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Ou Décimes. Nous ne connaissons rien de plus ancien en fait de dîmes, que celles qu’Abraham donna à Melchisédech, roi de Salem (Genèse 14.20) au retour de son expédition contre les quatre rois ligués avec Codorlahomor. Abraham lui donna la dîme de tout ce qu’il avait pris sur l’ennemi. Jacob imita la piété de son aïeul, en vouant au Seigneur (Genèse 28.22) la dîme de tout ce qu’il pourrait acquérir dans la Mésopotamie. Sous la loi (Lévitique 27.30-32) Moïse veut que toutes les décimes de la terre, soit des grains, soit des fruits des arbres, appartiennent au Seigneur. Que si quelqu’un veut racheter ses dîmes, il donnera un cinquième par-dessus leur valeur. Toutes les dîmes des bœufs, des brebis, des chèvres, et de ce qui se passe sous la verge du pasteur, seront offertes au Seigneur.
Les pharisiens du temps de Jésus-Christ, pour se distinguer par une observation plus littérale de la Loi, ne se contentaient pas de payer la dîme des grains et des fruits de la campagne, qui sont compris sous le nom général de proventus, revenus ; ils donnaient aussi la dîme des légumes de leurs jardins, que la loi n’exigeait point. Le Sauveur ne désapprouve pas leur exactitude (Matthieu 23.23 Luc 11.42) mais il se plaint de leur hypocrisie et de leur orgueil. Oit lit encore dans leur Thalmud, que tout ce qui se mange, qui se met en réserve, et qui vient de la terre, est sujet aux prémices et à la dîme.
La dîme se prenait sur tout ce qui restait après les offrandes et les prémices payées. L’on apportait les dîmes aux lévites dans la ville de Jérusalem, ainsi qu’il paraît par Josèphe et par Tobie (Tobie 1.6). Les lévites mettaient à part pour les prêtres la dixième partie de leurs dîmes ; car les prêtres ne les recevaient pas immédiatement du peuple, et les lévites ne pouvaient pas toucher aux dîmes qu’ils avaient reçues, qu’ils n’eussent auparavant donné aux prêtres ce qui leur était assigné par la Loi.
Sur les neuf parts qui restaient aux propriétaires après la dîme payée aux lévites, on en prenait encore une dixième que l’on faisait transporter en espèce à Jérusalem ; ou si le chemin était trop long, on y portait la valeur en argent, en y ajoutant un cinquième sur le tout, ainsi que l’enseignent les rabbins (Deutéronome 26.12). Cette dîme était employée à faire dans le temple des festins qui avaient assez de rapport aux agapes des premiers chrétiens. C’est ainsi que les rabbins entendent ces paroles du Deutéronome (Deutéronome 14.22-23) : Vous mettrez à part la dixième partie de tous vos fruits, et vous la mangerez en la présence du Seigneur votre Dieu. Et ces autres du même livre (Deutéronome 12.17-18): Vous ne pourrez point manger dans vos villes la dîme de votre froment, de votre vin, et de votre huile, ni les premiers-nés de vos bestiaux, ni rien de ce que vous avez voué au Seigneur… mais vous mangerez ces choses devant le Seigneur votre Dieu, dans le lieu qu’il aura choisi. Vous, vos enfants, vos serviteurs, et les lévites, etc. Josèphe parle aussi de ces festins que l’on faisait dans le temple, et dans la ville sainte.
Tobie (Tobie 1.6) dit que tous les trois ans il payait exactement la dîme aux prosélytes et aux étrangers. C’est apparemment parce qu’il n’y avait ni prêtres, ni lévites dans la ville où il demeurait. Moïse parle de cette dernière espèce de dîme (Deutéronome 14.28 ; 26.12) : La troisième année vous séparerez encore une autre dîme de tout le revenu de cette année-là, et vous la mettrez en réserve dans vos maisons ; et le lévite qui n’a point d’autre part dans la terre que vous possédez ; l’étranger, l’orphelin, et la veuve qui sont dans vos villes, viendront manger et se rassasier afin que le Seigneur vous bénisse, etc. Nous croyons que cette troisième dîme n’est différente de la seconde que nous venons de voir, qu’en ce que la troisième année on ne la portait pas au temple, mais qu’on la consumait sur les lieux, et chacun dans la ville de sa demeure. Ainsi il n’y avale, à proprement parler, que deux sortes de dîmes : celle qu’on donnait aux lévites et aux prêtres, et celle qui était employée en festins de charité, soit dans le temple, ou dans les villes du pays.
Samuel (1 Samuel 8.15-16) parlant aux Israélites de ce que leur roi leur ferait payer, dit : Il prendra la dîme de vos moissons, de vos vignes, et de vos troupeaux. Nous ne voyons pourtant pas distinctement dans l’histoire des Juifs, qu’ils aient payé régulièrement la dîme à leurs princes. Mais la manière dont parle Samuel, insinue que c’était un droit commun parmi les rois d’Orient.
Aujourd’hui les Juifs ne payent plus la dîme, du moins ils ne s’y croient plus obligés, si ce n’est ceux qui sont établis dans le territoire de Jérusalem et de l’ancienne Judée ; car il y a peu de Juifs aujourd’hui qui aient des terres en propre, ni des troupeaux ; on donne seulement quelque chose pour le rachat des premiers-nés, à ceux qui ont quelques preuves qu’ils sont sortis de la race des prêtres, ou des lévites On assure toutefois que ceux des Juifs qui veulent passer pour les plus religieux, donnent aux pauvres la dixième partie de tout leur revenu.
Les chrétiens payent aussi la dîme de leurs terres aux ministres du Seigneur ; mais ce n’est pas en vertu d’aucune loi que Jésus-Christ ou ses apôtres aient promulguée : le Sauveur n’a rien ordonné sur ce sujet ; seulement en envoyant ses apôtres prêcher dans les villes d’Israël (Matthieu 10.10 Luc 10.7-8), il leur défendit de porter ni bourse, ni provisions, mais d’entrer dans la maison de ceux qui voudraient les recevoir, de manger ce qu’on leur offrirait : Car, ajoute-t-il, tout ouvrier est digne de sa récompense et de son vivre. Et saint Paul veut que celui qui reçoit l’instruction, partage ses biens avec celui qui la lui donne (Galates 6.6) c’est là l’ordre naturel, il est juste que ceux qui servent à l’autel vivent de l’autel (1 Corinthiens 9.13) : et qui a jamais fait la guerre à ses propres frais ?
Mais dans les commencements de l’Église, les ministres des autels ne vivaient que des aumônes et des oblations des fidèles. Dans la suite on donna des terres et des revenus fixes aux églises et aux ministres du Seigneur ; les fidèles même commencèrent d’assez bonne heure à leur donner une certaine portion de leurs biens, que l’on nomma dîme, à l’imitation de celle que l’on payait aux prêtres de l’ancienne alliance, quoique chacun ne donnât que ce que sa dévotion lui inspirait, sans aucune obligation marquée, ni pour la quantité, ni pour la qualité. Enfin les évêques, de concert avec les princes séculiers, en firent une loi, et obligèrent les chrétiens à donner aux ecclésiastiques la dîme de leur revenu et des fruits qu’ils recueillaient. Comme ces règlements ne se sont pas faits en même temps, ni d’une manière uniforme, on ne peut marquer au juste l’époque de l’établissement de la dîme ; mais elle est ancienne, et dès le sixième siècle on la payait déjà, quoique d’une manière non uniforme, ni sous une égale obligation partout. Origène croit que les lois de Moïse touchant les dîmes et les prémices, ne sont pas abrogées par l’Évangile, et qu’on doit encore les garder sous la loi nouvelle. Fra Paolo, dans son Traité des Bénéfices, dit qu’avant le huitième et neuvième siècle, on n’avait point payé de dîmes en Orient et en Afrique ; mais ceux qui ont traité cette matière avec plus d’exactitude, ont fait voir qu’on avait payé les dîmes dès les premiers temps. Tout l’Orient étant à présent sous la domination des princes infidèles, l’usage de payer les dîmes n’y est plus connu.
Les peuples barbares, les Grecs et les Romains païens, par un sentiment de religion commun à toutes les nations, ont souvent offert leurs décimes à leurs dieux : les uns s’en sont fait une obligation permanente, les autres l’ont fait dans des cas singuliers, et par le mouvement d’une dévotion passagère. Les marchands arabes qui trafiquaient en encens, n’en osaient vendre qu’ils n’en eussent payé la dîme à leur dieu Sabis. Les Perses étaient fort religieux à offrir à leurs dieux la dîme des dépouilles qu’ils avaient prises sur l’ennemi. Les Scythes eux-mêmes envoyaient leurs décimes à Apollon. Les Carthaginois avaient coutume d’envoyer à Tyr, dont ils étaient une colonie, la dîme de tous leurs biens, et ils envoyèrent à Hercule de Tyr la dîme des dépouilles qu’ils avaient prises en Sicile. Le vaisseau qui apportait la dîme ordinaire des Carthaginois à Tyr, y arriva peu de temps avant qu’Alexandre en fît le siège. Pisistrate écrivant à Solon, pour l’engager à retourner à Athènes, lui dit que chacun y paye la dîme de ses biens pour offrir des sacrifices aux dieux. Les Pélasges qui s’étaient établis en Italie, reçurent commandement de l’Oracle d’envoyer leurs décimes à Apollon de Delphes. Plutarque fait mention en plus d’un endroit de la coutume des Romains d’offrir à Hercule la dîme de ce qu’ils avaient gagné sur l’ennemi.
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