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1°. Rome (l’Empire). Sans nous arrêter ici à faire une histoire même fort abrégée de ce vaste empire, si puissant qu’il n’a fini par mourir que pour renaître bientôt après avec d’autres noms, et sous une autre forme ; sans essayer non plus de rappeler comment les différents commentateurs ont voulu trouver l’empire romain tour à tour dans les Kittim de Nombres 24.24.et dans le Tubal d’Ésaïe 66.19, à côté d’explications, voir Édom, et de contradictions plus bizarres encore, nous nous bornerons à rappeler les rapports de l’histoire romaine avec l’histoire juive, tels que nous les indiquent les livres canoniques du Nouveau Testament et les apocryphes de l’Ancien. Les prophètes déjà, et Daniel en particulier, ont parlé de cet empire, mais d’une manière trop obscure, et dans un but trop spécial, pour que l’examen de leurs oracles appartienne à notre travail.
Ce fut l’an 161 av. J.-C., que les Juifs entrèrent, pour la première fois, en rapport avec les Romains comme nation. Judas Macchabée conclut avec eux une alliance défensive, qui devait mettre son pays à l’abri des tentatives, toujours renouvelées, de Démétrius, roi de Syrie (1 Maccabées 8). Ce furent cependant moins ces alliances que les querelles de succession au trône de Syrie, qui procurèrent aux Juifs le repos, et qui donnèrent à leurs princes un certain poids et une certaine indépendance dans les questions de la politique de l’Orient (1 Maccabées 10 et 11). Jonathan, en 144.puis Simon, l’un et l’autre frères de Judas Macchabée, renouvelèrent successivement encore l’alliance avec le sénat romain (1 Maccabées 12.1-16 ; 14.24), et Simon, ayant envoyé Numénius avec un grand bouclier d’or, eut l’avantage de voir son ambassadeur très bien reçu, et son peuple appelé l’ami, l’allié, le frère du peuple romain, dangereux honneur qui ne lui valut jamais rien de bon. Jean Hyrcan, son successeur, sut se maintenir, seul et sans secours étranger, au milieu des agitations continuelles de la Syrie, et ne sentit qu’une fois, à propos de quelques déprédations occasionnées par Antiochus Sidétès, l’utilité de l’alliance romaine (Josèphe Antiquités judaïques 13.9-2).
Les Romains acquirent une influence et une prépondérance plus décisive sur les affaires juives, lors des luttes qui s’élevèrent entre Hyrcan II et Aristobule II, à propos du trône. Les deux partis sollicitèrent l’intervention du général Scaurus, que Pompée envoyait contre Tigrane, puis celle de Pompée lui-même, qui venait d’arriver à Damas ; celui-ci marcha contre Jérusalem, la prit d’assaut, et nomma Hyrcan souverain pontife et prince des Juifs, en réduisant son territoire à ses anciennes limites, et sous la condition qu’il paierait aux Romains un tribut annuel. Dès lors les Juifs furent soumis à l’administration militaire du président de la Syrie, de l’avidité duquel ils eurent maintes fois à se plaindre, et la monarchie dégénéra peu à peu en une aristocratie. Jules César, qui porta en Orient la politique modifiée de l’empire romain, ramena la monarchie, et se montra, par plusieurs décrets, assez favorable aux Juifs ; mais il donna comme adjoint à Hyrcan, un Iduméen nommé Antipater, qui, en réalité, exerçait seul les droits et les fonctions de la royauté. Les Juifs furent de nouveau déclarés les amis du peuple romain, quoiqu’ils ne fussent que ses sujets, et ils restèrent tels assez longtemps, sauf un moment d’indépendance que leur procura une irruption des Parthes sur les possessions romaines. L’an 40 av. J.-C., le sénat de Rome nomma Hérode comme roi (mais roi vassal) des Juifs ; on a vu, à l’article des Hérodes, ce que devint le peuple sous la domination de cette famille. Après qu’Archélaüs eut été détrôné, une partie du pays passa directement sous la domination et l’administration romaine, tandis que la Judée et la Samarie, annexées à la Syrie, furent soumises à l’administration de procurateurs, dont la résidence habituelle fut fixée à Césarée ; la Batanée et la Gaulonite éprouvèrent le même sort, l’an 33 de Christ. En 38 et en 42.Hérode Agrippa devint roi de la Galilée et de la Pérèe, puis de la Judée et de la Samarie ; mais il mourut en 44.et dès lors la Palestine tout entière demeura romaine, à l’exception de la Batanée et de quelques villes de la Galilée, qui furent données, en 52.au tétrarque Agrippa II.
La religion juive et l’exercice du culte restèrent libres, même sous la domination la plus immédiate de la politique romaine qui, par indifférence ou par principe, sut toujours respecter la foi des provinces conquises. L’administration de la justice civile fut de même abandonnée aux autorités municipales des Juifs, et le sanhédrin paraît n’avoir eu à s’occuper en général que des causes essentiellement criminelles. Les procurateurs étaient chargés de l’exécution des sentences, mais les chefs provinciaux paraissent avoir eu aussi le droit de grâce.
Les Romains prélevaient des impôts fonciers et personnels, parfois même des droits de douane ou d’octroi, qu’ils affermaient assez habituellement à des chevaliers romains. Des cohortes étaient mises à la disposition des procurateurs en Judée, même au temps des Hérodes, et une division militaire occupait, spécialement lorsque la pâque attirait un grand concours de peuple dans la ville sainte, la citadelle Antonia, d’où elle pouvait dominer à la fois le temple et le peuple (Actes 24.31). Le quartier général était à Césarée (Actes 10 et 27.1). Une cohorte italique est nommée (Actes 10.1). Elle portait ce nom, sans doute parce qu’elle se composait de soldats venus d’Italie, tandis que la plupart des troupes qui se trouvaient en Syrie et en Judée, étaient composées de soldats indigènes. On a vu tour à tour, dans les archers de Actes 23.23.des archers, des licteurs, des huissiers, des gardes du corps, etc., sans qu’il soit possible de déterminer exactement ce que signifie le terme grec, qui ne se trouve que dans ce seul passage.
Les poids, les mesures et les monnaies romaines furent reçues des Juifs pendant toute la durée de la domination, et la langue latine paraît même n’avoir pas été étrangère, du moins aux classes élevées de la Palestine, d’autant plus qu’elle était régulièrement employée dans les débats judiciaires et dans les publications officielles (cf. Jean 19.20) ; quelques latinismes, quoique peu nombreux, se sont même glissés dans la langue grecque des écrivains inspirés.
Dans les autres provinces de l’empire, les Juifs, non seulement continuèrent de jouir de leur pleine et entière liberté religieuse, mais ils étaient même exempts du service militaire ; les nombreux Juifs d’Alexandrie étaient en particulier, depuis les Ptolémées, les objets de faveurs tout à fait spéciales ; au dire d’Alabarque, ils avaient même une espèce de représentation nationale. On peut en dire autant des Juifs d’Antioche.
2°. Rome (la ville). Cette vieille capitale du paganisme, sise sur sept collines aux bords du Tibre, avec ses trente-sept portes et une circonférence de treize mille pas, est nommée pour la première fois dans le premier livre des Macchabées, où elle désigne d’une manière générale tout l’empire, puis plusieurs fois dans les Actes, et enfin dans l’Apocalypse, mais en termes prophétiques. La ville éternelle et toujours la même, était habitée au commencement de l’ère chrétienne par un grand nombre de Juifs qui s’étaient établis dans un quartier spécial au-delà du Tibre, où ils pratiquaient leur culte en toute liberté, faisant même à ce qu’il paraît, beaucoup de prosélytes. C’étaient pour la plupart des affranchis, des descendants de ceux que Pompée avait emmenés en captivité. L’empereur Tibère, et Claude après lui, les chassèrent de la ville, Suétone ne dit pas en quelle année ; d’après Orose, ce serait en la neuvième de ce dernier règne ; le nom de Chrestus, mêlé à ce décret comme celui d’un agitateur dont les désordres auraient provoqué l’expulsion des Juifs, n’est peut-être que la corruption du nom de Christ ; peut-être aussi qu’un fait spécial dont un Chrestus (nom assez général et qui reparaît sur plusieurs inscriptions), aurait été le promoteur, a provoqué une mesure sur les causes de laquelle les détails nous manquent.
Une église composée de Juifs, de prosélytes et de païens convertis, n’avait pas tardé à se former à Rome, à la suite de la prédication de l’Évangile, que des voyageurs venus de Palestine avaient occasionnellement fait connaître à leurs amis de la métropole ; en 58.à l’époque où nous découvrons par l’Épître aux Romains la première trace de cette église, on voit qu’elle était déjà assez nombreuse, quoiqu’elle n’eût encore eu aucun ministère régulier, et que le grand apôtre des gentils ne l’eût pas encore visitée. Paul, cependant, déjà dès son troisième voyage missionnaire, s’était proposé d’aller visiter ces chrétiens (Actes 19.21 ; Romains 15.23) ; il s’y rendit en effet, mais comme prisonnier (Actes 28.16), voir Paul.
Dans l’Apocalypse, Rome est clairement désignée sous le nom symbolique de Babylone (14.8 ; 16.19 ; 17.5 ; 18.2 ; etc.). Siège du paganisme, elle est opposée à Jérusalem, le siège du judaïsme, et le lieu de naissance du christianisme ; la corruption est opposée à la sainteté, les ténèbres sont mises en présence de la lumière. Déjà les Juifs avaient l’habitude de désigner sous le nom fatal de Babylone, cette Rome qu’ils haïssaient, et les prophètes en regardant l’avenir y voyaient le paganisme ressuscitant toujours aussi païen, mais avec des dehors chrétiens, avec un nom chrétien. Les sept collines et la domination du monde (17.9 ; et 18), ne peuvent laisser aucun doute sur la ville que Jean avait en vue.
3°. Épître aux Romains. Dictée par l’apôtre à un certain Tertius, et portée aux chrétiens de Rome par la diaconesse Phoebé (Romains 16.1ss), cette épître renferme, sur le lieu et l’époque de sa rédaction, des indices si positifs, que les opinions n’ont jamais beaucoup varié sur l’un et sur l’autre point. Ce fut après avoir été chassé d’Athènes, et pendant son séjour en Macédoine, que Paul, étant à Corinthe, écrivit cette lettre. On voit (par 1 Corinthiens 16.3-4), que l’apôtre se proposait de faire un voyage à Jérusalem pour assister les saints, après qu’il aurait été recueillir à Corinthe les dons de la libéralité chrétienne ; or, d’après Romains 15.25.il est sur le point d’entreprendre ce voyage ; il était donc à Corinthe en écrivant ces lignes. Aquila et Priscille, qui étaient encore à Éphèse lorsque Paul écrivait (1 Corinthiens 16.19 ; cf. Actes 18.18-26), étaient arrivés à Rome (Romains 16.3). Enfin le voyage que Paul avait résolu de faire à Rome après celui de Jérusalem (Actes 19.21), il annonce qu’il va le faire (Romains 15.28), se proposant même de se rendre jusqu’en Espagne. D’autres détails confirment encore l’opinion généralement reçue ; il salue les chrétiens de Rome de la part de Caïus (16.23), or Caïus était à Corinthe (1 Corinthiens 1.14) ; il les salue de la part d’Eraste, et celui-ci demeurait à Corinthe (2 Timothée 4.20) ; Phoebé la diaconesse était de Cenchrée, port de Corinthe, etc. D’après ce que nous avons dit ailleurs, ce serait donc vers l’an 58 ou 59 que cette lettre aurait été écrite.
Bolten et Berthold, prenant toujours le parti de l’invraisemblance, ont essayé de prouver que l’Épître aux Romains avait d’abord été écrite en araméen ; le P. Hardouin soutient en revanche que Paul l’a écrite en latin, telle qu’elle se trouve dans la Vulgate, et il a un certain intérêt à l’établir ; mais sauf ces deux tentatives désespérées, l’ancienne tradition est restée généralement admise, que Paul a écrit en grec. La circonstance que l’apôtre écrivait en Grèce, dans une ville entièrement grecque, et l’examen du texte dont le style trahit un travail original, seraient, lors même qu’il n’y aurait pas de tradition, des arguments suffisants pour répondre à toutes les inductions contraires. La langue grecque était d’ailleurs parfaitement connue à Rome, et chacun la comprenait.
Si l’on se rappelle que cette épître a été écrite avant le voyage de Paul à Rome, on s’étonnera que, lors de son arrivée, les Juifs parlent à l’apôtre comme ne sachant rien de cette secte, sinon qu’on la contredit partout (Actes 28.22). Comment les chrétiens de Rome qui avaient attiré l’attention de l’apôtre-missionnaire absent, et qui étaient assez nombreux pour avoir plusieurs lieux de culte, qui s’étaient même avancés jusque près des marches du trône, comment pouvaient-ils n’être pas connus, surtout des principaux d’entre les Juifs ? L’église n’était-elle composée que de païens convertis ? même dans ce cas elle n’eût pu rester cachée. Ce n’est d’ailleurs pas probable, et l’Épître aux Romains semble indiquer que parmi ceux auxquels l’apôtre s’adresse, il y avait sinon des divisions et des divergences de vues, tout au moins des positions et des origines différentes, des païens et des Juifs.
L’ignorance des chefs de la synagogue à leur égard, a donc lieu de surprendre, et les théologiens ont essayé de l’expliquer de diverses manières ; Tholuck et Reiche pensent que les Juifs feignaient seulement de n’en avoir pas entendu parler ; d’autres, comme Olshausen dans sa première édition, croient que par suite des persécutions de Claude, la petite église avait été dispersée et presque anéantie ; mais on ne comprend pas les motifs qui auraient pu porter les Juifs à feindre, et quant à la persécution de Claude, comme elle avait eu lieu avant la rédaction de l’Épître aux Romains, et qu’à cette époque l’église paraît de nouveau constituée, elle ne peut non plus expliquer l’ignorance des principaux des Juifs. Il vaut donc mieux admettre avec Olshausen, dans son Introduction à l’Épître aux Romains (1838), que les Juifs ne connaissaient pas l’existence des chrétiens, parce que ceux-ci avaient cru devoir, peut-être par des motifs politiques, se séparer entièrement et catégoriquement du parti juif, afin d’échapper aux mesures de proscription auxquelles ceux-ci étaient exposés sous Claude ; les chrétiens, même les judéo-chrétiens, ne voulaient pas être confondus avec les Juifs, comme plus tard aussi, lors du siège de Jérusalem, ils durent se séparer d’eux d’une manière ostensible, pour pouvoir se réfugier dans la citadelle d’Ælia ; cette séparation qui leur était dictée par leur intérêt, fut peut-être facilitée au point de vue dogmatique, par l’influence de quelques disciples de Paul qui enseignaient la complète rupture avec les traditions juives.
En admettant cette explication, l’on comprend aussi que les questions qui s’agitaient ailleurs, et les divisions entre judéo et pagano-chrétiens, ne fussent pas à l’ordre du jour dans l’église de Rome. L’apôtre, en écrivant aux frères, reste donc sur le terrain abstrait de l’exposition, et ne parle de la position que l’Évangile fait aux Juifs et aux païens que d’une manière générale, sans que rien dans les circonstances de l’église ait provoqué ces observations. Les rapports de la loi et de l’Évangile sont le sujet de sa lettre. Dans les dix-sept premiers versets il introduit et expose son sujet, savoir que l’Évangile est la puissance de Dieu, en salut à tout croyant, et que la justice de Dieu se révèle en lui pleinement de foi en foi. La seconde partie va de 1.18 à 11.36 ; elle est consacrée aux développements dogmatiques, et forme comme le noyau de l’épître. Dans la troisième 12.1 à 15.33.Paul examine les conséquences morales et pratiques de la justification par la foi. Le chapitre 16 enfin est un épilogue qui renferme les vœux de l’apôtre, et de nombreuses salutations.
L’importance de l’Épître aux Romains a été sentie de tout temps ; c’est ce qui lui a valu d’être placée en tête des autres épîtres, quoiqu’elle ne soit pas la première en date. La grandeur du sujet, la profondeur des pensées, l’énergie du langage, la puissance du raisonnement, la clarté et la précision de la doctrine, font de cette lettre une lettre à part, et lui assignent aux yeux des chrétiens, une place spéciale dans le canon du Nouveau Testament ; et si le sermon sur la montagne a été considéré comme le commencement de l’Évangile, on peut dire que l’Épître aux Romains en est le dernier mot. L’apôtre a cru, c’est pourquoi il a parlé, et jusque dans les plus petits détails, on reconnaît que l’inspiration divine n’a parlé qu’à travers l’expérience intime et personnelle de l’apôtre. On ne peut le comprendre aussi que lorsqu’on a fait les mêmes expériences que lui ; il faut avoir reconnu d’abord qu’au milieu des œuvres de la loi, l’on se trouvait encore faire la guerre à Dieu et persécuter le Sauveur, pour renoncer entièrement au salut par les œuvres et ne plus chercher d’autre justice que celle qui est par la foi.
Il n’est peut-être pas d’ouvrage qui ait été l’objet de plus de recherches et de travaux dans la Bible que l’Épître aux Romains ; le nombre des commentateurs qui l’ont expliquée est considérable. Les questions spéciales relatives à cette épître sont traitées aux articles spéciaux, Paul, etc., si elles sont historiques ; quant aux difficultés dogmatiques, ce n’est pas ici qu’elles doivent être résolues.
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