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Élisées, champs Élisées ou Elisiens. On appelle de ce nom, dans la théologie païenne, certaines campagnes remplies de buis, de prairies, de fontaines agréables dans les enfers, où allaient après leur mort les héros et les gens de bien, pendant que les impies et les scélérats étaient tourmentés dans le noir Tartare par différentes sortes de supplices. On croit que le nom de Champs Elisiens vient de l’Hébreu Halaz, qui signifie se réjouir, parce que les âmes qui sont dans les Champs Elisiens, y demeurent dans le repos et dans la joie :
Devenere lotos laetos et amoena vireta
Fortunatorum nemorum, sedesque beatas,
Dit Virgile d’autres le dérivent du nom d’Eliza, fils de Javan, qui peupla une partie du Péloponèse.
On croit que les Champs Elisiens sont de l’invention des Grecs ; mais je ne doute pas qu’ils ne viennent plutôt des Égyptiens et des Hébreux. Nous trouvons dans les prophètes (Ézéchiel 27.2) quelques descriptions de l’état des âmes des héros après leur mort, qui ont beaucoup de rapport à ce que les profanes nous disent des Champs Elisiens, par exemple (Ézéchiel 31.15) : Le jour qu’Assur est descendu dans l’enfer, j’ai ordonné un deuil général, dit le Seigneur, j’ai fermé sur lui l’abîme, j’ai arrété le cours de ses fleuves et des grandes eaux qui l’arrasoient (voilà l’Achéron et les autres fleuves de l’enfer) ; le Liban et tous les arbres de la campagne ont été ébranlés de sa chute ; toutes les nations ont été frappées d’étonnement lorsqu’il est descendu dans le tombeau ; tous les bois d’Éden, ou tous les arbres du jardin délicieux, qui sont au plus profond de la terre, ont été comblés de joie : avec lui sont descendus tous les plus beaux arbres du Liban, qui étaient son bras et sa force, et qui sereposaient sous son ombre. À qui ressemblez-vous maintenant parmi tous les arbres, vous qui étiez si grand ? Vous voilà enfin réduit au fond de la terre avec les arbres d’Éden ; vous y dormirez avec tous ceux qui ont été tués par l’épée. Là sera Pharaon avec toutes ses troupes.
On voit dans toute cette description que le roi d’Assyrie est comparé à un cèdre du Liban, qui ébranle de sa chute tous les arbres de cette montagne ; que les princes et les rois qui étaient tributaires du roi d’Assyrie, sont comparés aux arbres du pays d’Éden. Tous ces arbres sont descendus en enfer pour y former une forêt ou un jardin délicieux.
Isaïe nous représente les rois des nations assis sur des trônes dans l’enfer, qui viennent au-devant du roi de Babylone (Isaïe 14.9) : L’enfer a été troublé à ton arrivée, au roi de Babylone, les géants se sont levés pour venir au-devant de toi : les princes de la terre et les rois des nations sont descendus de leurs trônes (pour te faire honneur) et t’ont adressé la parole, en disant : Tu as donc été percé de plaies aussi bien que nous, tu es devenu comme l’un de nous ; ton orgueil a été précipité dans l’enfer (ou dans le tombeau), ton lit sera la pourriture, et ta couverture seront les vers, etc.
De même que dans l’idée des païens, les Champs Élisées étaient séparés du Tartare et de la demeure des méchants, par des murs insurmontables et un fleuve de feu, qui empêchaient que l’on ne pût passer de l’un dans l’autre ; ainsi, selon l’idée de l’Écriture (Luc 16.26), il y a un abline profond qui sépare les bienheureux qui sont dans le sein d’Abraham, des méchants qui sont dans l’enfer. Cela n’empêchait pas toutefois que les méchants ne vissent le bonheur des gens de bien, et cela même faisait une partie de leur supplice. Ainsi nous voyons le mauvais riche qui parle à Abraham, et le prie de faire avertir ses frères de se donner de garde de tomber dans ce lieu de tourments : ainsi dans le livre de la Sagesse (Sagesse 5.1-3), les méchants sont témoins de la gloire des gens de bien. Ainsi, dans Virgile, on entend les cris et les gémissements des damnés, les coups qu’on leur donne, et le mouvement dos chaînes dont ils sont chargés.
De même que les Juifs croient que les âmes de ceux qui ne sont pas enterrés rôdent sur la terre, et ne peuvent avoir de repos que leurs corps ne soient dans la sépulture ; ainsi chez les païens ceux qui n’étaient pas enterrés ne pouvaient être reçus dans la barque de Caron, ni passer dans le lieu où ils étaient destinés.
Enfin de même que les rabbins croient que les âmes des morts peuvent revenir et reviennent en effet, surtout pendant les douze mois qui suivent leur trépas, puis retournent en enfer ou dans le lieu où les âmes attendent la résurrection générale, ainsi les profanes croyaient que les apparitions, surtout des personnes mortes depuis peu, étaient fréquentes ; que les âmes sortaient de l’enfer et y rentraient assez souvent, à l’exception toutefois des grands scélérats, à qui l’un n’accordait pas cette liberté. d’où vient qu’Ézéchiel dit que Dieu ferma la porte de l’abîme sur le roi d’Asstir, quand il fut descendu dans l’enfer (Ézéchiel 31.15), et que, dans le livre d’Énoch. Dieu ordonne à saint Michel de charger de chaînes les anges rebelles, et de les précipiter dans le Fond de la terre ; et dans l’Apocalypse (Apocalypse 20.1), l’ange descend du ciel ayant en main la clef de l’abîme, saisit le démon, l’enchaîne, le jette dans l’abîme ferme la porte sur lui, et la scelle afin qu’il n’en puisse jamais sortir. Le mauvais riche, dans saint Luc, ne peut sortir du lieu des supplices (Luc 16.23-24).
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