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Contradictions dans la Bible. Il arrive assez souvent qu’en étudiant l’Écriture sainte on rencontre des passages qui semblent se contredire. Or, comme l’Écriture, qui est divinement inspirée, ne saurait être réellement opposée à elle-même, il est bon de donner quelques règles pour lever ces contradictions apparentes. Voici celles que la raison même prescrit et dont les unes sont générales, et les autres regardent plus particulièrement les contradictions dogmatiques, prophétiques ou historiques.
Le premier devoir d’un interprète qui découvre quelque contradiction entre deux passages de l’Écriture est :
1° D’examiner avec soin si l’un des deux n’est point interpolé. Dans ce cas, la critique lui apprendra à rétablir la vraie leçon, et la vraie leçon, à son tour, lui donnera les moyens de concilier les passages opposés. C’est ainsi qu’on lève les contradictions qui paraissent exister entre les livres des Paralipomènes et ceux des Rois.
2° De s’assurer si les deux endroits ont été bien interprétés ; l’herméneutique, en lui découvrant le vrai sens des deux passages, lui fournira le moyen de les accorder ensemble.
3° De voir, dans le cas où ils seraient bien interprétés l’un et l’autre, s’ils sont inspirés tous les deux, car, dans le cas où l’un ne le serait point, il n’y aurait aucune nécessité de l’accorder avec celui qui l’est réellement.
4° De s’attacher surtout à bien connaître si la contradiction est réelle, c’est-à-dire si dans les deux endroits le sujet et l’attributde la proposition, qui semblent contradictoires sont les mêmes ; si l’un est affirmé ou nié de l’autre, dans le même temps et sous le même rapport. Or, cet examen lui découvrira nécessairement, ou que le sujet et l’attribut ne sont pas les mêmes, ou que les deux endroits ne paraissent opposés que par l’omission de quelques circonstances que l’écrivain sacré aura retranchées, parce qu’elles étaient suffisamment connues de ceux pour qui il écrivait.
Quand deux passages qui regardent le dogme paraissent opposés, il faut examiner celui où la doctrine est plus clairement exposée et s’en servir pour expliquer l’autre, qu’on verra alors s’accorder parfaitement avec lui.
Si l’opposition se trouve entre des passages de l’Ancien et du Nouveau Testament, il faut examiner si cette opposition ne vient point :
1° De ce que le dogme est moins développé dans l’Ancien Testament que dans le Nouveau. Ainsi, au dogme de la vie future, obscurément expliqué dans l’Ancien Testament, on ajoute avec plus de clarté dans le Nouveau les récompenses et les peines éternelles.
2° De ce que l’Évangile, étant plus parfait, condamne ce qui etait permis parmi les Juifs, ainsi la polygamie, permise dans l’ancienne loi, est réprouvée dans la nouvelle.
Pour faire disparaître les contradictions prophétiques qui ont lieu, soit quand deux prophètes semblent se contredire ou quand ils paraissent être opposés à l’événement qui doit accomplir leurs oracles sacrés, il faut examiner avec grand soin :
1° Si la prophétie n’est pas conditionnelle, car si elle l’était véritablement, elle pourrait paraître en opposition avec une prophétie absolue et répugner à l’événement qui doit l’accomplir ;
2° Si les deux prédictions ont absolument le même objet, si le temps de leur accomplissement est bien le même, et enfin si elles ont été faites sous le même rapport ; sien un mot, elles ne présentent rien de différent dans aucune de leurs circonstances ;
3° Si les paroles du prophète n’énoncent point un commandement fait à certaines personnes, et qui, pouvant n’avoir pas été exécuté par leur faute, a empêché l’effet des promesses divines : ainsi quelques interprètes prétendent que si les douze tribus eussent obéi au commandement que Dieu leur avait fait de revenir dans la Palestine, une nouvelle division de la terre aurait eu lieu, et un nouveau temple admirable, et tel qu’il nous est décrit par Ézéchiel, aurait été élevé, comme le promet ce prophète, et que si cette promesse resta sans exécution, c est à cause de l’infidélité des dix tribus qui ne revinrent point avec les deux autres ;
4° Si la prophétie n’est point parabolique, car dans une prophétie parabolique on ne doit point exiger rigoureusement l’accomplissement de toutes les circonstances, puisqu’il y en a plusieurs qui ne sont que pour l’ornement.
Quant aux contradictions historiques, il y a plusieurs observations à faire :
1° Il faut tenir pour maxime que tous les faits qui ont ensemble quelque ressemblance ne sont pas toujours les mêmes : ainsi les multiplications des pains dont il est parlé dans l’Évangile, les expulsions des changeurs du temple, plusieurs guérisons, quoique assez semblables dans plusieurs circonstances, ne sont cependant pas réellement les mêmes. C’est par ce principe qu’on a fait disparaître plusieurs contradictions apparentes des Évangiles, et que les narrations des historiens de la résurrection ont été accordées de la manière la plus satisfaisante. Cependant ce serait évidemment abuser de ce principe, que de multiplier par trop les faits semblables, si on n’avait d’autres motifs de le faire que le besoin de concilier les écrivains sacrés. Quelques auteurs de concordes n’ont pas été exempts d’un pareil défaut.
2° Quand ce sont les mêmes historiens qui rapportent des passages en apparence contradictoires, il faut examiner si la contradiction apparente ne vient point d’une omission de circonstances, parce que dans un endroit ce fait est rapporté plus succinctement, et dans un autre avec plus de détails.
3° On ne doit jamais perdre de vue que les personnages dont il est parlé dans les écrivains sacrés peuvent avoir deux noms, deux pères différents, et peuvent été omis dans les généalogies, qui, chez les Juifs, n’étaient pas toujours complètes. On doit encore remarquer que les nombres ne sont pas mis exactement ; on retranche souvent plusieurs années pour obtenir un nombre rond : on se sert quelquefois d’un nombre déterminé pour exprimer un nombre indéterminé. Enfin il faut considérer que les mêmes choses peuvent être considérées dans différents temps, dans différents lieux et sous différents rapports. Avec ces moyens, on peut concilier la plupart des contradictions apparentes des écrivains sacrés, et quand ils ne suffisent pas, on doit bien se garder de prononcer qu’il y a contradiction réelle, mais il faut faire un examen plus approfondi. Que de choses qui ne nous paraissent contradictoires que parce que nous ne connaissons pas suffisamment la langue, les objets, les usages et toutes les circonstances dont parlent les auteurs sacrés ! Que de passages qui semblaient autrefois inexplicables, et qui cependant ont été expliqués d’une manière très-satisfaisante par les recherches des interprètes ! Or, nous avons plus d’un motif d’espérer qu’il en sera de même de ceux qui paraissent encore aujourd’hui inconciliables.
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