Nous ne connaissons Nahum que par son livre ; il est appelé 1.1 Nahum l’Elkoschite ou d’Elkosch. Jérôme nous apprend que, comme il voyageait en Galilée, son guide lui signala un bourg de peu d’importance appelé Elcesi ou Helcesaï : c’est probablement la patrie de Nahum. On a voulu, à tort, reconnaître son nom dans celui de la ville de Capernaüm (bourg de Nahum) ; une autre tradition, mentionnée pour la première fois au XVIe siècle, prétend que l’on peut voir le tombeau de Nahum dans le village d’Alkusch, à deux journées de Mossoul ; mais c’est une légende faite après coup et analogue à celle qui place à Ninive le tombeau de Jonas. Rien n’indique, en effet, que Nahum ait habité l’Assyrie ; ce qu’il dit de Ninive était connu de toute l’Asie.
Ce sont les découvertes assyriennes de ces dernières années qui permettent de fixer cette date avec une certaine précision. On mettait d’ordinaire cette prophétie en relation avec l’expédition de Sanchérib contre Ézéchias en 701, et l’on supposait que depuis la catastrophe qui atteignit l’armée de ce roi, les rapports de Juda avec l’Assyrie avaient complètement cessé (si l’on excepte le récit isolé de 2 Chroniques 33.11).
Nous sommes aujourd’hui beaucoup mieux renseignés sur cette période, et nous savons, en particulier, à quel événement se rapporte, selon toute probabilité, le passage 3.8-10 sur la ruine de No-Amon. Sanchérib fut assassiné en 681 par ses deux fils aînés, jaloux de la faveur que leur père témoignait à leur frère cadet ; mais leur entreprise échoua ; ils durent s’enfuir dans les montagnes, et ce fut ce troisième fils de Sanchérib, Asarhaddon, qui succéda à son père (681-668). Il fut le plus puissant de tous les rois d’Assyrie ; son empire s’étendait depuis la Médie jusqu’à la mer Méditerranée ; les provinces ne songèrent pas à se soulever contre son gouvernement juste et modéré, et Babylone elle-même, qui avait cherché à secouer le joug de tous ses prédécesseurs, lui demeura soumise. Mais l’Asie ne lui suffit pas, et, comme jadis les Pharaons de la XVIIIe dynastie avaient conquis la Mésopotamie, il voulut à son tour attaquer l’Égypte. Il s’empara de Memphis et de tout le pays jusqu’à Thèbes (Ni assyrien = No hébreu). Tirhaka, roi d’Éthiopie, fut chassé, et Assarhaddon, à son retour, raconta ses exploits dans une inscription que l’on a retrouvée sur une paroi de rocher près de Beyrout. Il était impossible que la Palestine échappât à son attention, et nous trouvons, en effet, Manassé de Juda mentionné parmi les vingt-deux rois des Héthiens qui étaient ses tributaires. Il abdiqua en 668 en faveur de son fils Assurbanipal. Ce nouveau roi sut encore conserver l’unité de l’empire que son père lui avait légué ; mais sous son règne, de fréquentes révoltes dans les provinces firent pressentir la décadence prochaine de la puissance assyrienne. Assurbanipal sut, sans doute, réprimer ces rébellions, et il le fit avec une cruauté telle que la haine du nom de Ninive se répandit dans toute l’Asie. Il était à peine sur le trône qu’une nouvelle invasion de Tirhaka le força d’entreprendre une expédition contre l’Égypte ; il reçut à cette occasion l’hommage de Manassé et de tous les rois de l’Asie occidentale ; il prit Memphis et rétablit les petits souverains installés par son père. Mais à la mort de Tirhaka, en 664, le successeur de ce dernier, Rud-Amon, recommença la guerre ; l’armée assyrienne reprit le chemin de l’Égypte et remporta des succès brillants ; Thèbes fut prise et saccagée, et les inscriptions énumèrent tous les trésors qui furent rapportés à Ninive1.
Il est très probable que Nahum fait allusion à ce dernier désastre ; et les circonstances que son livre suppose correspondent tout à fait à ce que nous venons de dire du règne d’Assurbanipal : Ninive est encore dans toute sa splendeur (1.12 ; 2.12) ; mais son nom est haï par tous les peuples (3.7,17) ; sa rapacité et sa cruauté crient vengeance (2.12 ; 3.1,4) ; malgré son éclat, sa ruine est imminente (3.12). Nous pouvons conclure de tous ces faits que notre livre a été écrit vers 660, du temps de Manassé, et quand le souvenir du sac de Thèbes était encore vivant dans tous les esprits.
Le contenu de cette prophétie est résumé dans son titre : c’est la sentence prononcée contre Ninive. Nahum sait qu’il parle au nom de l’Éternel, qui n’est plus seulement le Dieu du petit royaume de Juda, mais le souverain du monde et le justicier des nations. Il annonce, au chapitre 1, que la colère de l’Éternel s’embrase contre Ninive ; au chapitre 2, il décrit en un tableau prophétique la ruine de la ville ; au chapitre 3, il montre que ce sont ses crimes qui lui ont valu un tel sort. Nahum atteint à la grandeur de pensée et d’expression d’un Ésaïe ; quand il cite Ninive à la barre du tribunal, il se sait le héraut de l’Éternel. Son langage est concis, véhément ; à chaque instant, il s’adresse à un nouvel interlocuteur, tantôt à Ninive ou à son roi, tantôt à Jérusalem. Et de fait, sa prophétie a une double face, car la ruine de Ninive, c’est la délivrance de Jérusalem ; voilà pourquoi Nahum interpelle tour à tour les deux villes, l’une pour la menacer, l’autre pour lui annoncer son salut. Ce livre ne contient pas de prophétie messianique, mais sa pensée centrale, la souveraineté de l’Éternel sur le monde, se rattache intimement à cette conception du règne de Dieu dont le Messie est la figure essentielle.