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Les livres apocryphes connaissent trois hommes de ce nom, que nous ne rappelons ici que pour mémoire, le père d’Alexandre-le-Grand (1 Maccabées 1.4 ; 6.2), le roi de Macédoine fils de Démétrius II, vaincu par le proconsul Quinctius Flaminius ; il y est fait allusion (1 Maccabées 8.5) ; enfin un favori d’Antiochus Epiphanes qui fut nommé gouverneur de la Judée (2 Maccabées 5.22).
On trouve dans le Nouveau Testament quatre hommes et une ville de ce nom.
1°. Fils d’Hérode le Grand et de Cléopâtre, qui devint à la mort de son père tétrarque dans la Batanée, la Gaulonite, la Trachonite, la Panéade, l’Auranite et l’Iturée (Luc 3.1). D’un caractère doux et facile, de beaucoup le meilleur des fils d’Hérode, il s’occupa avec zèle des affaires publiques, agrandit la ville de Bethsaïda qu’il nomma Juliade en l’honneur de la fille d’Auguste, embellit et fortifia la ville de Panéade au pied du Panium, non loin des sources du Jourdain, la nomma Césarée en l’honneur de Tibère, et vit son nom réuni à celui de son maître dans la désignation de cette ville qu’il était nécessaire de distinguer de l’autre Césarée (Matthieu 16.13 ; Marc 8.27). Il mourut à Juliade, la vingtième année de Tibère, l’an 33 ou 34 de l’ère chrétienne, après un règne d’environ trente-cinq ans. Comme il n’avait point d’enfants, ses possessions passèrent à la province romaine de Syrie.
2°. Connu dans l’histoire sous le nom d’Hérode (Luc 3.19), paraît avoir, en effet, porté ces deux noms. Il était frère de père du précédent, fils de Hérode le Grand et de la seconde Mariamne, fille du Grand prêtre Simon. Déshérité par son père, il eut une vie obscure, et n’est guère connu que par sa femme et sa fille. Hérodiade, aigrie peut-être de l’obscurité de son mari, se laissa séduire par Hérode Antipas, frère de celui-ci (Matthieu 14.3 ; Marc 6.17). Salomé sa fille épousa, dit-on, son oncle, Philippe, celui dont il est parlé ci-dessus, voir Hérode.
3°. Apôtre, de Bethsaïda, disciple d’abord de Jean-Baptiste, puis de Jésus (Matthieu 10.3 ; Marc 3.18 ; Luc 6.14 ; Actes 1.13). Il fut l’un des premiers à qui le maître dit : Suis-moi. C’est l’Évangile de selon Jean qui nous donne le plus de détails sur sa vie, sans qu’il y en ait assez cependant pour qu’on puisse déterminer bien exactement son caractère. Ainsi sa vocation est racontée (1.43ss), et d’après les détails qui en accompagnent le récit, d’après la conversation de Philippe avec Nathanaël, on voit que Jésus avait eu déjà un entretien particulier avec son nouveau disciple, et qu’il s’était fait connaître à lui. Les paroles de Philippe à Nathanaël : « Viens et vois » montrent déjà que l’esprit du christianisme est le prosélytisme, et en outre que c’est un prosélytisme chrétien qui repose sur la preuve et la persuasion. Le Seigneur veut éprouver la foi de Philippe (Jean 6.5), c’est pour cela qu’il lui dit lors du miracle de la multiplication des pains : « D’où achèterons-nous des pains, afin que ceux-ci mangent ? » Il est inutile de rechercher si Philippe était chargé de quelques fonctions spéciales dans le collège des apôtres ; c’est peu probable, et d’ailleurs ce n’est pas là qu’on doit chercher pourquoi notre Seigneur s’adresse à Philippe plutôt qu’aux autres ; l’évangéliste nous explique la demande du Seigneur. L’apôtre ne comprenant pas même que Jésus voulût l’éprouver, lui répond comme ayant oublié les miracles précédents de son maître : Deux cents deniers de pain ne suffiraient pas, quand chacun n’en prendrait qu’un petit morceau. Sa foi, comme celle de ses collègues, avait encore besoin d’être raffermie. Quelques Grecs prosélytes, ou des Juifs demeurant parmi les gentils, désirant voir Jésus, s’adressent à Philippe (12.21) qui n’ose les présenter seul, consulte André, et se rend avec lui auprès du Seigneur ; la réponse qu’il leur donna permet de croire que ces Grecs nourrissaient à son sujet quelques-unes des idées alors assez répandues d’une royauté terrestre (cf. Matthieu 20.20 ; Marc 10.35) ; ils avaient peut-être été témoins de son entrée triomphale à Jérusalem, ils avaient entendu les cris et les vœux de la multitude, ils désiraient voir pour se le concilier le futur roi du pays. L’historien sacré ne dit pas si la réponse du Seigneur les attira ou si elle les repoussa, s’ils se joignirent à lui ou s’ils s’en éloignèrent. Enfin, comme Jésus enseignait ses disciples et qu’il les préparait à une prochaine séparation en leur disant que quiconque le connaissait connaissait aussi son père (14.8), Philippe, dont la foi n’était pas encore assez simple pour comprendre le sens naturel des paroles de son maître, ni assez éclairée pour se rappeler qu’il y a dans les révélations de Dieu des mystères insondables, lui dit : « Montre-nous le père, et cela nous suffit » ; il reçut pour réponse ces paroles pleines à la fois de douceur et de reproche : Philippe, je suis depuis si longtemps avec vous, et tu ne m’as point connu ! celui qui m’a vu a vu mon père. Paroles qui résument toute la doctrine chrétienne sur les rapports du Père et du Fils, en établissant leur inséparable unité sans confusion des deux personnes, et qui devaient en même temps rappeler au chrétien, encore juif par ses habitudes et ses souvenirs, que le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ne se manifeste aux yeux de la chair que dans la personne de son fils.
Le caractère de cet apôtre apparaît donc comme un mélange de promptitude et de timidité, de droiture et de simplicité, de respect et de confiance.
Depuis le moment où le récit sacré le nomme pour la dernière fois (Actes 1.13), sa vie est peu connue. La tradition lui donne une femme et des enfants. Il prêcha l’Évangile en Phrygie, et mourut à Hiérapolis ; on ignore s’il souffrit le martyre. Un évangile apocryphe a été écrit sous son nom ; les gnostiques l’ont reçu comme authentique. On lui a attribué la demande faite à Jésus qu’il lui fût permis d’ensevelir son père avant de le suivre (Matthieu 8.21 ; Luc 9.59) ; mais rien ne l’établit, et le silence de Jean est une forte présomption contre l’exactitude de cette tradition.
4°. Un des sept premiers diacres de Jérusalem, (Actes 6.5 ; 21.8), appelé aussi évangéliste (cf. Éphésiens 4.11 ; 2 Timothée 4.5). Il prêcha l’Évangile avec succès dans la Samarie ; ses paroles, confirmées par ses miracles, trouvèrent le chemin de bien des cœurs, et le magicien Simon lui-même vint lui demander l’entrée de l’Église. Si ce dernier triomphe dura peu, les fruits du ministère de Philippe furent plus sûrs et plus durables chez un grand nombre de Samaritains, et le bruit de cette belle mission vint jusqu’à Jérusalem. Au milieu de ses travaux, l’évangéliste reçoit, pour un instant, l’ordre de les abandonner ; il doit se rendre au midi de la Judée, sur la route (la moins fréquentée) qui conduit à Gaza, et là il fait la rencontre de cet eunuque éthiopien dont la conversion est un des récits les plus touchants du livre des Actes. Il le baptise près d’une source que la tradition nous montre encore à Bethsur, dans les montagnes de Juda ; puis il retourne en arrière, s’arrête à Azote, où le Saint-Esprit lui a dit de se rendre (Actes 8), et se fixe enfin à Césarée, où, plus tard, il eut la joie de donner l’hospitalité au grand apôtre des gentils. Une tradition le fait évêque de Tralles, une autre le fait mourir en paix à Césarée. Il eut quatre filles douées du don de prophétie (Actes 21.8-9), circonstance qui est relevée peut-être parce qu’elles rendirent des oracles à Paul, oracles dont il n’est rien dit, du reste, dans le livre des Actes, mais qui ne seraient point un fait isolé ni extraordinaire (cf. 20.23).
Quelques détails de l’histoire de Philippe ont besoin d’être éclaircis. Trois fois dans le chapitre 8.26-29, 39, le Saint-Esprit agit directement sur sa conduite, et, dans le troisième de ces passages, il est dit que « l’esprit l’emporta, et l’eunuque ne le vit plus » ; paroles qui semblent avoir quelque chose de mystérieux, et que l’on comprend ordinairement en ce sens que le Saint-Esprit transporta Philippe mystérieusement dans les airs, et que l’eunuque, qui le cherchait des yeux, fut étonné de sa disparition. On peut les comprendre d’une manière plus simple, sans faire la moindre violence au texte ; cette œuvre achevée, l’Esprit conduisit Philippe vers un autre champ de travail, et l’eunuque ne le revit plus, Le Saint-Esprit a agi sur l’esprit de l’évangéliste, et non sur son corps ; l’action, pour être spirituelle, n’en a pas moins été réelle, et c’est ainsi que le même Esprit agit encore sur nous. Heureux ceux qui le discernent !
Quoique le texte ne dise pas positivement qu’il s’agisse de l’évangéliste, et non de l’apôtre Philippe, cela ressort de ce qui est dit (8.1), que tous les membres de l’Église furent dispersés par les persécutions, excepté les apôtres, qui restèrent à Jérusalem. Le même fait résulte encore de la comparaison des versets 14 et 16, où nous voyons Philippe baptiser, mais les apôtres seuls imposer les mains, et prier pour l’effusion du Saint-Esprit. Il importe de remarquer aussi que, s’il y avait alors un apostolat, il n’y avait déjà plus de clergé ; Philippe le diacre n’était pas ce qu’on appellerait volontiers un ecclésiastique, et cependant il baptise. Il baptise, mais le baptême lui-même n’est qu’un signe extérieur, il n’entraîne pas nécessairement les dons du Saint-Esprit. Le baptême n’est donné qu’à ceux qui confessent leur foi ; il n’est donc donné qu’aux adultes. La profession exigée est brève ; elle se résume en ces mots : « Croire que le Christ est le fils de Dieu ». Enfin cette profession n’est éprouvée que d’une manière générale, et le premier simoniaque est au nombre des professants, exception peut-être, mais cependant baptisé.
À notre point de vue, il peut sembler étonnant que Philippe soit appelé à quitter une œuvre pleine d’intérêt, un immense champ de travail, une mission bénie, pour se rendre auprès d’une seule âme travaillée, lui adresser quelques paroles, l’éclairer, et abandonner de nouveau cette contrée, témoin d’une conversion isolée. Mais ce récit doit nous être précieux à plus d’un titre ; il nous montre d’abord que Dieu dirige les pas de ses serviteurs (s’ils l’écoutent) là où leur ministère peut être utile. Ce n’est donc qu’après de sérieuses prières que chaque pasteur doit chercher une direction nouvelle à ses travaux, ou plutôt il doit être vigilant à consulter sans cesse, non la chair, mais l’esprit de Dieu ; à épier les signes qu’il lui donne de sa volonté, de manière à pouvoir dire : l’Esprit m’a enlevé. Les sociétés religieuses ont des devoirs semblables, et il ne suffit pas toujours qu’une œuvre soit plus bénie qu’une autre pour qu’on doive y faire affluer les ouvriers ; Philippe devra souvent quitter la Samarie en fleurs pour la route déserte de Gaza.
La communion avec Dieu peut seule nous faire connaître la volonté de Dieu. D’ailleurs, si la conversion de l’officier éthiopien nous apparaît comme un fait isolé, elle ne le fut peut-être pas, et nous ne saurons que dans la vie éternelle les conséquences qu’elle a eues sur la conversion de cette Éthiopie si anciennement chrétienne, et qui, sur les confins de l’empire du mahométisme et du paganisme, est encore, à l’heure qu’il est, comme une oasis de lumière au milieu des ténèbres, lumière bien pâle sans doute, lumignon fumant, mais non éteint.
5°. Philippes, la première ville d’Europe où Paul prêcha l’Évangile (Actes 16.12). Venant de Troas, il aborda à Néapolis, dans le golfe formé par le Strymon, lequel servait de port à Philippes. L’ancien nom de cette ville était Crénidès (sources), à cause des nombreuses sources d’eau vive qui jaillissaient de la colline sur laquelle elle était située. Elle avait été fondée en Thrace par des habitants de l’île de Thasos. Philippe de Macédoine ayant réuni à son territoire une partie de la Thrace, fortifia Crénidès, l’agrandit en l’étendant sur toute la hauteur de la colline, et lui donna son nom (358 av. J.-C.). Son territoire renfermait des mines d’or qui contribuaient à la rendre importante et riche en toutes choses. Réduite en province romaine (148 av. J.-C.), illustrée par la triste défaite des chefs du parti républicain (42 av. J.-C.), elle déchut peu à peu de son ancienne grandeur. Auguste, maître de Rome et du monde (34 av. J.-C.), transporta dans cette ville un certain nombre de colons d’entre ses ennemis, les punissant par l’exil de leur attachement à la liberté, et donna à Philippes le droit de bourgeoisie italique, et le nom de colonie romaine (Actes 16.12).
La même chose est attestée par des monuments historiques et par diverses monnaies qui portent : Colonia Julia Philippensis. Luc l’appelle la première ville du quartier de Macédoine, non qu’elle fût la capitale de la Macédoine ou de l’un de ses quatre districts, mais comme un nom d’honneur qui lui avait été accordé par Auguste (Hug), ou peut-être parce que ce fut la première ville que Paul toucha dans son voyage, Néapolis n’étant, en quelque sorte, que le faubourg maritime de Philippes (Rilliet). L’arrivée des colons italiens fut, pour cette ville, le commencement d’une ère nouvelle ; les circonstances lui étant redevenues favorables, elle se releva de la décadence que la domination romaine lui avait originairement fait subir, et certains indices de commerce et de prospérité semblent annoncer qu’elle avait déjà repris un rang honorable quand Paul la visita pour la première fois. Quoique Félibah ne soit plus maintenant qu’un pauvre village, on y retrouve encore en ruines les monuments de sa grandeur. Au seizième siècle, elle était encore la métropole de cent cinquante églises grecques.
Paul vint à Philippes, mû par une apparition ; il y trouva un champ qui promettait beaucoup. Quelques Juifs peu nombreux, et privés d’une synagogue, s’y réunissaient en dehors de la ville, près d’une rivière dans un lieu entouré d’un mur mais découvert, et destiné au culte. Lydie, marchande de pourpre, fut convertie et baptisée avec toute sa famille ; il en fut de même d’une servante pythonisse. Les apôtres, mis en prison, furent délivrés par l’intervention de la Providence. Paul et Silas quittèrent la ville après avoir reçu dans l’Église leur geôlier et sa famille (Actes 16 ; cf. 1 Thessaloniciens 2.2). Il y eut donc simultanément à Philippes les cultes les plus divers, un culte romain, un grec, un macédonien, un Asiatique, les mystères de Samothrace, une assemblée juive, une église de judéo chrétiens et de chrétiens d’entre les gentils. Luc et Timtthée restèrent à Philippes, comme cela ressort de la forme du récit, le dernier moins longtemps que le premier. Cette église resta en rapports avec l’apôtre et lui envoya des dons pour subvenir à ses besoins à Thessalonique (Fil. 4.16), et à Corinthe (2 Corinthiens 11). Paul fait l’éloge de ses membres (2 Corinthiens 8.1-2). Dans son troisième voyage missionnaire, allant d’Éphèse à Corinthe, il passe pour la seconde fois par la Macédoine ; il visite les Philippiens à son retour en rompant avec eux les Pains sans levain (Actes 20.3-6) ; c’est alors seulement que Luc paraît s’être réuni de nouveau à l’apôtre, et avoir quitté Philippes.
Le livre des Actes ne nous dit rien de plus sur cette église, mais l’Épître aux Philippiens nous montre qu’elle s’était agrandie et qu’elle avait derechef envoyé des dons à Paul par Épaphrodite, un de ses membres (4.18). Paul avait donc reçu directement de ses nouvelles ; il lui donne des siennes dans sa lettre, et annonce à l’Église le prochain retour de Épaphrodite et l’arrivée de Timothée (2.19-25). Les circonstances de cette Église, le but dans lequel l’épître a été composée, le temps où elle a été écrite, ne peuvent être compris que par la lettre même ; voir Paul. Son authenticité est presque incontestée, et dans tous les cas incontestable ; les plus anciens témoignages parlent en sa faveur ; Ignace, Polycarpe, Irénée, Tertullien, Clément d’Alexandrie, Origène et Cyprien la citent directement ou indirectement ; les plus anciens canons la contiennent, même le recueil de Marcion ; enfin elle porte en elle-même l’empreinte de la spontanéité, le cachet de l’authenticité au plus haut point, repoussant toute apparence même de falsification motivée par l’intérêt d’une secte. L’esprit qu’elle respire, c’est surtout celui de l’humilité, de l’amour, et de l’abnégation chrétienne ; l’apôtre y parle à plusieurs reprises de la joie que lui donne l’état spirituel de ce troupeau. On peut indiquer comme un excellent commentaire, celui de M. Rilliet (Genève 1841) ; à la fois savant, clair, et sobre, il est précédé d’une introduction qui sera lue avec intérêt par des lecteurs de cultures fort diverses. Un commentaire autographié de Steiger (Lausanne 1836) publié après la mort de l’auteur et d’après les notes de quelques-uns de ses meilleurs élèves, se recommande également sous plusieurs rapports, malgré l’imperfection inséparable d’une publication de ce genre. Enfin nous avons lu avec bénédiction les Notes sur cette épître, autographiées à Lausanne 1843, par un frère de l’École de Plymouth. Les ouvrages spéciaux sont au reste nombreux sur cette épître ; on en trouvera la liste à la page 96 du commentaire de Rilliet, nous n’y ajouterons que le nom d’Usteri (Zurich), et celui de Storr (Tubingue 1783).
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