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(Genèse 11.26 à 25.10)
Fils de Taré, naquit à Ur, ville des Chaldéens, l’an du monde 2008 avant Jésus-Christ Il passa les premières années de sa vie dans la maison de son père, qui était idolâtre ; peut-être adora-t-il lui-même les idoles pendant quelque temps, mais Dieu lui ouvrit les yeux, et l’on prétend qu’Abraham fut, à cause de sa conversion, exposé à toutes sortes de persécutions de la part de ses compatriotes. Il paraît assez probable que Taré fut aussi convaincu de la vanité des faux dieux, puisqu’il partit d’Ur avec son fils et qu’il l’accompagna vers le lieu que l’Éternel avait désigné à celui-ci. Ils se rendirent d’abord à Charan en Mésopotamie, où Abraham eut la douleur de perdre son père : de là, il vint en Palestine avec Saraï sa femme, Lot son neveu, leurs serviteurs et leurs troupeaux, et ils se fixèrent momentanément dans cette contrée habitée par les Cananéens, mais dont Dieu promit à Abraham que sa postérité la posséderait. Toutefois, Abraham n’y posséda jamais lui-même un pouce de terrain (sauf la caverne qu’il acheta pour y ensevelir son épouse), mais il y demeura toujours comme étranger. Peu de temps après son établissement dans ce pays, il survint une grande famine qui le contraignit de descendre en Égypte, et, dans la crainte que les Égyptiens frappés de la beauté de sa femme ne voulussent la lui ravir et ne lui ôtassent la vie à lui-même, peut-être aussi pour se soustraire à l’opprobre que lui aurait causé la stérilité de Saraï, il la fit passer pour sa sœur. Pharaon la fit en conséquence enlever et voulut la mettre au nombre de ses femmes ; mais averti par une vision et par les châtiments divins, il se hâta de la rendre à son mari avec de grands présents. La famine ayant cessé, Abraham retourna en Canaan avec Lot qui l’avait toujours accompagné jusqu’alors, et dressa ses tentes entre Béthel et Haï, où précédemment il avait élevé un autel. De fréquentes contestations entre les bergers de l’oncle et du neveu au sujet des citernes et des pâturages dont ils voulaient jouir exclusivement les uns et les autres, leur montrèrent que « la terre ne les pouvait porter pour demeurer ensemble ». Abraham laissa généreusement à Lot la liberté de choisir le premier l’endroit où il se fixerait ; et Lot ayant choisi l’Orient et le Midi, toute la plaine du Jourdain, Abraham se rendit dans les plaines de l’Amoréen Mamré près de Hébron (1920, avant Jésus-Christ) Quelques années après, Lot ayant été fait prisonnier par Kedor-Laomer et ses alliés, Abraham avec 318 de ses serviteurs et quelques Cananéens de son voisinage, part, poursuit les vainqueurs, les joint à Dan, près des sources du Jourdain, délivre son neveu, lui fait rendre tout ce qui lui avait été enlevé et reprend le chemin du retour. Les rois de la plaine voulaient abandonner à Abraham tout le butin qu’il avait fait, et ils le supplièrent de leur rendre au moins les prisonniers, mais Abraham leur rendit le tout ne voulant rien garder pour lui-même et réservant seulement une faible part pour les Cananéens qui l’avaient secondé dans son expédition. Comme il passait devant Salem (plus tard Jérusalem), Melchisédec, roi de cette ville et sacrificateur du Dieu fort souverain, vint à sa rencontre, le bénit, et lui offrit du pain et du vin pour le restaurer lui et ses gens. Quelques-uns pensent que ce fut plutôt à Dieu qu’il offrit ce pain et ce vin en sacrifice d’actions de grâce ; Abraham lui donna la dîme du butin (Hébreux 7.4). À cette occasion, l’Éternel renouvela les promesses qu’il avait faites à son serviteur, lui réitérant l’assurance qu’il posséderait le pays de Canaan ; un fils lui fut promis, et Dieu, le conduisant hors de sa tente, lui annonça que sa postérité serait aussi nombreuse que ces étoiles qui brillaient au firmament. Abraham offre alors un sacrifice d’après l’ordre que Dieu lui en donne, une génisse de trois ans, une chèvre de trois ans, un bélier de trois ans, une tourterelle et un pigeon ; puis, quand le soir est venu, il voit en vision le feu du ciel passer entre les victimes, et Dieu lui dévoile l’avenir, lui annonce la captivité d’Égypte, sa fin glorieuse, et les biens qui seraient le partage de sa descendance.
Cependant ces promesses ne se réalisaient pas ; le patriarche avançait en âge, et tout semblait annoncer qu’Élihézer son intendant serait aussi l’héritier de ses richesses. Saraï, pensant que peut-être ce n’était pas à elle qu’était destiné l’honneur de donner un fils à Abraham, engagea son mari à prendre pour femme Agar sa servante égyptienne, espérant que Dieu accomplirait ses promesses dans les enfants qu’il aurait d’elle ; Saraï de son côté les aurait adoptés et pris pour siens, suivant la coutume de ces temps Mais quand Agar se vit sur le point de devenir mère, elle méprisa sa maîtresse et voulut s’élever au-dessus d’elle. Abraham maintint Saraï dans ses droits ; Agar maltraitée dut s’enfuir, mais l’ange de l’Éternel lui apparut au désert et lui ordonna de retourner chez Abraham et de se soumettre à sa maîtresse ; elle obéit et donna le jour à Ismaël. (1910 avant Jésus-Christ).
Treize ans après, le Seigneur renouvela son alliance avec le patriarche, et changea son nom d’Abrarn (père illustre) en celui d’Abraham (père d’une multitude), et celui de Saraï (ma princesse) en celui de Sara (princesse). Comme signe et pour confirmation de l’alliance, il lui ordonna de se circoncire lui et tous les mâles de sa famille et de sa maison, et il lui promit positivement qu’avant le terme d’une année, il lui naîtrait un fils de Sara.
Mais les énormités qui se commettaient dans la contrée où Lot s’était retiré, à Sodome, à Gomorrhe, et dans les villes voisines, avaient décidé l’Éternel à les détruire toutes avec le sol même sur lequel elles reposaient. Un jour qu’Abraham était assis a la porte de sa tente, il vit s’approcher trois personnages (Genèse 18). Sans les attendre, il court à eux, les invite à entrer pour se rafraîchir, leur lave les pieds, et prépare avec Sara de quoi leur servir à manger. Quand ils eurent achevé leur repas, ils se firent connaître pour ce qu’ils étaient, et répétèrent au patriarche la promesse que l’Éternel lui avait faite peu de jours auparavant. Mais Sara n’ayant pu retenir un sourire d’incrédulité, l’Éternel dit à Abraham : « Pourquoi Sara a-t-elle ri ? Y a-t-il quelque chose qui soit difficile à l’Éternel ? » Puis les messagers célestes reprirent leur voyage, marchant vers Sodome, et Abraham les accompagnait. C’est ici que se place une des scènes les plus touchantes dont il soit fait mention dans l’Écriture, une scène qu’on ne peut lire sans la plus vive émotion, l’intercession d’Abraham auprès de l’Éternel en faveur des villes de la plaine. Pendant que les deux anges marchaient en avant, l’Éternel communiquait à Abraham ce qu’il allait faire à l’égard de ces villes, et Abraham ne cessa de plaider pour leur conservation que lorsque les réponses pleines de grâce et de miséricorde du Seigneur l’eurent persuadé que ces malheureuses cités étaient tombées en effet dans la plus affreuse dégradation. Les dix justes ne se trouvaient pas dans toute cette contrée. Au jour suivant, Abraham, se levant de bon matin, vint à l’endroit où la veille encore il s’était tenu devant l’Éternel ; une fumée comme celle d’une fournaise s’élevait à la place qu’avaient occupée les villes maudites.
Quelque temps après, Abraham quitta les plaines de Mamré et, se dirigeant vers le sud, alla demeurer à Guérar où régnait Abimélec. Éprouvant en ce lieu les mêmes craintes qu’il avait déjà eues en Égypte, il employa le même moyen pour échapper au danger qu’il redoutait et, pour la seconde fois, fit passer Sara pour sa sœur (v. Abimélec) ; mais sa ruse, de nouveau découverte, eut pour Abimélec les mêmes suites qu’elle avait eues pour Pharaon, et attira au patriarche des reproches plus vifs encore. C’était la dernière fois que ce subterfuge était possible, car bientôt après, la même année, Sara donna à Abraham un fils qui rendit leur union manifeste et plus intime. L’enfant fut nommé Isaac, et lorsqu’on le sevra, Abraham fit un grand festin : ce fut alors, à ce qu’il paraît, que Sara vit Ismaël tourmenter son petit frère, et qu’elle supplia son mari de chasser le fils de l’Égyptienne, afin qu’il ne partageât pas l’héritage avec Isaac. Abraham, connaissant les promesses relatives à Ismaël, refusa d’abord de complaire à sa femme ; mais, sur un avertissement de l’Éternel qui lui confirmait ce qu’il lui avait annoncé au sujet de cet enfant, il n’hésita plus à le renvoyer, ainsi que sa mère.
Vers le même temps à peu près, Abimélec se rendit en visite auprès du patriarche et fit alliance avec lui. Il s’agissait d’un puits que les serviteurs du prince avaient enlevé par violence aux bergers du patriarche. Abraham le racheta en offrant volontairement sept jeunes brebis en échange ; ils appelèrent ce lieu Beër-Sébah (puits du serment), parce que leur traité fut ratifié par un serment solennel. Abraham y planta un bois de chêne et y demeura quelque temps.
Vingt années environ se passèrent sans qu’il arrivât rien de remarquable dans la vie ou dans la famille du patriarche ; le fils sur lequel reposaient tant d’espérances et de promesses précieuses grandissait et semblait réaliser déjà tout ce que ses parents en attendaient, lorsqu’il faillit être enlevé à leur tendresse par l’ordre de ce même Dieu qui l’avait accordé à leurs prières et à leur foi. Abraham dut offrir son Isaac en holocauste à l’Éternel, épreuve terrible, mais nécessaire, et qui devait faire d’Abraham le père des croyants : il prit donc son fils et deux de ses serviteurs, et se mit en chemin pour se rendre à la montagne que Dieu devait lui indiquer. Deux jours de voyage furent pour Abraham un exercice de foi dans lequel il put se demander bien souvent ce qu’allaient devenir ces promesses qui lui avaient été faites d’une innombrable postérité ; mais il connaissait l’Éternel et savait qu’il n’est pas homme pour mentir ni fils de l’homme pour se repentir, et il estimait que Dieu le pourrait même ressusciter d’entre les morts. Au troisième jour la montagne funèbre apparut : c’est là que devait se consommer un sanglant sacrifice. Isaac cherche où est la victime pour l’holocauste ; son père lui répond : « Mon fils, l’Éternel y pourvoira ». Déjà les deux patriarches ont atteint seuls le sommet de la colline ; le bois est prêt, l’autel est dressé, la victime est liée, le bras du père est levé sur son fils comme le couteau du sacrificateur sur sa victime. Abraham n’hésite pas ; mais du haut des cieux une voix se fait entendre, la voix de celui qui n’a permis qu’un seul sacrifice humain, celui de l’homme-Dieu son fils. L’épreuve avait été suffisante, et un bélier remplaça sur l’autel le fils unique de l’ami de Dieu. Ils rejoignirent donc leurs serviteurs et retournèrent à Beër-Sébah. – Douze ans après, Sara mourut à Hébron. Abraham, étranger dans le pays et n’y possédant aucun fonds de terre, acheta de Héphron le Héthien, pour le prix de 400 sicles d’argent (environ 1300 francs), le champ de Macpélah où se trouvait une caverne propre à servir de lieu de sépulture, et il y ensevelit sa femme après en avoir fait le deuil suivant l’usage du pays.
Se sentant vieillir, Abraham envoya Élihézer, son intendant, en Mésopotamie, pour y chercher une jeune fille de sa parenté qu’il pût donner en mariage à Isaac. C’était trois ans après la mort de Sara. Le fidèle serviteur s’acquitta de sa mission avec zèle, sagesse et promptitude, et obtint pour son maître la main de Rebecca fille de Béthuel, petite-fille de Nacor et petite-nièce d’Abraham. Le patriarche vécut encore 35 ans depuis le mariage de son fils, et il eut de Kèturah, sa seconde femme, six fils qui furent pères de divers peuples ou peuplades de l’Arabie et des environs. Il mourut âgé de 175 ans, un siècle après son arrivée dans le pays de Canaan. Il ne paraît pas que, durant les 33 dernières années de sa vie, il ait eu ni d’éclatantes révélations ni de grandes épreuves. Les jours des fidèles, même les plus éminents, ne sont pas tous marqués par des interventions signalées du Seigneur, et il est beaucoup de ses serviteurs qui s’en vont tout doucement et sans éclat dans le lieu du repos. Telle fut la fin de la carrière d’Abraham ; il mourut rassasié de jours et fut recueilli vers ses peuples. Son corps retourna dans la terre comme celui de ses ancêtres, et son âme rejoignit celle des hommes qui avant lui avaient appartenu au peuple de Dieu (Hébreux 11.13-16). Il fut enseveli dans la grotte de Macpélah par ses fils Isaac et Ismaël (avant Jésus-Christ 1821) ; ce dernier avait alors 89 ans, et Isaac 75.
L’antique figure du patriarche est une des plus belles que nous présente l’Ancien Testament ; elle est noble, vivante et prophétique ; elle n’a rien de plastique, comme celle de Noé ; elle est davantage la représentation d’une vie réelle : Abraham n’est pas le dieu des abîmes et du déluge, il est le père des croyants. Parmi les observations nombreuses auxquelles son histoire pourrait donner lieu, nous nous bornerons aux suivantes :
1°. L’auteur sacré introduit Abraham d’une manière très abrupte, en quelque sorte sans préparation : « Et Dieu dit à Abraham, etc. (Genèse 12.4). Mais pour qu’un homme entreprenne un voyage lointain, fatigant, et sans terme à lui connu, il faut nécessairement qu’il ait confiance en celui par qui l’ordre et le signal du départ est donné. L’Éternel avait donc fait entendre sa voix à Abraham auparavant, et peut-être même à plus d’une reprise, quoique nous ne sachions pas de quelle manière. Or, indépendamment de ce que l’Écriture nous atteste (Josué 24.2-14, voir Térakh), nous apprenons par d’autres sources que l’idolâtrie régnait en Chaldée à cette époque, et tout porte à croire que ce fut un des principaux motifs du déplacement d’Abraham.
2°. Abraham n’était point dépourvu de moyens de subsistance lorsqu’il se mit en route pour le pays de Canaan : « il prit avec lui Saraï et Lot, et tout leur bien qu’ils avaient acquis et les personnes qu’ils avaient eues à Charan ». Ce ne fut donc pas dans un intérêt terrestre, et comme ferait un aventurier qui cherche fortune, qu’il quitta sa famille et sa parenté pour se rendre en d’autres lieux.
3°. La première épreuve de la foi d’Abraham fut dans la famine qui le contraignit à quitter momentanément cette terre de Canaan que l’Éternel avait promise à sa postérité. L’épreuve fut plus forte qu’on ne le suppose au premier moment, et il est impossible de ne pas voir que la foi du patriarche en souffrit d’abord quelque peu ; car, se méfiant de l’Éternel pendant qu’il est en Égypte, il s’abandonne à des craintes excessives qui le font tomber dans le péché. Son mensonge n’est sans doute pas des plus grossiers et des plus révoltants ; néanmoins, en donnant à entendre autre chose que la stricte vérité, il induisait son prochain en erreur et pouvait devenir l’occasion d’un grand crime ; en sorte que les reproches de Pharaon, parfaitement fondés, durent humilier le patriarche plus que ne le réjouirent les grands présents qui lui furent offerts.
4°. On apprécierait bien mal la valeur morale des actions humaines, si l’on en jugeait toujours par leurs résultats les plus prochains. Abraham semble récompensé de son mensonge par les grands biens qu’il emporta d’Égypte, mais cet accroissement de fortune fut la cause d’un de ses plus grands chagrins domestiques : il dut se séparer de Lot, son neveu, qu’il aimait tendrement et qui était pour lui comme son fils adoptif.
5°. Si la foi des enfants de Dieu a ses éclipses, comme le soleil les siennes, elle ne reparaît ensuite que plus brillante. Il n’est personne qui n’ait remarqué la débonnaireté, la douceur et la confiance en Dieu qu’Abraham manifesta dans sa conduite avec Lot lorsqu’ils durent se séparer (Genèse 13). C’est ainsi que le père des croyants fut relevé de sa chute par la grâce du Seigneur.
6°. Le salut du fidèle est fondé sur les promesses et sur la véracité de l’Éternel : « Ce n’est point par les œuvres, afin que nul ne se glorifie ». Cependant le fidèle ne fait jamais une œuvre, n’accomplit jamais quelque devoir difficile, ne remporte jamais quelque victoire sur le péché, sans que Dieu ne lui donne un sentiment plus vif de sa miséricorde ; c’est-à-dire que la grâce qui sauve sanctifie l’âme qu’elle veut sauver, et console celle qu’elle sanctifie. – Après qu’Abraham eut montré sa foi par ses œuvres dans sa conduite avec Lot, l’Éternel lui renouvela ses promesses, les lui rendit plus claires et même les agrandit, car il ne lui avait pas encore annoncé que sa postérité serait innombrable (Genèse 13.14-17). La même chose lui arriva plus tard en de semblables occasions, particulièrement après la défaite des rois de la plaine (15.1) et après le sacrifice d’Isaac (22.16).
7°. Nous avons une preuve de la grandeur et de la puissance d’Abraham dans l’histoire de la délivrance de Lot. Il fallait qu’il eût de grands biens, celui qui pouvait armer 318 esclaves nés dans sa maison, car cela suppose naturellement qu’il en avait d’autres qui n’étaient pas nés chez lui, en qui il avait peut-être moins de confiance, et qu’il laissa pour la garde de ses troupeaux. Si l’on y ajoute encore les femmes et les petits enfants, on comprendra que les Héthiens aient pu lui dire : « Tu es un prince excellent parmi nous » (23.6). Ainsi s’accomplissait déjà une partie des promesses qui lui avaient été faites. Ce qui n’est pas moins à remarquer, c’est le désintéressement et l’esprit de justice qui le portèrent à refuser la propriété du butin, tout en réservant la part des Cananéens qui lui avaient donné du secours (14.21-24).
8°. Quant à l’union d’Abraham et d’Agar, on s’exposerait à porter un faux jugement si l’on voulait juger cette action d’après nos mœurs et en se mettant uniquement au point de vue de l’Évangile. D’abord, il est évident que le patriarche ne contracta pas ce mariage, ou plutôt cette union passagère, pour satisfaire les inclinations de la chair ; de plus, il le fit non pas malgré Saraï, ni avec le simple consentement de son épouse légitime, mais sur sa demande expresse ; enfin, la polygamie était déjà généralement adoptée par les mœurs dégénérées de l’Orient. On peut ajouter que l’Éternel n’avait pas encore dit à Abraham que c’était de Sara que naîtrait la postérité promise : il pouvait donc s’abandonner à la pensée qu’une autre femme devait accomplir pour lui la parole de l’Éternel. Tout cela peut expliquer sa conduite, et diminuer ce qu’elle eut de blâmable sans toutefois la justifier pleinement. Cependant, quand on réfléchit qu’Abraham est le premier des descendants de Sem qui se soit écarté de l’institution primitive du mariage, que cet écart fut le résultat d’une faiblesse dans sa foi, l’on ne peut s’empêcher d’y voir une chute. Comme Adam, Abraham eut tort d’obéir à la parole de sa femme (Genèse 3.17) ; il eut tort de penser un seul instant qu’il dût amener la réalisation des promesses divines par une voie de péché ; et certes, cette fois comme toujours, la peine du péché fut à la porte. Dès ce moment Abraham eut de grands chagrins domestiques, la division se mit dans sa famille, et plus tard il dut renvoyer de chez lui cet Ismaël qu’il aimait tendrement, et cette Agar qui, selon toute apparence, était redevenue simplement son esclave, puisqu’il n’en eut pas d’autres enfants (Genèse 25.1-2), mais qui n’en était pas moins la mère de son premier-né. v. Gaussen (Abraham épousant Agar) ; Grandpierre, sur le Pentateuque.
9°. L’alliance de l’Éternel avec Abraham était à la fois temporelle et spirituelle ; elle reposait d’ailleurs tout entière sur des promesses. Abraham sera grand, il aura une nombreuse postérité, plusieurs nations sortiront de lui, et le pays de Canaan sera son héritage. D’autre part il lui est annoncé que toutes les familles de la terre seront bénies en sa postérité. – Abraham est grand, même à ne parler que selon la manière de voir des hommes ; son nom est vénéré non seulement des juifs et des chrétiens, mais encore des musulmans, c’est-à-dire par la moitié de la race humaine ; il n’y a pas d’homme qui ait eu une gloire pareille, et tous les détails de sa vie occupent une grande place dans les traditions des Orientaux. De lui sont sortis divers peuples : par Ismaël, les Arabes ; par les fils de Kéturah, les Madianites et d’autres encore ; par Esaü, les Iduméens, et par Jacob, les Israélites, qui demeurent une grande nation au milieu des peuples de la terre. Enfin, lorsque le temps marqué fut accompli, la famille d’Abraham prit possession de ce pays de Canaan promis depuis plusieurs siècles. Voilà pour le temporel. – Quant au spirituel, un Rédempteur est venu, qui selon la chair, est fils d’Abraham sa vraie postérité, et par qui le salut a été acquis aux pécheurs de toute langue, de toute tribu, peuple et nation. Abraham lui-même, et tous les fidèles qui l’avaient précédé, ainsi que ceux qui l’ont suivi, ont été bénis en ce Rédempteur promis dès les premiers jours du monde aux deux premiers pécheurs. Cette grande bénédiction spirituelle, qui était la partie essentielle de l’alliance faite avec Abraham, donne à toutes les parties de cette alliance une signification spirituelle. Abraham est grand par sa foi et parce qu’il est le père des croyants ; de lui sortent spirituellement tous les vrais fidèles qui sont sa postérité, et une postérité aussi nombreuse que les étoiles du firmament ; enfin il possède avec eux, pour l’éternité, la Canaan céleste, dont la terrestre n’était que le type.
10°. Il importe de remarquer ici, quoique ce ne soit pas le lieu d’entrer dans des détails sur ce point, que l’ange qui apparut au patriarche sous les chênes de Mamré, qui lui annonça la naissance d’un fils et la destruction de Sodome (Genèse 18), qui lui retint plus tard le bras lorsqu’il allait sacrifier son unique (22.15) etc., etc., est constamment appelé du nom de l’Éternel, et qu’il ne cesse de parler lui-même comme le Dieu tout-puissant. v. l’art. Ange.
11°. L’Ancien et le Nouveau Testament sont remplis de la gloire d’Abraham, de son nom, de sa mémoire, de son alliance, de ses épreuves, de sa foi. Sans entrer dans l’examen des divers passages où il est parlé de lui, nous nous bornerons à en indiquer ici rapidement les principaux :
A.T. Genèse, passim. Exode 2.24 ; 3.6-15 ; 16.6-3 ; 32.13 ; 33.1 ; Lévitique 26.42 ; Nombres 32.11 ; Deutéronome 1.8 ; 6.10 ; 9.5 ; 29, 13 ; 30.20 ; 34.4 ; Josué 24.3 ; 1 Rois 18.36 ; 2 Rois 13.23 ; 1 Chroniques 16.16 ; 29.18 ; 2 Chroniques 20.7 ; 30.6 ; Néhémie 9.7 ; Psaumes 47.9 ; 105.6-9, 42 ; Ésaïe 29.22 ; 51.2 ; 63.16 ; Jérémie 33.26 ; Ézéchiel 33.24 ; Michée 7.20.
N.T. Matthieu 3.9 ; 8.11 ; Luc 1.55 ; 3.8 ; 13.16-28 ; 16.22 ; 19.9 ; Jean 8.33 ; etc. Actes 3.13 ; 7.2 ; 13.26 ; Romains 4.1 ; 9.7 ; 11.1 ; 2 Corinthiens 11.22 ; Galates 3.6 ; etc. 4.22 ; Hébreux 2.16 ; 7.1 ; etc. 11.8-17-19.
Le sein d’Abraham (Luc 16.22), désigne le ciel ou le lieu du repos. Les Juifs avaient trois manières d’exprimer le bonheur des justes à leur mort : ils allaient au jardin d’Eden, sous le trône de gloire, ou dans le sein d’Abraham. Ce patriarche étant le père des croyants, leur semblait devoir être naturellement chargé de les recueillir dans la félicité céleste. Cette même expression se retrouve dans ce que dit notre Seigneur, que les fidèles seront à table avec Abraham, Isaac et Jacob ; car on sait que les anciens se plaçaient à table de telle manière que chacun se trouvait comme couché sur le sein de son plus proche voisin.
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