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Ce mot est mède ou persan, et signifie grand ; il désignait primitivement, comme nom propre, une tribu mède qui avait en quelque sorte le monopole des choses saintes, le soin des objets relatifs au culte, et le devoir d’instruire la jeunesse et l’âge mûr dans les mystères de la superstition, comme la famille de Lévi était chez les Hébreux la tribu dépositaire des oracles de Dieu et chargée de la cure des âmes. La caste des mages passa des Mèdes chez les Perses, à qui elle communiqua la civilisation ; elle acquit bientôt un développement et une puissance prodigieux, et accapara l’instruction publique, la religion, la divination et la magie ; ils jouirent d’un grand crédit auprès des rois, mais se servirent de leur influence pour intervenir dans la politique, et présidèrent à plusieurs révolutions (Hérodote 3.61), comme il est arrivé à tant d’ordres ecclésiastiques qui se sont rendus successivement aimables à force de souplesse, nécessaires à force d’habileté, et redoutables à force d’audace et d’intrigues. Zoroastre, au septième siècle avant l’ère chrétienne, introduisit plusieurs réformes chez les mages mèdes, qui s’adonnaient particulièrement à l’astrologie et à l’interprétation des songes ; il les divisa en trois classes, les herbeds ou élèves, les mobeds ou maîtres, et les desturmobeds ou maîtres parfaits.
Il est aussi parlé de mages chez les Chaldéens (Jérémie 39.3-13), et les auteurs profanes nous montrent la même caste chez un grand nombre d’autres peuples de l’antiquité : Pline parle de mages de l’Arabie, de l’Égypte et de l’Éthiopie ; l’interprète grec Aquila donne le même nom à ceux qui interrogeaient les morts (Deutéronome 18.11) ; de même encore Théodotion pour désigner les astrologues de Babylone (Daniel 2.2 ; cf. Matthieu 2.1). Il n’est pas à croire que les mages perses et mèdes aient volontairement abandonné leurs prérogatives à d’autres, mais on peut supposer que ce nom est devenu d’un usage plus étendu, et qu’il a servi plus tard à désigner d’une manière générale les sages d’autres nations ; les Chaldéens appelaient probablement ainsi leurs savants, et Jérémie aura répété ce titre comme il l’avait entendu de leur bouche. Les Chaldéens possédaient en effet une caste de prêtres savants très distingués, et organisés à peu près de la même manière que celle des Perses (cf. Jérémie 30.15 ; Daniel 2.12), et ils étaient indifféremment nommés mages ou chaldéens par les Romains et les Grecs. Ils vivaient dispersés dans toutes les villes du pays, et pouvaient posséder. Comme leur religion était passablement une affaire d’étoiles, ils avaient construit de bonne heure sur le temple de Bélus un observatoire qui était le complément obligé de leur culte ; c’est de là qu’ils prédisaient des calamités publiques ou des bouleversements de la nature, lisant dans les astres, dans le vol des oiseaux, et dans les entrailles des victimes, tout à la fois prêtres, augures et devins (Ésaïe 47.9-13 ; Daniel 2). Ils apparaissent dans le livre de Daniel sous plusieurs noms différents qui se rapportent sans doute aux différentes classes ou branches de l’ordre, à leurs diverses spécialités, mais que nous ne sommes pas en mesure de déterminer d’une manière précise. Au-dessus de la caste se trouvait un chef ou surintendant (Jérémie 39.3), et nous voyons que Daniel, un étranger, un Hébreu, fut établi dans cette haute dignité par la faveur royale (Daniel 2.48).
Le nom de mages fut donné plus tard, sous les Romains, à tout ce qui s’occupait de théosophie ou de magie orientale, à tous les astrologues, devins et jongleurs ambulants de l’Asie, qui joignaient à tous ces titres déjà usés, le mérite d’être un peu médecins. On voit (Actes 8.9 ; 13.6-8) qu’ils avaient pénétré bien avant dans la faveur et l’estime publique.
On s’est perdu en conjectures pour savoir quels pouvaient être les mages qui vinrent chercher, pour l’adorer, le Sauveur du monde (Matthieu 2.1). Ils venaient d’Orient, nous dit Matthieu, et cette expression vague (v. 9), de même que celle du verset 12, montrent qu’il ne pouvait, ou qu’il ne voulait pas en dire davantage. Quelques auteurs ont cru trouver, dans les dons qu’ils apportaient, une preuve qu’ils venaient d’Arabie ; mais cette preuve est ridicule ; car de l’or, de la myrrhe et de l’encens, on peut en acheter partout. L’opinion qui se justifie le plus est celle qui les fait venir de Perse ou des contrées voisines de la Perse ; le système de la religion Zend est celui des systèmes païens qui renfermait peut-être le plus de germes de la vérité ; on y trouvait, entre autres, l’idée d’un Sosiosh, d’un Rédempteur qui devait venir. Les rapports des Perses avec les Juifs avaient favorisé pour eux une certaine fusion des doctrines israélites dans le système de leur religion populaire. L’étoile qui sert de guide aux mages, rappelle cette religion astronomique des Perses, et peut avoir été choisie de Dieu comme un flambeau qui ne leur était pas inconnu, et qui devait, plus sûrement qu’un autre, en tenant compte de leurs préoccupations habituelles, les amener vers une lumière plus grande, la seule véritable ; enfin, peut-être, le souvenir des calculs de Daniel, qui avait été chef des mages, et dont les travaux avaient été sans doute étudiés et médités par les plus fidèles de ses adhérents, aura contribué à donner aux mages cette assurance et cette foi qui ne les abandonna jamais, qui surprend celui qui n’entend rien aux choses de Dieu, mais qui ne saurait étonner celui pour qui la parole divine est une règle suffisante de doctrine et de conduite. On sait combien, d’après le témoignage des auteurs profanes, le monde entier était dans l’attente d’un roi puissant qui devait se lever dans les mêmes contrées où le soleil se lève ; mais cette attente, vague et incomprise chez ceux mêmes qui la partageaient, était plus claire et plus grande chez les mages ; le roi qu’ils attendaient n’était pas un conquérant qu’ils dussent fuir, c’était un sauveur qu’ils devaient chercher. L’ancienne église a vu, dans cette visite des mages, la salutation reconnaissante et respectueuse avec laquelle le monde païen devait accueillir celui qui venait rompre la clôture de la paroi mitoyenne, rendre à Dieu l’humanité, aux hommes l’espérance et leur Dieu. La tradition, l’on ne sait trop pourquoi, a fait de ces mages des rois, et a fixé leur nombre à trois, qu’elle a baptisés : Gaspard, Melchior et Balthasar. Ce seraient les seuls rois qui eussent adoré le Roi des rois pendant son séjour sur la terre, et rien ne justifie une tradition qui n’a pris naissance que tard, et que Calmet et d’autres catholiques regardent à la fois comme indifférente en elle-même, et sans fondement dans l’histoire. C’est toujours la même passion de vouloir introduire la grandeur terrestre dans la grandeur céleste. L’adoration des mages a heureusement inspiré M. L. Delàtre dans un morceau de ses Chants de l’exil (chez Gosselin) :
Le voyage est fini, l’étoile aux ailes d’or
Sur l’humble Bethléem arrête son essor, etc.
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