ἢ νοός , ἦν ἐν οἷς et mente lat., om. M syr. — καὶ ὁ περὶ ἀληθείας A lat. ; JER., De uiris, xxiv ; καὶ περὶ ἀληθείας; BDM, καὶ ἀληθείας; ERT, « und über die Wahrheit », syr. — πίστεως BDEMHT syr,, lat., κτίσεως A, om. JER. Le texte qu’on lit aujourd’hui dans Eusèbe me paraît être une très ancienne correction d’un titre peu conforme à l’orttiodoxie postérieure ; Méliton devait entendre le texte des Proverbes, viii, 22, comme beaucoup de ses contemporains, voy. plus haut, t, ii, 14-15, — λόγος αὐτοῦ προφητείας : De prophetia sua, JEROME, De uiris, xxiv ; d’après le même écrivain, Tertullien se moquait de Méliton, que les catholiques en général, considéraient en général comme un prophète. — καὶ περὶ ψυχῆς καὶ σὼματος; : interpolation due a la répétition du titre donné deux lignes plus haut ; omis par saint Jérôme, ib., et par EUT, « nach Conjectur », dit M. Schwartz, — : Σερουίννου Παύλου ABERT, Σερουλλίου Παύλου, M, Σερουίννου Παύλου D, Sergio Paulo Rufus d’après Act. xiii, 7 (qui n’a d’ailleurs pas de rapport avec ces événements] ; en réalité, L. Sergius Paullus, proconsul d’Asie vers 164-166 (WADDINGTON, Fastes des provinces asiatiques de l’Empire romain, Paris, 1872; n° 148). — ἐν βαρβάρους ἤκμασεν : thème d’apologiste ; voy, JUSTIN, Apol., I, v, 3 et la note éd. PAUTIGNY), p. xxviii, et l’index, p. 185, v°. — μόνοι πάντων : autre lieu commun d’apologiste ; voy. TERTULLIEN, Apol., ν. — τὰ σύμπαντα διοικοῦντος : le texte de Méliton devait être τὰ πάντα συνδιοικοῦντος, comme le suppose Valois. — : ἣ καὶ Σοφία AT lat. syr. (« was Weisheit »),, ἡ καὶ Β Schwartz, καὶ ἡ EMR. Cette façon de désigner un surnom ou un deuxième nom se rencontre aussi en latin sous la forme qui (quae) et ; Rev. de philologie, t. XVI (1892, p. 29.
xxvii : ἔτι ADM, ἐπὶ BERT. — ποιουμένου AMT syr., lat. ; ποιουμένου τοσαῦτα καὶ περὶ τοῦδε λεκτέον BDER.
xxix, 7 : Voy. Α. PUECH, Recherches sur le Discours aux Grecs de Tatien, suivies d’une traduction du Discours, Paris, 1903.