Le nom de Zacharie (en hébreu Zecaria) est un des plus fréquents dans l’Ancien Testament qui mentionne au moins vingt personnages différents auxquels il est attribué. Il signifie « celui dont l’Éternel se souvient », ou simplement « l’Éternel se souvient ». L’auteur de notre livre est appelé « fils de Barachie, fils d’Iddo ». Esdras (5.4 et 6.14) le nomme à côté d’Aggée comme ayant, avec lui, provoqué la reconstruction du temple, mais en le désignant sous le nom de « fils d’Iddo ». Il n’y a aucune contradiction entre cette indication d’Esdras et les données du livre de Zacharie ; en effet, l’Ancien Testament passe souvent sur les termes intermédiaires d’une généalogie pour relever seulement les noms principaux, en les rattachant ainsi immédiatement les uns aux autres (comparez 2 Rois 9.14 et 20 ; voir Matthieu 1.8, où, entre Joram et Ozias, sont omis les noms de quatre souverains de Juda) ; par conséquent le terme « fils » prend parfois le sens de descendant.
Le père de Zacharie est probablement mort jeune et sans avoir occupé aucune position importante. Iddo, au contraire, doit avoir joué un certain rôle au milieu des exilés rentrés dans leur patrie. Il est mentionné Néhémie 12.4, comme chef d’une des familles sacerdotales revenues de Babylone et comme ayant exercé le sacerdoce sous le souverain sacrificateur Jéhosua. Néhémie 12.16 donne au successeur de ce même Iddo sous la souveraine sacrificature de Jéhojakim, fils de Jéhosua, le nom de Zacharie. Il s’agit certainement du même Iddo et du même Zacharie que mentionnent Esdras 5.1 et 6.14. Il résulte de ces passages de Néhémie qu’Iddo a dû vivre longtemps encore après le retour de l’exil, car, au moment de la reconstruction du temple, Jéhosua était encore souverain sacrificateur. Zacharie devait donc être à peine dans la force de l’âge lorsqu’il commença son ministère prophétique en 520. Ces quelques détails sont les seuls renseignements que contienne l’Ancien Testament relativement à Zacharie. On peut les résumer comme suit : Il naquit sans doute dans l’exil, dix ou vingt ans avant l’édit de Cyrus ; son ministère prophétique embrassa les années 520 à 516 ; plus tard, il revêtit la charge sacerdotale que lui transmit son grand-père Iddo (son père, Barachie, étant mort avant lui), Nous ne pouvons attacher aucune créance aux traditions rabbiniques qui présentent Zacharie comme un vieillard, lors du retour en 536 ; il aurait, pendant l’exil, annoncé à Jéhotsadak la naissance de son fils Jéhosua et à Séalthiel celle de Zorobabel ; il aurait également prédit à Cyrus sa victoire sur Crésus, roi de Lydie, et à Israël l’édit du grand roi, en accompagnant toutes ses prédictions de signes extraordinaires. Nous ne nous arrêterons pas davantage au récit que l’on fait de sa mort violente ; car, dans Matthieu 23.34-35, Jésus fait évidemment allusion au meurtre de Zacharie, fils de Jéhojada, lapidé par ordre du roi Joas dans le parvis de la maison de l’Éternel (2 Chroniques 24.21ss), et non au meurtre présumé de notre prophète. Les rabbins et les Pères confondent si étrangement le petit-fils d’Iddo et le fils de Jéhojada, ils mettent si bien le comble à la confusion en identifiant en outre notre Zacharie avec Zacharie, fils de Jebéréchia, mentionné Ésaïe 8.2, que l’on ne peut ajouter la moindre foi aux renseignements qu’ils nous donnent. Il serait étrange que deux prophètes du même nom eussent subi le même sort et au même endroit. Le souvenir de ce nouveau meurtre se fût certainement conservé vivant dans la mémoire du peuple d’Israël qui n’a jamais oublié celui du fils de Jéhojada. Esdras et Néhémie y eussent sans doute fait allusion. Les mots « fils de Barachie », dans Matthieu 23.35, sont ou une simple erreur de mémoire de l’évangéliste ou une faute de copiste. Ils ne se trouvent pas dans le parallèle Luc 11.51. Suivant Jérôme, l’Évangile des Hébreux portait « fils de Jéhojada », au lieu de « fils de Barachie ».
Les circonstances au milieu desquelles Zacharie a commencé son ministère prophétique sont connues ; elles sont à peu près les mêmes que celles qui ont provoqué la prédication d’Aggée (voir l’introduction à ce prophète), d’après 1.4, Zacharie a paru un peu plus tard qu’Aggée. Rien ne nous force, en effet, d’admettre que son livre ne contienne pas ses premières prophéties.
La construction du temple avait déjà recommencé depuis quelques semaines quand Zacharie prononça sa première prophétie (1.1-6) ; c’était au 8e mois de la 2e année de Darius, donc plus de deux mois après la première prophétie d’Aggée (1.1), mais un mois avant les dernières prédictions contenues dans le livre de celui-ci.
La deuxième prophétie de Zacharie est datée du 24e jour du 11e mois de la même année (1.7), ainsi deux mois après les derniers discours d’Aggée, et la troisième (7.1) du 4e jour du 8e mois de la 4e année de Darius, c’est-à-dire deux ans après Aggée. Prononcées pendant que le peuple travaillait avec zèle à la construction du temple de l’Éternel, ces prophéties sont comme une pierre apportée par le prophète à l’édifice commun ; il encourage, console, exhorte, en montrant l’avenir brillant réservé à Israël et les bénédictions abondantes qui se rattacheront à la restauration du sanctuaire de l’Éternel.
À côté de ces trois prophéties datées, le livre en contient deux autres non datées (chapitres 9 à 11 et 12 à 14), qui paraissent avoir été prononcées dans de tout autres circonstances. L’époque probable de ces prophéties fera le sujet d’une étude particulière, quand nous serons arrivés au chapitre 9.
La première partie du livre de Zacharie, chapitres 1 à 8, se divise naturellement en deux morceaux d’inégale longueur : chapitres 1 à 6 ; chapitres 7 et 8.
Chapitres 1 à 6 est composé en majeure partie de visions, et débute par une sorte de prologue, un appel à la repentance et à la conversion (1.1-6). Puis viennent huit visions, vues en une seule nuit, et décrivant, sous une forme quelquefois énigmatique, l’avenir d’Israël avec ses saintes perspectives. Au fond, c’est le développement de la dernière prophétie d’Aggée (Aggée 2.20-23).
Ces trois premières visions sont à elles seules un tout, présentant le tableau de la renaissance d’Israël et de la consommation finale de ses espérances.
Les cinq visions suivantes décrivent les moyens dont Dieu va se servir pour préparer la réalisation de cet avenir glorieux ; elles se rapportent plutôt à l’état intérieur du peuple, aux conditions actuelles de son futur développement.
Suit un acte symbolique, qui couronne le tout et complète en particulier les 4e et 5e visions : Les couronnes posées par le prophète sur la tête de Jéhosua (6.9-15).
Les chapitres 7 et 8 renferment la réponse de Dieu à une demande de la ville de Béthel, relative à la célébration des jours de jeûne institués en souvenir des principales circonstances de la ruine de Jérusalem.
D’après l’exposé qui précède, on peut juger de la place qu’occupe dans le livre de Zacharie le langage symbolique. Les visions y dominent, marquées d’un cachet extraordinaire à peu près inconnu des prophètes antérieurs. Les anges figurent dans chaque tableau ; Satan paraît également, 3.1-2 ; l’auteur mentionne nombre d’êtres ou d’objets aux formes et à l’apparence significatives (1.8 ; 1.18 ; 3.9 ; 4.2 ; 5.2) et emploie fréquemment des chiffres symboliques (1.18 ; 3.9 ; 4.2). Sans méconnaître le caractère propre de la vision, que l’homme ne fait pas, mais qu’il reçoit, on peut conclure de l’examen des visions de Zacharie, que ce dernier a subi l’influence du milieu babylonien dans lequel il passa les premières années de sa vie, et dont les émigrants, à leur retour en Palestine, avaient certainement dû emporter quelque chose. La comparaison des prophéties de Zacharie avec celles d’Ézéchiel, prononcées à Babylone même, semble justifier une semblable conclusion. Mais, l’influence babylonienne s’arrête, chez Zacharie comme chez Ézéchiel, à la forme, au caractère extérieur de la vision ; elle n’a aucune action sur la pensée proprement dite, sur les espérances et conceptions de l’auteur. Zacharie s’est formé à l’école des prophètes de son peuple, dont il continue l’œuvre au milieu de ses contemporains. Son livre contient de nombreuses allusions aux écrits de ses devanciers. Comparez par exemple :
Dans quelques passages les expressions employées par Zacharie sont identiques à celles du prophète mis à contribution ; comparez :
Les prophéties de Zacharie ont toujours été mises au nombre des plus obscures. Les anciens déjà (en particulier Jérôme) se plaignaient des difficultés qu’offre l’explication de ces visions, et les modernes suivent leur exemple. Ces plaintes nous semblent avoir été fort exagérées, du moins quant aux visions, dont la pensée et l’application paraissent au contraire assez transparentes.
Le style de Zacharie est d’une extrême simplicité ; il conserve partout, même dans les visions les plus riches en symboles extraordinaires, une allure tranquille et recueillie (1.18 ; 2.1 ; 4.1). Le prophète décrit, raconte, rapporte les ordres ou les promesses que Dieu lui a donnés, mais ne se laisse que rarement entraîner à manifester ses sentiments personnels. Le fragment 2.6-13 est le seul morceau poétique de la première partie du livre. Les chapitres 7 à 8 ont un style plus élevé, plus vif que les visions, mais rendu un peu lourd par la répétition fréquente des mêmes formules ; ce style ne dépasse pas le niveau de la prose, malgré quelques traces de parallélisme poétique. Du reste, la langue de Zacharie est un hébreu pur, qui soutient fort bien la comparaison avec la langue des écrivains d’avant l’exil.
L’introduction à la seconde partie (chapitres 9 à 14) sera donnée en tête du chapitre 9.