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Deuil

Les Hébreux, à la mort de leurs amis et de leurs proches, donnaient toutes les marques sensibles de douleur et de deuil. Ils pleuraient, déchiraient leurs habits, se frappaient la poitrine, jeûnaient, se couchaient sur la terre, allaient nu-pieds, s’arrachaient quelquefois lescheveux et la barbe, ou du moins se les coupaient, et se faisaient des incisions ou des égratignures sur le sein (Lévitique 19.28 ; 21.5 Jérémie 16.6). Le temps du deuil était ordinairement de sept jours ; mais quelquefois on l’abrégeait, ou on l’allongeail, selon les circonstances et la disposition où l’on se trouvait. Luctus mortui septem dies, dit Jésus, fils de Sirach (Ecclésiaste 22.7). Mais ailleurs (Ecclésiaste 38.16-17) il dit : Faites le deuil de votre ami dans l’amertume de votre âme pendant un ou deux jours, pour vous mettre à couvert des traits de la médisance ; mais après cela, consolez-vous, car la tristesse abrége la vie. Les rabbins reconnaissent aussi divers degrés dans la douleur et dans le deuil. Dans les trois premiers jours, il est permis de s’abandonner aux larmes et à toute la vivacité de sa douleur.Les sept jours suivants, la douleur doit être plus modérée. Mais si l’on continue dans le deuil pendant un mois entier, on doit le faire avec beaucoup de tempérament. Les deuils de Saül (1 Samuel 31.13), de Judith (Judith 16.29), d’Hérode le Grand, ne furent que de sept jours. Ceux de Moïse et d’Aaron furent de trente jours (Nombres 20.3 ; Deutéronome 24.8). Josèphe dit que le deuil de trente jours doit suffire aui plus sages, dans la perte de leurs pus proches parents et de leurs plus chers amis.

Pendant toute la durée du deuil, les plus proches parents du mort, comme père, mère, mari, frère, sœur, enfants, demeurent dans leur maison assis, et mangent par terre. La nourriture qu’ils prennent, est censée impure, comme eux-mêmes passent pour souillés ; au moins cela était ainsi avant la ruine du temple par les Romains. Leurs sacrifices sont comme le pain de ceux qui pleurent un mort, dit Osée (Osée 9.4) quiconque en mange, sera souillé. Ils ont le visage couvert (Ézéchiel 24.17), et ne peuvent pendant tout ce temps vaquer à leur travail, ni lire le livre de la loi, ni faire leurs prières accoutumées. Ils ne se chauffent point, ne font point leur lit, ne découvrent point leur tête, ne se font point raser, ne coupent point leurs ongles, ne saluent personne, ne prennent point de bain. On ne leur parle point, qu’ils n’aient parlé les premiers. Ordinairement on va les visiter pour les consoler, et on leur porte quelque chose à manger, selon ces paroles (Proverbes 31.6) : Donnez du vin à ceux qui sont affligés, et à ceux qui sont dans l’amertume de leur cœur ; qu’ils boivent et qu’ils oublient leur pauvreté, leur affliction, et qu’ils perdent pour jamais la mémoire de leurs douleurs.

Léon de Modène dit qu’au retour des funérailles, les parents du mort s’asseyent à terre, et qu’après avoir ôté leurs souliers, on leur sert du pain, du vin et des œufs durs. Dans quelques endroits, on fait un grand repas à la parenté et à ceux qui ont assisté au convoi. Josèphe dit qu’Archélaüs ayant fait pendant sept jours le deuil du grand Hérode, son père, traita magnifiquement le peuple ; et que c’est la coutume parmi les Juifs, dans ces rencontres, de donner de grands repas à la parenté ; ce qui incommode beaucoup de personnes qui ne peuvent soutenir cette dépense. Anciennement ils mettaient du pain et de la viande sur les tombeaux des morts (Tobie 4.18 Ecclésiaste 30.18 Baruch 6.26-31), afin que les pauvres en pussent profiter, et qu’ils priassent pour le repos du défunt.

Anciennement, dans les deuils publics, les Hébreux montaient sur les toits ou sur les plates-formes de leurs maisons, pour y déplorer leur malheur. Dans toutes les villes de Moab, dit Isaïe (Isaïe 15.3), Je ne vois que des personnes revêtues de sacs : je n’entends sur tous les toits et dans les places publiques que des hurlements et les cris de douleur. Et ailleurs, en parlant à Jérusalem (Isaïe 22.1), il lui dit : Qu’avez-vous donc que vous voilà toute montée sur les toits, et qu’on n’entend de toutes parts que lamentations au milieu de vous, ville de joie et de plaisir ?

On employait des pleureuses à gage, et des joueurs d’instruments dans les funérailles des Hébreux, de même que dans celles des Romains ; mais cet usage ne se remarque que depuis la domination des Romains dans l’Orient. Ils y introduisirent aussi cette coutume : Les personnes âgées étaient conduites au tombeau au son de la trompette, dit Servius, et les jeunes gens au son de la flûte. Dans saint Matthieu (Matthieu 9.23), nous voyons une troupe de joueurs de flûtes appelés pour les funérailles d’une jeune fille de douze ans. Chez les Romains, les rois avaient fixé le nombre des joueurs de flûte dans les funérailles. Il n’était pas permis d’en avoir plus de dix. Les rabbins décident parmi les Hébreux que le mari n’en pouvait avoir moins de deux aux funérailles de sa femme, sans compter les deux pleureurs et la pleureuse à gage, qui s’y trouvaient toujours. Si une femme de condition avait épousé un mari de moindre qualité, l’homme devait traiter son épouse dans sa pompe funèbre suivant sa condition, et non selon la sienne ; car, selon les rabbins, la femme monte avec son mari, mais elle ne descend pas avec lui, même à la mort.

Tous ceux qui rencontraient une pompe funèbre ou une compagnie de deuil devaient par honneur se joindre à elle, et mêler leurs larmes à celles de ceux qui pleuraient. C’est à quoi saint Paul semble faire allusion lorsqu’il dit (Romains 12.15) : Il faut pleurer avec ceux qui pleurent, et se réjouir avec ceux qui se réjouissent. Et le Sauveur, dans l’Évangile (Luc 7.32 Matthieu 11.17) : À qui comparerai-je cette race ? Ils sont semblables aux enfants qui sont dans les places publiques, et qui crient à leurs semblables : Nous vous avons joué de la ligne, et vous n’avez point voulu danser :nous avons fait des lamentations, et vous n’avez point pleuré. Lorsque Jésus-Christ était conduit au supplice, les femmes de Jérusalem le suivaient et faisaient de grandes lamentations (Luc 23.27). La fille de Jephté étant dévouée par son père pour être immolée (Juges 11.38), alla sur les montagnes pour y faire, avec ses compagnes, des lamentations de sa propre mort, et de ce qu’elle mourait sans avoir été mariée. Coutume qui s’observa dans la suite dans le pays où les filles allaient sur les montagnes pour pleurer la virginité de la fille de Jephté. Dans la Palestine et dans la Syrie, les femmes vont aussi certains jours dans les cimetières pour y faire le deuil de leurs proches.

L’habit de deuil, parmi les Hébreux, n’est fixé ni par la loi, ni par la coutume : on voit seulement dans l’Écriture que, dans ces circonstances, ils déchiraient leurs habits ; pratique qu’ils observent encore aujourd’hui, mais ils n’en déchirent qu’une petite partie, et seulement pour la forme. On voit aussi que, dans le deuil, ils se revêtaient de sacs ou de cilices, c’est-à-dire, d’habits rudes et mal faits, et d’une étoffe brune ou noire (2 Samuel 3.31 ; 1 Rois 20.31-32 ; 21.27 ; 2 Rois 19.1-2 ; Néhémie 9.1 ; Esther 4.1-3 ; Job 16.16 ; Psaumes 29.12 ; Isaïe 15.3 ; 20.3 ; 22.12 ; 37.1-2 ; 58.5 ; Daniel 9.3 ; Joël 1.8-13 Amos 8.10 Jonas 3.5-8 Apocalypse 11.3), et d’un tissu fort grossier. Aujourd’hui, pour ne se pas rendre ridicules, ils portent le deuil à la manière du pays où ils vivent, sans y être astreints par aucune loi. On peut voir notre dissertation sur les funérailles des Hébreux, qui est imprimée à la tête du Commentaire sur les Nombres.

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