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Année

L’année des Hébreux se divisait en six saisons, composées chacune d’un mois et de deux demi-mois. Ils avaient deux époques, à dater desquelles ils comptaient le commencement de l’année, suivant les objets qu’ils avaient en vue : ils avaient ainsi deux années différentes qui s’enchâssaient l’une dans l’autre, l’année sacrée et l’année civile. Cette dernière commençait, comme encore chez les Juifs de nos jours, au mois de Tisri, (mi-septembre) ; elle servait pour régler les jubilés et toutes les affaires civiles (Lévitique 25.8-10). L’autre, l’année sacrée, commençait au mois d’Abib ou Nisan (mi-mars), parce que c’est dans ce mois que les Israélites furent délivrés de la captivité d’Égypte (Exode 12.2). C’est d’après elle que se réglaient les fêtes et les services religieux ; la fête de Pâque qui tombait au milieu du premier mois, était comme la dédicace ou la mère des autres solennités.

Comme les mois des Juifs suivaient plus que les nôtres la marche de la lune, et qu’ils étaient alternativement de 29 et de 30 jours, leur année était nécessairement plus courte que la nôtre, et ne comptait que 354 jours et 8 heures. Pour la faire correspondre avec l’année solaire, ils devaient par conséquent intercaler tous les deux ou trois ans, un mois supplémentaire qui se plaçait après le mois Adar, le douzième de l’année sacrée, et qu’on appelait pour cette raison second Adar (Beadar ou Veadar). Nous donnons ici les noms des douze mois, en renvoyant pour plus de détails soit à l’article mois, soit à leurs articles respectifs, pour ce qu’il y a à dire sur chacun de ces mois en particulier.

1°. Année civile. Tisri ou Ethanim (correspondant à notre fin de septembre et commencement d’octobre ; nous n’indiquons, pour abréger, que le mois de septembre) ; Marchesvan ou Bul (octobre) ; Kisleu (novembre) ; Tebeth (décembre) ; Sébat (janvier) ; Adar (février, suivi de Beadar quand il y avait lieu) ; Nisan ou Abib (mars) ; Jyar ou Zif ou Jiar (avril) ; Sivan (mai) ; Thammuz (juin) ; Ab ou Af (juillet) ; Elul (août). Les noms de Tisri, Marchesvan, Jiar, Thammuz et Ab ne se trouvent pas dans l’Écriture.

L’année sacrée, commençant avec le septième mois de l’année civile, et se rapprochant davantage de la nôtre, comptait donc les mois dans l’ordre suivant : 1° Abib (mars) ; 2° Jyar ; 3° Sivan ; 4° Thammuz ; 5° Ab ; 6° Êlul ; 7° Tisri ; 8° Bul ; 9° Kisleu ; 10° Tebeth ; 11° Sebat ; 12° Adar ; le mois intercalaire Beadar était le dernier de l’année sacrée.

Nous avons à mentionner ici deux institutions mosaïques bien extraordinaires pour nos mœurs, mais dont l’intention, dans la pensée du législateur, ne saurait être douteuse, savoir l’année du sabbat et l’année du jubilé.

3°. L’année sabbatique ou de repos tous les sept ans. Les travaux de la campagne devaient être interrompus ; on ne pouvait ni ensemencer les champs, ni tailler la vigne dans cette année extraordinaire (Lévitique 25). Le propriétaire même ne pouvait pas jouir exclusivement des produits naturels de son domaine, et les fruits de la terre devaient être la propriété des pauvres (Exode 23.11). Les esclaves hébreux pouvaient être affranchis s’ils le voulaient. Et pour rassurer le cultivateur inquiet, Dieu promit aux propriétaires que l’année qui précéderait celle du sabbat, il enverrait sa bénédiction sur la terre, de telle sorte qu’elle produirait pour trois années (Lévitique 25.21). Durant cette septième année, le livre de la loi devait être lu publiquement devant tout Israël, d’après un commandement exprès de Dieu.

La loi sabbatique fut probablement observée au temps de Josué et des anciens qui lui survécurent ; puis Israël se révolta contre l’Éternel pour servir Baal, et comme il n’en est plus fait mention postérieurement, la fêle de la septième année ne fut probablement plus considérée que comme une division de temps, et comme une institution civile. Cette négligence. et le mépris de cette loi, fut l’une des causes de la captivité des soixante et dix années (2 Chroniques 36.21).

Dans quel but Moïse a-t-il pu donner une loi si contraire en apparence au dessein qu’il s’était proposé d’arracher les Hébreux à leur vie nomade, et d’en faire un peuple d’agriculteurs ? Cette loi ne devait-elle pas d’ailleurs, sous un point de vue tout à fait matériel, fausser les notions agricoles des Hébreux, et nuire au sol plutôt que de lui profiter ? Remarquons à cet égard que, si chez nous un an de paresse pour la terre est comme un an de paresse pour l’homme et pour ses facultés intellectuelles, c’est-à-dire un temps de détérioration, nous ne devons pas juger du climat et du sol oriental d’après ce que l’un et l’autre sont chez nous. Plus vigoureuse et plus féconde, la vigne de la Palestine pouvait mieux supporter une année de repos et de mauvaise taille ; et les champs autrement travaillés que les nôtres, plus fertiles, plus chauds, et peut-être mieux entretenus dans la sixième année, pouvaient conserver pour l’année sabbatique une force naturelle qui les fit travailler même sans le concours de la charrue et des engrais. D’ailleurs l’Éternel avait promis sa bénédiction pour cette année qui devenait la sienne, et ceux qui se confient en l’Éternel connaissent la valeur d’une semblable promesse. On peut croire aussi que cette loi servait de transition entre la vie précédente nomade, et la vie future des Hébreux ; ce devait être pour eux comme un point de répit au milieu des rudes travaux de l’agriculture, qui les eussent effrayés sans l’espérance de cet otium dulce. Mais plus tard, accoutumés à ce nouveau genre de vie, ils voulurent l’utiliser tout entier, et négligèrent l’année de l’Éternel et des pauvres. De plus, en annonçant aux riches une année sans revenu, la loi les excitait au travail, à la prévoyance, à l’économie, tout comme elle y poussait les pauvres eux-mêmes, en leur donnant cette richesse passagère qu’ils devaient être jaloux de faire durer pendant les années qui devaient s’écouler jusqu’à la prochaine jachère septennale. Enfin, un dernier motif de cette loi, et qui certes n’était pas le moindre en importance comme en actualité : elle tendait à conserver au milieu des Hébreux le souvenir de la création et à augmenter leur respect pour l’institution d’un jour de repos au milieu d’eux. Aucun doute ne peut s’élever à cet égard, et l’on ne saurait méconnaître l’intention du législateur de rappeler encore au peuple, trop oublieux de ses devoirs, la nécessité d’observer le jour solennel du Créateur pour le sanctifier. Frappés par une loi de repos qui revenait de diverses manières et qui se présentait sous diverses formes, les Hébreux devaient y être rendus plus attentifs que si le sabbat leur eût été ordonné seul, isolé, sans dispositions analogues dans les autres parties de la loi générale du pays.

4°. Année du jubilé. Cette dernière observation s’applique également à la loi de l’année du jubilé ; elle venait tous les cinquante ans, après sept années de sabbat, et indiquait ainsi comme la clôture d’une semaine sabbatique (Lévitique 25.8-10). Le mot de jubilé, auquel on a donné diverses étymologies, vient probablement de Jobel qui signifie le son d’une trompette, parce que c’était au son de cet instrument que le soir du jour des expiations on annonçait l’approche de l’année jubilaire ; quelques rabbins prétendent même que chaque Israélite était obligé de sonner la trompette par neuf fois. Dès le moment où le bruit de l’airain sonore se répandait sur la surface du pays, les dettes étaient remises, les esclaves hébreux recouvraient leur liberté, les terres sorties des familles, par ventes ou par échanges, retournaient à leurs anciens possesseurs ou à leurs héritiers. C’était l’année des privilèges et de la liberté, l’année du pauvre et de l’esclave ; c’était aussi par excellence l’année de la nation juive, celle dans laquelle toutes choses rentraient dans l’état normal primitif, et où les propriétés reprenaient le nom de leur premier-maître.

Plus étrange encore à nos mœurs que la précédente, cette loi qui, sans doute, fut aussi moins religieusement observée, avait une portée plus nationale encore et plus théocratique, en même temps qu’elle avait pour but d’empêcher une trop grande inégalité des fortunes de s’introduire à la longue au milieu des Hébreux. Nous avons indiqué déjà son rapport avec l’institution du sabbat. Dieu lui-même avait donné aux Israélites la terre qu’ils habitaient, et il ne pouvait pas permettre qu’ils l’oubliassent. « La terre est à moi », dit-il (Lévitique 25.23), et les Hébreux n’étaient que ses fermiers ; s’ils eussent pu disposer à tout jamais des propriétés qui leur étaient confiées, ils eussent pu s’en croire les maîtres, et c’est ce que Dieu voulait empêcher. À cet égard la loi du jubilé était donc une loi fondamentale, et reposait sur cette idée, base de la constitution israélite, c’est que Dieu ne traitait son peuple que comme des étrangers sur la terre, et qu’il leur refusait le droit de posséder.

Mais que devenait l’Hébreu que la misère avait forcé de vendre son champ ? La modique somme qu’il en avait retirée devait être insuffisante pour l’entretenir lui et sa famille pendant le temps où il en était privé, et il était quelquefois obligé de se vendre lui-même, mesure pénible qui n’imprimait cependant aucune flétrissure sur celui qui y était réduit, et dont l’Éternel avait adouci l’amertume en lui donnant le droit de se racheter en l’année sabbatique, s’il le désirait, et en l’affranchissant nécessairement lorsque l’époque du jubilé venait lui rendre sa richesse première, ses propriétés, et abolir ses dettes. Cet affranchissement, comme le retour des propriétés à la famille de l’ancien possesseur, marquait encore la puissance de Dieu, et la dépendance de la créature. Aucun homme ne peut en posséder un autre, « car ils sont mes serviteurs », dit l’Éternel, (Lévitique 25.42). Ils sont mes serviteurs, mes esclaves, et ne peuvent être possédés par personne ; ils peuvent se mettre au service d’autrui pour un temps, mais personne ne peut réclamer sur eux des droits de propriété que moi seul je possède, moi l’Éternel. Par là même, chaque Hébreu conservait, avec sa liberté, le sentiment de sa dignité ; la servitude n’avait rien de dégradant, parce qu’elle n’était que temporaire et en quelque sorte volontaire : l’esclave restait Hébreu, fils d’Abraham, et le maître, sachant que le terme n’était pas éloigné où les fortunes redeviendraient égales, où son esclave redeviendrait libre comme lui-même, n’était pas tenté d’abuser d’une autorité qu’il savait n’être pas éternelle, et se rappelait que son serviteur était en même temps son frère. La différence des rangs ne devait donc pas s’établir d’une manière stable et permanente, et ne pouvait se trancher au-delà de certaines limites.

Cette loi empêchait encore une trop grande disproportion des fortunes. Les terres, primitivement partagées par égales portions entre les familles hébreues, ne pouvaient en sortir que pour un temps, et devaient, chaque année jubilaire, retourner à leur premier-maître, ou aux héritiers de ses droits et de son nom. C’était une entrave à la possibilité d’acquérir de grandes richesses : tous les cinquante ans le niveau repassait sur le pays. De plus, comme ces achats de terre n’étaient à proprement parler que des baux à longs termes, la terre n’avait pas une aussi grande valeur que si la vente en eût été réelle, effective ; l’acheteur n’achetait pas grand-chose, et le vendeur ne retirait pas de sa propriété de quoi s’enrichir : il ne pouvait y avoir grande spéculation ni chez l’un, ni chez l’autre.

Enfin, par cette institution, les terres des diverses tribus leur étaient conservées ; le cœur et le nom de chacun se rattachaient constamment à cette glèbe héréditaire, qui pouvait servir aux Hébreux de titres généalogiques ; de sorte que la famille de Christ, comme celle de tout Juif, étant intimement liée à la possession d’une propriété, il était facile d’en suivre les traces et d’établir avec certitude la filiation de chacun jusqu’aux générations les plus reculées. On sait combien les Juifs tenaient à leurs généalogies, et l’on sait aussi pourquoi. La famille du Messie habitant à Nazareth, avait ses titres et ses propriétés à Bethléhem : c’est là que la famille de David dut se faire enregistrer lors du dénombrement de César Auguste ; Joseph et Marie descendirent au lieu de leur naissance, et pendant ce voyage notre Sauveur naquit au lieu même que les prophètes avaient annoncé.

L’année jubilaire est un type remarquable de la rédemption procurée par Jésus-Christ (Ésaïe 61.1-2), et le Sauveur lui-même établit cette analogie entre l’Évangile et le jubilé (Luc 4.19).

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