Le Cantique des cantiques est un des livres les plus particuliers et les plus difficiles de l’Ancien Testament. Le nom de Dieu ne s’y trouve qu’une seule fois (Cant. 8.6 : Jah), et le Nouveau Testament ne mentionne pas cet écrit. La description expressive de l’amour entre un homme (Salomon) et une femme (la Sulamithe) a conduit de nombreux érudits, de l’époque moderne surtout, à des conclusions très négatives. On met en doute que Salomon soit l’auteur de ce livre, on ne veut pas reconnaître l’unité de cet écrit, et on va même jusqu’à demander si le texte mérite vraiment de figurer dans le canon des Saintes Ecritures.
De telles questions n’ont toutefois jamais été soulevées parmi les Juifs. Il est vrai que, selon la tradition talmudique, l’auteur serait Ézéchias (sans doute parce que de nombreuses coutumes anciennes, datant de la première période des rois, furent remises en honneur à l’époque de ce souverain, comp. 2 Chron. 30.26 ; Prov. 25.1). Mais dans le canon hébraïque de l’Ancien Testament, le Cantique des cantiques fait partie, depuis toujours, de la troisième grande division, les « Ecritures » (en hébreu : ketubim). Il est rattaché aux « cinq rouleaux » (en hébreu : megilloth) destinés à des jours de fête précis, et on le lit le huitième jour de la fête de la Pâque.
La dénomination « Cantique des cantiques » est un superlatif absolu en hébreu et signifie : le plus beau cantique. Le nom de Salomon, comme auteur du livre, est cité déjà dans le premier verset ; et on le retrouve sept fois au total (Cant. 1.1, 5 ; 3.7, 9, 11 ; 8.11, 12) ; en outre, le titre « roi » revient trois fois (Cant. 1.4, 12 ; 7.5). Selon 1 Rois 4.32, 33, Salomon composa mille cinq cantiques, et il possédait une vaste connaissance de la nature. Le Cantique des cantiques est le seul qui ait été conservé ; vingt-deux noms de plantes y sont mentionnés et quinze d’animaux. Salomon régna de 970 à 931 av. J.C. environ, aussi peut-on situer la date de ce cantique au milieu du 10e siècle av. J.C.
D’un point de vue purement extérieur, on peut déduire que le Cantique des cantiques a été écrit par un seul auteur en raison déjà de la présence, tout au long du livre, des mêmes personnes : l’époux, l’épouse et les filles de Jérusalem. Des « refrains » similaires paraissent au début ou à la fin de certains paragraphes (Cant. 2.7 ; 3.5 ; 8.4 et 3.6 ; 6.10 ; 8.5). La septuple mention du nom de Salomon s’ajoute aussi à ces constatations.
Les commentateurs anciens et modernes soutiennent des opinions divergentes quant au caractère du Cantique des cantiques. Certains pensent que ce livre donne la description de l’amour du roi (Salomon) pour une pauvre bergère; selon une variante, la jeune fille était déjà promise à un berger, et elle lui demeura fidèle malgré la pression exercée par le roi. D’autres estiment qu’il s’agit de l’assemblage d’une trentaine (!) de poèmes d’amour et de mariage différents. Enfin, relevons l’interprétation selon laquelle l’origine du Cantique des cantiques se trouve dans des hymnes du culte babylonien de Tammuz : des chants idolâtres.
Les suppositions les plus diverses circulent également sur la personne de la Sulamithe (Cant. 6.13) ; mais elles manquent toutes d’une base scripturaire solide. Les informations contenues dans les Saintes Ecritures permettent toutefois de conclure que, malgré ses mille femmes (1 Rois 11.3), Salomon n’avait pas un cœur satisfait. Une seule bergère, toute simple, donna au roi l’amour, la joie et la satisfaction qui, selon la pensée de Dieu, doivent caractériser et régir la relation entre la femme et l’homme (Gen. 2.18, 24).
Cela nous amène à la question suivante : quel est le but du Saint Esprit dans ce livre ? A cet égard aussi il existe de nombreuses interprétations, que nous mentionnerons brièvement. Dès les temps les plus reculés, les Juifs ont vu dans le Cantique des cantiques une description de l’amour de l’Éternel pour son peuple Israël. Au début de la période du christianisme, les Pères de l’église ont transposé cette explication à l’amour de Christ pour son Assemblée ou Église (ekklésia). Selon une autre conception, il s’agirait de différents chants célébrant l’amour conjugal.
Cependant, tout à fait indépendamment des diverses explications, le thème de ce livre ne peut être que la description de la relation du résidu croyant d’Israël avec son roi, le Messie. Il est vrai que l’Assemblée de Dieu est aussi une épouse, mais elle est l’épouse, la femme, de l’Agneau (Apoc. 19.7 ; 21.2, 9). Dès le début, il existe entre elle et l’époux une relation fermement établie en raison de l’œuvre de Christ et de l’habitation du Saint Esprit, quand bien même la perfection extérieure ne sera réalisée que lors des noces de l’Agneau.
Dans le Cantique des cantiques, Salomon comme roi est cependant une figure (un type) de Christ, le vrai Roi de paix. Le contenu du Cantique des cantiques montre précisément que l’épouse décrite ne jouit pas encore d’une communion assurée avec le roi, mais qu’elle la souhaite ardemment et languit après l’amour de l’époux.
Le Cantique des cantiques consiste essentiellement en une série de dialogues entre l’époux et l’épouse. D’autres personnes sont également introduites : les filles de Jérusalem, les gardes de la ville, les frères et la petite sœur de l’épouse ; mais elles ne jouent qu’un rôle secondaire.
L’amour de l’époux est d’abord décrit, puis celui croissant de l’épouse, dont le lien avec l’époux se renforce de plus en plus, jusqu’à ce qu’elle entre finalement dans la pleine jouissance de son amour. Ce développement de l’amour et de la confiance, comme aussi l’approfondissement de l’expérience, sont clairement exprimés dans les paroles suivantes de l’épouse :
Il est évident que ce livre contient aussi des enseignements pour notre époque. Il peut donc être appliqué pratiquement à la relation personnelle d’un croyant avec son Seigneur.
Les Juifs orthodoxes maintiennent l’ancienne tradition selon laquelle les hommes âgés de moins de trente ans ne doivent pas lire le Cantique des cantiques. Simultanément, les Juifs ont mis cet écrit au rang des livres les plus saints et lui portent, par conséquent, une haute estime; pour ce qui nous concerne, il nous convient d’adopter la même attitude. Il s’agit précisément d’un poème oriental, caractérisé par un style particulièrement riche en images. Le langage imagé de l’amour abonde ici en déclarations fleuries, sentimentales et en partie très expressives. Mais un Oriental ou un Hébreu ne considérerait pas ce livre comme la description d’une passion voluptueuse ! Un tel jugement n’a été porté que par la civilisation occidentale dite chrétienne, pour qui, jusqu’au milieu du 20e siècle, tout ce qui touchait à la sexualité était tabou (comp. ici le paragraphe : « La poésie hébraïque »).
Dans les livres des prophètes de l’Ancien Testament, le peuple Israël est très souvent appelé la femme de l’Éternel (Jér. 31.32); elle lui a été infidèle et a été, de ce fait, rejetée (comp. Es. 54.6, 7 ; Jér. 3.1-5 ; Osée 1 à 3). Après la mort de Salomon, la division d’Israël a suscité la naissance de deux royaumes: celui du sud, avec Jérusalem pour capitale, et celui du nord, avec Samarie. Ézéchiel (chap. 23) parle de ces deux entités issues d’un seul royaume comme de « filles d’une même mère » (comp. Jér. 3.6-14). Dans le Cantique des cantiques, la mère de l’épouse (Cant. 1. 6 ; 3.4 ; 8.2) et aussi les sœurs (Cant. 8.8) sont mentionnées.
Israël est donc présenté sous deux images différentes dans l’Ancien Testament. D’une part, la conversion de tout le peuple d’Israël à l’Éternel aux derniers jours est comparé au retour d’une femme infidèle (Es. 54.6). D’autre part, le résidu croyant de Juda est vu comme une épouse jeune et belle, qui est unie au Roi, le Messie. Dans le livre de Ruth aussi, la mère Naomi est une image du peuple Israël infidèle, tandis que la jeune Ruth qui devient la femme de Boaz, l’ancêtre du roi de paix, représente le résidu croyant juif (comp. Ps. 45 ; Es. 62.3-5).
Ajoutons encore pour terminer que la relation de l’Éternel avec son peuple Israël et celle du Seigneur Jésus avec son Assemblée présentent des différences fondamentales. En premier lieu, les illustrations utilisées se rapportent à des relations et à des époques toutes différentes, sous la loi dans l’Ancien Testament, et sous la grâce dans le Nouveau. Deuxièmement, l’époux de l’Ancien Testament est l’Éternel, respectivement son Oint, le Messie, alors que dans le Nouveau Testament, c’est l’Agneau. Enfin l’union entre le Messie et son épouse terrestre est consommée sur la terre après l’apparition du Seigneur, tandis que les noces de l’Agneau auront lieu auparavant dans le ciel.
I. Cantique des cantiques 1.1 à 2.7 : | La certitude de l’amour |
II. Cantique des cantiques 2.8 à 3.5 : | La recherche de l’amour |
III. Cantique des cantiques 3.6 à 5.1 : | La communion de l’amour |
IV. Cantique des cantiques 5.2 à 6.9 : | La restauration de l’amour |
V. Cantique des cantiques 6.10 à 8.4 : | Le témoignage de l’amour |
VI. Cantique des cantiques 8.5-14 : | La perfection de l’amour |
Tiré de « Vue d’ensemble de l’Ancien Testament »,
Arend Remmers, EBLC Chailly-Montreux Suisse.
Cette Bible est dans le domaine public.