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Peine ecclésiastique qui, en punition d’un péché mortel et grave, sépare de la communication de l’Église et prive des biens spirituels ceux qui l’ont encourue. Il y a deux ou trois sortes d’excommunications : la grande, qui sépare la personne du corps des fidèles : ainsi saint Paul excommunia l’incestueux de Corinthe (1 Corinthiens 5.1-5) ; la mineure, qui est une défense d’administrer ou de recevoir les sacrements ; la dernière est celle qui prive seulement de la compagnie des fidèles. Il en est parlé dans la seconde Épître aux Thessaloniciens (2 Thessaloniciens 3.6) : Pions vous dénonçons, mes frères, que vous ayez à vous’séparer de tous ceux d’entre vos frères qui se conduisent d’une manière peu réglée, et qui ne suivent point l’ordre et la tradition que nous leur avons donnée. Voyez aussi le verset 14 : Si quelqu’un n’obéit point à ce que nous vous ordonnons par notre lettre, notez-le, et n’ayez point de commerce avec lui, afin qu’il en ait de la confusion. Saint Augustin parle en plus d’un endroit de cette dernière sorte d’excommunication. On en voit la pratique dans la règle de saint Benoît. Théophylacte dit que cette séparation de la compagnie des fidèles passait autrefois pour une grande peine.
L’ancienne Église a été fort réservée à séparer les fidèles de son sein par l’excommunication. Elle ne l’a fait que rarement, pour des raisons très-sérieuses et très-importantes, et toujours avec douleur. On distingue l’excommunication médecinale de l’excommunication mortelle. La première s’employait envers les pénitents, que l’on séparait de la communion jusqu’à ce qu’ils eussent satisfait à la pénitence qui leur était imposée. La seconde était portée contre les hérétiques et les pécheurs impénitents et rebelles à l’Église. Le pouvoir d’excommunier a été donné à l’Église dans la personne des premiers pasteurs : il fait partie du pouvoir des clefs que Jésus-Christ même donna aux apôtres immédiatement, et dans leurs personnes aux évêques qui sont leurs successeurs.
Les causes de l’excommunication se peuvent réduire à trois chefs : l’erreur, le crime et la désobéissance. Dans le commencement on n’usait du glaive spirituel que pour des causes spirituelles ; mais dans la suite on fut obligé de réprimer les entreprises des méchants contre les personnes et les biens ecclésiastiques par des censures et par l’excommunication. La troisième manière d’excommunier était fort en usage dans la primitive Église. Les fidèles se séparaient eux-mêmes de ceux dont les apôtres et les évêques leur disaient de se séparer. Ensuite les évêques employèrent les menaces, les anathèmes, les sentences d’excommunication ; enfin, pour rendre ces cérémonies plus effrayantes, on les accompagna d’actions ca pables d’inspirer de la terreur, comme d’allumer les cierges, de les éteindre, de les jeter par terre, de les fouler aux pieds en prononçant l’excommunication, de prononcer des malédictions contre l’excommunié, etc.
Le principal effet de l’excommunication est de séparer l’excommunié de la société des fidèles de lui ôter le droit d’assister, aux assemblées de religion, de le priver de l’Eucharistie, de l’assistance aux prières communes, des sacrements et de tous les autres devoirs par lesquels les chrétiens sont liés en une même société et une même communion. Un excommunié est à l’égard des autres fidé/es comme un publicain et un païen, suivant les termes de l’Évangile (Matthieu 18.17) ; mais elle ne le prive point du tout des devoirs qui lui sont dus en qualité d’homme, de citoyen, de père, de mari, de roi, par le droit naturel, par le droit des gens et par le droit civil. Et lorsque les apôtres ordonnent de n’avoir point de commerce avec les excommuniés (1 Corinthiens 5.1-5 ; 2 Thessaloniciens 3.6-14), de ne pas manger avec eux, de ne pas même les saluer (2 Jean 1.10-11), cela doit s’entendre des devoirs de simple civilité, qu’il est libre de rendre ou de ne pas rendre, et non pas des obligations naturelles et d’une obligation fondée sur la nature ou sur le droit des gens.
Quant à l’excommunication des Juifs, nous en voyons la pratique dès le temps de Barach et de Débora, si l’on en croit les rabbins. Il est dit dans le cantique de Débora (Juges 5.23) : Maudissez Méroz, dit l’ange du Seigneur, maudissez ceux qui s’assiéront auprès de lui, parce qu’ils ne sont pas venus au secours du Seigneur aven les forts. Méroz fut donc excommunié, disent les Juifs, au bruit de quatre cents trompettes ; Barach, qui est nommé l’ange du Seigneur, le maudit, et avec lui ceux qui s’assiéraient auprès de lui. Mais cet exemple ne paraît pas bien propre pour montrer l’antiquité de l’excommunication. Nous la voyons d’une façon plus expresse du temps d’Esdras et de Néhémie (Esdras 10.8 ; 13-23-28), lorsqu’ils excommunièrent ceux qui ne voudraient pas répudier les femmes étrangères qu’ils avaient prises contre la loi, et qu’ils s’engagèrent eux-mêmes, sons peine d’excommunication, à observer les lois du Seigneur.
Les Esséniens, en faisant profession dans leur secte, s’engaraient par les plus redoutables serments a en observer les lois ; et quand quelqu’un d’entre eux était tombé dans une faute considérable on le chassait de la Société des autres Esséniens ; et celui qui était ainsi chassé mourait assez souvent d’une mort malheureuse : car, étant lié par ses serments et par ses vœux, il ne pouvait recevoir aucune nourriture de la main des étrangers ; et, ne pouvant avoir de commerce avec ceux dont il était séparé, il était forcé pour vivre de se nourrir d’herbes sauvages, comme une bête, jusqu’à ce que ses membres se corrompaient et tombaient peu à peu. Il arrivait quelquefois que les Esséniens, touchés de compassion, les retiraient de cet état et les recevaient de nouveau dans leur corps, lorsqu’ils croyaient qu’ils avaient assez expié la faute qu’ils avaient commise. Voilà l’excommunication, ses causes, ses effets et son absolution.
Notre Sauveur, dans l’Évangile (Matthieu 10.17 Jean 9.22 ; 16.11 ; Luc 6.22), prédit à ses apôtres que les Juifs, en haine de lui, les excommunieront et les maltraiteront. Ils vous chasseront, de leurs synagogues, leur dit-il ; ils vous feront paraître devant les tribunaux et vous condamneront au fouet. Ou dit que chez les Juifs l’on fouettait ordinairement les excommunié, avant que de les chasser de la synagogue.
L’excommunication était précédée par la censure et les monitions. Elles se faisaient d’abord en secret ; mais, si le coupable ne se corrigeait pas, la maison du jugement, c’est-à-dire, l’assemblée des juges, lui dénonçait avec menace eût à se corriger. S’il persistait dans son opiniâtreté, on rendait contre lui la censure publique par quatre sabbats consécutifs, où l’on proclamait le nom du coupable et la nature de sa faute, afin de lui faire honte. Enfin, s’il demeurait incorrigible, on l’excommuniait. Il semble que Notre-Seigneur fait allusion à cette pratique, lorsqu’il nous ordonne (Matthieu 18.16-17) d’avertir notre frère secrètement entre nous et lui ; puis que nous prenions quelques témoins avec nous pour l’avertir ; et enfin que nous le dénoncions à l’Église. Que si après cela il ne rentre point dans son devoir, que nous le regardions comme un pécheur et un publicain.
La sentence d’excommunication parmi les Juifs était conçue en ces termes : qu’un tel soit dans l’excommunication, ou dans la séparation ; ou, qu’un tel soit excommunié ou séparé. Les juges, ou la synagogue, ou même les particuliers, avaient droit d’excommunier ; mais régulièrement c’était la maison du jugement ou la cour de justice qui portait la sentence de l’excommunication solennelle. Un particulier pouvait en excommunier un autre, et il pouvait pareillement s’excommunier lui-même, comme ceux qui s’anathématisèrent et s’engagèrent à ne boire ni manger qu’ils n’eussent pris saint Paul mort ou vif (Actes 23.12). Enfin on excommuniait quelquefois les bêtes ; et les rabbins enseignent que l’excommunication a son effet jusque sur les chiens. Ils croient qu’un homme peut être excommunié eu songe, lorsqu’en dormant il croit voir les juges, qui, par une sentence juridique, ou même un particulier, qui le déclare excommunié. Dans ce cas, ils se tiennent pour frappés d’excommunication ; parce, disent-ils, qu’il se peut faire que Dieu les ait excommuniés en dormant, ou que ses ministres l’aient fait par son ordre.
Ceux qui avaient porté la sentence d’excommunication pouvaient la lever et déclarer absous celui qui l’avait encourue ; pourvu qu’il donnât des marques de son repentir. On ne pouvait absoudre que présent celui qui avait été excommunié présent. Celui qui avait été excommunié par un particulier pouvait se faire absoudre par un juge public ou par trois hommes choisis exprès pour cela. Celui qui s’était excommunié lui-même, ne pouvait régulièrement s’absoudre, soi-même ; il fallait pour cela dix personnes choisies du milieu du peuple. Enfin celui qui avait été excommunié en songe devait chercher dix hommes savants dans la loi et dans la science du Talmud pour lui donner l’absolution.
On distingue d’ordinaire trois sortes d’excommunications parmi les Juifs. La première se nommait niddui, c’est-à-dire, séparation. C’est l’excommunication mineure. Elle durait trente jours, et séparait l’excommunié de l’usage des choses saintes. La seconde était nommée cherem, c’est-à-dire, anathème. C’est une espèce de réaggrave de la première, et répond à-peu-près à notre excommunication majeure. Elle exclut l’homme de la synagogue, et le prive de tout commerce civil. Enfin la troisième sorte d’excommunication est appelée schammatha, et était au-dessus de l’excommunication majeure. Elle se publiait, dit-on, au bruit de quatre cents trompettes, et était toute espérance de retour à la synagogue. On prétend même que la peine de mort y était attachée. Mais Selden soutient que ces trois termes, niddui, cherem et schammatha, sont souvent synonymes, et que les Juifs n’ont jamais eu, à proprement parler, que deux sortes d’excommunications : l’une majeure, et l’autre mineure. On peut consulter cet auteur dans son premier livre de Synedriis veterum Hebroeorum, chapitre 7 et 8.
Léon de Modène dit que quand le rabbin excommunie quelqu’un, il le maudit publiquement ; après quoi, pas un Juif ne peut parler à l’excommunié, ni approcher de lui à la distance d’une toise. L’entrée de la synagogue lui est défendue, et il est obligé de s’asseoir pieds nus à terre, comme s’il lui était mort un parent, jusqu’à qu’il soit absous par un ou plusieurs rabbins, et béni de nouveau. Si la faute mérite une excommunication plus solennelle, on s’assemble dans la synagogue, et on allume des torches noires ; puis, au son d’un cor, on prononce malédiction à qui a fait ou fera telle chose. À quoi toute l’assemblée répond : Amen.
Les païens avaient aussi leur excommunication pour de grands crimes, comme on le voit chez les Grecs, les Latins et les Gaulois : mais cette matière ne regarde point notre sujet. Nous nous bornons aux livres de l’Ancien et du Nouveau Testament.
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