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Les Hébreux avaient diverses sortes de sacrifices d’expiation, pour les fautes d’ignorance commises contre la loi (Lévitique 4), et pour se purifier de certaines souillures légales, qui étaient regardées comme des indécences, ou même comme des fautes qui méritaient d’être expiées par certaines victimes. Par exemple, une femme après ses couches (Lévitique 12.6-7), un lépreux, lorsqu’il était nettoyé de sa lèpre (Lévitique 14.4-5), devaient offrir quelques hosties, pour se purifier ; de même que ceux qui, ayant touché quelque chose d’impur, avaient oublié ou négligé de se purifier au temps et à la manière qui sont prescrits par la loi (Lévitique 5.1-3). Ces sacrifices d’expiation ne remettaient pas par eux-mêmes les fautes réelles commises contre Dieu, ils n’effaçaient pas la difformité du péché qui déplaît à Dieu ; mais ils réparaient simplement la faute extérieure et légale, et mettaient le transgresseur à couvert de la peine temporelle, dont Dieu ou les juges punissaient ces fautes, lorsqu’on négligeait de les expier par les voies marquées par la loi.
Voici les cérémonies qui s’observaient lorsqu’un Israélite offrait un sacrifice pour le péché (Lévitique 4.27-28). Il amenait sa victime au tabernacle, mettait la main sur la tête de l’animal, confessait sa faute, immolait son hostie dans le parvis, au lieu où l’on immolait les holocaustes, au nord de l’autel. Le prêtre prenait du sang de l’animal, en touchait avec les doigts les cornes de l’autel des holocaustes, répandait le reste du sang au pied de l’autel, ôtait toute la graisse qui couvre les intestins et les reins de la victime, et faisait brûler cette graisse sur l’autel. Enfin le prêtre priait pour celui qui offrait la victime, et sa faute lui était pardonnée.
On pouvait offrir pour l’expiation du péché, ou une chèvre (Lévitique 4.28), ou une brebis (Lévitique 4.32), ou un agneau, ou un chevreau (Lévitique 5.15), ou deux colombes ; ou enfin quelque offrande de farine, pour les plus pauvres (Lévitique 5.11). Il y avait quelques cérémonies particulières lorsque le grand prêtre, ou un prince du peuple, ou tout le peuple étaient tombés dans quelques fautes. Mais c’était presque toujours la même chose quant au fond (Lévitique 4.1-3). La chair des animaux offerts pour l’expiation du péché était aux prêtres (Lévitique 7.5-7). Nul étranger n’avait droit d’en goûter.
Fête de l’Expiation solennelle.
Cette fête se faisait le dixième du mois de Tizli, qui répond au mois de septembre. Les Hébreux l’appellent hippur, ou chippur, c’est-à-dire, pardon, ou expiation, parce qu’on y expiait les fautes de toute l’année. Voici les principales cérémonies qui s’y observaient. Le grand prêtre, après s’être lavé non-seulement les pieds et les mains, comme dans les sacrifices ordinaires, mais tout le corps, s’habillait de simple lin (Lévitique 16.4), comme les autres prêtres. Il ne portait alors ni sa robe d’hyacinthe, ni l’éphod, ni le rational, parce qu’il allait expier ses propres péchés et ceux du peuple. Il offrait d’abord un jeune taureau et un bélier pour ses péchés et pour ceux des autres prêtres. Il mettait ses mains sur la tête de ces victimes, et confessait ses péchés, et ceux de sa maison ; puis il recevait de la main des princes du peuple, deux boucs pour le péché, et un bélier pour être offert en holocauste au nom de toute la multitude.
On tirait au sort lequel des deux boucs serait immolé au Seigneur, et lequel serait mis en liberté. Après cela il mettait dans un encensoir du feu sacré de l’autel des holocaustes, jetait par-dessus de l’encens, et entrait ainsi dans le sanctuaire. Après l’avoir encensé, il en sortait, prenait du sang du jeune taureau qu’il avait immolé, et le portait dans le sanctuaire ; puis, trempant son doigt dans ce sang, il en jetait sept fois entre l’arche et le voile qui séparait le Saint du sanctuaire. Il en sortait une seconde fois, et immolait, à côté de l’autel des holocaustes, le bouc sur lequel était tombé le sort pour être sacrifié. Il en portait le sang dans le sanctuaire, et faisait sept fois des aspersions avec son doigt trempé dans le sang, entre l’arche et le voile qui séparait le Saint du sanctuaire. De là il retournait dans le parvis du tabernacle, et faisait de tous côtés des aspersions avec le sang du bouc ; pendant tout cela, aucun des prêtres, ni du peuple, ne pouvait se trouver dans le tabernacle, ni dans le parvis. Après cela, il venait à l’autel des holocaustes, en mouillait les quatre cornes avec le sang du bouc et du jeune taureau, et l’arrosait sept fois de ce même sang.
Le sanctuaire, le parvis et l’autel étant ainsi purifiés, le grand-prêtre se faisait amener le bouc qui était destiné à être mis eu liberté. Il mettait la main sur la tête de cet animal, confessait ses péchés et ceux du peuple, et donnait ce bouc à un homme préparé pour cela, qui le conduisait dans un lieu désert, et le mettait en liberté, ou le précipitait, selon quelques-uns. Voyez ce que l’on a dit sur Azazel. Après cette cérémonie, le grand prêtre se lavait tout lè corps dans le tabernacle, et reprenant d’autres habits, et selon quelques-uns, ses habits de cérémonie, c’est-à-dire, l’éphod, le rational et la robe couleur d’hyacinthe, il immolait en holocauste deux béliers, l’un pour lui, et l’autre pour le peuple.
La fête de l’Expiation solennelle était une des principales solennités des Hébreux (Lévitique 16). Ils y gardaient un grand repos et un jeûne rigoureux. Ils se confessent ce jour-là jusqu’à dix fois, à commencer dès la veille avant le souper, en Mémoire de ce que le grand prêtre prononçait dix fois le nom de Dieu dans cette solennité. Et voici la manière dont se fait cette confession : Deux juifs se retirent dans un coin de la synagogue ; celui qui se confesse, se tourne la tête du côté du nord, et le dos du côté du midi ; il s’incline profondément, se découvre le dos, confesse ses péchés, et frappe sa poitrine, à chaque fois que celui qui écoute la confession, le frappe d’une lanière de cuir, dont il lui donne trente-neuf coups, en récitant ces paroles (Psaumes 78.38) : Mais le Seigneur est miséricordieux ; il condamne l’iniquité, mais il n’extermine pas le pécheur ; il a détourné sa colère, et n’a point allumé toute son indignation.
Ils prennent ce jour-là pour se réconcilier les uns aux autres ; celui qui a offensé son prochain, va le trouver dès la veille, et lui demande pardon. Si celui qui a été offensé ne veut pas lui pardonner, le premier prend avec lui trois autres hommes, le vient trouver et lui demande encore pardon une ou deux fois. Que s’il s’obstine à ne lui pas accorder le pardon, l’autre va prendre dix flouantes, et vient de nouveau en leur présence lui demander pardon. Que s’il ne l’accorde pas, alors celui qui a fait toutes ces démarches est censé absous, et il croit fermement en avoir assez fait pour mériter le pardon devant Dieu. Si la personne offensée est morte, celui qui-veut lui faire satisfaction, va au cimetière accompagné de dix personnes, et en leur présence il dit : J’ai péché contre le Dieu d’Israël et contre tel qui est ici enterré.
Buxtorf dit qu’ils se préparent à celle fête dès le commencement du mois tizri, qui est lepremier de l’année civile ; et que, pendant tous les dix jours qui précèdent l’Expiation solennelle, ils jeûnent et s’exercent dans des pratiques de pénitence, et prient Dieu de détourner les maux dont ils s’étaient rendus dignes. Ils se lèvent de grand matin, se confessent trois Ibis par jour, ne plaident point, n’excommunient personne. Le neuvième jour de l’année, qui est la veille de l’Expiation, chacun deux prend un coq blanc, si l’on en peut trouver de cette couleur ; sinon, d’un autre plumage, pourvu qu’il ne soit pas rouge, ils récitent quelques prières, et se frappant la tête avec la tête du coq par trois fois, ils disent à chaque fois : Ce coq servira pour mon rachat, il portera la mort que j’ai méritée, il sera ma réconciliation, il mourra pour moi, et j’entrerai dans la vie bienheureuse avec tout Israël. Après cela, ils lui coupent la gorge, l’éventrent, le plument, le cuisent et le mangent. Léon de Modène à dit que cela se pratiquait autrefois en Italie et au Levant ; mais qu’on y a supprimé cette coutume, parce qu’on a reconnu que c’était une superstition sans aucun fondement.
Plusieurs Juifs passent la nuit qui précède la fête de l’Expiation, dans la synagogue, occupés à la prière et aux exercices de la pénitence ; ils se revêtent d’habits de deuil, de blanc, ou de noir, et quelques-uns prennent l’habit avec lequel ils veulent être enterrés. Ils vont sans souliers et sans bas, et se rendent à la synagogue de très bonne heure. On y fait quatre prières solennelles ; le matin, à midi, après midi et au soir.
Voici quelques cérémonies particulières et quelques explications rabbiniques sur ce qui se pratique ce jour-là parmi les Juifs ; La coutume était autrefois de séparer le grand prêtre d’avec sa femme sept jours avant cette fête, de peur qu’il ne contractât quelque souillure avec elle, comme s’il arrivait qu’elle eût ce que les femmes ont coutume d’avoir. Le rabbin Juda soutenait que si la femme du souverain sacrificateur mourait dans l’intervalle de ces sept jours, il se remariait aussitôt, afin de satisfaire à la loi qui lui ordonnait de faire l’Expiation pour lui et pour sa femme, ou, selon le texte (Lévitique 16.17), pour lui et pour sa maison ; mais cette décision n’a pas été approuvée par les Sages.
La veille du jour de l’Expiation, on donnait au grand prêtre quelques anciens qui lisaient devant lui, et qui l’exhortaient lui-même à lire pour voir s’il avait appris à lire, ou s’il ne l’avait pas oublié ; mais cette précaution n’était nécessaire que sous le second temple, où la grande sacrificature était vénale. Ces anciens l’empêchaient aussi de manger trop la veille de la fête, de peur qu’il ne s’endormît. On le conduisait ensuite dans la chambre haute d’un nommé Abtinez, où on le faisait jurer qu’il n’apporterait aucun changement aux rites anciens. On croit que cette précaution n’était venue que de ce que les Saducéens voulaient que le grand prêtre répandît le parfum avant que d’entrer dans le Saint, ce qui était contraire à la tradition. On sait que Hyrcan et Ananus, grands sacrificateurs, étaient Saducéens, et ce serment était nécessaire à des gens de leur façon : comme ce serment paraissait injurieux au grand prêtre, il pleurait en le prêtant, et les prêtres pleuraient aussi d’être séduits à le lui faire prêter.
La nuit se passait à expliquer la loi, ou à lire quelques passages de Job, d’Esdras ou de Daniel. Si le sacrificateur n’était pas assez habile pour parler toujours, il avait à ses côtés des jeunes gens qui jouaient de la flûte, ou le poussaient du doigt pour le réveiller lorsqu’il s’endormait, et qui continuaient dans cet exercice jusqu’à l’heure du sacrifice. Le matin on se faisait honneur d’aller nettoyer l’autel et d’en ôter les cendres ; l’empressement avec lequel les prêtres y couraient, causait souvent des accidents : car en se poussant sur les degrés de l’autel, il arrivait quelquefois que quelqu’un tombait et se blessait, ce qui obligea à partager les emplois. Il y avait d’ordinaire neuf sacrificateurs ordonnés pour le sacrifice du matin, et onze pour celui du soir mais dans les grandes solennités, comme celle de l’Expiation, on en mettait dix le matin et douze le soir. On choisissait aussi les lévites pour accommoder les victimes. Il y en avait vingt-quatre pour un veau, et on assignait à chacun la partie de l’animal qu’il devait dépouiller ou préparer.
Avant que de commencer ses fonctions, chaque prêtre devait se laver. Les rabbins disent que le souverain sacrificateur se lavait cinq fois, parce qu’il était obligé de changer cinq fois d’habits, et qu’à chaque fois qu’il en changeait, il fallait se laver. Ces habits étaient de lin ; ceux du matin étaient de lin de Peluse, et ceux du soir de lin des Indes, et coûtaient huit cents drachmes.
Anciennement, les sorts que l’on tirait pour le bouc émissaire étaient de bois ; mais le fils de Gamaa les fit d’or. Le roi Monobase fit faire de même métal toutes les anses des vases qui servaient au temple le jour de l’Expiation.
Le grand prêtre portait dans le sanctuaire un encensoir d’or très-pur, rempli de parfums, et demandait à Dieu une bonne température de l’air, que le sceptre ne fût point ôté cette année là des mains de Juda, qu’il n’y eût point de famine dans Israël, et que les prières des voyageurs ou des étrangers ne fussent point exaucées ; la prière était courte, de peur que le peuple ne s’effrayât, s’il demeurait trop longtemps dans le sanctuaire ; car on était persuadé qu’il y avait toujours du danger de pénétrer dans ce lieu que Dieu remplissait de sa présence. Le grand prêtre en sortait marchant à reculons, regardant toujours vers l’aiche ou vers la pierre du fondement, que les rabbins supposent avoir été placée au milieu du sanctuaire, depuis la perle de l’arche sous le second temple. Après cela il immolait le bouc qui devait être égorgé, ainsi qu’où l’a dit.
Le bouc Azazel, ou le bouc émissaire, était conduit au précipice non-seulement par les prêtres, mais aussi par les laïques. Il y avait un chemin ou une levée préparée exprès pour cela, et il y avait des tentes ou dix relais depuis Jérusalem jusqu’au lieu.où il devait être précipité. C’était un précipice affreux et si rempli de rochers, qu’avant que le bouc fût à demi tombé, ses membres étaient tout en pièces ; et, pour donner avis de l’exécution au peuple qui l’attendait avec inquiétude dans le temple, il y avait des signaux qu’on élevait de distance en distance, pour la faire savoir avec plus de promptitude. On assure aussi qu’en même temps le ruban d’écarlate qu’on attachait à la porte du temple changeait aussitôt sa couleur en blanc, pour marquer que Dieu avait accepté le sacrifice, et que les péchés du peuple étaient remis. On ajoute que ce miracle cessa quarante ans avant la destruction du second temple.
Après la cérémonie achevée, le grand prêtre lisait la loi, donnait la bénédiction au peuple, changeait d’habits et faisait un grand repas, ponr se réjouir de ce qu’il était sorti du sanctuaire sain et sauf. Le peuple jeûnait exactement pendant toute cette fête, à laquelle on attribuait de grands effets : car, selon les Juifs, la pénitence, quoique accompagnée d’une résolution de bien vivre, suspend seulement les péchés, mois la fête de l’Expiation les abolit, et ceux qui meurent avant ce jour les expient par la mort. Voilà ce que les rabbins enseignent sur la manière dont on célébrait anciennement la fête de l’Expiation.
Quant aux Juifs modernes, voici comme ils la solennisent. Ils se préparent à cette grande fête dès le jour précédent par des oraisons et par le sacrifice d’un coq ; ainsi qu’on l’a dit ci-devant. De là ils vont au cimetière prier Dieu de pardonner aux pécheurs, en mémoire des saints qui y sont en, terrés : on se plonge dans l’eau, afin de faire une ablution entière de ses péchés : on prépare des bougies pour le lendemain ; chacun porte la sienne à la synagogue ; les plus dévots en ont deux, l’une pour le corps et l’autre pour l’âme, dont ils lui donnent le nom.
Sur le soir, lorsque la fête commence, on va à la synagogue, chacun y allume sa bougie, et on entonne des cantiques d’une voix forte. Les femmes en même temps allument des chandelles à la maison, et tirent des présages de la lueur de la chandelle, et de la consistance du suif ou de la cire. Si la lumière est claire et brillante, on en conclut la certitude de la rémission des péchés ; si elle est pâle, on s’en afflige ; et tout de même si le suif ou la cire coule, on craint tout de la colère de Dieu.
Le lendemain, de grand matin, on retourne à la synagogue : le jour entier se passe dans un jeune rigoureux, sans exception d’âge ni de sexe : on ne permet de manger à personne, sinon aux enfants au-dessous de douze ans. On lit une longue prière, par laquelle on déclare que tous les serments et les promesses qui n’ont pas été accomplis dans le cours de l’année sont anéantis, parce que la propitiation du péché est faite. On lit dans le Lévitique ce qui regarde cette fête et le bouc Azazel. On continue de prier tout le jour ; quelques-uns y passent encore la nuit suivante : À la-fin de la fête, le rabbin donne la bénédiction au peuple, en levant les mains ; et le peuple, par respect pour la main du prêtre ou plutôt pour la majesté de Dieu qu’il représente, met les mains devant ses yeux et se cache le visage. Lorsque la nuit est venue, en sorte qu’on puisse voir les étoiles pour marquer que le jeûne est fini, on sonne du cor en mémoire du Jubilé, et on croit que Dieu fait entendre sa voix, qui déclare a pardonné les péchés, et que chacun peut s’en retourner chez soi avec cette confiance, que ses iniquités lui sont remises. Alors ils s’en retournent dans leurs maisons, où ils se revêtent d’habits blancs et propres, se mettent à table et rompent le jeûne ; car de tout le jour ils n’ont pris aucune nourriture, ni aucune boisson. Voilà de quelle manière les Juifs d’à présent célébrent cette fête…
Les Juifs croient que ce fut le jour de l’Expiation solennelle qu’Adam se repentit et commença sa pénitence ; que ce même jour Abraham reçut la circoncision, et Isaac fut lié pour être immolé ; d’où vient qu’ils prient Dieu de leur pardonner, à cause de la ligature d’Isaac. De plus, ils enseignent que ce fut ce jour-là que Moïse descendit de la Montagne de Sinaï, avec de nouvelles tables de la Loi. Il y en a qui changent de nom, pour marque de leur changement intérieur, et pour pouvoir dire à Dieu : Je suis un autre, ce n’est pas moi qui ai commis ce péché.
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