Voici ce qui est aussi contenu dans le neuvième livre de l’histoire ecclésiastique
I. La détente simulée.
II. Le changement qui suivit.
III. L’idole nouvellement, érigée à Antioche.
IV. Les décrets contre nous.
V. Les actes simulés.
VI. Ceux qui ont rendu témoignage à celle époque.
VII. L’écrit contre nous affiché sur des colonnes.
VIII. Ce qui arriva après cela dans la famine, la peste et les guerres.
IX. La fin tragique de la vie des tyrans et de quelles paroles ils se servirent avant leur mort.
[X. La victoire des empereurs amis de Dieu].
X[XI]. La perte définitive des ennemis de la religion.
La rétractation de l’ordre impérial exposé plus haut était déployée partout et en tout lieu de l’Asie et dans les provinces voisines. Tandis que ces choses s’accomplissaient de celte manière, Maximin, le tyran de l’Orient, terriblement impie s’il en fût et devenu le plus hostile ennemi de la religion du Dieu de l’univers, ne voyait les édits avec aucun plaisir, et au lieu de celui qui a été cité précédemment, c’est de vive voix qu’il enjoint aux magistrats sous ses ordres de laisser se détendre la guerre faite contre nous. Comme il ne lui était pas, en effet, permis de contredire autrement la décision de ses supérieurs, après avoir mis ladite loi dans une cachette, afin qu’elle ne fût pas portée à la connaissance des contrées placées sous son commandement, il a soin de se servir d’un ordre verbal et commande à ses magistrats de laisser se détendre la persécution contre nous. Ceux-ci se communiquent les uns aux autres par écrit ce qui concerne cette invitation. Sabinus, qui était parmi eux, honoré du rang des dignitaires les plus élevés, fit connaître aux gouverneurs de chaque contrée la décision de l’empereur dans une lettre latine.
La traduction de cette lettre a la forme suivante :
« C’est avec un zèle très brillant et purifié que la divinité de nos maîtres très divins les empereurs a ordonné depuis longtemps déjà de tourner les esprits de tous les hommes vers la route sainte et droite de la vie, afin que même ceux qui paraissaient suivre une coutume différente de celle des Romains rendissent aux dieux immortels le culte qui est dû. Mais l’opiniâtreté et la très âpre volonté de certains s’en est écartée à un tel point qu’ils n’ont pu ni être détournés de leur propre détermination par le juste raisonnement de l’ordre donné, ni être effrayés par l’imminence du châtiment. Cependant parce qu’il arriva alors que par suite d’une pareille conduite, beaucoup se jetaient en péril, selon la générosité de la piété qui est en eux, la divinité de nos souverains, les très puissants empereurs, estimant qu’il était étranger à leur dessein personnel très divin démettre pour un pareil motif les hommes en un péril aussi grand, a ordonné par ma Dévotion d’écrire à ta Perspicacité que si quelque chrétien est trouvé observant la religion de bon peuple, lu le délivres d’embarras et de danger et que tu n’en tiennes aucun comme punissable d’aucune peino pour ce prétexte, du moment que le cours d’un temps si long établit qu’ils ne peuvent être amenés par aucun moyen à renoncer à de pareilles opiniâtretés. Ta Sollicitude aura donc soin d’écrire aux curateurs, aux stratèges et aux préposés du bourg de chaque cité, afin qu’ils sachent qu’il ne leur convient pas d’avoir désormais souci de cet édit ». Sur ce, dans chaque préfecture...]. Ceux-ci estimèrent que la décision présentée par ces lettres leur était exprimée sans réticence, et, par des écrits adressés aux curateurs, stratèges, et magistrats ruraux, ils rendirent publique la volonté impériale. Ce ne fut pas seulement en des écrits que cela fut exécuté par eux, mais encore et bien mieux par des actes. Afin de mener à bonne lin Tordre de l’empereur, tous ceux qu’ils tenaient enfermés en prison pour avoir confessé la divinité, ils les faisaient sortir au grand jour et les libéraient ; ils renvoyaient même ceux d’entre eux qui avaient été affectés, par châtiment, au travail des mines. Us croyaient en effet que cela paraissait bon à l’empereur et se trompaient.Les choses s’accomplissaient ainsi, et tout d’un coup, comme lorsqu’une clarté sort brillante d’une nuit ténébreuse, en chaque ville on put voir les églises s’assembler, des réunions très nombreuses se tenir et, en celles-ci, les cérémonies s’accomplir selon l’usage. Ce n’était pas médiocrement que, parmi les infidèles païens, chacun restait frappé de ce spectacle, étonné de l’invraisemblance d’un tel changement, et proclamait grand et seul vrai le Dieu des chrétiens. Pour les nôtres, ceux qui avaient fidèlement et virilement combattu le combat des persécutions retrouvaient à nouveau l’indépendance de leur langage auprès de tous. Ceux au contraire dont les âmes, malades en ce qui regarde la foi, se trouvaient avoir fait naufrage, se hâtaient avec joie vers leur guérison ; ils suppliaient et imploraient de ceux qui étaient restés forts une main secourable et ils priaient Dieu de leur être miséricordieux. De plus les généreux athlètes de la religion, délivrés du labeur inique des mines, revenaient chez eux ; fiers et épanouis, ils traversaient chaque ville remplis d’un indicible bonheur et d’une assurance qu’il n’est pas possible à un discours de traduire. Des groupes nombreux, au milieu des grands chemins et des places publiques, en chantant Dieu dans des hymnes et des psaumes, achevaient leur route. Et ceux qui peu auparavant avec un châtiment très cruel étaient enchaînés et chassés de leurs patries, on pouvait les voir avec des visages gais el joyeux revenir à ’leurs loyers. Celait à ce point que ceux qui naguère criaient contre eux, ayant sous les yeux ce spectacle tout à fait inespéré, se réjouissaient avec eux de ce qui arrivait,
Mais cela ne pouvait pas être supporté par le tyran à qui le bien était odieux et qui était l’adversaire de tous les gens honnêtes ; il régnait, ainsi que nous l’avons dit, sur les contrées d’Orient et il n’avait pas toléré pendant six mois entiers que les choses se passassent de celle façon ; aussi machine-t-il tant de choses en vue de troubler la paix. D’abord il essaie de nous empêcher, sous un prétexte, de nous réunir dans les cimetières ; puis, il se fait envoyer contre nous une ambassade par des hommes méchants, ayant encouragé les gens d’Antioche à lui demander comme une grande grâce de ne jamais permettre qu’aucun chrétien n’habite leur patrie ; il suggère encore à d’autres de négocier la même chose. Le chef de toutes ces entreprises, à Antioche même, est Théotecne, homme dangereux, charlatan, scélérat, tout à fait étranger à ce que signifie son nom ; il paraît avoir administré comme curateur les affaires de la ville.
C’est lui qui alors dirige contre nous de très nombreuses attaques ; par tous les moyens, il exerce son zèle à traquer les nôtres comme des voleurs impies qu’on fait sortir de leurs repaires ; il met tout en œuvre pour une calomnie et une accusation contre nous et il est pour un très grand nombre la cause de leur mort. En dernier lieu, il érige une idole de Zeus Philios avec des rites de magie et de sorcellerie, et il imagine pour elle des cérémonies impures, des initiations de mauvais augure et d’abominables purifications ; il étalait jusqu’auprès de l’empereur son prestige par des oracles qui l’accréditaient. Enfin cet homme, pour flatter le maître dans ce qui lui fait plaisir, excite le démon contre les chrétiens et dit que le dieu ordonne qu’ils soient chassés hors des limites de la ville et du territoire qui l’entoure, comme étant ses ennemis.
Le premier, il agit selon cette pensée, et tout le reste des gens en charge qui habitaient les villes sous la même autorité se mettent à faire prendre une semblable résolution, et les gouverneurs de chaque province, voyant que cela est agréable à l’empereur, suggèrent à leurs subordonnés de le tenter aussi. Dans le rescrit, le tyran approuve avec un très grand plaisir leurs décrets, et de nouveau la persécution contre nous recommence à s’allumer. En chaque ville, Maximin lui-même établit pour les idoles comme prêtres, et au-dessus d’eux comme pontifes, ceux qui se sont fait le plus remarquer dans l’exercice des charges de la cité et qui se sont acquis de la réputation par toutes ces magistratures ; ceux-ci montraient du reste un grand zèle dans l’exercice des cérémonies qu’ils accomplissaient. La piété étrange du maître pour les démons poussait, en un mot, tous les fonctionnaires, ses subordonnés, ainsi que ses sujets à faire tout contre nous en vue d’obtenir sa faveur. En retour des bienfaits qu’ils pensaient recevoir de lui, ils lui rendaient ce grand service d’aimer à nous mettre à mort et de manifester à notre égard des méchancetés inédites.
Ils avaient fabriqué des Actes de Pilate et de notre Sauveur remplis de toutes sortes de blasphèmes contre le Christ ; sur l’avis de leur chef, ils les envoient a tout le pays de sa juridiction, et par des affiches, ils recommandent qu’en tous lieux, dans les campagnes et dans les villes, on les place en vue de tous et que les maîtres d’école aient soin de les donner aux enfants au lieu de ce qui leur était enseigné et de les faire apprendre par cœur.
Les choses allaient ainsi quand un autre chef militaire, appelé dux par les Romains, fait arrêter à travers Damas, de Phénicie, après les avoir arrachées d’une place publique, certaines femmes perdues de réputation ; il les menace de leur appliquer des tortures et les contraint à déclarer par écrit qu’elles étaient autrefois chrétiennes, qu’elles ont vu des crimes chez les chrétiens et que dans les églises ils faisaient des choses honteuses, ainsi que tout ce qu’il voulut qu’elles disent pour calomnier notre croyance. Il fait mettre leurs paroles dans des mémoires et les adresse à l’empereur. Sur l’ordre de celui-ci, cet écrit est publié dans chaque pays et chaque ville.
Mais ce chef militaire étant devenu peu après son propre meurtrier paie la peine de sa perversité.
Pour nous, nous recommencions de nouveau à être poussés à fuir et à être durement persécutés. Dans toutes les provinces, l.s gouverneurs se réveillaient terriblement contre nous ; aussi, certains de ceux qui étaient distingués dans le christianisme étaient saisis et recevaient inévitablement la sentence de mort. De ceux-ci, trois dans la ville d’Émèse en Phénicie, s’étant déclarés chrétiens, sont livrés aux bêtes. Parmi eux, il y avait un évêque, du nom de Silvain ; il était à l’extrême limite de l’Age et avait exercé sa charge pendant quarante années entières.
Au même temps encore, Pierre présidait avec un très grand éclat aux églises d’Alexandrie ; il était un type divin pour des évêques par la vertu de sa vie, et son habitude des divines Écritures. Il est pris et emmené sans aucun motif, sans qu’on s’y attende auparavant ; puis ainsi, subitement et sans jugement, comme sur un ordre de Maximin, il a la tête tranchée. Avec lui aussi, un grand nombre d’évêques d’Égypte ont la même chose à endurer. Lucien encore, homme en tout excellent, renommé pour sa vie continente et les sciences sacrées, prêtre de l’église d’Antioche, est emmené à la ville de Nicomédie, où alors l’empereur se trouvait à séjourner. Il fait devant le magistrat l’apologie de la doctrine pour laquelle il comparaissait ; on le met en prison et on le lue. En peu de temps, Maximin qui haïssait le bien fil contre nous de telles entreprises qu’il parut avoir soulevé alors à noire endroit une persécution beaucoup plus dure que celle d’auparavant.C’était au milieu des villes, ce qu’on n’avait jamais fait, que les arrêtés portés contre nous par les cités, et les copies des rescrits impériaux s’y rapportant, étaient gravés sur l’airain et dressés sur des colonnes. Les enfants dans les écoles avaient à la bouche chaque jour Jésus, Pilate et les actes fabriqués par outrage. Il me paraît nécessaire d’insérer ici ce rescrit de Maximin placé sur des colonnes, afin que tout ensemble deviennent évidentes et l’arrogance fanfaronne et orgueilleuse de la haine portée à Dieu par cet homme et aussi la divine justice qui le suivit de près avec sa haine du mal toujours éveillée contre les impies. Pourchassé par elle, il ne tarda pas à prendre à notre égard une résolution opposée et la formula en des lois écrites.
Copie de la traduction de la réponse de Maximin aux décrets pris contre nous, relevée sur la colonne de Tyr.
« Enfin voici que l’ardeur affaiblie de la pensée humaine s’est fortifiée ; elle a secoué et dispersé toute obscurité et ténèbres d’égarement ; auparavant cet égarement avait enveloppé de l’ombre mortelle de l’ignorance et tenait assiégées les facultés de penser d’hommes moins impies que malheureux ; aussi connaissent-ils maintenant que c’est la bienfaisante providence des dieux immortels qui gouverne et donne la stabilité.
C’est une chose incroyable à dire combien il nous a été agréable et combien exquis et cher, que vous donniez un très grand exemple de vos dispositions religieuses ; sans doute, même avant cela, il n’était ignoré de personne quelle dévotion et piété vous vous trouviez avoir envers les dieux immortels, pour qui se manifeste, non pas une foi de simples paroles, vides de sens, mais une continuité, surprenante d’œuvres remarquables, Aussi bien c’est à juste titre que votre ville peut être appelée le siège et la demeure des dieux immortels. Certes de nombreuses preuves montrent avec évidence qu’elle tient du séjour des dieux du ciel, d’être florissante. Voici donc que votre ville laissant de côté toutes les questions qui la concernaient d’une façon spéciale et négligeant les requêtes antérieures touchant ses affaires, lorsqu’elle s’est aperçue derechef que ces êtres imbus d’une exécrable vanité commençaient à se glisser peu à peu chez elle et à la manière d’un bûcher négligé et assoupi, qui, lorsque les feux se rallument, s’élève et s’épanouit en de grands incendies, aussitôt c’est vers notre piété, comme vers la métropole de toutes les religions, qu’elle s’est réfugiée sans aucun retard, réclamant guérison et secours. Cette pensée salutaire, il est clair que les dieux vous Tout inspirée à cause de la foi de votre religion. Certes ce très haut et très grand Zeus, qui veille à la défense de votre très illustre cité, qui sauvegarde vos dieux pénates, vos femmes et vos enfants, votre foyer et vos maisons contre toute destruction mortelle, a inspiré à vos âmes celte résolution libératrice, montrant et rendant manifeste combien excellent et magnifique et salutaire il est de s’approcher, avec la vénération nécessaire, du culte et des cérémonies des dieux immortels. Qui pourrait-on trouver, en effet, qui lut assez insensé et étranger à toute raison pour ne pas comprendre que c’est par le soin bienfaisant des dieux qu’il arrive que la terre ne refuse pas les semences jetées en elle ni ne trompe l’espoir des laboureurs par une vaine attente, que le spectre d’une guerre impie ne s’implante pas sans obstacle sur la terre, ni que, l’équilibre de la température du ciel étant détruit, les corps desséchés ne sont entraînés vers la mort, que par le souille des vents déchaînés la mer ne soulève pas ses flots, que des ouragans n’éclatent pas à l’improviste en excitant de funestes tempêtes, non plus aussi que la terre nourrice et mère de tous les êtres ne s’affaisse pas quittant ses bases les plus profondes dans un redoutable tremblement, ni que les montagnes qui y sont assises ne sont pas submergées dans les gouffres ouverts ; tout cela et des malheurs plus durs encore se sont souvent produits avant ce temps, personne ne l’ignore. Et tout cela ensemble est arrivé à cause de la pernicieuse erreur de la vanité creuse de ces hommes sans loi, lorsque celle-ci s’est multipliée dans leurs âmes et a pour ainsi dire accablé de ses hontes presque toutes les parties de la terre ».Et à cela, il ajoute après autre chose : « Qu’ils regardent dans les vastes plaines ; les moissons jaunissent, les épis ondulent elles prairies, grâce à la pluie propice, brillent fécondes et fleuries ; l’état de l’air qu’il nous est donné de respirer est tempéré et très doux. Que tous au reste se réjouissent, c’est grâce à notre piété, au culte et à l’honneur que nous avons rendu à la divinité que la puissance très grande et très dure de l’atmosphère s’est adoucie et que, jouissant à cause de cela de la paix la plus sereine, inébranlablement, tranquillement, ils soient heureux. Que tous ceux qui, après avoir purgé cette aveugle erreur et cet égarement, sont revenus à un dessein droit et magnifique, se réjouissent donc grandement, comme s’ils étaient arrachés à une tempête soudaine ou a une maladie pénible, et moissonnaient la douce jouissance de vivre encore. Mais s’ils restent dans leur exécrable vanité, selon que vous avez jugé, chassez-les et éloignez-les bien loin de votre ville et territoire, afin qu’ainsi en raison du zèle digne d’éloges que vous avez en ceci, votre ville, délivrée de toute souillure et impiété, selon le dessein qui lui est naturel, avec la vénération qui est due, se rende aux cérémonies saintes des dieux immortels. ; Afin toutefois que vous sachiez combien votre requête là-dessus m’a été agréable, en dehors des résolutions et des sollicitations, avec une volonté spontanée, notre âme très portée à la bienfaisance accorde à votre Dévotion de demander telle grande faveur que vous voudrez en réciprocité de votre religieuse proposition. Et maintenant,décidez de faire et de recevoir cela, car vous obtiendrez celle faveur sans aucun délai. Cette concession sera pour votre ville dans tous les siècles un témoignage de la religieuse piété à l’égard des dieux immortels, et pour vos enfants et descendants une preuve que vous avez obtenu de justes récompenses de notre bienfaisance à cause des principes de votre vie ».
Ces mesures prises contre nous étaient affichées dans chaque province, et, du côté des hommes au moins, fermaient, toute voie à un espoir favorable pour ce qui nous concernait ; aussi bien, selon la parole divine elle-même : « S’il eût été possible, alors les élus eux-mêmes eussent été scandalisés ».
À ce moment, tandis que, chez la plupart, expirait presque l’attente d’un avenir meilleur, tout d’un coup, quand étaient encore en route, achevant leur voyage en certaines contrées, ceux qui avaient la charge de publier le susdit écrit contre nous, le défenseur de son Église, Dieu, serra pour ainsi dire le frein à l’orgueil du tyran et montra l’alliance céleste qui était en notre faveur.
Les pluies accoutumées en effet et les ondées de la saison d’hiver où l’on était, n’apportèrent pas à la terre leur habituel tribut. Une famine inattendue s’abattit ; elle fut accompagnée d’une peste par surcroît et d’une autre maladie. C’était un ulcère, qui, à cause de l’inflammation, avait le nom significatif d’anthrax. Il se glissait peu à peu sur le corps tout entier et mettait ceux qui en souffraient en de faciles dangers ; mais c’était spécialement aux yeux qu’il venait la plupart du temps, et il rendait estropiés des milliers d’hommes ainsi que de femmes et d’enfants. À ces maux s’ajoute, pour le tyran, la guerre qui s’éleva contre les Arméniens. Ces gens depuis l’annuité étaient amis et alliés des Romains ; ils étaient aussi chrétiens et ils accompliraient avec zèle leurs devoirs religieux envers la divinité. l/homme ennemi de Dieu, ayant tenté de les contraindre à sacrifier aux idoles et aux démons, les rendit ennemis, au lieu d’amis, et adversaires, au lieu d’alliés. Tout cela survint tout d’un coup, on un seul et môme moment, et confondit l’orgueilleuse audace du tyran contre Dieu. C’était à cause de son zèle pour les idoles et du siège fait contre nous, assurait-il audacieusement, que ni famine, ni peste, ni guerre n’étaient arrivées de son temps. Or voici que tout cela venait ensemble et en même temps, et il recevait les préludes de sa chute lamentable.
Lui-même donc était occupé à la guerre contre les Arméniens avec ses armées, et le reste des habitants des villes situées dans son ressort étaient lamentablement ravagés par la famine ainsi que par la peste, si bien qu’une mesure de blé se vendait vingt mille cinq cents attiques. Nombreux étaient ceux qui mouraient dans les villes, plus nombreux ceux qui trépassaient dans les campagnes et les bourgs ; aussi s’en fallait-il de peu que les registres, autrefois si riches en noms d’hommes des champs, ne supportassent une radiation totale, presque tous ayant péri en masse faute de nourriture ou par maladie pestilentielle. Quelques-uns en effet croyaient bon de vendre à ceux qui étaient mieux pourvus ce qu’ils avaient de plus cher contre une nourriture très chiche ; d’autres, ayant aliéné leurs biens peu à peu, étaient réduits au dernier dénuement de la pauvreté ; alors d’autres encore mâchaient de petits brins d’herbe et ayant tout simplement mangé certaine ; plantes pernicieuses ruinaient la santé de leur corps cl. mouraient. Parmi les femmes de bonne naissant dans les villes, quelques-unes, poussées par le besoin à la plus honteuse extrémité, venaient solliciter sur h-.; places publiques ; mais la preuve de leur éducation libérale antérieure se voyait dans la pudeur de leur vidage et la convenance de leurs vêtements. Les uns encore, desséchés comme des ombres de trépassés, luttaient en et là contre la mort ; chancelant et s’effondrant dans l’impossibilité de se tenir debout, ils tombaient, et gisant étendus au milieu des places, ils demandaient qu’on leur donnât un petit morceau de pain ; n’ayant plus qu’un souille de vie, ils criaient leur faim, et n’avaient plus de force que pour ce cri très douloureux. Les autres, frappés d’étonnement par la multitude des demandeurs, eux qui avaient paru être des mieux approvisionnés, après avoir fourni des secours très nombreux, en venaient pour le reste à une attitude cruelle et impitoyable, ne s attendant pas encore eux-mêmes à soullrir la même chose que ceux qui mendiaient. Aussi bien même, au milieu des places et des rues, des cadavres nus, jetés depuis plusieurs jours sans sépulture, présentaient à ceux qui les voyaient, le plus lamentable spectacle. Bien plus, quelques-uns devenaient la proie des chiens, et ce fut surtout le motif pour lequel les survivants en vinrent à tuer les chiens, dans la crainte que, devenus enragés, ils ne se missent à manger les hommes. La peste elle aussi n’en dévorait pas moins chaque maison, et surtout celles que la lamine, à cause des ressources en vivres, était hors d’état d’exterminer. Ceux par exemple qui étaient dans l’abondance, magistrats, gouverneurs, gens en charge par milliers, comme un butin approprié, abandonné à la maladie de la peste par la famine, subissaient une mort violente et très rapide. Tout était plein de gémissements ; dans toutes les rues, les marchés et les places, on ne pouvait voir autre chose que des lamentations, avec les flûtes et les bruits de coups qui les accompagnent d’ordinaire. C’est de cette façon, avec les deux armes qu’on a dites, de la peste et de la famine tout ensemble, que combattait la mort ; elle dévorait en peu de temps des familles entières, si bien qu’alors on voyait emporter les corps de deux ou trois défunts clans le môme convoi funèbre.
Tel était le salaire de l’orgueil de Maximin et des décrets votés en chaque ville contre nous, alors que les chrétiens fournissaient à tous les peuples, et d’une façon évidente, les preuves de leur bonne volonté en toutes choses et de leur piété. Seuls en effet en un tel rassemblement de malheurs, ils montraient dans leurs œuvres de la compassion et de l’humanité. Pendant tout le jour, les uns s’efforçaient de rendre les derniers devoirs et de donner la sépulture à ceux qui mouraient (on comptait par milliers ceux qui n’avaient personne pour prendre soin d’eux). Les autres rassemblaient en une même réunion la foule de ceux qui en chaque ville étaient épuisés par la famine et distribuaient à tous du pain. Aussi ce fait était établi et proclamé auprès de tous ; on glorifiait le Dieu des chrétiens, et on reconnaissait que seuls ils étaient pieux et religieux, cela étant véritablement prouvé par les faits eux-mêmes. En retour de ce qui était ainsi accompli, Dieu, le grand et céleste allié des chrétiens, après avoir montré contre tous les hommes, à cause de ce qui a été raconté, la menace et l’indignation comme réponse aux excès dont ils avaient fait preuve à notre égard, nous rendait de nouveau la clarté bienveillante et éclatante de sa providence envers nous. Ainsi que dans une ombre épaisse, il faisait d’une façon très merveilleuse luire pour nous une lumière de paix, et il établissait d’une manière visible que Dieu même était, en tout, le chef vigilant de nos affaires. Il châtiait et ramenait à l’occasion son peuple par des épreuves ; puis derechef, après la leçon suffisante, il apparaissait avec bonté et miséricorde à ceux qui avaient en lui leurs espérances.
C’est assurément de la sorte que Constantin, que nous avons dit plus haut empereur fils d’empereur, homme pieux né d’un père très pieux et très sage en tout, fut suscité par le roi souverain, Dieu de l’univers et Sauveur, contre les tyrans très impies ; quand il eut rangé ses troupes selon la loi de la guerre, Dieu combattit avec lui d’une façon très miraculeuse. D’une part, à Rome, Maxence tombe sous les coups de Constantin ; d’autre part, en Orient, Maximin ne lui survit pas longtemps et il succombe lui aussi dans une mort très honteuse sous les coups de Licinius, qui n’était pas encore frappé de démence.
Tout d’abord, Constantin, le premier des deux empereurs par la dignité et le rang-, prend pitié de ceux qui à Rome subissaient la tyrannie. Après avoir appelé dans ses prières comme allié le Dieu du ciel et son Verbe, Jésus-Christ lui-même, le Sauveur de tous, il s’avance avec toute son armée, promettant aux Romains la liberté de leurs ancêtres. Pour Maxence, c’était plutôt dans les opérations de magie que dans la loyauté de ses sujets qu’il mettait sa confiance ; il n’osait pas sortir hors des portes de la ville. Mais la multitude sans nombre de ses soldats et les milliers de bataillons de ses armées couvraient tout le pays, les campagnes et les villes aux environs de Rome et dans toute l’Italie qui servait sous son autorité. L’empereur qui s’était concilié l’alliance de Dieu arrive ; dans une première, une seconde et une troisième rencontre avec le tyran, il remporte très facilement la victoire ; puis il s’avance à travers toute l’Italie et arrive tout proche de Rome. Alors afin qu’il ne soit pas forcé à cause du tyran de combattre les Romains, Dieu lui-même, comme avec des chaînes, traîne le tyran très loin des portes, et ce qui s’est autrefois réalisé contre les impies, ce que la plupart rejettent comme faisant partie d’un récit fabuleux, quoiqu’il soit, pour les croyants, raconté comme digne de foi dans les Saintes Écritures, s’est imposé par sa propre évidence, pour parler sans détour, à tous, croyants et incroyants, qui ont vu ces merveilles de leurs yeux. De même que sous Moïse et la race des Hébreux, à l’antique piété, « les chars de Pharaon et sa puissance furent jetés par lui dans la mer, élite de ses cavaliers et capitaines ; ils furent engloutis dans la mer Rouge et le flot les recouvrit » : ce fut ainsi que Maxence lui aussi el les soldats et les gardes qui l’entouraient : « s’enfoncèrent dans l’abîme comme une pierre », lorsque tournant le dos à la force de Dieu qui était avec Constantin, il traversait dans sa marche le fleuve dont il avait lui-même réuni les rives par des barques et sur lequel il avait eu le soin de jeter un pont se préparant à lui-même un instrument de mort. De lui on peut dire : « Il a creusé un piège et il l’a fait profond, et il tombera dans le gouffre qu’il a fabriqué. Son labeur tournera contre sa tête et sa malice rejaillira sur son front ». C’est bien ainsi que le pont de bateaux établi sur le fleuve s’est rompu, le chemin s’est affaissé et, en masse, avec tous les hommes, les barques se sont enfoncées dans le gouffre ; lui-même le premier, le prince très impie, puis les gardes qui l’entouraient, selon que l’annonçaient les divines paroles, « descendirent comme du plomb dans l’eau profonde ». C’était donc à bon droit que, sinon parleurs discours, du moins par leurs actions, de la même manière que ceux qui accompagnaient Moïse le grand serviteur [de Dieu], ceux qui grâce à Dieu avaient remporté la victoire pouvaient en quelque sorte chanter les mêmes choses contre l’ancien tyran impie et dire : « Chantons au Seigneur ; car il est merveilleusement glorifié ; le cheval et son cavalier il les a jetés dans la mer. Mon secours et ma protection, c’est le Seigneur ; il a été pour moi le salut. Qui est semblable à toi parmi les dieux, ô Seigneur, qui est semblable à toi ? glorifié dans les saints, admirable dans la gloire, artisan de prodige ». Ce sont ces paroles et d’autres, sœurs de celles-ci ou analogues, que Constantin a chantées dans ses œuvres, à Dieu, chef suprême et auteur de la victoire ; puis il est entré à Rome avec les hymnes de triomphe. Tous en masse, avec les enfants en bas âge, les femmes, les membres du Sénat et de leur côté les perfectissimes, ainsi que tout le peuple des Romains, le recevaient avec des regards brillants de bonheur et de toute leur âme, comme leur libérateur, leur sauveur et leur bienfaiteur, au milieu des acclamations et d’une insatiable joie. Mais lui possédait comme une chose naturelle la religion de Dieu, il ne se laisse pas tout à fait ébranler par ces cris, ni exalter par ces louanges ; il a absolument conscience du secours qu’il a reçu de Dieu ; il ordonne donc sur-le-champ d’élever le trophée de la passion salutaire dans la main de sa propre statue ; et il commande à ceux qui le plaçaient lui-même dans l’endroit de Rome le plus fréquenté, ayant dans sa main droite le signe sauveur, de mettre dans la langue des Romains l’inscription suivante en ces termes mêmes : « C’est parce signe de salut, celte véritable preuve du courage, que votre ville a été par moi sauvée et délivrée du joug du tyran et qu’en outre le sénat et le peuple des Romains ont été affranchis et rétablis par moi dans leur ancienne illustration et splendeur ».
À la suite de ces événements, Constantin personnellement et avec lui Licinius, qui alors n’avait pas orienté son esprit vers la démence où il tomba plus tard, se conciliaient Dieu, pour eux, l’auteur de tous ces biens. Tous deux, dans un accord de volonté et de pensée, établissent sur les chrétiens une loi très complètement parfaite et ils envoient le récit des merveilles opérées par Dieu en leur faveur, les circonstances de la victoire sur le tyran ainsi que la loi elle-même à Maximin qui gouvernait encore les peuples d’Orient et qui caressait leur amitié.
Le tyran fut très affligé de ce qu’il apprit, mais ensuite ne voulut ni paraître rester en arrière des autres ni supprimer ce qui était ordonné. Par crainte de ceux qui avaient légiféré, comme de son propre mouvement, il écrit par contrainte aux gouverneurs qui étaient sous ses ordres, en faveur des chrétiens, ce premier rescrit, où il imagine ce qu’il n’avait jamais fait et se ment à lui-même.
«
Jovius Maximin Auguste à Sabinus. Il est évident pour ta Dévotion et pour tous les homme, j’en suis persuadé, que ce sont nos maîtres, Dioclétien et Maximien, nos pères, qui, quand ils constatèrent que tous les hommes désertaient la religion des dieux et se mêlaient au peuple des chrétiens, ont justement disposé que tous ceux qui s’étaient éloignés du culte des dieux immortels eux-mêmes, seraient par châtiment et punition éclatante rappelés à les honorer. Mais lorsque je vins heureusement en Orient et que j’appris qu’un grand nombre de gens qui pouvaient être utiles à l’État étaient bannis en certains lieux par les juges pour le motif ci-dessus indiqué, j’ai donné des ordres à chaque juge pour qu’aucun à l’avenir ne se laissât aller à être cruel contre les habitants des provinces, mais que plutôt par des gracieusetés et des exhortations ils les rappelassent au culte des dieux. Alors cela étant, lorsque conformément à mes ordres, les juges ont gardé mes décisions, il n’est arrivé à personne d’être exilé des contrées de l’Orient ni d’être maltraité ; mais au contraire, comme on n’agissait pas durement contre eux, ils étaient rappelés à la religion des dieux.«
Plus tard, lorsque l’année dernière j’arrivais heureusement à Nicomédie et que j’y prolongeais mon séjour, des citoyens de cette ville vinrent à moi avec les statues des dieux pour demander avec instance que de toute manière il ne fût jamais permis à un pareil peuple d’habiter leur patrie. Cependant comme je savais qu’un grand nombre de sectateurs de cette religion habitaient ces contrées, je répondis à leur requête que leur demande me causait bien de la joie, mais que je ne voyais pas que cela fût réclamé par tous ; que, si certains persévéraient dans celte superstition, dans ce cas ils gardassent chacun sa préférence, et que, s’ils le voulaient, ils reconnussent le culte des dieux. Mais aux habitants de la ville de Nicomédie et aux autres villes, qui, elles aussi, pour le même but, m’avaient fait la même demande avec beaucoup d’empressement, à savoir qu’aucun chrétien n’habitât les villes, je fus dans la nécessité de répondre avec bienveillance, parce que tous les anciens empereurs avaient observé la même conduite et qu’aux dieux eux-mêmes par qui subsistent tous les hommes et le gouvernement lui-même des affaires publiques, il me plaisait que je confirmasse une telle requête qu’ils m’apportaient en faveur du culte de leur divinité.«
Aussi bien, quoique très souvent auparavant il ait été envoyé des rescrits à ta Dévotion et qu’il t’ait été pareillement enjoint par des ordonnances qu’on ne se porte contre les habitants des provinces qui tiennent à garder une telle coutume, à rien de déplaisant, mais qu’on sache être indulgent et modéré, néanmoins afin que de la part ni des beneficiarii ni de qui que ce soit, ils n’aient à supporter ni violences ni tracasseries, j’ai décidé en conséquence de rappeler à la Gravité parles présentes que ce sera plutôt parles gracieusetés et les exhortations que tu feras agréer le soin des dieux à nos sujets de provinces. Par suite, si quelqu’un, par son propre choix, préfère le culte des dieux qu’on doit reconnaîlre, il convient de l’accueillir ; mais si certains veulent suivre leur religion à eux, laisse-les à ce qui leur est permis. C’est pourquoi ta Dévotion doit observer ce qui t’est prescrit, et qu’à personne il ne soit accordé de vexer nos sujets des provinces par des violences et des tracasseries, quand, selon ce qui est écrit ci-dessus, c’est par les exhortations bien plutôt et les gracieusetés qu’il convient de ramener nos sujets des provinces au culte des dieux. Et afin que cet ordre de nous parvienne à la connaissance de tous nos sujets des provinces, tu devras, par un décret que tu dresseras, publier ce qui a été ordonné ».Voilà ce qu’il écrivit contraint par la nécessité, mais non pas pour obéir à sa conviction ; il n’était pas non plus véridique, ni digne d’être cru par personne, parce qu’après une concession semblable faite précédemment, son esprit s’était révélé inconstant et trompeur. Pas un des noires n’osa donc convoquer une assemblée ni s’exposer soi-même en public, parce que la lettre ne le lui permettait pas. Il n’y avait de garanti que la sécurité contre les outrages, mais il n’était pas octroyé de faire des assemblées non plus que de bâtir des églises, ni de pratiquer quoi que ce soit de ce que nous avons coutume. Cependant les défenseurs de la paix et de la religion lui avaient écrit d’autoriser cela, et les édits et les lois l’avaient accordé à tous leurs sujets ; mais cet homme très impie avait préféré ne point s’accorder ainsi, mais seulement lorsque, acculé par la divine justice, il y serait contraint malgré lui.
Voici le motif qui l’y amena : la grandeur du pouvoir souverain qui lui avait été remis sans qu’il le méritât, il ne lui était pas possible de la porter ; grâce à son ignorance de la modération et du sens impérial il maniait maladroitement les affaires, et par-dessus tout il élevait ses pensées avec une jactance orgueilleuse et d’une façon déplacée ; môme à l’égard de ses associés à l’empire, qui le dépassaient en tout par leur origine, leur formation, leur éducation, par leur dignité comme par leur intelligence, et par ce qui est le sommet le plus élevé de tout, parleur sagesse et leur religion envers le vrai Dieu, il osait s’efforcer de prévaloir sur eux et de se proclamer lui-même le premier dans les honneurs. Il poussa la folie jusqu’à la démence ; les conventions qu’il avait faites avec Licinius, il les viola, et il entreprit une guerre sans trêve. Ensuite en peu de temps, il bouleversa tout, troubla toutes villes, et, après avoir assemblé toute une armée composée d’innombrables myriades d’hommes, il sortit pour le combat, en ordre de bataille contre Licinius. Les espérances qu’il avait dans les démons qu’il croyait des dieux, et la multitude de ses hoplites avaient exalté son âme. Dès qu’il en vint aux mains, il se trouva privé du secours de Dieu ; la victoire était promise par le seul Dieu unique de l’univers au prince d’alors. Maximin perd tout d’abord l’infanterie en laquelle il s’était confié. Abandonné par ses gardes, laissé seul par tous ses soldats, qui passèrent à l’autre empereur, le misérable rejette au plus vile la marque de la dignité impériale qui ne lui convenait pas. Lâchement, sans dignité, sans courage, il s’enfonce dans la multitude et s’enfuit ensuite, se cachant dans les campagnes et les bourgades pour échapper avec peine aux mains des ennemis. Se procurant son salut à lui-même il va çà et là, ayant montré par ses actions comment sont dignes de foi et véritables les oracles divins dans lesquels il est dit : « Le roi ne trouve pas son salut dans une grande puissance et le géant ne se sauvera point, par la grandeur de sa force. Le cheval trompe celui qui attend de lui son salut et ce n’est pas dans la grandeur de sa puissance qu’il sera sauvé. Voici que les yeux du Seigneur sont sur ceux qui le craignent, sur ceux qui mettent leur espérance dans sa miséricorde, pour tirer leurs âmes de la mort ». C’est donc ainsi que plein de honte, le tyran s’en va dans les pays qui lui appartenaient, Tout d’abord il est d’une colère furieuse ; les nombreux prêtres et prophètes des dieux qu’il admirait autrefois, grâce aux oracles desquels il avait été séduit et avait déclaré la guerre, sont, en qualité de charlatans et d’imposteurs, et surtout pour être devenus traîtres à son salut, livrés à la mort. Ensuite il donne gloire au Dieu des chrétiens et il établit une loi en faveur de leur liberté, parfaitement et sans restriction. Mais alors aucun répit ne lui est accordé cl c’est par une mort misérable qu’il termine sa vie. La loi qu’il lança était celle-ci : Copie de la traduction de l’édit du tyran concernant les chrétiens, mise de latin en grec.
« L’Empereur César Gaïus Valérius Maximin, Germanique, Sarmétique, pieux, heureux, invincible Auguste. Que nous ayons veillé de toutes manières et sans cesse sur ce qui est utile aux habitants de nos provinces, que nous ayons voulu leur procurer ce par quoi prospère le bien de tous, ce qui est profitable et avantageux à leur communauté, s’harmonise avec l’intérêt général et se trouve concorder avec les manières de voir de chacun, personne ne l’ignore, mais tout homme qui se reporte au passé reconnaît cela et a conscience que cela est évident, nous en sommes assurés.
Aussi bien lorsque avant le temps présent il a été à notre connaissance que, sous prétexte qu’il avait été ordonné par les très divins Dioclétien et Maximien nos pères, de faire disparaître les assemblées des chrétiens, beaucoup de tracasseries et de confiscations avaient été opérées parles gens de l’officium, et que, par suite, cela s’était produit au détriment des habitants de nos provinces dont nous nous efforçons d’avoir le soin convenable et dont les biens propres avaient été détruits, nous avons donné des lettres aux gouverneurs de chaque province l’année dernière/ posant comme loi que, si quelqu’un voulait suivre de tels usages ou celte même observance de religion, il ne rencontrerait pas d’obstacle à son choix personnel, que nul ne l’en empêcherait ni ne l’en retiendrait, qu’il aurait la facilité de faire à l’abri de crainte et suspicion, ce qui lui plairait. Du reste, il n’a pas pu nous échapper que quelques uns des juges ont transgressé nos ordonnances ; ils ont été cause que nos sujets ont eu des doutes sur nos prescriptions et ils ont fait que ce n’a été qu’avec beaucoup d’hésitation que ceux-ci sont allés à ces cérémonies qui leur plaisaient. Afin donc que, pour la suite, tout soupçon ou toute équivoque produisant la crainte, soit enlevé, nous avons décidé de publier cet édit, pour qu’il soit manifeste à tous qu’il est permis à ceux qui voudraient faire partie de cette secte et de cette religion, en vertu de notre concession présente, selon que chacun voudra ou qu’il lui agréera, d’aller à la religion qu’il a choisi de pratiquer d’habitude. Il est accordé aussi de bâtir les maisons du Seigneur. Et afin que notre concession devienne encore plus grande, nous avons résolu aussi d’ordonner ceci : au cas où des maisons ou des terres se trouveraient avoir, avant ce temps, appartenu en propre aux chrétiens et seraient, par suite d’ordonnances de nos pères, tombées dans la possession du fisc, ou auraient été confisquées par quelques villes, soit que ces biens aient été complètement vendus ou qu’ils aient été donnés en présent à quelqu’un, nous avons ordonné qu’ils soient tous rapportés à l’ancien domaine des chrétiens, afin qu’en ceci encore tous aient conscience de notre piété et de notre sollicitude ».
Ces paroles du tyran, après les édits publiés par lui il y a moins d’une année, sur des stèles, contre les chrétiens, venaient tard. Pour lui, peu auparavant, nous paraissions des impies et des athées et la peste du monde entier, si bien que non seulement pas une ville, mais pas une contrée, pas un désert ne nous était laissé pour y habiter ; et maintenant il faisait des constitutions et une législation en faveur des chrétiens ; et ceux qui tout récemment étaient anéantis par le feu, le fer, la dent des bêtes fauves, les oiseaux de proie, sous ses propres yeux, ceux qui souffraient toute sorte de châtiments et de peines, des morts lamentables, en qualité d’athées et d’impies, maintenant reçoivent du même empereur l’autorisation de garder leur religion et la permission de bâtir des églises, et le même tyran leur ι reconnaît certains droits. Et vraiment, après avoir fait de telles confessions, comme s’il avait obtenu une grâce en retour, il souffrit moins qu’il n’aurait fallu ; soudainement frappé par le fouet de Dieu il meurt dans la seconde période de la guerre. Sa fin n’est pas celle des généraux en campagne, qui combattent avec courage pour l’honneur et pour ceux qui leur sont chers, et à qui il arrive souvent à la guerre d’endurer avec bravoure une mort glorieuse ; mais, comme un impie et un ennemi de Dieu, tandis que pour lui son armée est rangée devant le champ de bataille, lui il reste à la maison et s’y blottit. Il reçoit le châtiment qui convenait et est frappé tout à coup par le fouet de Dieu sur tout son corps. Des souffrances terribles et de vives douleurs le poussent la tête en avant vers le précipice ; la faim le ronge, toutes ses chairs sous un feu invisible et conduit par la divinité se fondent. La forme qu’avait autrefois son corps, s’étant écoulée, a disparu, et il n’en reste que des os desséchés et quelque chose qui ressemble à une vieille idole durcie par la longueur du temps. Aussi bien, ceux qui l’assistent ne pensent pas autre chose, sinon que pour lui le corps est le tombeau de l’âme ; celle-ci était enfouie dans une chose qui était déjà un cadavre et en train de disparaître complètement. La chaleur qui venait du fond des moelles l’enflammait encore plus terriblement. Les yeux lui sortent de la tôle, et, tombant de leurs orbites, le laissent aveugle. Cependant, dans cet état, il respire encore et, en confessant le Seigneur, il appelle la mort ; tout à fait à la fin, il reconnaît que c’est justement qu’il souffre ainsi à cause de ses violences contre le Christ et il rend l’âme.
C’est ainsi que disparut Maximin, le seul des ennemis de la religion qui survivait et qui paraissait le pire de tous. Alors les églises restaurées sortaient du sol par la grâce du Dieu tout-puissant, et la doctrine du Christ, resplendissant pour la gloire du Dieu de l’univers, recevait une plus grande indépendance que par le passé, tandis que l’impiété des ennemis de la religion était accablée de la dernière honte et du mépris. Maximin, le premier, fut déclaré l’ennemi public de tous par les princes, et qualifié de tyran très impie, au nom très odieux, suprêmement haï de Dieu, dans des documents officiels affichés sur les stèles. Quant aux portraits qui se trouvaient dans chaque cité en son honneur et en l’honneur de ses enfants, les uns, précipités d’en haut sur le sol, furent foulés aux pieds ; aux autres, on gâtait les figures en les noircissant avec une couleur sombre. De même toutes les statues qui existaient en son honneur, pareillement abattues, furent cassées, risée et jouet de ceux qui voulaient les insulter et les mépriser, gisant à terre.
Dans la suite, les autres ennemis de la religion furent privés de tout honneur. On mit à mort aussi tous les partisans de Maximin, ceux surtout qui avaient été par lui honorés de dignités et de gouvernements, et qui pour le flatter avaient insulté d’une manière arrogante à notre religion. Il en fut ainsi de celui qu’il avait le plus honoré et le plus respecté, du plus noble de ses compagnons, Peucétius, deux et trois fois consul, établi par lui chef des finances générales. Il en fut de même aussi de Culcianus, qui avait passé par toutes les charges de la carrière et que le sang de tant de chrétiens d’Égypte avait rendu fameux. Outre ceux-là, il y en eut d’autres encore fort nombreux, par qui principalement la tyrannie de Maximin s’était affermie et accrue. La justice appela aussi Théolecne ; car elle n’avait nullement livré à l’oubli ce qu’il avait fait contre les chrétiens. Auprès de l’idole érigée par lui à Antioche, il pensait en effet passer d’heureux jours et il avait été jugé digne par Maximin de lapins haute autorité. Mais Licinius, arrivé à Antioche, fit rechercher les magiciens et infliger des tortures aux prophètes et prêtres de la nouvelle idole, afin de trouver par quel moyen ils avaient machiné leur fraude. Le cacher leur devint impossible quand ils furent pressés par les tourments ; ils déclarèrent que le mystère était une supercherie organisée par l’habileté de Théotecne. À tous, Licinius fil justice comme ils le méritaient, et ί Théolecne lui-même d’abord, puisses associés en magie, lurent livrés par lui à la mort après de nombreux supplices. À tous ceux-ci furent ajoutés aussi les fils de Maximin, qu’il avait associés à la dignité impériale ί et aux honneurs des inscriptions et des images. Les parents du tyran, qui étaient fiers auparavant et s’enhardissaient à opprimer les hommes, eurent également à supporter le même traitement que les précédents avec le suprême déshonneur. Ils n’avaient pas reçu l’enseignement, ils n’avaient pas connu ni médité l’exhortation des Saintes Écritures, quand elle dit : « Ne vous confiez pas en des princes, en des fils des hommes, à qui n’est pas le salut. Son esprit s’en ira et retournera dans sa terre ; dans ce jour, tous leurs calculs seront détruits ».
À Dieu, grâces soient rendues sur toutes choses, au maître absolu et roi de l’univers ; pleine action de grâce aussi au sauveur et libérateur de nos âmes, Jésus-Christ, par qui surtout nous prions que les bienfaits de la paix à l’égard des embarras du dehors et des dispositions de l’esprit nous soient gardés fermes et inébranlables].
Les impies ayant été ainsi écartés, la possession du gouvernement de cet empire fut gardée ferme et sans contestation par Constantin et Licinius. Ceux-ci, ayant commencé par purifier le monde de la haine de Dieu, parmi les biens que Dieu leur avait sagement impartis, témoignèrent leur amour de la vertu et leur amour de Dieu, leur piété et leur reconnaissance envers la divinité, par leur législation en faveur des chrétiens.