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En latin Fatum. Ce terme ne se lit pas dans l’Écriture. Nous entendons sous le nom de Destin un ordre ou un enchaînement des causes secondes qui emporte une nécessité de l’événement. Les stoïciens soumettaient les dieux mêmes à la nécessité du Destin. Les philosophes païens, n’osant d’un côté imputer aux dieux le malheur qu’ils prétendaient leur arriver injustement ; et de l’autre ne voulant pas reconnaître que c’était par leur faute, ont forgé le Destin, dont ils n’ont jamais eu d’idée bien distincte. Les Hébreux anciens attribuaient tout à Dieu, les biens et les maux, hors le péché. Dieu vengeur et juste envoyait les maux, les maladies, la guerre, la peste ; Dieu bon et miséricordieux accordait les biens et les grâces. Il employait pour nous faire du bien les bons anges, et pour les maux, les mauvais anges. Tout mal était envoyé, ou pour punir nos péchés, ou ceux de nos pères, ou de nos princes, ou de nos enfants, ou pour faire éclater les œuvres de Dieu. Voilà le système des Hébreux, adopté par l’Église chrétienne.
Ils croyaient que tous les événements, même ceux qui paraissent les plus casuels, étaient ordonnés par la Providence ; qu’il ne tombait pas un oiseau en terre sans le Père céleste que les cheveux de notre tête étaient comptés, que la Providence s’étendait jusqu’aux moindres animaux, et jusqu’aux plantes. Il n’est question ici que de savoir si les Juifs déréglés ont cru le destin, et si l’on trouve quelque trace de ce sentiment dans l’Écriture. Il paraît que les impies dont Salomon exprime les sentiments dans le livre de l’Ecclésiaste, étaient dans les sentiments des stoïciens, que tout était ordonné par une cause supérieure, à laquelle rien n’était capable de résister (Ecclésiaste 8.14-17): J’ai vu des justes affligée, comme s’ils avaient fait les œuvres des impies, et j’ai vu des impies qui vivaient avec autant d’assurance, que s’ils avaient fait tout le bien des plus justes … J’ai reconnu que l’homme ne pouvait pénétrer la raison des œuvres de Dieu, et que plus il travaille pour la trouver, moins il la trouve (Ecclésiaste 9.1-11)… L’homme ne sait s’il est digne de haine ou d’amour ; tout arrive également au juste et à l’impie, au bon et au méchant, à celui qui immole des victimes, et à celui qui méprise les sacrifices, etc. J’ai remarqué que la course n’est pas pour ceux qui sont vites, ni la guerre pour ceux qui sont braves, ni le pain pour ceux qui sont sages, ni les richesses pour les doctes, ni les faveurs pour ceux qui sont industrieux, mois que c’est le temps et le hasard qui règlent tout. Voilà, ce me semble, le Destin bien marqué.
Josèphe l’historien, parlant des sectes qui régnaient de son temps parmi les Juifs, dit que les pharisiens attribuent tout ce qui arrive au Destin, mais toutefois sans ôter à l’homme son libre arbitre, et la liberté de se déterminer, parce que Dieu use envers l’homme de ce tempérament, qu’encore que toutes choses arrivent par son décret ou par sa volonté, l’homme conserve toutefois la liberté de choisir entre le vice et la vertu. Dans un autre endroit il dit que les pharisiens attribuent toutes choses au Destin et à Dieu, que pour l’ordinaire faire le bien ou le mal dépend de l’homme, mais que le Destin les aide à faire l’un ou l’autre. Voilà une idée du Destin rectifiée par l’idée de la religion judaïque qui reconnaissait tin Dieu juste, bon, miséricordieux et puissant ; mais je ne sais ce qu’il entendait par le Destin, ni jusqu’où il étendait son pouvoir, et après cela que pourrait-il rester à l’homme ? Et toutefois il prétend que faire le bien ou le mal pour la plupart du temps était en sen pouvoir. Il est sans doute assez malaisé de concilier tout cela, et de distinguer avec précision dans une seule action bonne ou mauvaise, la part que Dieu, le Destin et l’homme y avaient.
On a cru qu’ils attribuaient au Destin ou aux influences des astres les événements nécessaires, et qu’ils n’en exceptaient qu’un petit nombre pour lequel ils laissaient une espèce de liberté ; et même ils voulaient que Dieu aidât dans les actions libres. C’est ainsi qu’il faut entendre cet axiome des anciens rabbins : Tout est en la main du ciel, excepté la crainte de Dieu. C’est-à-dire, que tout arrive nécessairement, et par une fatalité absolue, et que la seule volonté de l’homme est libre pour les choses qui regardent la religion. Le paraphraste chaldéen expliquant les paroles de Salomon (Ecclésiaste 9.2) : Un même accident arrive au juste et au méchant, dit que cela se fait par le Destin ; mais il ajoute incontinent après que cela a été ordonné dans le ciel, et que Dieu l’a résolu. Cela ne regarde que les événements que nous appelons naturels, et non pas les bonnes ou les mauvaises actions morales, lesquelles sont produites par la volonté libre de l’homme, mais aidée par le Destin, selon Joséphe ; apparemment à cause du concours de Dieu, et des causes secondes, et des circonstances qui aident la volonté, et écartent les obstacles qui pourraient la déterminer au contraire. Les Juifs modernes donnent beaucoup aux influences des astres ; ils avouent qu’il n’y a point de disputes entre les sages sur ce sujet ; ils souhaitent à leurs amis le jour de leurs noces, que sa planète soit heureuse, et ils remarquent soigneusement sous quelle planète et sous quel signe du zodiaque leurs enfants naissent tout cela toutefois ne leur fait rien ôter aux droits de la toute-puissance de Dieu, et à son pouvoir sur le cœur et la volonté de l’homme ; mais ils n’ont pas tant disputé à beaucoup près sur la grâce et la liberté, et sur la manière de concilier l’une avec l’autre, que l’on a fait dans les écoles chrétiennes.
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