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Esther

Autrement Edissa, de la tribu de Benjamin, fille d’Abihaïl. Ses parents étant morts, Mardochée, son oncle paternel, prit soin de son éducation. Après qu’Assuérus, autrement Darius, fils d’Hystaspe, eut répudié Vasthi, ou chercha, dans toutes les provinces de l’empire des Perses, toutes les plus belles personnes que l’on put trouver ; Esther fut de ce nombre (Esther 2). On l’amena à la cour, et elle fut confiée à un eunuque pour la nourrir et lui fournir tout ce qui était nécessaire. On lui donna sept filles pour la servir, et elle demeura ainsi un an entier à se disposer, par l’usage des huiles de senteur et des parfums, à se présenter devant le roi.

Le temps étant venu qu’elle devait être conduite à l’appartement du roi, on lui donna tous les ornements qu’elle voulut ; et elle trouva grâce aux yeux du roi Assuérus. Il lui mit sur la tête le diadème royal, et la déclara reine en la place de Vasthi. Le roi fit ses noces avec une magnificence royale, et fit des largesses et des remises à ses peuples, à cause de cette fête. Or, Esther ne déclara point qui elle était, et ne dit pas que Mardochée était son oncle, parce que celui-ci le lui avait défendu.

Le roi Assuérus ayant élevé en honneur un de ses officiers, nominé Aman, et celui-ci voulant exiger des honneurs qui ne sont dus qu’à Dieu, Mardochée les lui refusa constamment ; ce qui lui attira l’indignation d’Aman (Esther 3) et, pour se venger du mépris prétendu que Mardochée faisait de sa personne, il obtint du roi un ordre de mettre à mort tous les Juifs qui étaient dans ses États. Mardochée en donna avis à Esther, et lui fit dire qu’il fallait qu’elle se présentât au roi, et lui demandât la révocation de cet ordre, qu’Aman n’avait obtenu qu’en surprenant le roi. Esther s’en défendit (Esther 4) sur ce qu’il y avait déjà trente jours que le roi ne l’avait point fait venir, et qu’elle n’osait l’aller trouver, sans être appelée, à cause de la défense que le roi avait faite, sous peine de la vie, à qui que ce fût, d’entrer dans sa salle intérieure, sans y être appelé par ses ordres ; à moins qu’il n’étendît vers la personne qui se présenterait son sceptre d’or, et qu’il ne la garantît de la mort par cette marque de clémence.

Mardochée ne se rendit pas à cette raison. Il fit dire à Esther que nul danger ne devait l’empêcher de secourir sa nation dans une telle extrémité, et que c’était apparemment pour cela même que Dieu l’avait élevée à la dignité royale, afin de la mettre en état d’agir dans une occasion comme celle-là. Esther se disposa donc par la prière, par l’humiliation et par le jeûne, à se présenter devant le roi : elle dit à Mardochée dépasser de même trois jours et trois nuits dans le jeûne et la prière, pour attirer la miséricorde de Dieu sur son entreprise.

Après les trois jours (Esther 5), Esther se revêtit de ses habits royaux ; et s’étant rendue à l’appartement du roi, elle se tint vis-à-vis la porte de la salle intérieure où était le trône du roi. Assuérus, l’ayant vue, étendît vers elle son sceptre d’or et lui dit : Esther, que demandez-vous ? Quand vous me demanderiez la moitié de mon royaume, je vous la donnerai. Esther lui répondit : Je supplie le roi de venir aujourd’hui, s’il lui plaît, au festin que je lui ai préparé, et Aman avec lui. Le roi et Aman vinrent donc au festin de la reine, et le roi lui dit de nouveau qu’elle pouvait lui demander tout ce qu’elle désirerait. Mais Esther ne lui demanda autre chose, sinon qu’il lui plût revenir encore le jour suivant dîner chez elle avec Aman.

Le roi y vint donc, et Aman avec lui (Esther 7) ; et, dans la chaleur du vin, Assuérus lui ayant réitéré les mêmes promesses qu’il lui avait faites auparavant, Esther lui répondit : Ô roi, si j’ai trouvé grâce à vos yeux, je vous supplie de m’accorder ma propre vie et celle de mon peuple, pour lequel j’implore votre clémence. Le roi lui dit : Et qui est celui qui a conspiré contre votre vie et contre celle de votre peuple ? Esther répliqua : C’est cet Aman que vous voyez, et qui est notre plus cruel adversaire. Le roi en même temps se leva tout en colère et sortit dans le jardin qui était près de la salle. Aman se leva aussi de table, et se jeta aux genoux de la reine, pour la supplier de lui sauver la vie. En même temps, le roi étant rentré, et ayant vu Aman qui s’était jeté sur le lit de table où était Esther, s’écria : Comment I il veut encore faire violence à la reine en ma présence, et dans ma maison ? À peine la parole fut sortie de la bouche du roi, que l’on saisit Aman, qu’on lui couvrit le visage, et qu’on le mena pour le faire mourir. Voyez Aman. [Voyez Ninive].

Le même jour (Esther 8), le roi révoqua l’ordre qu’il avait donné d’exterminer tous les Juifs de ses États, et leur permit à eux-mêmes de se venger de leurs ennemis, de tuer les hommes, les femmes et les enfants, et de piller leurs maisons. Le jour pour exécuter cette vengeance fut marqué au treizième jour du mois Adar, qui était le même jour auquel Aman avait résolu de les faire périr. En exécution de cette permission, les Juifs firent un grand carnage de leurs ennemis (Esther 9) dans toute l’étendue du royaume d’Assuérus ; en sorte que, dans la seule ville de Suse, ils tuèrent jusqu’à cinq cents de leurs ennemis, sans compter les dix fils d’Aman. Ils continuèrent encore le lendemain à tuer leurs ennemis, avec la permission du roi, mais seulement dans Suse ; et on compta dans les autres villes jusqu’à soixante-quinze mille morts, que les Juifs massacrèrent le treizième jour d’Adar. Ils choisirent le quatorzième du même mois pour faire une fête solennelle en mémoire de cet événement, et ils donnèrent à cette fête le nom de Purim, c’est-à-dire les sorts, à cause que ce jour-là ils devaient être mis à mort, suivant le sort qu’Aman avait tiré à cette intention.

Le livre d’Esther, qui contient l’histoire que nous venons de rapporter, a toujours passé pour canonique, chez les Juifs comme dans l’Église chrétienne ; mais la canonicité des additions qui se trouvent à la fin de ce livre dans les éditions latines, et qui ne sont pas dans les exemplaires hébreux, a été fort contestée. Les exemplaires de la version grecque que nous avons ne sont pas uniformes entre eux, et sont assez différents de l’hébreu ; et les anciennes traductions latines qu’on avait de cet ouvrage avant celle de saint Jérôme différaient, et du texte hébreu, et des versions grecques. On lit dans le grec, à la tête de ce livre, que la quatrième année de Ptolémée et de Cléopiltre, Dosithée, accompagné de Ptolémée son fils, apporta en Égypte la lettre de Purim, qu’ils disaient avoir été traduite en grec par Lysimaque, fils de Ptolémée. On croit que le roi Ptolémée sous lequel cette tradition fut apportée en Égypte, est Ptolémée Philométor, mort en 3861, longtemps après Ptolémée Philadelphe, sous lequel on fixe communément la version des Septante. C’est apparemment ce Lysimaque qui est l’auteur des additions qui se remarquent dans le texte grec d’Esther.

Quant à l’auteur original de ce livre, on est assez partagé sur cela. Saint Clément d’Alexandrie, suivi de quelques rabbins et de plusieurs de nos commentateurs, l’attribue à Mardochée, et le livre lui-même favorise ce sentiment, puisqu’il porte (Esther 12.4) que Mardochée écrivit cet événement : Merdechoeus memoriam rei litteris tradidit. d’autres le donnent à Esdras ; d’autres croient que la grande synagogue le composa et le mit dans le canon des Écritures. Nous fixons le temps auquel cette histoire arriva, sous le règne de Darius, fils d’Hystaspe, que nous croyons être le même qu’Assuérus. On peut voir Assuérus, Aman, Mardochée, où nous rapportons plusieurs circonstances de l’histoire d’Esther. Voyez aussi notre Préface sur le livre d’Esther.

Esther et Mardochée furent, à ce qu’il paraît, ensevelis dans le même sépulcre, à Ecbatane, aujourd’hui Hamadan, où on voit encore un monument sépulcral élevé à leur honneur. Sir Robert Ker-Porter, qui visitait cette ancienne capitale des Mèdes au mois de septembre 1818, parle en ces termes du tombeau d’Esther et de Mardochée :

Les habitants juifs d’Ecbatane… prirent un vif intérêt aux questions que je leur fis sur le tombeau d’Esther et de Mardochée, dont le dôme s’élève encore au-dessus des chétives habitations de ce pauvre reste d'Israël, encore languissant sur la terre de sa captivité. Cette tombe est regardée de tous les Juifs existant en Perse comme un lieu de sainteté particulière ; à certaines époques, ils y font des pèlerinages dans le même esprit de pénitence qui leur faisait tourner autrefois les yeux vers Jérusalem. Le rabbin, gardien du sépulcre, auquel je m’adressai pour le voir, parut flatté de ma curiosité, et se mit ensuite en devoir de la satisfaire ; nous traversâmes la ville en passant sur beaucoup de ruines et de décombres, avant d’arriver à un terrain clos, plus élevé qu’aucun de ceux du voisinage, au milieu duquel est le tombeau juif, bâtiment carré, en briques, de la forme d’une mosquée, terminé par un dôme un peu allongé, le tout se dégradant faute d’entretien. La porte du monument, suivant l’ancien style sépulcral du pays, est fort petite, et d’une seule pierre très-épaisse. La clef est toujours entre les mains du chef des Juifs d’Hamadan, et sans doute elle n’a pas cessé d’y être depuis l’enterrement du saint couple, juste objet de leur reconnaissance, puisqu’il préserva leurs pères d’un massacre qui devait les envelopper tous. Le tombeau actuel d’Esther occupe la même place que l’ancien, qui fut détruit par Tamerlan. » Sir Robert Ker-Porter, Voyages en Arménie, en Perse, etc. Londres, 1821. Voyez Ecbatane.

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