Voici ce que contient le cinquième livre de l’histoire eccelèsiastique
I. Combien dans la Gaule, sous Vérus, eurent à supporter la lutte pour la religion, et comment.
II. Que les martyrs chers à Dieu recevaient ceux qui étaient tombés pendant la persécution et les guérissaient.
III. Quelle apparition le martyr Atlale eut dans un songe.
IV. Comment les martyrs recommandaient Irénée dans une lettre.
V. Que Dieu exauça en laveur de Marc Aurèle César les prières des nôtres et lit tomber la pluie du ciel.
VI. . Catalogue de ceux qui ont été évêques à Rome.
VII. Que même jusqu’à ces temps, des pouvoirs merveilleux étaient exercés par les fidèles.
VIII. Comment Irénée mentionne les divines Écritures.
IX. Ceux qui furent évêques sous Commode.
X. Pantène le philosophe.
XI. Clément d’Alexandrie.
XII. Les évêques de Jérusalem.
XIII. Rhodon et la dissidence qu’il mentionne au sujet de Marcion.
XIV. Les pseudoprophètes Cataphrygiens.
XV. Le schisme de Blastus à Rome.
XVI. Ce qu’on mentionne au sujet de Montan et de ses faux prophètes.
XVII. Miltiade et les livres qu’il a composés.
XVIII. Ce qu’Apollonius oppose aussi aux Cataphrygiens pour les réfuter, et desquels il fait mention.
XIX. Sérapion au sujet de l’hérésie des Phrygiens.
XX. Ce qu’Irénée explique par écrit aux schismatiques de Rome.
XXI. Comment à Rome Apollonius fut martyr.
XXII. Quels évêques en ces temps-là étaient célèbres.
XXIII. De la question de la Pâque soulevée alors.
XXIV. Du dissentiment de l’Asie.
XXV. Comment tous, d’une commune voix, s’accordèrent sur la Pâque.
XXVI. Ce qui est venu même jusqu’à nous du beau talent d’Irénée.
XXVII. Ce qui est venu aussi jusqu’à nous des autres qui florissaient alors.
XXVIII. De ceux qui ont répandu l’hérésie d’Artémon dès le commencement, quels ils étaient . dans leur genre de vie et comment ils ont osé corrompre les Saintes Écritures.
L’évêque de l’église des Romains, Soter, mourut donc pendant la huitième année de son épiscopat. Son successeur, le douzième depuis les apôtres, fut Eleuthère. On était dans la dix-septième année de l’empereur Anloninus Vérus [177-178], pendant laquelle, en certaines régions de la terre, la persécution se ralluma contre nous avec une très grande vigueur. L’attaque vint du peuple des villes et on peut conjecturer que des milliers de martyrs s’y illustrèrent, d’après ce qui se passa dans une seule nation ; il advint du reste que ces événements furent écrits et transmis à la postérité : ils étaient vraiment dignes d’une impérissable mémoire.
Le texte entier du récit très complet de ces faits a été inséré par nous dans le Recueil des martyrs, qui contient un exposé non seulement historique mais aussi doctrinal : autant d’ailleurs que le sujet présent le comportera, j’en ferai des extraits que je donnerai ici.D’autres, dans leurs récits et leurs histoires, se sont bornés à transmettre par écrit les victoires et les trophées enlevés aux ennemis, la vaillance des chefs et le Courage des soldats qui ont souillé leurs mains de sang, en des meurtres nombreux, à cause de leurs enfants, de leur pairie et de leurs autres intérêts. Le livre où nous exposons la manière de se conduire selon Dieu, inscrira sur dos colonnes éternelles les luttes très pacifiques pour la paix de l’âme, ainsi que les hommes qui ont eu le courage d’y préférer la vérité à la patrie et la religion aux êtres les plus chers. Il proclamera les résistances des athlètes de la religion, les vaillances qui ont supporté tant d’épreuves, les trophées ravis aux démons, les victoires remportées sur les adversaires invisibles, et les couronnes obtenues après tout cela pour un immortel souvenir.
La Gaule est le pays où fut rassemblé le stade de ceux dont nous parlons : elle a des métropoles remarquables qui l’emportent sur les autres de cette contrée : leur nom est célèbre, c’est Lyon et Vienne. Le fleuve du Rhône, qui arrose abondamment de son cours toute la région, les traverse l’une et l’autre.
Donc les très illustres églises de ces deux cités ont envoyé à celles de l’Asie et de Phrygie la relation écrite qui concerne leurs martyrs ; ciles y racontent de la manière suivante ce qui s’est passé chez elles. Je vais du reste en rapporter les propres expressions : « Les serviteurs du Christ qui habitent Vienne et Lyon en Gaule, aux frères de l’Asie et de Phrygie qui ont la même foi et la même espérance de la rédemption que nous, paix, grâce et gloire de la part de Dieu le Père et du Christ Jésus notre Seigneur ».
Ensuite après ces mots, ils parlent d’autres choses dans un préambule, puis ils commencent le récit en ces termes : « L’intensité de l’oppression qui s’est produite ici, la colère si grande des gentils contre les saints, et tout ce qu’ont supporté le, bienheureux martyrs, nous ne sommes pas capables de le dire avec exactitude, et il n’est assurément pas possible de le rendre dans un écrit. C’est en effet avec toute sa force que l’adversaire a frappé ; il préludait alors à ce que doit être son avènement quand il sera sans crainte . il mit tout on œuvre pour former les siens et les exercer par avance contre les serviteurs de Dieu. Aussi bien, non seulement on nous interdisait les maisons, les bains, le forum, mais en général on défendait encore à chacun de nous, de paraître en quelque lieu que ce fût. Cependant la grâce de Dieu combattit contre eux ; elle fit d’abord éloigner les faibles, puis elle fit avancer des piliers solides qui pouvaient par leur résistance attirer sur eux tout le choc du méchant. Ils allèrent donc à sa rencontre, supportèrent toutes sortes d’outrages et de châtiments, et ils firent peu de cas de ces nombreuses épreuves, ils se hâtaient vers le Christ et montraient réellement que« les souffrances « du temps présent ne sont pas dignes d être mises en « regard de la gloire qui doit être révélée en nous ».
«
Et d’abord,des sévices sans nombre leur étaient infliges par la foule entière, ils les supportèrent généreusement : ils furent insultés, battus, traînés, pillés, lapidés, enfermés ensemble, ils endurèrent tout ce qu’une populace enragée aime à faire subir à des adversaires ou à des ennemis. Ils montèrent alors au forum, emmenés par le tribun et les magistrats qui présidaient à la ville ; interrogés devant toute la foule, ils rendirent témoignage et on les mit ensemble dans la prison jusqu’à l’arrivée du gouverneur.«
Dans la suite, on les lui amena et celui-ci se laissa aller à toute la cruauté en usage contre nous. Vettius Epagathus, un des frères, était parvenu à la plénitude de l’amour envers Dieu et le prochain. Sa conduite était tellement parfaite que, malgré sa jeunesse, il méritait le témoignage du vieillard Zacharie ; car il avait marché sans reproche dans tous les commandements et ordonnances du Seigneur : empressé à tout service envers le prochain, ayant un grand zèle pour Dieu, bouillonnant de l’Esprit. Étant d’un tel caractère, il ne supporta pas une procédure aussi déraisonnablement conduite contre nous, mais il fut exaspéré et réclama d’être entendu lui aussi, pour défendre les frères et prouver qu’il n’y avait ni athéisme ni impiété parmi nous. Ceux qui entouraient le tribunal se mirent à crier contre lui, car c’était un homme fort connu et le légat ne supporta pas la juste requête qu’il présentait ainsi ; il lui demanda seulement si lui aussi était chrétien. Celui-ci l’affirma d’une voix très claire et il fut également élevé au rang des martyrs : qualifié de paraclet des chrétiens, possédant en effet en lui le Paraclet, l’Esprit plus complètement que Zacharie, qu’il manifestait par la plénitude de la charité. Il prenait avec bonheur la défense de ses frères et y mettait son âme : car il était et il est encore un vrai disciple du Christ, suivant l’Agneau partout où il va.«
À partir de ce moment il se fit un triage parmi les autres : les uns étaient évidemment prêts au martyre, ils en accomplirent avec un entrain parlait la confession ; mais il en parut d’autres qui n’étaient, ni préparés ni exercés, et qui se trouvaient encore faibles et hors d’état de supporter l’effort d’un grand combat ; de ceux-ci, dix environ échouèrent. Ils nous causèrent un grand chagrin et une incommensurable douleur : ils brisèrent l’empressement des autres qui n’avaient pas été arrêtés et qui, au prix de terribles souffrances, assistaient cependant les martyrs et ne les délaissaient pas. Alors nous étions tous grandement terrifiés de l’ambiguïté de leur confession ; nous ne craignions pas les châtiments qu’on infligeait, mais nous regardions la fin et nous redoutions que d’entre eux quelqu’un ne vint à faillir.«
Chaque jour cependant on arrêtait ceux qui étaient dignes et ils complétaient le nombre .le ces martyrs, en sorte qu’on emprisonnait ensemble tous les membres zélés des deux églises et ceux qui ont surtout constitué ce qui est ici. On saisit même avec nous quelques païens serviteurs des nôtres, parce que le gouverneur avait officiellement ordonné de nous rechercher tous. Ceux-ci à leur tour, grâce au piège de Satan, effrayés par les tourments qu’ils voyaient souffrir aux saints et poussés à cela par les soldats, déclarèrent mensongèrement que nous faisions des repas de Thyeste, que nous commettions les incestes d’Œdipe et des choses qu’il nous est interdit de dire, de penser et même de croire qu’elles aient jamais existé chez des hommes. Ces bruits répandus, tous entrèrent dans une furie de bêtes féroces contre nous, si bien qu’un certain nombre, qui tout d’abord, pour des raisons de parenté, avaient gardé de la modération, furent dès lors grandement irrités et grinçaient des dents contre nous : ils accomplissaient la parole de notre Seigneur : « Un jour viendra où quiconque vous « tuera, croira rendre un culte à Dieu ».«
Alors, il ne resta plus aux saints martyrs qu’à supporter des châtiments qui dépassent toute description : Satan s’efforçait de leur faire ainsi proférer quelque blasphème. Toute la colère de la foule, comme du gouverneur et des soldats, s’acharna sans mesure sur Sanctus, le diacre de Vienne, sur Maturus, simple néophyte, mais athlète valeureux, sur Attale, originaire de Pergame, et qui avait toujours été la colonne et le soutien de ceux qui étaient ici, et enfin sur Blandine. En celle-ci le Christ montra que ce qui est simple, sans beauté et méprisable aux yeux des hommes est jugé digue d’une grande gloire auprès de Dieu à cause de l’amour qu’on a pour lui, amour qui se montre dans la force et ne se vante pas dans une vaine apparence.«
Nous craignions en effet tous, et sa maîtresse selon la chair, qui était, elle aussi, au combat avec les martyrs, redoutait que Blandine ne pût pas confesser librement sa foi à cause de la faiblesse de son corps. Mais celle-ci fut remplie d’une force à épuiser et briser les bourreaux qui s’étaient relayés pour l’accabler de toutes sortes de tortures depuis le matin jusqu’au soir : ils avouèrent qu’ils étaient vaincus n’ayant plus rien à lui faire : ils s’étonnaient qu’il restât encore un souffle en elle, tant son corps était tout déchiré et percé ; ils témoignaient qu’une seule espèce de supplice suffisait pour amener la mort, à plus forte raison, un aussi grand nombre et de telles tortures. Mais la bienheureuse, comme un généreux athlète, se rajeunissait dans la confession ; c’était pour elle un renouvellement de ses forces, un repos et une cessation des souffrances endurées que de dire : « Je suis chrétienne « et chez nous il n’y a rien de mal ».«
Sanctus, lui aussi, supporta d’une manière supérieure et plus courageusement que personne, toutes les violences qui lui venaient des hommes : les pervers espéraient que, grâce à la durée et à l’intensité des tourments, ils entendraient de lui des paroles condamnables. Il leur tint tête avec une telle fermeté, qu’il ne leur dit ni son nom, ni celui de la nation et de la ville d’où il était, ni s’il était esclave ou libre, mais à toutes les questions, il répondait en langue latine : « Je « suis chrétien ». Voilà ce qu’il confessait tour à tour, au lieu de son nom, au lieu de sa ville, au lieu de sa race, au lieu de tout, et les païens n’entendaient pas de lui une autre parole. Il s’ensuivit que le gouverneur et les bourreaux rivalisèrent à l’envi à son sujet, si bien que ne trouvant plus rien à lui infliger, à la fin ils firent rougir au feu des lames d’airain et les lui appliquèrent aux parties du corps les plus délicates. Celles-ci brûlèrent, mais Sanctus demeura invincible, inflexible, ferme dans la confession ; la source céleste d’eau vivifiante qui sort du sein du Christ le rafraîchissait et le fortifiait. Son corps était témoin de ce qu’il avait subi ; tout n’y était plus que plaie et meurtrissure ; il était contracté, privé de l’apparence d’une forme humaine : mais le Christ qui souffrait en lui, accomplissait de grandes merveilles : il rendait l’ennemi impuissant et, pour l’exemple de ceux qui demeuraient, il montrait qu’il n’y a rien de redoutable où se trouve l’amour du Père, rien de douloureux où est la gloire du Christ. Quelques jours après, en effet, les pervers recommencèrent à torturer le martyr : ils pensaient, qu’ayant les chairs enflées et enflammées, s’ils lui faisaient encore endurer les mêmes châtiments, il serait vaincu par eux, puisqu’il ne pouvait même pas supporter l’attouchement des mains, ou bien que s’il mourait dans les supplices, son trépas inspirerait de la crainte aux autres. Non seulement rien de pareil n’arriva pour lui, mais contre toute attente, le corps de Sanctus se rétablit, se redressa dans les tourments qui suivirent ; il reprit sa forme première et l’usage de ses membres, en sorte que la seconde torture, lui fut par la grâce du Christ non pas un châtiment, mais une guérison.«
Le diable d’autre part paraissait avoir déjà englouti Biblis, une de celles qui avaient renié ; il voulait encore la condamner en la faisant blasphémer, il la fit conduire au supplice et la força de dire les impiétés qui nous concernent ; car elle avait été jusque là fragile et sans courage. Mais voici que dans la torture, elle sortit de son enivrement et s’éveilla pour ainsi dire d’un profond sommeil ; la douleur passagère qu’elle ressentit, la fit souvenir du châtiment éternel de la géhenne et répondre en réplique aux calomniateurs : « Comment, dit-elle, ces gens-là mangeraient-ils des enfants, eux à qui il n’est pas permis de manger même le sang des animaux sans raison ? ». À partir de là, elle se déclara chrétienne et fut mise au rang des martyrs.«
Les châtiments tyranniques avaient été rendus vains par le Christ, grâce à la patience des bienheureux ; le diable inventa d’autres moyens : les internements collectifs dans les ténèbres d’un très dur cachot, la mise aux ceps avec les pieds écartés jusqu’au cinquième trou, et tous les autres tourments que des subalternes furieux et, de plus, possédés du démon, ont coutume d’infliger aux prisonniers. Aussi bien, le plus grand nombre moururent étouffés dans la prison ; le Seigneur voulut qu’ils quittassent ainsi la vie pour faire éclater sa gloire. Les uns en effet, torturés cruellement au point qu’ils ne semblaient plus pouvoir vivre, quelque soin qu’on prît deux, tinrent bon dans la prison ; privés de tout secours humain, mais fortifiés par le Seigneur, ils conservèrent la vigueur de leur corps et de leur âme et furent pour les autres un encouragement et un soutien. Les autres, jeunes et récemment arrêtés, dont le corps n’avait pas été endurci préalablement, ne purent pas supporter la rigueur de l’emprisonnement collectif ; ils y périrent.«
Le bienheureux Pothin, à qui avait été confié le ministère de l’épiscopat à Lyon, était alors âgé de plus de quatre-vingt-dix ans et avait une santé très faible : à peine pouvait-il respirer à cause de l’épuisement de son corps, mais il était soutenu par l’ardeur de l’Esprit et le désir présent du martyre. On le traîna lui aussi au tribunal : son corps était brisé par la vieillesse et la maladie, mais son âme était conservée en lui, afin que par elle le Christ triomphât. Tandis que les soldats l’emportaient au tribunal, les magistrats de la cité et toute la multitude l’accompagnaient en poussant des clameurs de toute sorte, comme s’il eût été lui-même le Christ. Il rendit ce beau témoignage. Le gouverneur lui demanda quel était le Dieu des chrétiens, il répondit : « Si tu en es digne, tu le connaîtras ». Alors on l’emmena de là, en le traînant sans pitié,et il eut à endurer des coups de tous genres : ceux qui étaient près de lui le frappaient de toutes façons avec les mains et avec les pieds, sans respect pour son âge ; ceux qui étaient loin, jetaient sur lui tout ce qui leur tombait sous la main : tous se seraient crus grandement coupables de faute ou d’impiété, s’ils se fussent abstenus de l’outrager, car c’était ainsi qu’ils pensaient venger leurs dieux. À peine respirait-il encore, quand il fut jeté dans la prison où il expira deux jours plus tard.«
Ici se produisit une puissante intervention de Dieu et une incommensurable miséricorde de Jésus, qui s’est rarement produite parmi les frères, mais qui .«’est pas étrangère à l’art du Christ. Ceux en effet, lors de la première arrestation qui avaient renié leur foi, étaient enfermés dans le même cachot, eux aussi, et partageaient leurs souffrances, car l’apostasie, en celte occasion, ne leur avait servi de rien : tandis que ceux qui avaient confessé ce qu’ils étaient, étaient emprisonnés comme chrétiens et aucune autre accusation ne pesait sur eux : mais les autres étaient retenus homicides et impudiques, leur châtiment était deux fois plus lourd que celui de leurs compagnons. Ceux-ci, en effet, étaient soulagés par l’allégresse du martyre, l’espérance des promesses, l’amour du Christ et l’Esprit du Père. Ceux-là au contraire étaient grandement tourmentés par leur conscience, si bien qu’entre tous les autres, lorsqu’ils passaient, on les reconnaissait à leur aspect. Les uns en effet s’avançaient joyeux, une gloire et une grâce intense se mêlaient à leurs visages, si bien que même les chaînes les entouraient comme d’une parure seyante, ainsi qu’une mariée dans ses ornements frangés et brodés d’or. Ils répandaient autour deux la bonne odeur du Christ et quelques-uns croyaient qu’ils s’étaient oints d’un parfum profane. Les autres au contraire baissaient les yeux, ils étaient abattus, consternés et remplis dune entière confusion et les païens les insultaient, les traitant de lâches et de gens sans courage ; ils étaient inculpés d’homicides et ils avaient perdu le nom digne de tout honneur, le nom glorieux qui donne la vie. Le reste des nôtres, voyant cela, étaient affermis, et ceux qui étaient arrêtés n’hésitaient pas dans leur confession et n’avaient plus la pensée d’un calcul diabolique ».Après avoir ajouté à ceci autre chose, ils disent encore : « Après cela du reste ce fut par toutes sortes d’issues que leurs martyres se distinguèrent. Ils ont en effet tressé et offert à Dieu le Père une couronne de différentes couleurs et de toutes sortes de fleurs : il fallait bien que ces athlètes généreux, après des combats si variés et des victoires éclatantes, reçussent le diadème magnifique de l’incorruptibilité.
«
Maturus, Sanctus, Blandine et Attale furent donc conduits aux bêtes à l’amphithéâtre et au spectacle commun de l’inhumanité des païens. C’était précisément la journée des combats de bêtes, donnée avec le concours des nôtres.«
Maturus et Sanctus passèrent aussi de nouveau dans l’amphithéâtre par toutes sortes de tourments, comme s’ils n’eussent absolument rien souffert auparavant, ou plutôt comme des athlètes qui ont déjà vaincu leur adversaire en des épreuves nombreuses désignées par le sort et n’ont plus à supporter que le combat pour la couronne elle-même. Ils furent encore passés par les verges comme c’est la coutume du lieu, traînés par les bêtes, soumis à tout ce qu’un peuple en délire, les uns d’un côté, les autres de l’autre, ordonnait par ses clameurs : enfin on les fit asseoir sur la chaise de fer, où l’odeur de graisse, parlant de leur chair qui brûlait, les suffoquait. Mais les païens n’étaient pas calmés et leur fureur grandissait encore davantage ; ils voulaient vaincre la constance des martyrs. De Sanctus ils n’obtenaient rien d’autre que a parole de sa confession qu’il répétait depuis le commencement. Leur vie avait longtemps résisté à une grande épreuve ; pour en finir ils furent sacrifiés Pendant cette journée entière, ils avaient été en spectacle au monde et avaient tenu lieu de toute la variété qu’on trouve aux luttes de gladiateurs.«
Blandine fut liée et suspendue à un poteau pour être dévorée par les bêtes lancées contre elle : la regarder ainsi attachée en forme de croix, l’entendre prier à haute voix, donnait aux athlètes un grand courage : il leur semblait, dans ce combat, voir des yeux du corps, en leur sœur, Celui qui a été crucifié pour eux, afin de persuader à ceux qui croient en lui, que quiconque souffre ici-bas pour la gloire du Christ aura éternellement part au Dieu vivant. Or, pas une des bêtes ne la toucha en ce moment ; détachée du poteau, elle fut ramenée dans sa prison et réservée pour un autre combat ; c’était afin qu’elle fût victorieuse dans des luttes plus nombreuses, qu’elle attirât sur le serpent tortueux une condamnation inexorable et qu’elle fut pour ses frères une exhortation, elle, petite, faible, méprisée, revêtue du Christ, le grand et invincible athlète, maîtresse de l’adversaire dans les maintes rencontres qui lui étaient échues par le sort, couronnée par ce combat de la couronne de l’incorruptibilité.«
Attale fut, lui aussi, réclamé à grands cris par la foule, — car il était bien connu — ; il entra dans l’arène, lutteur préparé au combat par la pureté de sa conscience ; il s’était en effet exercé généreusement dans la discipline chrétienne, il était et il fut toujours parmi nous le témoin de la vérité. On lui fit faire le tour de l’amphithéâtre et une tablette était portée devant lui, sur laquelle était écrit en latin : « Celui-ci est Attale le chrétien », et le peuple était tout frémissant de colère contre lui. Le gouverneur apprit qu’il était Romain, il ordonna qu’on le reconduisît dans h prison où se trouvaient aussi les autres, puis il écrivit à César à leur sujet, et attendit sa réponse.«
Ce délai ne fui pour eux ni inutile ni stérile, mais dans la patience des prisonniers, l’incommensurable pitié du Christ se manifesta. Les vivants vivifiaient les morts et les martyrs faisaient grâce à ceux qui n’avaient pas été martyrs. Ce fut une grande joie pour notre mère virginale ; ceux qu’elle avait rejetés de son sein comme des morts, elle les recevait vivants, Ce fut en effet par ces confesseurs que beaucoup de ceux qui avaient renié le Christ se mesurèrent de nouveau, furent conçus et ranimés à la vie : ils apprirent à rendre témoignage., et, désormais pleins de vigueur et de force, ils s’avancèrent vers le tribunal pour être à nouveau interrogés par le gouverneur ; cette démarche était rendue douce par Dieu qui ne veut pas la mort du pécheur, mais se montre bon en vue de la pénitence. César avait au reste répondu qu’il fallait punir les uns, mais pour les autres qui renieraient, on devrait les mettre en liberté. La fêle qu’on célèbre ici chaque année — elle est très fréquentée et on y vient de toutes les nations — avait commencé de se tenir. Le gouverneur fit solennellement amener au tribunal les bienheureux, les donnant en spectacle aux foules : il les interrogea encore ainsi de nouveau ; à ceux pour qui il apparut qu’ils avaient le titre de citoyen romain, il lit couper la tête le reste il l’envoya aux bêtes.«
Le Christ fut magnifiquement glorifié par ceux qui d’abord avaient renié : alors contre l’attente des païens, ils lui rendirent témoignage. On les interrogea en effet à part, sans doute comme pour leur rendre la liberté; ils firent leur confession et furent ajoutés au nombre des martyrs. Il ne resta on dehors que ceux qui n’avaient jamais eu trace de foi, ni respect de la robe nuptiale, ni pensée de la crainte de Dieu, mais qui par leur volte-face faisaient blasphémer la voie, c’est-à-dire les fils de la perdition.«
Tous les autres restèrent unis à l’Église. Pendant l’interrogatoire, Alexandre, phrygien de race et médecin de profession, établi depuis de nombreuses années dans les Gaules, connu de presque tous pour son amour envers Dieu et la liberté de sa parole, — il n’était pas en effet sans avoir sa part du charisme apostolique — se tenait debout près du tribunal : il exhortait par signes ceux qui y comparaissaient à proclamer leur foi, et il paraissait à ceux qui entouraient le siège du juge éprouver les douleurs de l’enfantement. Les foules, furieuses d’entendre la confession nouvelle de ceux qui avaient d’abord renié, criaient que c’était Alexandre qui faisait cela. Le gouverneur, l’ayant fait comparaître, lui demanda qui il était : il répondit qu’il était chrétien : devenu furieux, le juge le condamna aux bêtes, et le lendemain il entrait dans l’amphithéâtre avec Attale, parce que, pour plaire à la multitude, le légat avait de nouveau livré celui-ci à ce supplice. Ceux-ci, après avoir passé par tous les instruments imaginés à l’amphithéâtre pour la torture, soutinrent encore le combat suprême et furent enfin eux aussi sacrifies. Alexandre ne laissa échapper ni un seul soupir ni un seul murmure, mais dans son cœur il s’entretenait avec Dieu. Lorsqu’un Attale était assis sur la chaise de fer et brûlait, tandis que l’odeur de sa chair se répandait de tous côtés, il dit au peuple en latin : « Vous voyez., c’est manger des hommes, ce que vous faites, mais nous n’en mangeons pas et nous ne faisons rien d’autre qui soit mal ». Interrogé sur le nom qu’avait Dieu, il répondit : « Dieu n’a point de nom comme un homme ».«
Au reste, après tout cela, le dernier jour des combats singuliers, on amena de nouveau Blandine avec Ponticus, jeune adolescent d’environ quinze ans. On les avait eux aussi, conduits chaque jour pour qu’ils vissent les supplices des autres, et on les pressait de jurer par les idoles : ils demeurèrent fermes et ne firent aucun cas de ces instances. Aussi bien la foule devint furieuse contre eux, au point qu’elle n’eût ni la pitié due à l’âge de l’enfant ni le respect du au sexe de la femme. On les fit passer par toutes les tortures et ils parcoururent le cycle entier des supplices ; tour à tour, on les voulait contraindre à jurer, mais on ne pouvait pas y arriver. Ponticus était en effet exhorté par sa sœur, si bien que les païens voyaient eux-mêmes que c’était elle qui l’encourageait et l’affermissait. Après avoir supporté tous les tourments avec courage, il rendit l’âme.«
Restait la bienheureuse Blandine, la dernière de tous, comme une noble mère qui vient d’exhorter ses enfants et de les envoyer victorieux auprès du roi ; elle parcourt de nouveau elle-même à son tour toute la série de leurs combats et se hâte vers eux, pleine de joie et d’allégresse en ce départ ; elle semblait appelée à un banquet de noces et non pas jetée aux bêtes. Après les fouets, après les fauves, après le gril, on la mit en dernier lieu dans un filet et on la présenta à un taureau : elle fut assez longtemps projetée par l’animal, mais elle n’éprouvait aucun sentiment de ce qui lui arrivait, grâce à l’espérance, à l’attachement aux biens de la foi et à sa conversation avec le Christ. Elle fut immolée elle aussi, et les païens eux-mêmes avouèrent que jamais parmi eux une femme n’avait enduré d’aussi nombreux et durs tourments.«
Cependant même ainsi la fureur et la cruauté du peuple contre les saints n’étaient pas rassasiée : ces tribus sauvages et barbares excitées par la bête féroce, étaient en effet difficiles à apaiser : leur insolence recommença encore d’une façon singulière en ce qui regarde les cadavres. Avoir été vaincus ne leur faisait pas baisser les yeux, car ils n’avaient plus de raisonnement humain ; mais cela échauffait encore davantage leur colère, comme il arrive à un fauve. Le gouverneur et le peuple faisaient preuve contre nous d’une égale injustice et animosité, pour que l’Écriture fût accomplie : « Le pervers se pervertira encore et le juste sera encore plus juste ». Ceux qui avaient été asphyxiés dans la prison furent en effet jetés aux chiens, et ce fut avec soin qu’on les garda jour et nuit, de peur que quelqu’un des nôtres ne les ensevelit. Ils exposèrent alors aussi les restes des bêtes et du feu, ce qui était déchiré çà et là et ça et là carbonisé : les têtes et les troncs des autres restaient également sans sépulture et étaient gardés avec soin par des soldats pendant de longs jours. Les uns frémissaient de rage et grinçaient des dents devant ces restes, cherchant quels supplices plus grands leur infliger ; les autres ricanaient et se moquaient, exaltant en même temps leurs idoles auxquelles ils attribuaient le châtiment de ceux-ci ; les autres cependant, plus modérés et paraissant compatir à un tel malheur, faisaient entendre de nombreux reproches et disaient : « Où est leur Dieu et à quoi leur a servi la religion qu’ils ont préférée à leur propre vie ? » Telle était la diversité des réflexions chez les païens. Quant à nous, ce nous était une grande douleur de ne pouvoir ensevelir les corps dans la terre. Les ténèbres de la nuit en effet ne nous servaient de rien, l’argent ne séduisait pas, la prière ne fléchissait pas ; ils veillaient de toutes manières, comme s’ils avaient eu beaucoup à gagner à ce que les dépouilles n’obtinssent pas de tombeau ».Un peu plus loin, après autre chose, ils disent : « Les cadavres des martyrs furent donc complètement exposés et laissés sans abri pendant six jours. Ensuite on les brûla, on les réduisit en cendres et les pervers les jetèrent dans le Rhône qui coule près de là, afin qu’il ne parût plus aucun vestige d’eux sur la terre. Ils faisaient cela comme s’ils pouvaient vaincre Dieu et enlever à leurs victimes le bénéfice de la nouvelle naissance, afin, disaient-ils, « qu’ils n’aient plus l’espoir d’une résurrection, en la foi de laquelle ils nous ont introduit un culte étranger et nouveau , et ils ont méprisé les supplices, prêts à aller joyeusement à la mort : maintenant, voyons s’ils ressusciteront et si leur Dieu pourra les secourir et les arracher de nos mains ».
Voilà ce qui arriva aussi, sous l’empereur désigné plus haut, aux églises du Christ ; par là on peut encore conjecturer par un raisonnement naturel ce qui fut fait dans le reste des provinces. Il m’a paru juste d’ajouter, à ce qui vient d’être dit, un outre passage de la même lettre où la douceur et l’Immunité des martyrs sont décrites en ces termes mêmes : «
Ceux-ci devenaient tellement les émules et imitateurs du Christ qui, étant dans la l’orme de Dieu, ne crut pas que ce fût une usurpation d’être égal à Dieu », que bien qu’ils fussent dans une telle gloire, et qu’ils eussent rendu témoignage, non pas une ou deux lois, mais souvent, après avoir encore été ramenés d’auprès des bêtes, couverts de brûlures, de meurtrissures et de plaies, cependant ils ne se proclamaient pas martyrs, ni ne permettaient pas que nous leur donnions ce nom ; mais si quelqu’un parmi nous, dans une lettre ou un entretien, les appelait ainsi, ils les reprenaient amèrement. Ils aimaient en effet à donner ce titre au Christ fidèle et vrai témoin, premier né des morts, premier auteur de la vie de Dieu. Ils rappelaient aussi la mémoire des martyrs qui avaient déjà quitté ce monde et ils disaient : « Ceux-là sont maintenant martyrs que le Christ a daigné recevoir dans la confession, après avoir imprimé en eux, par le trépas, le sceau du martyre : pour nous, nous sommes des confesseurs médiocres et pauvres », et ils exhortaient les frères avec larmes leur demandant de prier sans interruption pour leur persévérance finale, I|s montraient en action la puissance du martyre ; à l’égard des païens, ils avaient une grande liberté de langage : leur patience, l’absence de peur et de tremblement rendaient évident leur courage ; mais de la part des frères, ils refusaient le titre de martyrs, remplis qu’ils étaient de la crainte de Dieu ».Et peu après ils disent encore : « Ils s’humiliaient eux-mêmes sous la main puissante par laquelle ils sont maintenant élevés bien haut. Alors ils défendaient tout le monde et n’accusaient personne : ils déliaient tout le monde et ne liaient personne. Ils priaient pour ceux qui les faisaient souffrir, comme Etienne le parfait martyr : « Seigneur ne leur impute pas cette faute ». Mais si celui-ci a prié de la sorte pour ceux qui le lapidaient, combien plus pour les frères ».
Et ils ajoutent encore après autre chose : « Leur combat le plus grand fut en effet celui qu’ils engagèrent contre lui par la vraie charité, afin que la bête, serrée à la gorge, fût obligée de rejeter vivants ceux qu’elle croyait d’abord engloutir. Ils ne montrèrent donc pas d’arrogance à l’égard des tombés ; ils subvinrent au contraire avec les biens dont ils abondaient à ceux qui en avaient un plus grand besoin ; ils avaient pour eux des entrailles maternelles ; pour eux, ils répandaient des larmes abondantes devant le Père. Ils lui demandaient la vie, et lui la leur donnait, et eux la communiquait à ceux qui étaient autour d’eux, et vainqueurs en tous les combats, ils s’en allaient vers Dieu. Il avaient toujours aimé la paix, ils nous la transmettaient et parlaient avec elle auprès de Dieu : ils ne laissaient aucune douleur à leur mère, ni à leurs frères aucun trouble ni aucune dissension, mais la joie, la paix, la concorde, la charité ».
Il était utile de présenter encore ces détails concernant l’amour de ces bienheureux à l’égard des tombés, parce que ce sentiment d’humanité et de pitié fit défaut à ceux qui dans la suite attaquèrent sans ménagement les membres du Christ.
Le même écrit des martyrs dont il vient d’être question,.contient encore un autre récit digne de mémoire qu’il n’y a aucun inconvénient à faire connaître à ceux qui viendront à le lire : voici en quoi il consiste.
Un certain Alcibiacle se trouvait parmi eux qui vivait d’une manière tout à fait sordide. Tout d’abord il ne changea absolument rien à ses habitudes : il ne prenait que du pain et de l’eau pour nourriture, et essayait même dans la prison de vivre de la sorte. Attale, après le premier combat qu’il soutint dans l’amphithéâtre, eut une révélation où il lui fut découvert qu’Alcibiade ne faisait pas bien de ne pas se servir des créatures de Dieu et qu’il laissait aux autres un exemple de scandale. Alcibiacle fut convaincu, il accepta sans scrupule toute espèce d’aliments et rendit grâces à Dieu. Ainsi donc les martyrs n’étaient pas privés des visites de la grâce divine, mais l’Esprit saint était leur conseil. Cela suffit ainsi.Les disciples de Montan, d’Alcibiade et de Théodote commençaient alors à obtenir en Phrygie auprès de beaucoup la réputation de prophètes. Les nombreuses autres merveilles du charisme divin qui s’accomplissaient encore à celle époque, en plusieurs églises, portaient en effet beaucoup de gens à croire que ces gens-là avaient, eux aussi, le don de prophétie. Comme un dissentiment existait à leur sujet, derechef les frères de la Gaule soumirent leur avis personnel, prudent et tout à fait orthodoxe, et envoyèrent diverses lettres des martyrs couronnés parmi eux, écrites alors qu’ils étaient encore dans les chaînes, aux frères d’Asie et de Phrygie, et même à Éleuthère alors évêque de Home : ils négociaient en faveur de la paix de l’Église.
Ces mêmes martyrs écrivirent encore à l’évêque de Rome dont il est fait mention, pour lui recommander Irénée qui alors était déjà prêtre de l’église de Lyon ; ils rendirent de lui un multiple témoignage, ainsi que le montrent leurs propres paroles dont voici le texte : «
Nous prions pour qu’en Dieu lu sois heureux encore et toujours, vénérable Éleuthère. Nous avons chargé de le remettre ces lettres, Irénée, notre frère et compagnon, et nous l’exhortons à l’accueillir comme un zélateur du testament du Christ. Si nous pensions que la situation procure la justice à quelqu’un, nous le présenterions d’abord comme prêtre de l’église, car il est cela ».Est-il besoin de donner la liste des martyrs qui se trouvent dans la relation citée plus haut ? Ceux-ci ont eu la tête tranchée, ceux-là ont été donnés en pâture aux bêtes, d’autres encore sont morts dans la prison : faut-il dire le nombre des confesseurs qui survécurent jusqu’alors ? À qui il plaira, il sera facile de le connaître tout au long, en prenant en main la lettre que j’ai insérée dans le Recueil des martyrs ainsi que du reste je l’ai dit.
Mais ces faits se passaient sous Antonin.
On raconte que le frère de celui-ci, Marc-Aurèle César, rangeait ses soldats en bataille contre les Germains et les Sarmates : son armée réduite par la soif était dans l’impuissance. Or les soldats de la légion appelée Mélitine, à qui sa foi a valu de subsister depuis ce temps jusqu’à ce jour, tandis qu’ils étaient en ligne de combat en face des ennemis, mirent le genou en terre selon l’usage qui nous est familier dans les prières et commencèrent à invoquer Dieu.
Les ennemis furent surpris de ce spectacle étonnant : on raconte qu’on en vit bientôt un autre plus surprenant : un orage soudain mit les ennemis en fuite, puis en déroule, tandis qu’une pluie douce rendait à elle-même l’armée de ceux qui avaient prié la divinité et qui avaient tous été en péril de périr de soif.Le récit de ce prodige est rapporté même pur les auteurs qui sont éloignés de notre foi et se sont occupés d’écrire l’histoire du temps dont il est question : on le rencontre d’ailleurs aussi chez les nôtres. Cependant les narrateurs païens, étrangers à notre croyance, racontent le fait merveilleux sans avouer qu’il est le résultat des prières des nôtres ; ceux de notre parti au contraire, amis de la vérité, le présentent simplement et ingénument comme il s’est accompli, L’un d’eux est encore Apollinaire ; il dit que depuis ce moment, la légion qui par la prière avait fait ce miracle, reçut de l’empereur le nom latin caractéristique de Fulminante. Tertullien peut lui aussi être décela un témoin digne de créance : dans une Apologie de la foi, qu’il adressa au Sénat romain, ainsi que nous l’avons mentionné plus haut, il confirme notre récit par une preuve plus forte et plus éclatante, Il assure en effet qu’on avait encore de son temps une lettre de Marc-Aurèle, l’empereur le plus intelligent, dans laquelle il atteste que son armée, sur le point de périr de soif en Germanie, fut sauvée par les prières des chrétiens et Tertullien dit que ce prince menaça de mort ceux qui essaieraient d’accuser les nôtres. Le même écrivain ajoute ceci : « De quelle genre sont donc ces lois impies, injustes, cruelles que l’on suit contre nous seulement, que Vespasien, quoiqu’il fût vainqueur des juifs, n’a pas observées, que Trajan a éludées en partie en défendant de rechercher les chrétiens, qu’Hadrien, qui s’occupait de tout avec un soin exclusif, qu’Antonin, appelé le Pieux, n’ont point appliquées ». Mais qu’on place ceci où l’on voudra.
Pour nous, continuons notre récit.
Pothin était mort a l’âge de quatre-vingt-dix ans révolus avec les martyrs de la Gaule. Irénée lui succéda dans le gouvernement de l’église de Lyon que Pothin dirigeait ; nous avons appris que dans son jeune âge Irénée avait été disciple de Polycarpe. Dans son troisième livre des Hérésies, il établit la succession des évêques de Rome et il l’arrête à Éleuthère dont nous étudions l’époque et qui existait au temps où Irénée écrivait son ouvrage Voici ce qu’il écrit.« Après avoir fondé et édifié l’église, les bienheureux apôtres remirent à Lin la charge de la gouverner : c’est ce Lin dont Paul fait mention dans les épîtres à Timothée. Il eut pour successeur Anaclet.
Après lui, au troisième rang depuis les apôtres, Clément obtint l’épiscopat ; il avait vu les bienheureux apôtres et les avait approchés ; leur prédication résonnait encore à ses oreilles et il avait leur tradition sous les veux. Il n’était du reste pas le seul, car beaucoup de ceux qui avaient été instruits par les apôtres, étaient alors encore vivants. Sous ce Clément, un grave dissentiment naquit parmi les frères de Corinthe ; l’église de Rome leur écrivit une lettre très importante pour les réconcilier dans la paix et raviver leur foi ainsi que la tradition qu’elle avait récemment reçue des Apôtres ».Et peu après Irénée dit : « À Clément succéda Évariste, et Alexandre à celui-ci ; ensuite fut établi Xystus le sixième depuis les apôtres : après lui vint Télesphore qui a rendu glorieusement témoignage, puis Hygin, ensuite Pie, après lui Anicet, dont Soter fut le successeur, et maintenant Éleuthère qui détient la charge d’évêque, au douzième rang à partir des apôtres ; c’est dans le même ordre et le même enseignement que la tradition des apôtres dans l’église et la prédication de la vérité sont venues jusqu’à nous ».
Irénée, d’accord avec les récits que nous avons faits précédemment, indique ceci brièvement dans les livres, au nombre de cinq, qu’il a intitulés : Réfutation et destruction de la science au nom mensonger. Dans le second livre de ce même ouvrage, il montre qu’il existait encore de son temps, en certaines églises, des exemples du pouvoir divin et merveilleux ; il s’exprime en ces termes : «
Il s’en faut bien qu’ils ressuscitent un mort comme l’ont fait le Seigneur et les apôtres par la prière et comme il est arrivé souvent parmi les frères : dans le cas de nécessité, toute l’église d’une contrée le demandait avec beaucoup de jeûnes et de supplications, et l’âme du défunt revenait et l’homme était l’objet de cette faveur grâce à la prière des saints ».Plus loin il ajoute encore : « S’ils disent que le Seigneur lui aussi a fait de pareilles choses en apparence, nous les conduirons aux écrits des prophètes et nous leur montrerons d’après eux, que tout ce qui concernait ainsi le Christ a été annoncé d’avance et absolument réalisé, et que lui seul est le Fils de Dieu. C’est pourquoi ses vrais disciples, ayant reçu de lui ce pouvoir, accomplissent aussi cela en son nom, pour rendre service aux autres hommes, chacun selon le don qu’il a obtenu de lui. Les uns en effet chassent les démons d’une façon réelle et véritable, si bien que souvent ceux-là mêmes qui ont été délivrés de ces esprits immondes croient et demeurent dans l’Église. Les autres ont aussi une prescience des choses qui doivent arriver, des visions et des paroles prophétiques. D’autres guérissent les malades par l’imposition des mains et les rétablissent en santé. Du reste actuellement, comme nous l’avons dit, des morts mêmes ont été ressuscites et sont restés avec nous un bon nombre d’années, Eh quoi donc ! Il n’est pas possible de dire le nombre des charismes que, dans le monde entier, l’Église reçoit chaque jour de la part de Dieu, au nom de Jésus-Christ crucifié sous Ponce Pilate, pour secourir les gentils d’une façon efficace : elle ne trompe personne et ne demande d’argent à personne : comme elle a reçu le don de Dieu, elle le distribue, »
Le même Irénée écrit encore en un autre endroit : « Ainsi que nous avons aussi entendu dire, beaucoup de frères ont dans l’Église des charismes prophétiques ; ils parlent, grâce à l’Esprit, toutes sortes de langues : ils mettent au jour les secrets des hommes, quand cela est utile, et ils expliquent les mystères de Dieu ».
Voilà encore ce qui concerne la permanence des divers charismes parmi les saints même aux temps dont il s’agit.
Comment Irénée mentionne les diverses écritures
Puisque au début de cet ouvrage nous avons fait la promesse de citer à l’occasion, les paroles des anciens presbytres et écrivains ecclésiastiques qui ont transmis par écrit les traditions venues jusqu’à eux, concernant les Écritures testamentaires ; comme Irénée est de ceux-là, nous allons donc rapporter ce qu’il dit,
et tout d’abord, ce qui concerne les saints Évangiles en ces termes : « Matthieu entreprit donc aussi d’écrire son Évangile chez les Hébreux et en leur propre langue, pendant que Pierre et Paul annonçaient l’évangile à Rome et y fondaient l’Église. D’un autre côté, après leur départ, Marc, le disciple et l’interprète de Pierre, nous transmit lui aussi par écrit ce que son maître prêchait, et Luc, le compagnon de Paul, mit dans un livre, l’évangile que celui-ci annonçait, Ensuite Jean, le disciple du Seigneur, qui a reposé sur sa poitrine, publia lui aussi l’Évangile, tandis qu’il habitait à Éphèse en Asie.»Irénée dit ces choses au troisième livre de l’ouvrage cité plus haut : au cinquième, il s’explique ainsi au sujet de l’Apocalypse de Jean et du nombre formé par les lettres du nom de l’Antéchrist : « Les choses étaient ainsi, et dans toutes les copies sérieuses et anciennes le nombre s’y trouvait ; ceux qui ont vu Jean de leurs yeux en font foi eux-mêmes, et le calcul nous apprend que le nombre du nom de la bête, selon la manière de compter des Grecs, paraît dans les lettres qu’il contient ».
Un peu plus loin, il dit sur le même sujet : « Nous ne nous risquerons donc pas de nous déclarer d’une façon ferme sur le nom de l’Antéchrist ; car s’il eut fallu publier clairement son nom à cette époque-ci, il aurait été prononcé par celui qui a vu aussi la révélation ; celle-ci en effet, a eu lieu il n’y a pas longtemps mais presque de notre génération, vers la fin du règne de Domitien »..
Voilà ce qu’Irénée raconte encore de l’Apocalypse :il mentionne aussi la première épître de Jean et en apporte très souvent le témoignage, de même également pour la première épître de Pierre. Non seulement, il connaît, mais encore il reçoit l’écrit du Pasteur quand il dit : « C’est donc à bon droit que l’Écriture dit : « Tout d’abord, crois que Dieu est un, qu’il a tout créé et ordonné », et la suite.
Il se sert encore plus loin de quelques paroles de la Sagesse de Salomon disant à peu près : « La vision de Dieu procure l’incorruptibilité et l’incorruptibilité nous fait être proches de Dieu ».
Il mentionne encore des Mémoires d’un presbytre apostolique dont il a passé le nom sous silence et il cite de lui des Commentaires des divines Écritures.
Il fait aussi mention de Justin le martyr ainsi que d’Ignace, et il se sert encore de témoignages tirés de leurs écrits. Il promet de répondre à Marcion à l’aide de ses propres ouvrages dans un travail spécial.En ce qui concerne aussi la version, par les Septante, des Écritures inspirées de Dieu, voici ce qu’il dit en propres termes : « Dieu donc se fit homme, elle Seigneur lui-même nous sauva en nous donnant le signe de la vierge, mais non pas comme le disent quelques-uns de ceux qui osent maintenant changer l’interprétation de l’Écriture : « Voici que la jeune fille aura dans son sein et enfantera un fils », comme traduisent Théodotion d’Éphèse et Aquila du Pont, tous deux prosélytes juifs, à la suite desquels les Ébioniles disent qu’il est né de Joseph ». Peu après cela, il ajoute ces paroles : « Avant que les Romains ne fussent maîtres de leur empire, quand les Macédoniens possédaient encore l’Asie, Ptolémée Lagus désira orner la bibliothèque qu’il avait fondée à Alexandrie, des écrits de tous les hommes qui méritaient l’attention ; il demanda aux gens de Jérusalem, d’avoir leurs Écritures traduites en langue grecque. Les Juifs, qui obéissaient encore à celle époque aux Macédoniens, envoyèrent à Ptolémée soixante-dix vieillards, les plus habiles d’entre eux dans les Écritures et la connaissance des deux langues : Dieu faisait ce qu’il avait résolu. Le prince voulut les éprouver individuellement ; il prit ses précautions pour que réunis ensemble, ils n’obscurcissent point par leur traduction la vérité qui se trouve dans les Écritures ; il les sépara les uns des autres et ordonna à tous de faire la même traduction, et il lit cela pour tous les livres. Ils se réunirent d’autre part dans un même lieu chez. Ptolémée, et comparèrent la version de chacun d’eux. Dieu fut alors glorifié, et les Écritures furent reconnues pour être vraiment divines : tous avaient exprimé les mêmes pensées dans les mêmes termes et les mêmes mots, du commencement à la fin. Aussi bien, les païens qui étaient là se rendirent compte, eux aussi, que les Écritures avaient été traduites sous l’inspiration de Dieu. Et il n’y a d’ailleurs rien d’étonnant que Dieu ail opéré cela, car au temps de la captivité du peuple sous Nabuchodonosor, alors que les Écritures étaient corrompues et comme les Juifs, après soixante-dix ans, revenaient dans leur pays, à l’époque suivante, au temps d’Artaxerxés, roi des Perses, il inspira à Esdras, prêtre de la tribu de Lévi, de restituer tous les livres des prophètes antérieurs et de rétablir pour le peuple la loi promulguée par Moïse ».
Voilà ce que dit Irénée.
Pendant dix-neuf ans, Antoninus posséda l’empire, et Commode obtint ensuite le pouvoir souverain [17 mars 180]. La première année de son règne, Julien reçut le gouvernement des églises d’Alexandrie, Agrippinus ayant achevé sa charge en douze années.
Alors, un homme très célèbre pour la culture de son esprit, dirigeait l’école des fidèles dans ce pays ; son nom était Pantène. C’était un antique usage qu’il y eût parmi eux une école des saintes lettres : elle s’est prolongée même jusqu’en notre temps, et nous avons appris qu’elle était aux mains d’hommes puissants en parole et en zèle pour les choses de Dieu On dit qu’à celle époque, Pantène était parmi les plus brillants : il était sorti, au reste, de l’école philosophique de ceux qu’on appelle stoïciens.
On raconte donc qu’il montra une telle ardeur et un amour si courageux pour la parole divine qu’il se signala aussi comme prédicateur de l’Évangile du Christ auprès des nations de l’Orient et qu’il s’avança même jusqu’au pays des Indes. En effet, il y avait encore, à celle époque, de nombreux évangélistes de la parole, qui avaient à cœur d’apporter un zèle divin à imiter les apôtres pour étendre et fonder la divine doctrine. Pantène fut lui aussi l’un d’eux, et l’on raconte qu’il alla jusqu’aux Indes, où il se trouva dit-on, à son arrivée devancé par l’Évangile de Matthieu, auprès d’un certain nombre de gens de ce pays, qui connaissaient le Christ. Barthélemy, un des apôtres, les avait évangélisés et leur avait laissé le texte hébreux de l’écrit de Matthieu ; ils l’avaient conservé jusqu’à ce temps. Cependant, après de nombreux succès, Pantène finit par gouverner l’école d’Alexandrie ; il y expliqua de vive voix et par des écrits les trésors des divines doctrines.À cette époque, Clément « exerçait avec lui aux divines Écritures, et il était célèbre à Alexandrie : il portail le même nom que celui qui présida anciennement à l’église des Romains et fut le disciple des apôtres.
Il rappelle expressément dans les Hypotyposes qu’il a composées, qu’il eut pour maître Pantène ; il me semble qu’il le désigne encore dans son premier écrit, les Stromates, lorsqu’il parle des plus célèbres représentants de la tradition apostolique qu’il a reçue ; voici ce qu’il dit : « Tout d’abord, cet ouvrage n’est pas composé pour être un écrit d’apparat, mais j’y thésaurise des souvenirs pour ma vieillesse ; il m’est un remède contre l’oubli, une image sans art, un reflet de ces discours brillants et pleins de vie que j’ai eu l’honneur d’entendre, un souvenir de personnages bienheureux et vraiment dignes de mémoire. Parmi ceux-ci, l’un, l’ionien, se trouvait dans la Hellade et l’autre dans la Grande Grèce ; l’un des deux était de Cœlésvrie et l’autre d’Égypte. D’autres vivaient en Orient ; de ce côté, l’un était assyrien, l’autre hébreu d’origine et habitait dans la Palestine. Mais le dernier, que je rencontrai par hasard, était bien le premier par la valeur ; je finis par l’atteindre en Égypte où il était caché. Ces hommes, d’ailleurs, conservaient la véritable tradition du saint enseignement qui venait directement de Pierre et Jacques, Jean et Paul, les saints apôtres, comme un fils reçoit un héritage de son père (cependant peu de fils ressemblent à leurs pères). Ils étaient donc, grâce à Dieu, arrivés jusqu’à nous, pour y déposer ces semences qui viennent des ancêtres et des apôtres ».Alors était célèbre l’évêque de l’église de Jérusalem, Narcisse, renommé encore maintenant auprès de beaucoup ; il avait le quinzième rang dans la succession épiscopale depuis le siège des Juifs par Hadrien, c’est-à-dire depuis le temps où l’église de ce pays commença à être constituée par des gentils, après l’avoir été par ceux de la circoncision ; nous avons montré que le premier évêque pris parmi les gentils qui la dirigea fut Marc.
Après lui, l’épiscopat passa à Cassien, d’après la liste des évêques de ce pays, et après celui-ci à Publius, puis à Maxime, et après ceux-ci à Julien, puis à Gaïus, après lui à Symmaque, à Gaïus II, et de nouveau à un autre Julien, et après eux à Capiton, à Valens et à Dolichianus, et après tous à Narcisse, trentième évêque depuis les apôtres par ordre de succession.À celte époque, Rhodon, de race asiatique, fut aussi à Rome le disciple de Tatien d’après ce qu’il raconte lui-même ; ce dernier, que nous avons connu d’après ce qui précède, composa divers livres et prit position lui aussi avec les autres, contre l’hérésie de Marcion. Il raconte qu’en son temps, elle se divisait en différentes opinions : il cite les auteurs de cette dissension et réfute avec un soin exact les allégations fausses imaginées par chacun d’eux,
entendons au reste ce qu’il en écrit ;« La cause de leur discordance mutuelle est qu’ils s’opposent une doctrine qui ne tient pas debout. Un de leur troupe en effet, Apelle, qui se vantait de son genre de vie et de sa vieillesse, proclame un seul principe, mais dit que les prophéties viennent d’un esprit ennemi : il suivait les déclarations d’une vierge possédée du démon et appelée Philomène.
Mais d’autres, comme du reste le navigateur lui-même, Marcion, introduisent deux principes ; de ceux-ci sont Potitus et Basilicus. Eux aussi, suivaient le loup du Pont, et comme ils ne trouvaient pas, non plus que lui, la division des choses, ils recoururent à l’habileté et déclarèrent deux principes simplement et sans preuve. D’autres du reste se sont encore écartés d’eux pour aller à quelque chose de pis, ils établirent non seulement deux, mais trois natures : leur chef et président est Synéros, selon que l’affirment ceux qui attaquent son école ».Le même Rhodon décrit comment il entra aussi en rapport avec Apelle. Voici ses paroles : « Le vieil Apelle s’étant en effet abouché avec nous, fut convaincu qu’il disait beaucoup de choses de travers ; aussi, déclara-t-il encore qu’il ne fallait pas du tout épiloguer sur le discours, mais que chacun devait rester comme il croyait. Il affirmait, en effet, que ceux qui espéraient au crucifié seraient sauvés, pourvu seulement qu’ils fussent trouvés en bonnes œuvres : il proclama du reste que la question, de toutes la plus obscure, était, comme nous l’avons dit plus haut, colle de Dieu : il dit qu’il n’y a qu’un principe, selon que nous le disons nous-mêmes ».
Rhodon expose ensuite toute la doctrine de celui-ci et il ajoute ces paroles : « Comme je lui disais : « D’où tires-tu cette preuve, et comment peux-tu dire qu’il n’y a qu’un principe ? expose-le-moi », il dit que les prophéties se réfutent elles-mêmes, parce qu’elles ne disent absolument rien de vrai : elles sont contradictoires, mensongères et opposées les unes aux autres. Quant à la raison pour laquelle il n’y a qu’un principe, il dit ne pas le savoir, mais c’était seulement son impression. Je l’adjurai ensuite de me dire la vérité, il fit serment qu’il me disait sincèrement ne pas savoir comment il y a un Dieu qui n’a pas été engendré, mais qu’il le croyait. Je me mis à rire et lui reprochai de ce qu’il se disait être maître, quand il savait ne pas posséder ce qu’il enseignait ».
Dans le même écrit, le même Rhodion s’adresse à Callistion et avoue que lui-même a suivi, à Rome, les leçons de Tatien : il dit que celui-ci avait composé un livre de Problèmes dans lequel il promettait d’exposer ce qui, dans les saintes Écritures est obscur et caché, et que lui, Rhodon, annonce qu’il publiera un ouvrage spécial où il exposera les solutions des Problèmes de ce dernier. On montre encore du même un Commentaire de l’hexaméron.
Cet Apelle au reste a débité mille choses impies contre la Loi de Moïse ; en beaucoup d’écrits, il a blasphémé les saintes lettres, et, du moins ainsi qu’il semble, il a mis un zèle ardent à les confondre et à les réfuter. Mais il suffit sur ce sujet.
L’ennemi de l’Église de Dieu, qui a au plus haut point la haine du bien et l’amour du mal, et qui n’a jamais omis aucune espèce d’embûches contre les hommes, s’est mis à faire naître encore des hérésies étrangères contre l’Église. Parmi leurs sectateurs, les uns, pareils à des reptiles venimeux, s’insinuèrent dans l’Asie et la Phrygie, ayant l’audace d’appeler Montan paraclet, et les femmes de sa suite, Priscille et Maximilla, prophétesses de Montan.
Les autres florissaient à Rome ; leur chef était Florinus déchu du sacerdoce de l’Église et Blastus avec lui, objet d’une chute analogue. Ils entraînèrent un grand nombre de membres de l’Église et les amenèrent à leur façon de voir : l’un et l’autre essayaient, pour leur propre compte, d’innover concernant la vérité.
Contre l’hérésie appelée Cataphrygienne, la puis sance auxiliaire de la vérité suscita donc une arme forte et inexpugnable, Apollinaire de Hiérapolis, dont il a été déjà question auparavant, et avec lui un grand nombre d’autres hommes éloquents de ce pays : ils nous ont laissé une ample matière pour notre récit.
Un de ceux-ci par exemple commence un ouvrage écrit contre ces hérétiques par dire d’abord qu’il est entré en discussion avec eux pour les réfuter de vive voix. Il débute du reste de cette façon : « Depuis déjà un temps fort long, cher Avircius Marcellus, j’ai reçu de ta part l’ordre d’écrire un traité contre l’hérésie de ceux qu’on appelle les sectateurs de Miltiade : mais j’étais en quelque manière fort empêché de le faire jusqu’à ce jour, non pas que je n’eusse de quoi pouvoir confondre le mensonge et rendre témoignage à la vérité, mais je craignais et j’évitais avec grand soin de paraître, à certains, ajouter à ce qui est écrit ou ordonné par la parole du Nouveau Testament de l’Évangile à laquelle il n’est pas possible d’ajouter ni de retrancher lorsqu’on a choisi de régler sa vie selon l’Évangile.«
Récemment j’étais à Ancyre de Galatie et j’y voyais l’église de ce pays retentissant du bruit de cette nouveauté,, qui n’est pas, comme ils le disent, une prophétie, mais bien plutôt, comme il sera montré, une pseudoprophétie. Autant que je le pus, avec l’aide du Seigneur, je discutai dans l’église, pendant plusieurs jours, sur chacun de ces mêmes sujets et de ceux qui m’étaient proposés par eux : l’église en était réjouie et affermie clans la vérité, tandis que les adversaires étaient, pour le moment, battus et leurs partisans ennuyés. Les prêtres de la région désirèrent après cela que je leur laissasse un mémoire de ce qui avait été dit contre ceux qui résistaient à l’enseignement de la vérité. Au reste, Zotique d’Olrys, notre compagnon dans la prêtrise, était présent. Je ne le fis pas, mais je promis, qu’avec le secours de Dieu, je l’écrirais d’ici et que je me hâterais de le leur envoyer ».Apollinaire nous dit ces choses, suivies d’autres au début de son ouvrage, puis il poursuit et fait connaître l’auteur de l’hérésie susdite de celle manière : « Maintenant leur entreprise et l’hérésie récente de ce schisme contre l’Église, eut la cause que voici. On dit qu’il y a, dans la Mysie limitrophe de Phrygie, un bourg appelé du nom d’Ardabau. On raconte que là, à l’origine, un des nouveaux croyants, nommé Montan, alors que Gratus était proconsul d’Asie, dans l’incommensurable désir de son âme pour la primauté, livra en lui passage à l’ennemi. Il fut animé par son esprit, entra subitement en transport et en fausse extase, commença à être rempli d’enthousiasme et se mit à parler, à prononcer des mots étranges, et à prophétiser tout à fait en dehors de l’usage qui est selon la tradition et l’ancienne succession de l’Église. Parmi ceux qui étaient alors les auditeurs de ces discours d’origine illégitime, les uns fâchés de voir en lui comme un énergumène, un démoniaque, un possédé de l’esprit d’erreur qui troublait les foules, lui faisaient des reproches et lui imposaient silence, se rappelant la recommandation expresse et la menace du Seigneur concernant la vigilance avec laquelle il faut se garder de la fréquentation des faux prophètes. Les autres au contraire excités comme par un esprit saint et un charisme prophétique, surtout enflés d’orgueil, et oubliant l’ordre du Seigneur encourageaient cet esprit insensé, caressant et séducteur de peuple, charmés et entraînés qu’ils étaient par lui dans l’erreur, au point de ne plus se contraindre à se taire. C’est avec un certain art ou plutôt avec ce procédé d’artifice malsain, que le diable machinait la perle de ceux qui l’écoutaient et se faisait honorer par eux sans raison ; puis il excitait et échauffait leur esprit engourdi loin de la vraie foi, si bien qu’il suscita encore deux autres femmes et qu’il les remplit de l’esprit impur et que celles-ci se mirent à parler à contresens et à contretemps, d’une façon étrange, comme celui dont il est question plus haut. Et l’esprit proclamait bienheureux ceux qui se réjouissaient et se glorifiaient en lui ; il les enorgueillissait par la grandeur de ses promesses ; mais parfois aussi il leur adressait en face des reproches très justes et qui méritaient d’être acceptés, afin qu’il parût capable également de reprendre (mais peu de ces Phrygiens étaient dupes de cette feinte). L’esprit arrogant d’autre part enseignait à blasphémer l’Église catholique tout entière qui est sous !e ciel, parce que son génie pseudoprophétique n’avait auprès d’elle obtenu ni honneur ni accès. Les fidèles de l’Asie, s’étant en effet assemblés pour cela souvent et en beaucoup d’endroits de ce pays, ont examiné ces discours nouveaux, ils les ont trouvés profanes et ont condamné l’hérésie, ils ont ainsi chassé de l’Église les sectateurs et les ont retranchés de la communion »
Apollinaire raconte ceci au début ; puis tout le long de son ouvrage, il développe la réfutation de leur erreur ; au second livre, au sujet de la mort des hommes cités plus haut, il dit ceci : « Puisqu’ils nous appellent des lueurs de prophètes, parce que nous n’avons pas voulu recevoir leurs prophètes bavards (car ils affirment qu’ils étaient ceux que le Seigneur a promis d’envoyer à son peuple), qu’ils nous répondent devant Dieu : Dites, mes amis, en est-il quelqu’un parmi les gens qui viennent de Montan et des femmes qui ont commencé à parler, qui aitété persécuté par des Juifs ou mis à mort par les pervers ? Aucun. En est-il dont on se soit emparé et qui ail été crucifié pour le nom [de Jésus-Christ]? Mais non. De même, quelqu’une de leurs femmes a-t-elle été jamais battue de verges dans les synagogues des Juifs, ou lapidée ? Mais jamais de la vie. On dit au contraire, que Montan et Maximilla finirent par une autre mort. On raconte que poussés par un esprit qui trouble la raison, ils se pendirent l’un et l’autre, mais non pas ensemble, et une rumeur persistante concernant le temps de leur lin à tous les deux, affirme qu’ils finirent ainsi et sortirent de l’existence à la façon de Judas. De même, c’est un récit fréquent que Théodote, cet admirable et premier administrateur de ce qu’on appelle parmi eux la prophétie, fut un jour enlevé et emporté vers les cieux perdit la raison, se confia à l’esprit d’erreur, puis fut lancé à terre et périt misérablement : c’est ainsi du moins qu’on dit que les choses se passèrent. Nous ne pensons du reste pas, mon très cher, avoir la certitude de cela sans l’avoir vu : peut-être en effet en lut-il ainsi, peut-être moururent autrement Montan et Théodote, et la femme citée plus haut ».
L’auteur dit encore, dans le même ouvrage, que les saints évêques d’alors ont bien essayé de confondre l’esprit qui était en Maximilla, mais qu’ils en ont été empêchés par d’autres qui le favorisaient ouvertement. Voici comment il s’exprime : « Que l’esprit qui est en Maximilla ne tienne pas le même langage qu’à Astérius Urbanus : « On me chasse ainsi qu’un loup loin des brebis : je ne suis pas loup, je suis parole, esprit, puissance >,. Mais qu’il montre clairement la puissance dans l’esprit ; qu’il en convainque ; qu’il contraigne par l’esprit à le reconnaître ceux qui sont alors venus pour examiner et discuter avec cet esprit bavard, hommes probes, évêques, Zotique, du bourg de Coumane, et Julien d’Apamée : mais les gens de l’entourage de Thémison leur fermaient la bouche et ne les laissaient pas confondre l’esprit menteur et trompeur de peuple ».
Dans le même ouvrage encore, après autre chose, afin de réfuter les fausses prophéties de Maximilla, à la fin il indique l’époque où il écrivait et il rappelle les prédictions de la voyante où étaient annoncés des guerres des bouleversements, puis il en montre l’inanité en ces termes : « Et comment cela actuellement ne paraîtait-il pas évidemment encore mensonger ? car voilà plus de treize ans. aujourd’hui, que cette femme est morte et aucune guerre, ni partielle ni générale, n’a eu lieu clans le monde : bien plus, les chrétiens eux-mêmes jouissent d’une paix continuelle par la miséricorde de Dieu ».
Cela est du second livre ; je rapporterai encore de courts passages du troisième, où il parle contre ceux qui se vantaient d’avoir parmi eux aussi beaucoup de martyrs ; voici ce qu’il dit : « Lors donc que, confondus par toutes les raisons qu’on leur oppose, ils ne peuvent plus rien alléguer, ils essaient de se rabattre sur les martyrs : ils affirment qu’ils en ont beaucoup et que cela est une preuve manifeste de la puissance de ce qu’on appelle l’esprit prophétique chez eux. Mais cela, ainsi qu’il est naturel, n’est rien moins que vrai. Parmi les autres hérésies aussi, en effet, certaines ont beaucoup de martyrs et assurément, nous ne sommes pas, en dehors de cela, d’accord avec eux, et nous ne reconnaissons pas qu’ils ont la vérité. Et d’abord ceux qu’on appelle Marcionites, de l’hérésie de Marcion, disent qu’ils ont beaucoup de martyrs du Christ, mais ils ne confessent pas le Christ lui-même selon la vérité ».
Peu après il ajoute encore ces paroles : «
C’est pourquoi, d’ailleurs, lorsque ceux de l’Église sont appelés au témoignage de la vraie foi, et qu’ils se rencontrent avec certains martyrs dits de l’hérésie des Phrygiens, ils s’écartent d’eux et meurent sans avoir communion avec eux, parce qu’ils ne veulent pas approuver l’esprit de Montan et de ses femmes. Voilà ce qui est vrai et ce qui s’est passé de notre temps d’une façon manifeste à Apamée, près du Méandre, parmi ceux d’Euminie qui ont rendu témoignage avec Gaïus et Alexandre.»Dans cet ouvrage, un écrivain, Miltiade, est aussi mentionné comme ayant composé un traité contre la susdite hérésie. Après avoir cité quelques paroles de ces hérétiques, l’auteur poursuit en disant : « J’ai trouvé cela dans un ouvrage de ceux qui ont attaqué l’écrit de Miltiade, notre frère, où celui-ci montre qu’un prophète ne doit pas parler lorsqu’il est en extase et je l’ai résumé ».
Un peu plus loin, dans le même écrit, il énumère ceux qui ont prophétisé dans le Nouveau Testament, et parmi eux, il compte une certain Ammiade et Quadratus, disant ainsi : « Mais le faux prophète tombe en fausse extase, l’impudence et l’effronterie le suivent ; il part d’abord d’une déraison volontaire, puis il tourne à la folie involontaire de l’âme, comme il est dit plus haut. Ils ne pourront rien montrer de cette sorte dans aucun des prophètes remplis par l’Esprit, soit dans l’Ancien, soit dans le Nouveau Testament, ni Agabus, ni Judas, ni Silas, ni les filles de Philippe, ni Ammiade de Philadelphie, ni Quadratus, et s’ils en nomment quelques autres, ils ne se vanteront pas qu’ils leura ppartiennent ».
Peu après, il affirme encore ceci : « Si, en effet, après Quadratus et Ammiade de Philadelphie, comme ils disent, les femmes de l’entourage de Montan ont hérité du charisme prophétique, qu’ils montrent ceux qui, parmi les sectateurs de Montan et des femmes, en ont hérité; car il faut que le charisme prophétique soit dans toute l’Église jusqu’à la parousie finale, selon que le pense l’Apôtre : mais ils n’auraient personne à présenter, depuis déjà quatorze ans que Maximilla est morte ».
Voilà ce que dit cet écrivain. Miltiade, du reste, dont il parle, nous a laissé d’autres monuments de son zèle personnel pour les divines Écritures, dans les livres qu’il a composés, soit contre les gentils, soit contre les Juifs ; il a abordé à part l’un et l’autre sujet en deux écrits : il a encore fait, pour les princes de ce monde, une apologie de la philosophie qu’il suivait.
Apollonius, écrivain ecclésiastique, entreprit, lui aussi, une réfutation de l’hérésie appelée calaphrygienne, qui florissait encore à cette époque en Phrygie, et il composa un écrit spécial contre les partisans de celle secte ; il montra que les prophéties qu’ils faisaient circuler étaient fausses à la lettre, et il exposa, pour les confondre, quelle était la vie des chefs de la secte. Mais écoutons-le, parlant de Montan en propres termes : «
Mais quel est ce docteur nouveau ? Ses œuvres et sa doctrine nous le montrent : c’est lui qui a enseigné à rompre les mariages, il a légiféré sur les jeûnes, il a donné à Pépuse et à Tymion (qui sont des petites villes de Phrygie) le nom de Jérusalem, et il a voulu qu’on s’y rassemblât de partout ; il a établi des collecteurs d’argent, organisant, sous le nom d’offrandes, la captation des présents ; il a assigné des salaires à ceux qui prêchaient sa doctrine, afin que la gloutonnerie fît prévaloir l’enseignement de sa parole ».Voilà encore ce qu’Apollonius rapporte de Montan et plus loin il écrit ainsi de ses prophétesses : « Nous avons donc déjà montré que ces premières prophétesses, à partir du moment où elles furent remplies de l’esprit, quittèrent leurs maris. Comment donc ne mentent-ils pas, quand ils appellent Priscille une vierge ? »
Il ajoute ensuite ces paroles : « Ne te semble-t-il pas que toute Écriture défend aux prophètes de recevoir des dons et des richesses ? Lors donc que je vois la prophétesse accepter de l’or, de l’argent et des vêtements de prix, comment ne la répudierais-je pas? »
Plus loin encore, au sujet d’un de leurs confesseurs, il dit ceci : « Voici encore Thémison : il était revêtu de l’avarice indéniable ; lui qui n’a pas porté le signe de la confession, mais qui a déposé les chaînes grâce à une forte somme : il aurait dû après cela être humble, mais il ose se vanter d’être martyr, jouer l’apôtre, rédiger une épître catholique, catéchiser ceux qui croient mieux que lui et même défendre les discours d’une parole vide de sens, il blasphème contre le Seigneur, les apôtres et la sainte Église ».
Quant à un autre encore, de ceux que leur secte honore comme des martyrs, il en écrit ainsi : « Pour ne rien dire de beaucoup d’autres, que la prophétesse nous parle de ce qui concerne Alexandre, qui se dit lui-même martyr, avec qui elle fait bonne chère, et qu’un grand nombre vénèrent aussi. Il n’est pas nécessaire que nous disions les vols et les autres méfaits pour lesquels il a été puni, car les archives en conservent le récit. Lequel donc des deux pardonne à l’autre ses fautes ? Est-ce le prophète qui absout le martyr de ses larcins, est-ce le martyr qui passe condamnation au prophète de ses avarices ? Le Seigneur a dit en effet : « Ne possédez ni or, ni argent, ni double vêtement ».; ceux-ci, tout au contraire, prévariquent en possédant ces choses défendues. Nous montrerons, en effet, que ceux qu’ils appellent prophètes et martyrs, se font donner de l’argent, non seulement par les riches, mais encore par les pauvres, les orphelins et les veuves. Et s’ils ont confiance, qu’ils se lèvent ici et qu’ils discutent là-dessus, afin que, s’ils sont confondus, ils cessent du moins à l’avenir de pécher. Il faut en effet examiner les fruits du prophète, car c’est d’après le fruit qu’on connaît le bois. Afin que ce qui concerne Alexandre soit connu de ceux qui le désirent, il a été jugé par Aemilius Frontinus, proconsul d’Éphèse, non pas à cause du nom [du Christ], mais à cause des rapines qu’il avait commises : il était déjà un apostat. Dans la suite il a menti au nom du Seigneur, et il fut mis en liberté ; il avait trompé les fidèles de ce pays, et sa propre patrie où il était né, ne le reçut pas, parce qu’il était un voleur, et ceux qui veulent savoir ce qui le regarde ont à leur disposition les archives publiques de l’Asie. Le prophète vécut avec lui nombre d’années et ne le connut pas. En le démasquant, nous confondons par là aussi la personne du prophète. Nous pouvons produire la même chose au sujet de beaucoup et s’ils ont du courage qu’ils affrontent la discussion ».
Encore dans un autre endroit de son livre, au sujet de ces prophètes qu’ils vantent, l’auteur ajoute ceci : « S’ils nient que leurs prophètes aient reçu des présents, qu’il reconnaissent, si nous leur prouvons qu’ils en ont accepté,. qu’ils ne sont pas des prophètes, et nous en apporterons mille preuves. Il est nécessaire d’examiner tous les fruits d’un prophète. Un prophète, dis-moi, va-t-il aux bains ? Un prophète se teint-il avec l’antimoine ? Un prophète aime-t-il la parure ? Un prophète s’amuse-t-il aux tables et aux dés ? Un prophète prête-t-il à intérêt ? Qu’ils déclarent si cela est permis ou non ; je montrerai, moi, que cela se fait chez eux ».
Ce même Apollonius, dans le même ouvrage, raconte qu’à l’époque où il écrit son livre, il y avait quarante ans que Montan avait entrepris sa prophétie simulée, et il dit encore que Zotique, mentionné aussi par le précédent écrivain, était à Pépuze au moment où Maximilla faisait semblant de prophétiser et qu’il essaya de confondre l’esprit qui agissait en elle, mais qu’il en fut empêché par les partisans de celte femme.
Apollonius mentionne aussi Thraséas, un des martyrs d’alors. Il rapporte aussi comme venant d’une tradition que le Sauveur aurait ordonné à ses apôtres de ne pas s’éloigner de Jérusalem pendant « ouzo ans. Il se sert de témoignages empruntés à l’Apocalypse de Jean, et il raconte que le même Jean, par une vertu divine, ressuscita un mort à Éphèse. Apollonius dit encore d’autres choses par lesquelles il réfute assez longuement et très complètement l’hérésie dont nous venons de parler. Voilà ce que fil aussi Apollonius.
Sérapion fait mention des ouvrages d’Apollinaire contre l’hérésie dont nous parlons : il fut, dit-on,à celle époque, après Maximin évêque de l’église d’Antioche. Sérapion parle de lui dans sa lettre à Caricus et Pontius, où il réfute lui aussi la même hérésie ; il ajoute ceci : «
Afin que vous sachiez encore que l’action de celle organisation trompeuse qu’on surnomme la nouvelle prophétie, est réprouvée par tous les frères dans le Christ répandus dans toute la terre, je vous ai envoyé les écrits de Claudius Apollinaire, le très heureux évêque d’Hiérapolis en Asie ». Dans celte lettre de Sérapion sont rapportées aussi des signatures de différents évêques : parmi eux l’un souscrit ainsi : « Aurélius Quirinius martyr, je souhaite que vous vous portiez bien », un autre, de celle façon : « Aelius Publius Julius, évêque de Debelte, colonie de Thrace ; vive Dion qui est dans les cieux parce que Sotas le bienheureux qui est à Anchialus a voulu chasser le démon de Priscille et les hypocrites ne l’ont pas permis ». Il y a encore dans ces écrits que nous citons des signatures autographes de beaucoup d’autres évêques du môme avis. Voilà ce qui concernait ceux-ci.À l’encontre de ceux qui, à Rome, altéraient la saine constitution de l’Église, Irénée composa diverses lettres ; l’une est intitulée : À Blastus, du schisme ; l’autre : À Florinus, de la monarchie ou que Dieu n’est pas auteur de maux. Ce dernier paraît en effet avoir soutenu cette doctrine, et parce qu’il fut entraîné de nouveau dans l’erreur de Valentin, Irénée écrivit encore l’ouvrage De l’Ogdoade, où il se présente comme ayant reçu lui-même la première succession des apôtres.
Là, vers la fin de cet écrit, nous avons trouvé de lui une note très jolie ; forcément nous la rapporterons encore m Voici sa teneur : « Je te conjure, loi qui transcriras ce livre, au nom de Notre Seigneur Jésus-Christ et de sa glorieuse parousie, dans laquelle il viendra juger les vivants et les morts ! Collationne ce que tu auras copié et corrige-le avec soin sur cet exemplaire où lu l’auras pris. Transcris aussi pareillement cette adjuration et mets-la sur la copie ». Voilà une chose utile à dire pour lui et à mentionner pour nous : afin que nous ayons ces hommes antiques et vraiment saints comme un excellent exemple de très diligente exactitude.Dans la lettre à Florinus, dont nous parlions tout à l’heure, Irénée rappelle encore à ce dernier qu’ils ont été ensemble auprès de Polycarpe. Il dit : « Ces doctrines, Florinus, pour ne rien dire de plus, ne sont pas d’une pensée saine ; ces doctrines lie s’accordent pas avec l’Église, elles jettent ceux qui y croient dans la plus grande impiété; ces doctrines, jamais les hérétiques même qui sont hors de l’Église n’ont osé les produire au jour ; ces doctrines, les presbytres qui ont été avant nous et ont vécu avec les apôtres ne le les ont pas transmises. Car je t’ai vu, quand j’étais encore enfant, dans l’Asie inférieure, auprès de Polycarpe ; tu brillais à la cour impériale et lu cherchais à le faire bien venir de lui. Je me souviens mieux, en effet, de ce temps-là que des événements récents. Car ce que j’ai appris en bas âge a grandi avec mon âme et ne fait qu’un avec elle, si bien que je puis dire en quel endroit le bienheureux Polycarpe s’asseyait pour parler, comment il entrait et sortait, quel était le caractère de sa vie, son aspect physique, les entretiens qu’il faisait à la foule, comment il parlait de ses relations avec Jean et les autres disciples qui avaient vu le Seigneur, comment il rappelai t leurs paroles et les choses qu’il leur avait entendu raconter concernant le Seigneur, en ce qui regarde ses miracles, aussi bien que son enseignement ; comment Polycarpe avait reçu tout cela des témoins oculaires du Verbe de vie, et le rapportait en conformité avec les Écritures. Ces choses alors aussi, par la miséricorde que Dieu ma faite, je lésai écoutées avec soin, j’en ai conservé la mémoire, non pas sur un papier, mais dans mon cœur. Pour la grâce de Dieu je les ai toujours ruminées avec amour, et je puis témoigner devant Dieu que si ce presbytre bienheureux et apostolique avait entendu des choses pareilles à celles-ci, il aurait poussé des cris et se serait bouché les oreilles ; il aurait dit comme il faisait souvent : « Ô Dieu bon, à quels temps m’avez-vous réservé, pour que je supporte tout cela ! » et il aurait quitté, qu’il fut debout ou assis, la place où il aurait entendu de tels discours. Du reste, les lettres qu’il envoyait aux églises voisines pour les affermir, et à certains frères pour les avertir et les exciter, peuvent le montrer clairement ». Voilà ce que dit Irénée.
Au même temps, sous le règne de Commode, notre situation changea et s’adoucit ; la paix, avec la grâce de Pieu, s’étendit aux églises réparties sur toute la terre. Alors aussi la parole du Sauveur amenait les âmes des hommes de toutes races au culte pieux du Dieu de l’univers : si bien qu’alors déjà, un grand nombre de Romains, tout à fait remarquables par leur richesse et leur naissance, allaient au-devant de leur salut avec toute leur maison et toute leur famille.
Cela, d’autre part, pour le démon, qui par nature est jaloux et ennemi du bien, ne fut pas tolérable : il se prépara donc pour une nouvelle lutte, et ourdit contre nous des machinations multiples. Dans la ville des Romains par exemple, il fit conduire Apollonius devant le tribunal : cet homme était célèbre, parmi les fidèles d’alors, par sa science et sa philosophie ; le démon se servit, pour l’accuser, d’un de ses auxiliaires faits à ces sortes de besogne. Mais le misérable prit mal son temps pour introduire cette cause. Une loi impériale défendait de laisser vivre de pareils dénonciateurs ; aussi on lui rompit les jambes sur-le-champ, et ce fut le juge Pérennius qui porta cette sentence contre lui.
Quant au martyr très aimé de Dieu, le magistrat le pressa longtemps de ses prières et lui demanda de se justifier devant l’assemblée du Sénat. Apollonius fit devant tous une très éloquente apologie de la foi pour laquelle il était martyr ; il eut la tôle tranchée, en exécution d’un décret du Sénat : ne pas pardonner aux chrétiens quand une fois ils avaient paru devant un tribunal, s’ils ne se rétractaient pas, était ordonné par une loi ancienne chez. eux. Les paroles d’Apollonius devant le juge, les réponses qu’il fit aux questions de Pérennius, et l’apologie entière qu’il prononça en présence de l’assemblée, qui désirera les lire, les verra dans la relation écrite des anciens martyrs que nous avons composée.
La dixième année du règne de Commode, Éleuthère avait exercé pendant treize ans l’épiscopat ; Victor lui succéda. À cette date, Julien avait aussi accompli la dixième année de sa charge ; Démétrius lui succéda et prit en main le gouvernement des églises d’Alexandrie. En ces temps, Sérapion dont nous avons déjà parlé auparavant était alors connu comme huitième évêque de l’église d’Antioche depuis les apôtres, et Césarée de Palestine était gouvernée par Théophile, et pareillement Narcisse, dont il a été aussi fait mention plus haut, occupait alors le siège de Jérusalem. À Corinthe, en Grèce, au même temps, l’évêque était Bacchyle ; à Éphèse, c’était Polycrate. D’autres évêques encore, en outre de ceux-ci, comme il était naturel, se firent en grand nombre, remarquer à cette époque. Mais ceux dont l’orthodoxie de la foi est venue jusqu’à nous dans des écrits, nous les avons, ainsi qu’il est juste, cités par leurs noms.
. Une question d’importance assurément non médiocre, fut soulevée à cette époque. Les chrétientés de toute l’Asie, d’après une tradition fort antique, pensaient qu’il fallait garder, pour la fête de Pâque du Sauveur, le quatorzième jour de la lune, auquel il était ordonné aux Juifs d’immoler l’agneau, et qu’il fallait alors absolument, quelque jour de la semaine qu’il puisse arriver, mettre fin au temps du jeûne. Mais les églises de tout le reste de la terre n’avaient pas coutume d’observer celle conduite, elles suivaient, en vertu d’une tradition apostolique, l’usage en vigueur aujourd’hui, et pensaient qu’en aucun autre jour, si ce n’est celui de la résurrection de notre Sauveur, il ne convenait de mettre fin au jeûne.
Des synodes et des assemblées d’évêques se réunirent à celle même époque, et tous unanimement, en des lettres, portèrent un décret de l’Église pour les fidèles de tous les pays. Ils décidèrent que le mystère de la Résurrection du Seigneur d’entre les morts ne serait pas célébré un autre jour que le dimanche, et que, ce jour-là seulement nous observerions la lin des jeûnes de Pâque.
On a encore aujourd’hui la lettre émanée des évêques assemblés alors en Palestine et que présidèrent Théophile, évêque de l’église de Césarée, et Narcisse, évêque de celle de Jérusalem. On a pareillement une autre lettre des évêques réunis à Rome pour la même question, et qui nous montre que Victor était évêque. On possède aussi celle des évêques du Pont, présidés par Palmas, en qualité de plus ancien ; celle des chrétientés de Gaule, dont l’évêque était Irénée ; celle encore des évêques de l’Osroène et des villes « le ce pays ; on a encore spécialement les lettres de Bacchyle, évêque de l’église de Corinthe, et d’un grand nombre d’autres. Ils exposent la même et unique opinion et décision, et établissent le même décret. Et leur unique règle de conduite était celle qui a été dite.
Les évêques de l’Asie, qui affirmaient avec force qu’il fallait conserver l’ancienne et primitive coutume qui leur avait été transmise, avaient à leur tête Polycrate. Lui-même aussi, dans une lettre qu’il écrivit à Victor et à l’église de Rome, expose en ces termes la tradition venue jusqu’à lui : «
Nous célébrons donc avec scrupule le jour sans rien ajouter ni retrancher. C’est encore en effet dans l’Asie que se sont éteintes de grandes lumières ; elles ressusciteront au jour de la parousie du Seigneur, dans laquelle avec gloire il viendra des cieux, pour chercher tous les saints, Philippe, l’un des douze qui s’est endormi à Hiérapolis, ainsi que deux de ses filles qui ont vieilli dans la virginité ; une troisième qui vivait dans le saint Esprit, est décédée à Éphèse. C’est encore aussi Jean, qui a reposé sur la poitrine du Sauveur, qui fut prêtre et portait la lame [d’or], martyr et docteur. Il s’est endormi à Éphèse. C’est encore aussi Polycarpe à Smyrne, évêque et martyr. C’est Thraséas d’Euménie, évêque et martyr, qui s’est endormi à Smyrne Qu’est-il besoin de citer Sagaris, évêque et martyr, qui s’est endormi à Laodicée, et le bienheureux Papyrius, l’eunuque Méliton, qui a vécu entièrement clans le saint Esprit et repose à Sardes en attendant la visite des deux, dans laquelle il ressuscitera d’entre les morts ? Ceux-là ont tous gardé le quatorzième jour de la Pâque selon l’Évangile, ne s’écartant en rien, mais suivant la règle de la foi.« Et moi-même aussi, Polycrate, le plus petit d’entre vous tous, je garde la tradition de ceux de ma parenté dont j’ai suivi certains. Sept de mes parents ont en effet été évêques et je suis le huitième, et toujours mes parents ont célébré le jour où le peuple s’abstenait de pains fermentés.
Pour moi donc, mes frères, j’ai vécu soixante-cinq ans dans le Seigneur, j’ai été en relation avec les frères du monde entier, j’ai parcouru toute la Sainte Écriture, je n’ai pas peur de ce qu’on fait pour nous émouvoir, carde plus grands que moi ont dit : « Il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes ».il ajoute à cela, à propos des évêques qui étaient avec lui quand il écrivait et qui partageaient son avis, et il dit ceci : « Je pourrais faire mention des évêques qui sont ici avec moi, que vous avez désiré que je rassemblasse et que j’ai réunis. Si j’écrivais leurs noms, ils feraient un grand nombre ; ils connaissent ma petitesse et cependant ils ont approuvé ma lettre, sachant que je ne porte pas en vain des cheveux blancs, mais que j’ai toujours vécu dans le Christ Jésus »..
Sur ce, le chef de l’église de Rome, Victor, entreprend de retrancher en masse de l’unité commune les chrétientés de toute l’Asie ainsi que les églises voisines, les tenant pour hétérodoxes. Il notifie par lettres et déclare que tous les frères de ces pays-là sans exception étaient excommuniés. Mais cela ne plut pas à tous les évêques, ils l’exhortèrent au contraire à avoir souci de la paix, de l’union avec le prochain et de la charité : on a encore leurs paroles ; ils s’adressaient à Victor d’une façon fort tranchante. Parmi eux encore se trouve Irénée, il écrivit au nom des frères qu’il gouvernait en Gaule. Il établit d’abord qu’il faut célébrer seulement le jour du dimanche le mystère de la Résurrection du Seigneur ; puis, il exhorte Victor respectueusement à ne pas retrancher des églises de Dieu tout entières qui gardent la tradition d’une coutume antique et donne beaucoup d’autres avis : il ajoute encore ceci en ces termes : « Cette discussion en effet ne regarde pas seulement la date, mais aussi la manière même de jeûner ; car les uns croient qu’ils ne doivent jeûner qu’un jour, les autres deux, et les autres davantage. Certains comptent quarante heures du jour et de la nuit pour leur jour. Celte diversité d’observances n’est pas de notre époque, mais bien antérieure à noire temps, nos devanciers qui ont avec exactitude, comme il semble, retenu cette coutume par simplicité ou ignorance, l’ont transmise après eux ; tous n’en gardaient pas moins la paix et nous la gardons les uns envers les autres, et la différence du jeûne confirme l’unanimité de la foi».
Irénée ajoute encore à cela un récit qu’il est convenable de citer ; en voici la teneur : « Parmi ceux-ci, les presbytres avant Soter qui ont présidé à l’église que tu gouvernes aujourd’hui, nous voulons dire Anicet, Pic, Hygin, Thélesphore, Xystus, ne gardaient pas, eux non plus, [les observances des Asiatiques] et ils ne les imposaient pas à ceux qui étaient avec eux, et. sans les garder, ils n’en restaient pas moins en paix avec ceux des chrétientés où cette coutume était en vigueur, lorsque ceux-ci venaient à eux ; pourtant la différence paraissait davantage entre ceux qui gardaient et ceux qui ne gardaient pas les observances. Personne cependant n’état jamais chassé pour celle façon de se conduire, mais les presbytres qui l’ont précédé, qui eux-mêmes n’observaient pas celte coutume, envoyaient l’eucharistie à ceux des chrétientés qui la gardaient. Le bienheureux Polycarpe, lui aussi, lit un séjour à Home sous Anicet ; ils avaient entre eux divers autres différends de minime importance, ils furent rapidement d’accord, et sur ce chapitre ils ne chicanèrent pas. Anicet ne pouvait pas en elle persuader Polycarpe de ne pas observer ce qu’avec Jean, le disciple de notre Seigneur, et avec les autres apôtres, dont il avait été le familier, il avait toujours observé. Polycarpe de son côté n’amena pas non plus à l’observance Anicet, qui lui dit qu’il fallait conserver la coutume des presbytres qui avaient précédé. Les choses étaient ainsi : ils restaient unis l’un à l’autre, et à l’église Anicet cédait l’eucharistie à Polycarpe, évidemment par déférence, et ils se quittèrent l’un l’autre en paix, et dans l’Église tous avaient la paix, qu’ils gardassent ou non l’observance ».
Irénée portait vraiment son nom et par sa conduite il était pacificateur ; c’est ainsi qu’il conseillait et prêchait pour la paix des églises. Il écrivit, et non seulement à Victor, mais à beaucoup d’autres chefs d’églises, des choses analogues, pour les entretenir de la question agitée.
Cependant, ceux de Palestine dont nous avons parlé récemment, Narcisse et Théophile, et avec eux Cassius, évêque de l’église de Tyr, et Clarus, évêque de celle de Ptolémaïs, ainsi que ceux qui s’assemblèrent avec eux, exposèrent longuement la tradition venue jusqu’à eux par la succession des apôtres, en ce qui concerne la pâque, et, à la lin de leur lettre, ils ajoutèrent ceci en propres termes : « Ayez soin d’envoyer des exemplaires de notre lettre à chaque chrétienté, afin que nous ne soyons pas responsables de ceux qui facilement égarent leur âme. Nous vous déclarons que ceux d’Alexandrie célèbrent aussi Pâque le même jour que nous. Ils ont en effet reçu des lettres de nous, et nous en avons reçu d’eux, en sorte que nous fêtons d’accord et ensemble avec eux le saint jour ».
Mais en outre des écrits d’Irénée qui ont été mentionnes et de ses lettres, on montre encore de lui un livre 1res court et tout à fait utile contre les Grecs, intitulé De la science ; un autre dédié à un frère du nom de Marcien, Pour la démonstration de la prédication apostolique ; un petit livre de divers dialogues, dans lequel railleur mentionne l’épître aux Hébreux et la Sagesse de Salomon, et où il cite certaines paroles de l’un et de l’autre. Voilà les ouvrages d’Irénée venus à notre connaissance.
Commode quitta l’empire après treize ans, l’empereur Sévère prit le pouvoir moins de six mois après la mort de Commode, Pertinax ayant passé dans l’intervalle.
Beaucoup de mémoires composés alors par des écrivains anciens et ecclésiastiques d’un zèle vertueux sont encore conservés jusqu’à maintenant par nombre de gens. Voici ceux que nous avons connus : les commentaires. d’Héraclite sur l’Apôtre, ceux de Maxime sur celle question qui fit tant de bruit chez les hérétiques : D’où vient le mal et que la matière est créée, ceux de Candide Sur l’Hexaméron, ceux d’Apion sur le même sujet, pareillement ceux de Sextus Sur la Résurrection, et un autre traité d’Arabien, et d’une foule d’autres dont nous no pouvons pas, faute de hase, déterminer l’époque dans un écrit, ni indiquer l’objet du récit ; enfin un grand nombre d’autres auteurs encore dont il nous est impossible de citer les noms, dont les livres sont venus jusqu’à nous, et qui sont eux-mêmes orthodoxes et ecclésiastiques, comme en témoigne l’exposition qu’ils font chacun de la divine Écriture, mais qui demeurent inconnus pour nous parce que ces ouvrages ne portent pas le nom de leurs auteurs.
Un de ces auteurs a composé un ouvrage contre l’hérésie d’Artémon que Paul de Samosate a encore, de nos jours, essayé de renouveler : cet écrit nous offre un récit qui va à l’histoire que nous éludions.
On y réfute en effet la susdite hérésie, qui affirme que le Sauveur était tout simplement un homme, et qui est une nouveauté toute récente, quoique ses auteurs aient voulu en la vieillissant lui attirer ainsi du respect. On y allègue ensuite beaucoup d’autres raisons pour confondre cette affirmation mensongère et blasphématoire. Voici ce que le livre raconte en propres termes. « Ils disent en effet que tous les anciens et les apôtres eux-mêmes oui reçu et enseigné ce qu’eux-mêmes enseignent aujourd’hui, que la vérité de la prédication a été gardée jusqu’aux temps de Victor, le treizième évêque de Rome à partir de Pierre, mais que depuis Zéphyrin, son successeur, elle a été altérée, Leur dire pourrait peut-être paraître vraisemblable, s’il n’avait tout d’abord contre lui les divines Écritures. Il y a du reste aussi des écrits de certains frères, qui sont antérieurs aux temps de Victor, concernant la vérité, contre les gentils et contre les hérésie, d’alors ; je veux parler de Justin, de Miltiade, de Tatien, de Clément et de beaucoup d’autres, et dans tous ces ouvrages le Christ est traité comme un Dieu. Qui, en effet, ne connaît les livres d’Irénée, de Méliton et des autres, où il est proclamé que le Christ est Dieu et homme ? Qui ignore les nombreux cantiques et les hymnes écrits par les frères fidèles des premiers temps, où ils chantent le Christ comme le Verbe de Dieu, et le célèbrent comme Dieu ? Comment donc peut-on admettre que le sentiment de l’Église ait été déclaré depuis tant d’années, et que ceux qui ont vécu jusqu’à Victor aient prêché dans le sens qu’ils disent ? Comment ne rougissent-ils pas de débiter de tels mensonges contre Victor ? Ils savent parfaitement que celui-ci a retranché de la communion le corroyeur Théodote, le chef et le père de cette apostasie négatrice de Dieu, qui, le premier, a dit que le Christ était simplement un homme. Si Victor, en effet, était de leur avis, ainsi qu’ils l’enseignent dans leur blasphème, comment a-t-il pu rejeter Théodote, l’inventeur de cette hérésie? » Voilà ce qui concerne Victor. Il fut en charge pendant dix ans et Zéphyrin lui succéda vers la neuvième année du règne de Sévère.L’auteur du livre cité, au sujet du début de l’hérésie dont nous parlons, ajoute encore un autre fait qui s’est passé au temps de Zéphyrin. Voici ce qu’il écrit en propres termes :
« Je rappellerai donc à beaucoup de nos frères un événement qui a eu lieu de notre temps : s’il était arrivé parmi les gens de Sodome, je pense qu’il les eût fait réfléchir eux-mêmes. Natalios était un confesseur non pas d’autrefois, mais de notre temps. Il avait été un jour trompé par Asclépiodote et un second Théodote banquier : tous deux étaient disciples du premier Théodote le corroyeur, qui, pour celte opinion ou plutôt celte extravagance, fut retranché de la communion par Victor, l’évêquo d’alors, ainsi que je l’ai dit. Natalios lut amené par eux, moyennant un salaire, à prendre le titre d’évêque de celle hérésie ; il devait recevoir d’eux une mensualité de cent cinquante deniers. Il était donc avec eux, et en des visions subissait de fréquents reproches du Seigneur ; Jésus-Christ en effet, le Dieu de miséricorde et Notre-Seigneur ne voulait pas que ce témoin de ses propres souffrances, vint à périr hors de l’Église. Comme il faisait peu attention à ces visions, séduit qu’il était par la primauté qu’il avait parmi eux, et l’amour honteux du gain qui égare tant d’hommes, à la fin les saints anges le fouettèrent et le battirent durement pendant toute la nuit, si bien que dès le grand matin il se leva et, revêtu d’un sac, couvert de cendres, il vint en grand haie et en pleurs se prosterner devant l’évêque Zéphyrin ; il se jetait aux pieds non seulement des clercs, mais même des laïcs ; il arrosait de ses larmes l’église compatissante du Christ miséricordieux ; il supplia longtemps, montrant les meurtrissures des coups qu’il avait reçus, et il fut avec peine admis à la communion ».Nous ajouterons encore à ceci, d’autres paroles du même écrivain concernant les mômes hérétiques ; voici en quoi elles consistent : « Ils n’ont pas craint de corrompre les divines Écritures et ont rejeté la règle de l’ancienne loi : d’autre part ils méconnaissent le Christ et ne cherchent pas ce que disent les saintes lettres, mais ils s’exercent laborieusement a trouver une forme de raisonnement pour établir leur impiété. Si on leur objecte une parole des livres sacrés, ils demandent si l’on peut en faire un syllogisme conjonctif ou disjonctif. Ils laissent de côté les saintes Écritures de Dieu et s’appliquent à la géométrie : ils sont de la terre, ils parlent de la terre et ne connaissent pas celui qui vient d’en haut. Euclide géométrise donc activement parmi certains d’entre eux, Aristote et Théophraste font leur admiration, et Galien est même par quelques-uns presque adoré. Ils abusent de l’art des infidèles en faveur de l’opinion de leur hérésie ; ils altèrent avec la scélératesse des impies, la foi simple des saintes Écritures : qu’ils ne soient pas proches de la foi, est-il encore besoin de le dire ? À cause de cela, ils ne redoutent pas de porter les mains sur les divines Écritures, disant que c’est pour les corriger. Quiconque voudra, pourra se convaincre que je ne calomnie pas lorsque je dis cela deux. Si l’on veut, en effet, prendre les exemplaires de chacun d’eux et les comparer entre eux, on trouvera qu’ils sont bien différents. Ceux d’Asclépiade ne concordent en effet pas avec ceux do Théodote. Il est du reste facile de s’en procurer en nombre, parce que leurs disciples copient avec zèle ce qu’ils appellent les corrections, c’est-à-dire les altérations de chacun d’eux. De plus, le texte d’Hermophile est différent de ceux-ci. Celui d’Apolloniade, en effet, ni ceux-là no concordent antre eux. On peut en effet comparer les textes qu’ils ont retouchés au début avec ceux qu’ils ont travaillés dans la suite, on les trouvera on grande partie divergents. De quelle audace est cette faute, il est vraisemblable qu’ils ne l’ignorent pas. Car, ou bien ils ne croient pas que les divines Écritures aient été dictées par l’Esprit Saint, et ils sont infidèles ; ou bien ils s’imaginent être eux-mêmes plus sages que le Saint-Esprit, et que sont-ils, sinon des démoniaques ? Ils ne peuvent pas nier que leur attentat n’existe : les exemplaires sont écrits de leurs mains ; ce n’est pas de ceux qui les ont catéchisés qu’ils ont reçu de telles Écritures, et ils ne peuvent montrer les originaux d’où ils ont tiré leurs copies. Quelques-uns ont même dédaigné de faire ces falsifications, mais ils ont simplement rejeté et la Loi et les Prophètes, et, sous le couvert d’un enseignement immoral et impie, ils se sont précipités jusqu’au fond d’un abîme de perdition ».
Et que cela soit ainsi confié à l’histoire.
Manuscrits.
A Paris, Bibliothèque nationale grec 1430; xe siècle (Mararinaeus de Valois);
D Paris, Bibliothèque nationale, grec 1431 ; XIe-XIIe siècle ;
D Paris, Bibliothèque nationale, grec 1433; X-IXe siècle ;
E Florence, Laurentienne LXX, 20; XIe siècle ; M Venise, Marcienne 338 ; Xe siècle ;
À Moscou, Bibliothèque du Saint-Synode, 60; XIe-XIIe siècle ;
Τ Florence, Laurentienne LXX, 7 ; xe siècle ;
lat., traduction latine par Rufin d’Aquilée exécutée vers 402/403; publiée dans l’édition Schwartz d’Eusèbe, par MOMMSEN ;
syr, traduction syriaque, exécutée au temps d’Eusèbe ou aune époque très voisine et dont le plus ancien ms. est daté de 462; publiée en dernier lieu par W. Wright et N. Mc Lhan, Cambridge, 1898; citée d’après la traduction allemande :Eb. Nestle, Die Kirckengeschichte Eusebius aus dem Syischen überseltz, Leipzig (Texte a. Unters., Nouv. sér., VI, 2), 1901 ; jusqu’au Ve livre inclus ; on outre VI,16-17,25, VII, 32, 28-X.9; suppléé pour les lacunes par le document suivant ;
arm., version arménienne, exécutée vers 420 sur la traduction syriaque, publiée en dernier lieu par MERX dans Wright et McLean indiqué ci-dessus ; citée d’après la traduction allemande : Erw. PREUSCHEN, Eusebius Kirchenge schichte Buch VI u. VII aus dem Armenischen überselzt, Leipzig, 1902 (Texte u. Untersuchungen, Nouv. sér., VII, 3) ; supplée pour les livres VI et VII les lacunes du syriaque ;
SHAXARTZ, Eusebius Werke, zweiter Bd., Die Kirchengeschichte, Leipzig, i903.1908 (Griechischen christlichen Schriflstellern derersten drei Jahrhunderte). Le troisième volume de cet ouvrage contient l’introduction, des appendices, et des tables. Nous y renvoyons par la page (chiffres romains), et à l’autre partie de ce volume par le titre Uebersichten et la page (chiffres arabes).
Mc Giffert (A.-C), The Church history of Eusebius, translated wilh prolegomena and notes ; dans PH. SCHAFF and H. WACE, A select library of Nicene and Post-Nicene fathers of the Christian church, Second Séries, Vol. I, New-York, 1904.
Le véritable commentaire de cette partie de l’Histoire ecclésiastique serait une histoire parallèle rédigéeavec toutes les ressources de la science moderne. Ce livre existe d’ailleurs, Histoire ancienne de l’Église, par Mgr. Louis Duchesne, t 1, 2e éd., Paris, 1900. Nous y renverrons le plus souvent par le seul nom de l’auteur. Nous supposons que le lecteur dispose des encyclopédies théologiques et des livres de fond qui peuvent compléter ce manuel indispensable et donnent la bibliographie. Plus encore que dans le premier volume, nous nous bornons à fournir les données capables d’expliquer, de justifier ou de documenter le texte grec. Nous laissons à tant de jeunes compétences, impatientes de se produire, le soin d’en tirer parti et de l’exploiter.
LIVRE V
Introd, 1. Ἀντωνίνον Οὐήρου. En 161, Antonin laisse l’empire à ses deux fils adoptifs : M. Aurelius Antoninus Verus(Mare-Aurèle) et L. Ceionius Aelius Aurelius Commodus Antoninus (Vérus). À ce moment, Marc-Aurèle cède à Lucius son surnom de Vérus. Eusèbe appelle le premier Antoninus Verus, Antoninus ou Verus. C’est l’empereur persécuteur. Le second est appelé au chap. ν M. Aurelius Caesar ou Marcus. Ainsi il échange les noms des deux associés. Il mentionne la mort du premier et son remplacement par Commode (ch. ix). Il ne parle pas de la mort du second. Cette inversion paraît avoir pour but de sauver la croyance répandue de son temps que les « bons » empereurs étaient en même temps favorables aux chrétiens. - 4. τοῦ κατὰ θεὸν πολιτεύματος. Les deux paragraphes forment les deux parties d’une antithèse : d’un côté le πολίτευμα profane, avec ses guerres et ses héros, de l’autre le πολίτευμα . chrétien, avec ses luttes et ses athlètes : ébauche de l’idée des deux cités. Le sens du mot ressort clairement de l’opposition. Mais πολιτεύεσθαι, πολίτευμα, πολιτεία pris dans la langue des écrivains chrétiens le sens de « genre de vie », particulièrement de « genre de vie conforme aux lois de la religion », et même de « vie ascétique ». Un discours de saint Jean Chrysostome (XXX) a pour titre : Περὶ τοῦ κατὰ θεὸν πολιτεύεσθαι.
1. Voy. Duchesne, p. 253 suiv. Voy., en outre, sur l’organisation et l’état du christianisme en Gaule à cette époque, du même, Fastes épiscopaux de l’ancienne Gaule, t. I, 2e éd., p. 43 suiv., où l’auteur répond victorieusement aux objections de M. Harnack, Mission, 2e éd., t. I, p. 377. La discussion a été résumée par Turmel., dans la Revue du clergé français, t. Ll, 1er sept. 190?, p. 490. - 3. La lettre des chrétiens a été traduite récemment par M. GERMAIN DE MONTAUZAN, qui a étudié les problèmes de topographie lyonnaise qu’elle soulève (Revue d’hist. de Lyon, sept.-oct.1910). Notre traduction était imprimée, quand a paru ce travail. - « Le fait que Vienne est nommée d’abord, s’il a une signification, ne peut être qu’une politesse des Lyonnais à l’égard de leurs confrères de Vienne. L’événement est essentiellement lyonnais. Les magistrats de la colonie lyonnaise ne pouvaient bien évidemment instrumenter à Vienne : le légat lui-même n’y avait aucune juridiction. Sanctus, le diacre de Vienne, aura été arrêté à Lyon ; aucun autre Viennois n’est mentionné » (Duchesne, p. 257, n°. 1). - La salutation habituelle dans saint Paul est χάρις ὑμῖν καὶ εἴρὴνη θεοῦ πὰτρος ἡμῶν καὶ κυρίου Ἰησοῦ Χριστοῦ. 9. ἡ πολιτεία Voy. prol., 4. — 10. Εἰς τὸν κλῆρον τῶν μαρτύρων. Cette locution reviendra encore au § 27 et au § 48 ; dans ces deux passages μάρτυς signifie clairement martyr ; il est difficile de lui donner ici un autre sens, quoiqu’ait pensé Renan de Vettius Hpagathus qui selon lui n’aurait pas été mis à mort ni même arrêté. - Παράκλητος. Noter le ton dont il est parlé ici dEpagathus ; on en fait vraiment un « spirituel ». L’accent de ce portrait nous fait sentir la nuance particulière de la piété, dans cette communauté exaltée et vibrante sous la persécution. Rufin atténue, comme le remarque Valois.- « Ille vero habens in se advocatum pro nobis Jesum. hoc nomine meruit honorari, sancti presbyteri Zacharine qui erga sanctos plenitudinem caritatis ostenderat secutus exemplum », - 10. τὸ πνεῦμα πλεῖον À syr. HAKNACK, τὸ πνεῦμα Β, τὸ πλεῖον .ΤΜ, πλεῖον ERT2. Contrairement a l’assertion de Schwartz et conformément à la méthode de Rufin dans ce passage, le latin n’a rien. - 11 πρὸς τὸ μαρτυρεῖν, SHWARTZ, πρωτομάρτυρες mss. syr. « wurden Haüpter der Zeugen »). Il est inutile de corriger auparavant καὶ ἕτοιμοι, en οἱ ἕτοιμοι. Souvent, en grec, le deuxième terme d’une opposition est exprimé sans que le premier ait été spécifié comme tel ; voy. WILAMOWIIZ, Herakles, II1, p. 170; Sitzungsberichte de l’Acad. de Berlin, 1904, p. 629; RADERMACHER, Philologue LXV [1906], p. 145, et cf. TH. STANGL, lb., p. 311. -13. ἄξιοι mss. syr. ἄξίως; proposé par Schwartz, sans nécessité. - ἐκ τῶν δύο ἐκκλησιῶν. Valois conclut de cette expression à l’existence de deux Églises parfaitement constituées. C’est en forcer le sens. Car le légat n’a pu saisir que les Viennois de passage à Lyon ; voy. § 3. - σύνεστήκει. Le mot ne peut signifier que « constituer, établir ». « Oslendunt haec verba recentem fuisse ecclesiam Lugdunensem, cum illam vexationem sustineret (HEINICHEN). Rufin affaiblit ; « Ex utraque ecclesia omnes... quorum labore et industria regebantur ecclesiae ».- 17. τὸν διάκονον. L’article « semble indiquer que Sanctus était le chef du groupe chrétien de Vienne ». (Duchesne, p. 256, note). Cf. Rufin :« Sanctum nomine quendam diaconum Viennensem » : faux sens. - 18. μαρρτυρεῖν. Heinichen rapporte ce verbe à ἐπὶ τῷ : nous le rapportons à ὥστε avec le changement de sujet introduit par καὶ αὐτοὺς ὁμολογοῦντας. - 20. ἐξ ἀνθρώπων pour ἐξανθρώπους d’après Schwartz. — τῶν ἀνόμων. Le mot désigne, au sens propre, dans la langue de saint Paul, ceux qui vivent en dehors do la loi mosaïque, par suite les païens, I Cor., ix, 21 (opposé : ἔννομος); de même, ἀνόμως, Rom., II. 12. Le sens vulgaire est ici le seul vraisemblable ; cf. § 58. Mot fréquent dans cette lettre. - 20. Ῥωμαϊκῇ s’oppose à la langue du clergé supérieur de l’Église de Lyon ; cf. § 44. - 22. νηδύος: κοιλίας dans saint Jean. Νηδύς est un mot poétique. Heinichen. remarque, le style recherché et les images peu ordinaires de cette lettre ; cf. la comparaison de la mariée au § 35, l’image, de la couronne tressée par les martyrs au § 36. - 23.τὸ σωμάτιον. Le diminutif est fréquent dans la langue chrétienne pour désigner les choses terrestres et charnelles ; de même chez les stoïciens et les cymques antérieurement, voy. P. WENDLAND, Quaestiones musonianae, thèse de Berlin, 1886, p. 11 (note de la p. 10). - 25. Βιλβίδα. Rufin dit : Blandina, et supprime, peut-être dans un but édifiant, tout ce qui concerne la faiblesse de Biblis. — βλασφημιάς, τὰ ἄθεα περὶ ἡμῶν désignent les calomnies ordinaires contre les chrétiens, festins de Thyeste.et unions incestueuses. - τοῖς βλασφήμοις peut s’entendre des païens ou des renégats, qui calomniaient les mœurs des chrétiens, - αἷμα mss. syr., carnibus, lat. C’est la défense connue : Ἀπέχεσθαι εἰδωλοθύντων καὶ αἵματος καὶ πνικτοῦ καὶ πορνείας (Act., xv, 29; cf. 20). On peut conclure de ce passage que les chrétiens de Lyon gardaient l’observance ancienne ; voy. Tertulien, Apolog., ix ; CLEM. D’ALEX., Paed., III, m, p. 251, 5 STABHLIN ; ORIGÈNE, Contre Celse, VIII, xxx, p. 245, 5 KOETSCHAU; MIN. FELIX, XXX, p. 50, 3 BOENIG; et les observations de LE NOURRY sur Clément, Diss. I, ch. iii, art. 5. M. Salomon Reinach a conjecturé, par suite, que les chrétiens, trop peu nombreux pour achalander une boucherie particulière, s’adressaient à Lyon à une boucherie juive et que ce passage nous révélait indirectement l’existence de cette boucherie (Cultes, mythes et religion,, t. III, Paris, 1908,p. 449., — ἐν τῷ κλήρῳ mss. syr. HARNACH, τῷ κλήρῳ Β SCHWAHTZ. 27. ἐπὶ πέμπτον mss. syr. : septimo, ut dicunt, puncto in neruo pedes lat, - 31. Pothin refuse de nommer son dieu. De même plus tard (§ 52), Attale. La raison est d’ordre élevé et metaphysique. Mais aux yeux du populaire païen, elle paraît tout autre. Le magicien garde jalousement le secret du nom par lequel il opère. D’où la vraisemblance donnée à l’accusation de magie contre les chrétiens. Apulée, magicien, est dans son Apologie comme la contre-partie des chrétiens (LXV, p. 537 OUDENDORP). - 34. τὸ πνεῦμα τὸ πατρικόν mss., τὸ πνεῦμα ὁ παράκλητος; syr., nancti spiritus gratia lat. Cf. § 10. - 36. τῆς ἐξόδου : « leur fin, leur mort, » d’après Valois ; « leur terme », c’est-à-dire leur récompense, d’après Heinichen ; cf. la phrase suivante liée par γάρ. - 37. κoivόv glose de δημόσιον passée dans le texte d’après Schwartz. —41. διὰ τοῦ βλέπεσθαι : interpolation ancienne d’après Schwarlz. - ἕξωθεν. L’expression τὰ ἕξωθεν est courante dans la langue des stoïciens et des cyniques. — 42. ἐκβιάσασα syr., ἐκβιβάσασα mss. Rufin subit ici l’influence de Gen., iii, 15, lu probablement dans le texte : « Ipsa te conteret caput tuum », et écrit : « ut per mullas uictorias caput quidem tortuosi serpentis adtereret ». — διὰ πολλῶν κλήρων. Expression empruntée à la langue de la gladiature ; cf. § 38. - 45. ἐχαρίζοντο. Le style biblique de l’expression ne permet pas de voir ici clairement s’il s’agit d’un réconfort quelconque ou de l’indulgence particulière aux confesseurs. Cf. plus loin ii, 5 et 7 et iv, 2. - ἀνεμετροῦντο mss., ἀνεντοῦτο M, ἀνεμητροῦντο. Ν. gr. 1437 au-dessus de la ligne, om. syr. lat. D’après Schwartz. ἀνεμητροῦντο est une fausse conjecture, et ἀνεμετροῦντο une faute antérieure à Eusèbe ; il propose ἀνεμαιοῦντοο. Cf.§ 55 ἀναμετρουμένη. Ici le verbe serait employé absolument. - ἐγγλυχαίνοντες; mss., ἐγγλυκαίνοντες M ; docebantur enim ab his quia deus non vult, etc. lat.; « durch das Locken des Gottes » syr. Altéré d’après Schwartz. — 47. ἀποτυμπανισθῆναι : frapper, avec le sens de punir ; au sujet des chrétiens l’empereur répond au légat qu’il faut élargir ceux qui renient et frapper les autres. — τῆς ἐνθάδε πανηγύρεως: les fêtes célébrées chaque année au mois d’août à l’autel de Rome et d’Auguste, au confluent de la Saône et du Rhône. Voy. MARQUARDT et MOMMSEN, Manuel des antiquités romaines, trad. fr., L’administration romaine, t II, p. 130. - ἐκ πάντων τῶν ἐθνῶν mss. syr., ex omnibus provinciis lat, « On attend ἐκ πασῶν τῶν Γαλλιῶν » (SCHWAHTZ). Mais τὰ ἔθνη désigne très régulièrement les divers peuples de la Gaule, ce pays comprenant, non pas des cité au sens grec, mais des tribuns. Au jour de la fête, soixante prêtres représentaient les soixante cités ou tribus.- 48. ἐνύματος νυμφικοῦ: d’après Heinichen, la robe nuptiale que doit revêtir l’Église comme épouse, c’est-à-dire le Christ. — 49. χαρίσματος. Cf. § 10 et plus loin, vii, 2, 4-6. — 50. ἐπιστήσαντος : « iussus a praeside, in medium statui » (Rufin). - 57.ἄγρια καὶ βάρβαρα φῦλα. Les rédacteurs et les chefs de la communauté sont des Grecs qui. ne peuvent contenir leur mépris pour les barbares de l’Occident. À plusieurs reprises, nous avons déjà pu constater ces sentiments, qui dépassent l’horreur naturelle aux victimes pour leurs bourreaux (7, ἠνριωμένῷ πλήθει ; 15, ἀπεθηριώθησαν; 53, ἠγριώθη τὸ πλῆθος; etc.). La situation est comparable à celle de nos missionnaires en Extrême-Orient ou en Afrique. Non seulement les chefs de l’Église sont des Grecs venus d’Asie, Pothin, Irénée, mais un grand nombre de noms trahit l’origine étrangère des martyrs : Attole et Alexandre, expressément désignés, l’un comme Pergaménien, l’autre comme Phrygien ; Alcibiade, l’ascète ; Biblis et Ponticus, probablement l’un et l’autre esclaves. Vettius Epagathus, le seul qui porte un gentilice, a un surnom grec et pourrait bien être un affranchi. Les personnes du pays sont Blandine, qui porte un surnom répandu en Gaule ; Maturus, un néophvte ; enfin Sanctus, le catéchiste indigène de Vienne. La liste des martyrs était annexée à la lettre ; elle a passé dans un ms. de la traduction de Rufin et Grégoire de Tours l’a connue (publiée par KRUSH, dans son Grégoire, p. 878). Le martyrologe hioronymien compte expressément 48 martyrs (2 juin ; DE ROSSI.-Duchesne, p. 71-73). En dehors des noms connus par la lettre, nous avons les suivants :.1° noms latins : Silvius, Primus (peut-être Silvius Primus), Ulpjius, Vitalis (peut-être. Ulpius Vitalis), ; Convinius,: October (peut-être. Cominius Ottober), Geminus, Julia, Albina, (peut-être Julia. Albina), Grata (Rogata dans le m ». d’Epternach), Aemilia (peut-être Aemilia Potamia), Quartia, Materna, Cornélius (peut-être Cornélius Zosimus), Titus, Julius (peut-être T. Julius Zoticus). Geminianus, Julia, Ausonia (peut-être Julia Ausonia), Aemilia (peut-être Aemilia Jaumnica), Pompeia, Domna (peut-être Pompeia Domna), une autre Pompeia, Mamilia, Justa (peut-être Mamilia Justa), Antonia ;2° noms grées : Macarius, Philumenus, Potamia (peut-être Aemilia Potamia), Pontica, Helpis quae et Ammas, Aristaeus, Zosimus (peut-être Cornélius Zosimus), Zoticus (peut-être T. Julius Zoticus), Apollonius, Jamnica ou Gamica (peut-être Aemilia Jamnica), Trophima ; 3° nom indigène : Rodana. La comparaison de ces documents montre au moins que les auteurs de la lettre n’ont rien dit de quantité de Gallo-Romains. Le chiffre de 48 n’a aucune certitude et ne repose pas sur une tradition. Il résulte du compte établi par un lecteur ou un copiste. Voy. O. Hirschfeld, dans les Silzungsberichte de Berlin, 1893, p. 385, et H ACHELIS, Die Martyrologien (Abhandlungen de Goettingue, Phil. hist. KL, N. F., III, 3), Berlin, 1900, p. 145. On remarquera le nombre des femmes. Toute conjecture sur les progrès de l’évangélisation à Lyon d’après cette liste paraît peu solide. Les arrestations furent faites au hasard, a la suite de mouvements populaires, par la foule elle-même. Un grand nombre de chrétiens a pu échapper. Les femmes, plus ardentes et moins fortes, sont lon :bécs plus facilement dans les mains des païens. En tout cas, les noms grecs sont assez nombreux (18, plus du tiers). Lyon était un centre commercial important, relié à l’Orient par la batellerie du Rhône ; les nautae Rhodanici et Aravici tendaient la main aux navicularii marini Arlatenses (LEJAV, Insc. ant. de la Côte-d’Or, p. 09). La population étrangère, grecque, syrienne, orientale, devait être assez nombreuse, comme dans tous les ports. C’est par ce milieu et dans ce milieu que le christianisme a dû d’abord se propager. Voy. aussi § 20. - 58. τὸ ὅμοιον mss., ὁμοίως syr., simul lat. ; ἄδικον AERT syr. lat., ἀδίκως BM. Texte anciennement altéré d’après Schwartz ; ἄδικον, glose de τὸ ὅμοιον ayant passé dans le texte a provoqué une correction en ὁμοίως. - ὁ ἄνομος; ἀνομήσατω : le texte reçu porte : ὁ ἀδικῶν ἀδικησάτω.
II,3. ὁμόλογοι ΑΒΤ, ὁμολογουμένως EMR. ὁμολογηταί syr. et corr.de divers mss., humiles et egeni optamus at ipsa saltim in nobis confessio tuta permanent lat., ὁμολογο<ῦντες> Schwartz, ὁμόδουλοι WENDLAND. « Corruption antérieure à Eusèbe » (Schwartz). - 5. πᾶσι μὲν ἀπελογοῦντο. L’incise opposée indique le sens, bien que le datif marquerait plutôt contre qui on se défend. La construction ordinaire est ὑπέρ τινος. Rufin : placabant omnes -. ἔλυον, ἐδέσμενον. Ce rôle des confesseurs est à remarquer. Cf. Mt., xvi, 19 et xviii. 18. — 6. πρὸς αὐτόν; le démon désigné dans une phrase précédente (ὁ ἀντικείμενος ou ὁ διάβολος). Eusèbe a coupé sans faire attention. — 8. διαθέσεως. Allusion aux Novatiens.
III, 2. ἀρτῳ μόνῳ καὶ ὕδατι : le régime habituel des cyniques et des stoïciens de la stricte observance ; voy. LEJAY, éd. des Satires d’Horace, p. 322 suiv. Tout ce morceau est intéressant pour l’histoire des origines de l’ascétisme. Voy. Duchesne, p. 215. - 4. Ἀλκιβιάδην, après l’histoire qui précède, pourrait bien être une distraction d’Eusèbe. ZAIIN, Geschichte des neutestamentl. Canons, Erlangen, II, 125, propose avec hésitation : Μιλτιάδην;. Cependant cf. Duchesne, p. 275, n. 1, sur 10, 3, τὴν τῶν καὰτα Μιλτιάδην λεγομένων αἵρεσιν : « Il faut évidemment corriger Μιλτιάδην en Ἀλκιβιάδην ; cf. V, III, 4». - οὐ μὴν ἀλλά : allusion à l’attitude d’abord favorable d’Eleuthère. Voy. Duchesne, p. 277-278: IV. Cf. Jérôme, De uiris, xxxv : « Irenaeus, Pothini episcopi, qui Lugdunensem in Gallia regebat ecclesiam, presbyter a martyribus eiusdem loci, ob quasdam Ecclesiae quaestiones legatus Romam missus, honorificas super nomine suo ad Eleutherium perfert litteras. Postea, iam Pothino prope nonagenario ob Christi martyrium coronato, in locum eius substituitur ». - 2. Εἰ γὰρ ᾔδειμεν, κ.τ.λ.. « Ce ton ne laisse pas d’être un peu singulier.On pense malgré soi aux confesseurs africains dont la présomption causa tant d’ennuis à saint Cyprien » (Duchesne, p. 258, note 1). Cf. plus haut, i, 45 et ii, 5 et 7.— 3. Ἐπ’ Ἀντωνίνου, c’est-à-dire, dans la pensée d’Eusèbe, sous Vérus, substitué à Marc-Aurèle, dont la réputation de « bon empereur » est ainsi sauvée. Mais voy. Duchesne, p. 210, sur cet empereur, .« d’autant plus dur qu’il était plus consciencieux... Cf. inlr.,§l.
V, i. Mάκρον Αὐρήλιον Καίσαρα, c’est-à-dire, d’après le système d’Eusèbe, Vérus, d’où l’expression τούτου ἀδελφόν Eusèbe a dû trouver le nom dans sa source, qui pourrait être l’apologie d’Apollinaire (Duchesne, p. 209, cf. § 4). Sur le fait lui-même, voy. Duchesne, p. 250; Harnack, dans les Silzungsberichte de Berlin, 1894, p. 836; K. PRAECHTER, dans la Byzantinische Zeitschrift, t. XIV [1905]J, p. 257; MOMMSEN, Hermes, t. XXX [1895], p. 90; PETERSEN, Bullettino, 1894, p. 78. – Μελιτηνῆς. De la ville de Mélitine en Cappadoce, plus tard atlribuéeà l’Arménie, séjour ordinaire de la légion. — γόνυ θέντας: attitude particulière aux chrétiens dans la prière de supplication. – 3. τοῖς ἕξωθεν ἱστορικοῖς: Dion Cassius, LXXI, VIII, qui attribue le miracle au magicien égyptien Arnuphis ; Hist. Aug., M. Aur., xxiv, et Heliog., ix ; cf. CLAUDIEN, VI cons. Honor., 340-350. Marc-Aurèle lui-même dans les bas-reliefs de la colonne Autonine donne le rôle de sauveur à Jupiter pluvius. Le sophiste Themistius, au ive siècle, rapporte le miracle à la divinité, dans le style du déisme officiel et indéterminé du temps, XV, p. 191 ». – 4. κεραυνοβόλον. Le surnom est plus ancien et indique un culte particulier (sur le culte de Keraunos, voy. USENER, dans le Rhein. Museum, t. LX [1905], p. 1), plutôt que la puissance de la légion qui agit comme la foudre (explication de A. von DOMASZEWSKI, Festschrift für Hirschfeld, p. 243 = Abhandlungen zur röm. Religion, Leipzig, 1909, p. 106); cf. le surnom Fulminata. – 4. Sur Apollinaire, voy, plus haut IV, xxvii. – 6. ἐπιστολάς: le document apocryphe qui nous a été transmis à la suite de là première apologie de saint Justin (OTTO, Corp.apol., I, p. 246). Sur la conduite des empereurs à l’égard des chrétiens, voy. Duchesne, p. 109. — 7. L’idée de Tertullien est que seuls les mauvais empereurs sont persécuteurs : « Quales ergo leges istae quas adversus nos soli exsequuntur (var. : exercent) impii ». M. Schwartz suppose que la traduction grecque portait en conséquence :οἷς... μόνοι. Mais M. Harnack pense que la faute a pu être commise déjà par le traducteur grec, fort peu scrupuleux.
VI. Voy. Duchesne, p. 236. – 3. εἰλήφει. Extrait mal coupé. Il manque κηρύσσουσα. « annonçant » (Schwartz), ou καταγγέλουσα (ΜC GIFFERT). – 4. διδαχή ABDERT, 3, διαδοχῆ M(conjecture), διαδοχῇ IRENEE.
VII, 1. Ἐλέγχου. Le génitif s’explique par le fait que le litre complet avait : Βίβμοι ε’, paraphrasé dans ce qui précède.
VIII, 10. Discussion connue sur le sens de Phébreu, traduit en παρθένος « vierge », par les LXX (cf. Mr., i, 43), en νεᾶνις, « femme jeune », par Thôodolion et Aquila. – 11. Le récit qui suit est fondé sur la fabuleuse lettre d’Aristée, officier de Ptolémée Philadelphe (285/283-247 av. J.-C), écrite en réalité au ιer siècle avant notre ère. Voy. l’éd. de P. WENDLAND, dans la « Bibliotheca teubneriana », Leipzig, 1900, ou dans H. B. SWETE, Introduction to the old Testament in Greek, Cambridge, 1900, p. 499, l’édition de II. St. J. THACKERAY. – 12. . τοῦ θέου mss. syr. lat., cf. Prép. Ev. t VIII, 6. IRENEE : « facturos hoc quod ipse voluisset », d’où l’on déduil τοῦθ’. – 13. ἑρμηνείαν γράφειν mss. (ἑ. ποιήσασθαι) syr., eadem interpetari lat., ἑρμηνεύειν γραφήν IREN.; mais le syr. omet la traduction de τὴν αὐτήν. — 15. ὅς γε mss. syr., cum lat., ὅτε IREN.
IX. Ἀντωνίνον. Voy. !ntr.t 1 et iv, 3.
X. Voy. Duchesne, p. 334
XI. Voy. Duchesne, p. 334. – 4. On a fait diverses conjectures sur les maîtres désignés ici ; aucune n’est certaine, sauf en ce qui concerne le dernier qui est Pantène. On a proposé pour l’Ionien, Méliton, pour l’Assyrien, Bardesanc ouTatien, pour l’Hébreu, Théophile de Césarée ou Théodote. L’Egyptien, ὁ ἀπ’ Αἰγύπτου., n’est pas identique au dernier, Pantène, que Clément, dans une phrase omise par Eusèbe, qualifie d’abeille sicilienne.
XII ,1. ἐγνωρίζετο. Voy. la n. sur III, xxii (t. I, p. 507). — 2. Après Capiton, il faut rétablir les noms d’un second Maxime et d’Antonin, d’après la Chronique, oἱ. 241 (VALOIB., tombés par une négligence soit d’Eusèbe, soit des copistes.
XIII. Voy ; Duchesne, p. 216. – 2. τὴν πολιτείαν, voy. plus haut, prol., 4. – 3. Μακρίων donné par tous les témoins est omis par Schwarlz ; ναύτης arm. AET syr. M. Harnack n’a pas eu de peine à montrer que l’omission de Μαρκίων est contraire à la méthode. Cela ne préjuge rien sur la forme originelle du texte de Rhodon.
XV. Voy. Duchesne, p. 187. – πτώματι est équivoque. Il peut s’entendre de l’erreur ou de la déchéance ecclésiastique. Heinichen incline vers la première interprétation se fondant sur κατεκημένος, et sur le sens de παραπλησίῳ « analogue », et non pas « identique ». De plus, il lui semble que l’ἰδίως πειρώμενος fait une opposition à l’expression précédente : Eusèbe unit d’abord les deux hérétiques, puis les distingue. — Les chapitres xiv et xv forment une introduction à ce qui suit. Eusèbe traite du montanisme dans les chap. xvi-xix et du schisme de Florinus et de Blastus au ch. xx ■(MCGIFFERT).
XVI,. Voy. Duchesne, p. 270, sur le montanisme en gênéral ; et aussi I.. DE LABRIOLLE, La polémique antimontaniste contre la prophétie extatique, dans la Revue d’histoire et littérature religieuses, XI (1900), p. 97. – 2. τῶν εἰρημένων δὴ τις. Auteur inconnu. Saint Jérôme, De viris, xxxix, semble désigner Rhodon : « Miltiades cuius Rhodon in opero suo quod aduersum Montanum, Priscam, Maximillamque composuit, recordatus est » ; et, ib., XL Apollonius: « Apollonius. .. scripsit aduersus Montanum, Priscam et Maximillam insigne et longum uolumen .. ». Valois propose Asterius Urbanus (cf. § 17). Aucun de ces auteurs n’est possible. – Μιλτιάδην: voy. plus haut, m, 4. – κατὰ τόπον BD, κατὰ πόντον AEMRT syr.; cf. Rufin :per ecclesias Galatiae uicinarumque provinciarum. M. Duchesne a tiré de κατὰ Πόντον la conclusion suivante : « C’est l’église elle-même, l’église du Pont qu’il y a rencontrée. Cette façon de parler... semble bien supposer que l’église du Pont avait encore..., aux environs de l’an 200, son chef-lieu à Ancyre ». Cf. Harnack, Mission, 12, p. 383. – 3. Ἀυίρκιε, l’évêque de Hiérapolis, l’auteur de la célèbre inscription. — ἕκαστά τε mss., arm. syr. Rufin a fortement abrégé et supprimé la citation, ἐκτενέστατα Schwartz. Peut-être : καθ’ ἕκαστα τι. – 5. Zotique d’Otrys, distinct de Zotique de Comane, mentionné plus loin, xviii, 13. Otrys, petite ville de Phrygie à 2 milles de Hiérapolis. – 7. Ἀρδαβαῦ « Localité non identifiée ; elle doit être cherchée dans la région, encore peu explorée, qui s’étend à l’est de Balikesri, vers le Makestos et le Rhyndakos » (Duchesne, p. 270, n. 2). – La date du proconsulat de Gratus est inconnue. Sur la chronologie du montanisme, voy. Duchesne, p. 281. Sur les phénomènes décrits ici, LABRIOLLE, l. c, p. 108. — 8. κολύεσθαι σιωπᾶν. L’un des deux verbes paraît surabondant ; κωλύεσθαι manque au syr. – 9. διάβολος est considéré par Harnack comme une interpolation, – ὀλίγοι...ἐξηπατημένοι: interpolation d’après Harnack. Cette parenthèse interrompt en effet le développement et paraît contredire l’affirmation du § 4 sur le trouble causé à Ancyre par les nouveaux prophètes. Ce serait une note marginale du iiie siècle passée dans le texte avant le temps d’Eusèbe. — 10. γάρ, « addition fausse ». (Schwartz); paraît répondre à un raisonnement abrégé. – τῆς Ἀσίας, om. syr. – .εἰς τοῦτο : « Christophorsonus legisse videtur εἰς ταὐτό (VALOIS). – 12. ἀπεκτάνθη. Contredit au § 21 par le même auteur, ce qui donne la mesure de son impartialité. – 13. λόγος interpolé (Schwartz et Harnack). – 14. ἐπίτροπον, « administrateur », (Duchesne). — 17. Valois et Tillemont ont supposé que ἐν τῷ αὐτῷ λόγῳ,... Ὀρβανόν était une note marginale passée dans le texte et qui contenait le nom de l’anonyme. On admet plus généralement que Asterius Urbanus est un auteur montaniste qui a recueilli les oracles du Paraclet. – Coumane est un village de Pamphylie, distinct de Comane du Pont et de Comane de Cappadoce : Κουμάνης ABT, Κουμανῆς DM, Κομάνης ER, Cumana lat. — Θεμίσωνα: voy. ch. xviii. – 21. Μαρκιανισταί BEMR syr., Marcionistae lat., Μαρκιανίσταί ADT. La forme du mot avec ο est certainement celle du texte antérieur aux versions et à l’archétype. Il est contraire à la méthode d’attribuer à Eusèbe la forme avec a (Harnack).
XVII, 1. αὐτῶν mss., αὐτοῦ syr. lat. Rufin : « Denique et inserit ex eius (c’est-à-dire de Miltiade) dictis suo operi haec uerba », M. Schwartz n’a pas vu que le syriaque avait traduit la même leçon que Rufin. Cela rend encore plus incertaine l’appréciation que nous devons porter sur le rôle de Miltiade. La distribution des divers écrivains de l’époque entre les défenseurs et les adversaires du monianisme est rendue très difficile par l’orthodoxie postérieure qui ne pouvait se résigner à ranger des écrivains zélés et pieux parmi les partisans de la prophétie. – Μιλτιιάδου. Voy. plus haut, III, 4, et LABRIOM-E, l. c, p. 110, n. 1, pour la bibliographie de la question. Les mss. et le syr. ont Ἀλκιβιάδου. Rufin a supprimé cette citation. – περὶ τοῦ... « Ce qui peut avoir deux sens : 1° l’extase ne doit à aucun titre être associée à la prophétie ; 2° le prophète ne doit pas parler durant la crise extatique. Cette dernière interprétation est celle de SELWYN, The Christian prophets, Londres, 1900, p. 2 „ (LABRIOLLE, l. c, p. 110, n. 2). – 3; εἰδή T1 ἤδη BD, γε δή EMR, arm. A. Cf. syr. : « [...] nicht den Qvdrtvs, auch nicht einen von den anderen. Nicht also sollen sie sich rühmen darüber, lndem nicht ist ihnen mit ihnen Rechnung (Vernunfl)». – 4. δεῖξαι mss. ; ... .decipitur eorum confirmatio. Quartum decimum etenim iam paene habet annum.. ». (Rufin) ; « aber nich ist ihnen dass sie zeigen. Vierzehn labre nämlich, u. s. w ». (syr.) ;... δεῖξαι.. <Καίτοι> τεσσαρεσκαιδέκατον... (WENDLAND). Le sens est certain mais la correction paraît inutile. – B, κοσμικοὺς ἄρχοντας: les gouverneurs de province, d’après Valois, qui rappelle l’exemple de Tertullien s’adressant à Scapula ; les empereurs, Antonin le Pieux et Marc-Aurèle (147-161), ou Marc-Aurèle et L. Vérus (161-169), plutôt que Marc-Aurèle et Commode (177-180) (JEROME, De uiris, xxxix). Une confusion s’est faite très anciennement entre le titre de cette apologie et celui du discours aux Grecs dans les mss. d’Eusèbe : κοσμικοὺς ἄρχοντας ABD lat (ad principes romani regni, Rufin), Jér., De uiris, xxxix ; ἕλληνας syr., ἕλληνας κοσμικοὺς ἄρχοντας EMRT. — φιλοσοφίας. Faut-il entendre le mot au sens précis et restreint, comme on l’applique à Justin (Harnack, Die Chronologie, I, p. 362), ou doit-on y voir le sens général que le mot a pris chez les écrivains chrétiens (cf. BOULENGER, Grégoire de Nazianze, Discours funèbres, p. LVI.)?
XVIII. Nous ne savons rien de plus d’Apollonius : l’auteur tardif du Praedestinatius en fait un évêque d’Ephèse ; saint Jérôme, De uiris, XL, lire ses renseignements d’Eusèbe. — 2. λύσεις γάμων La doctrine montaniste sur le mariage est surtout connue par Tertullien;. voy. Turmel, Tertullien, Paris, 1905, p. 201 Mais il s’agit ici surtout de la dissolution des mariages prêchée dans le premier élan du « revival ». - -νηστείας. Autre sujet de discussion ; voy. ib., p. 210. - 3. πῶς π,αντως; WBNDLAND. Peut-être : πῶς οὖν οὐκ ἐψεύδοντο. Mais un lapsus de l’écrivain est aussi possible ; voy. W. HERAEUS, Jahrbücher fur kl. Philologie, 1880, p. 713, et 1891, p. 501 ; POLLE, Philologus 1892, p. 759 ; P. THOMAS, Journal de l’Instr. publique en Belgique, 1885, p. 1, et 1907, p. 228. Déjà un correcteur du ms. Τ a conjecturé οὐκ ἐψεύδοντο; ἐψεύδοντο ABDT1 lat., ἐπεψεύδοντο EMR. Cf. syp. : « Wie also lügen sie über Priska und nennen sie Jungfrau?». – Πρίσκιλλαν BDBMR; Πρίσκαν AT syr., lat., JÉRÔME, De uiris, XL. Cf. xix, 4. – 5. καθολικήν, « une sorte d’encyclique » DUSCHENE, p. 275). Plus exactement une lettre semblable à celles de Jacques, Pierre, Jean et Juda, qui n’est adressée à aucune Église en particulier. – 6. Ἀλέξανδρον,. Ce personnage n’est pas autrement connu. Bien que l’accusation soit fréquente de secte à secte, ces confesseurs qui font bombance se retrouvent dans les Instructions de COMMODIEN, II, xxix. — ὁ ὀπῖσθόδομος; AΒΤ, ὁ γραφεὶς τόμος; DKMR, acta publica lat. Le traducteur syriaque paraît avoir eu sous les yeux ὀπισθύδομος et n’avoir pas compris. L’opisthodome était la partie postérieure d’un temple ; elle pouvait servir, comme au Parthénon, de dépôt au trésor public. Le terme a un caractère générique. Apollonius le paraphrase plus loin par δημόσιον ἀρχεῖον. – 7. ὁ προτήτης... τῷ προφήτῃ mss., syr.; prophetissa... prophetisae Rufin. – 8. ἔχουσιν, στήτωσαν ἐν τούτῷ : ἔχουσιν ἐν τοῦτῳ, οτήτωσαν Schwartz d’après Harnack (les indications de l’apparat de Schwartz sont incompréhensibles). Transposition inutile. – 9. Αἰμιλίου Φροντίκου: proconsul de date inconnue, comme Gratus. – προβάτης: apostata (Rufin), « Verleugner » (syr.). – 11. τοὺς προφήτας αὐτῶν : eas, JÉRÔME, De uiris, XL. — στίδίζεται. On allongeait artificiellement les sourcils et les yeux par un fard à base d’antimoine ou de bismuth. — Dans les trois questions, Rufin et Jérôme supposent le texte προφῆτις;. ~ 12. τεσσαρακοστόν: sur cette date, voy. Harnack, Die Chronologie, I, 370. — Θρασέα. Voy. plus loin, xxiv, 4. - ἐπὶ δυόδεκα ἔτεσιν. De même dans CLEM. D’ALEX., Strom., VI, v. Cf. LIPSIUS, Die apokryphen Apostelgeschichten, I, p. 13.
XIX, 1. Πόντιον BD syr., JÉR., De uiris, xii ; Ποντικόν AΕΜΒΤ lat. – 2. παρὰ πάσῃ τῇ ἐv Χριοτῷ ἀδελφότητι τῇ ἀνὰ την οἰκουμένην ὅλην BD « von der ganzen Bruderschaft die ist in der ganzen Welt » syr., ab omni fraternitate quae in uniuerso mundo est lat., παρὰ πάσῃ τῇ ἐν κόσμῳ ἀδελφότητι AΕΜΒΤ (τῷ κόσμῳ M) Schwartz. Le premier texte est évidemment celui que l’on doit adopter d’après les principes mêmes de M. Schwartz (témoignage prépondérant de BD, contrôle des versions). Le seul point douteux porte sur ἐν Χριστῷ, omis par le lat. et le syr., mais attesté indirectement par ἐν κόσμῳ de l’autre leçon. JERÔME, De uiris, XLI ; ab omni mundo, dans un résumé, ne décide rien. – 9. Αἵλιος Αὐρήλιος syr., Aurelius Rufin (mais des mss. donnent Aelius ou Aemilius ou Valerius). – Ἰούλιος mss., lat., Ἰουλιανος syr. – Debelte et Anchialus sont des villes thraces sur la côte de la mer Noire. – Πρισκίλλης mss., lat.,, Πρίσκης syr.
XX, 1. σχίσματος; : schisme relatif à la Pâque ; Duchesne, p. 291. — 2. μεταγραψόμενον, μεταγραψάμενον DEMT, qui transcripseris lat., qui transcribis JÉRÔME (De uiris, xxxv). – αὐλῇ: la cour de T. Aurelius Fulvus, proconsul d’Asie vers 130, le futur empereur Antonin (LIGHTFOOT, Contemporary Review, 1875, p. 834).
XX.. Voy. Duchesne, p. 251, et KLETTE, Der Process und die Acta sancti Apollonii, Leipzig, 1897 (Texte u. Unlersuchungen, XV, 2). - 2. ἀπεδύετο : métaphore tirée des pratiques des athlètes, qui se dépouillaient de leurs vêlements avant la lutte. - αὐτῷ : a seruo proditus, JERÔME, De uiris, XLII, qui pavait avoir lu αὐτοῦ.
XXIII. Sur la controverse pascale, voy. Duchesne, p. 285. — 3. τῶν ἐπὶ Ῥώμης, C’est-à-dire συγκεκροτημένων, exprimé plus haut (VALOIS), Heinichen entend à tort : « les gens de Rome », c’est-à-dire Victor. – 4, Par l’usage de l’Osrhoène, au nord-ouest de la Mésopotamie, on atteint indirectement celui d’Antioche (Duchesne, p. 290).
XXIV, 2. MM. Harnack et Schwartz considèrent ce passage comme altéré et proposent diverses solutions ; voy. t. I, p. 508. – πολιτευσαμένη : voy. plus haut, prol. 4. – 4. Θρασέας,, le même qui est mentionné par Apollonius, plus haut, xv,,,, 14. – 6. Ἔτι δὲ κἀγώ..., commencement d’un nouvel extrait (Harnack). Le verbe manque : exemple d’un texte mal coupé. – ὑμῶν... τῶν συγγενῶν μου οἷς... : ὑμῖν... [τῶν συγγενῶν μου] ὃς... SCWARTZ; corrections peu satisfaisantes d’après Harnack, qui suppose que Polycrate s’est exprimé d’une manière populaire (ἤρυμεν le prouve et ne doit pas être corrigé avec Schwartz en ᾗρεν ou αἵροι), et a négligé la correction et la régularité; οἷς... τισιν αὐτῶν serait un sémitisme (cf. HEGESIPPE, cité IV, xxii, 2 [t. I, p. 456] : οἷς συνέμιξα.... καὶ συνδιέτριωα τοῖς Κπρινθίοις. – κατὰ τὸ εὐαγγέλιον, évidemment l’évangile de saint Jean. C’est du même argument que, dans une querelle antérieure, s était servi Apollinaire d’Hiérapolis. « Il croyait sans doute pouvoir ramener les synoptiques à saint Jean... Mieux vaut, reconnaître que, sur ce point, nous ne sommes pas en mesure de concilier les évangélistes » (Duchesne, p. 288, n. 3). - 8. τῶν γράφοντι BT syr., πάντων γράφων τῶν Λ, πάντων τῶν DEMR, his qui secum aderant lat. – 12. Sur ces observances variées, voy. Duchesne, Origines du culte chrétien, p. 241 : « il n’y a pas à tenir compte ici du contresens par lequel Rufin, préoccupé de la discipline de son temps, a dénaturé la fin de ce texte. Il traduit : « .. aIii uero pluribus, nonnulli etiam quadraginta, ita ut horas diurnas nocturnasque computantes diem statuant ». Le procédé ost caractéristique – 13. γεγοννυῖα: « la construction exige γέγονε » (SCHWAHTZ) ; γεγονυῖα est maintenu par Harnack. – 10. Le voyage de Polycarpe eut lieu en 154.
XXVI. Εἰς ἐπιδείξιν... : ce traité a été retrouvé récemment dans une version et a été publié : Des heiligen Irenäus Schrift zum Erweise der Apostolischen Verkündigting, par TER-MEKERTTSCHIAN, TER-MINASSIANTZ et Ad. Harnack, Leipzig, 1907 (Texte a. Unters., XXXI, 1). – Commode est égorgé le 1er janvier 193 ; Pertinax, le 28 mars ; Didius Julianus achète l’empire aux prétoriens ; Rome proclame Pescennius Niger, gouverneur de Syrie ; Seplime Sévère, proclamé en Pannonie, s’établit à Rome, au commencement do juin, puis défait Pesccenius Niger qui est tué au mois de novembre 194..
XXVIII. Sur les conflits romains de cette époque, voy. DuCHESNE, Hist., t. I, p. 206 suiv. Les sources donnent a Artémon aussi le nom d’Artémas. Le pape Victor est mort sous Septime Sévère, en 198 ou 199, et a été remplacé par Zéphyrin.