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Égyptienne de nation et servante de Sara, femme d’Abraham. Sara voyant qu’elle était âgée et stérile et connaissant que Dieu avait promis à Abraham une postérité nombreuse, crut que, pour contribuer à l’accomplissement des promesses du Seigneur, elle devait donner sa servante pour femme à Abraham, afin que, par elle, il pût avoir des enfants qui fussent les héritiers des promesses de Dieu. Abraham prit donc Agar pour femme (An du monde 2093, avant Jésus-Christ 1907. Avant l’ère vulgaire 1911), à la sollicitation de Sara (Genèse 16.1-3).
Mais, Agar voyant qu’elle avait conçu, commença à avoir du mépris pour Sara sa maîtresse. Alors Sara dit à Abraham : Vous me traitez d’une manière injuste. Je vous ai donné ma servante pour être votre femme, et, depuis qu’elle est enceinte, elle me méprise. Que le Seigneur soit juge entre vous et moi. Abraham lui répondit : Voilà votre servante, elle est entre vos mains, usez-en comme il vous plaira.
Sara l’ayant donc maltraitée, Agar s’enfuit, et l’ange du Seigneur l’ayant trouvée dans le désert, près la fontaine ou le puits qui est sur le chemin de Sur, dans la solitude, lui dit de retourner vers sa maîtresse et de s’humilier sous sa main. Il ajouta : Je multiplierai votre race et je la rendrai si nombreuse qu’on ne pourra la compter. Vous avez conçu un fils que vous nommerez Ismaël, parce que le Seigneur vous a écoutée dans votre affliction. Ce sera un homme fier et farouche, dont la main sera levée contre tous, et contre qui tout le monde aura la main levée ; il dressera ses tentes vis-à-vis tous ses frères. Agar ayant reconnu que c’était un ange qui lui parlait, dit : Puis-je encore vivre après avoir vu le Seigneur ? Et elle appela ce puits : le puits de celui qui est vivant et qui m’a vue. Elle revint ensuite à la maison d’Abraham et se soumit à Sara, et quelque temps après elle enfanta un fils qu’elle nomma Ismaël. Abraham avait alors quatre-vingt-six ans, et c’était l’an du monde 2094, avant. Jésus-Christ 1906, avant l’ère vulgaire 1910.
Quatorze ans après, le Seigneur visita Sara et elle enfanta Isaac (Genèse 21.1-3). Abraham avait alors cent ans. L’enfant étant sevré, le jeune Ismaël, qui avait déjà dix-sept ans, voulut jouer avec Isaac d’une façon trop familière et qui approchait peut-être de la raillerie, ou de l’insulte, ou même du mauvais traitement (Galates 4.29), de sorte que Sara dit à Abraham de chasser Agar et son fils, parce qu’ils ne devaient point hériter avec Isaac. Abraham fut affligé de ce discours, et il eut quelque peine à se résoudre à les chasser de sa maison ; mais le Seigneur lui apparut et lui dit de faire ce que Sara lui avait dit, parce que d’Isaac sortirait la race qui devait porter sou nom. Et quant au fils de la servante, ajouta-t-il, je le rendrai aussi père d’un grand peuple, parce qu’il est sorti de vous. Abraham s’étant donc levé le matin, prit du pain et une outre pleine d’eau, la mit sur l’épaule d’Agar, lui donna son fils et la renvoya.
Agar voulant s’en retourner en Égypte, qui était son pays, s’égara, et allait errant dans le désert de Beersabée. L’eau qu’elle portait lui ayant manqué, elle laissa son fils sous un des arbres qui étaient là, et s’éloignant de lui à la distance d’un trait d’arc, elle s’assit en disant : Je ne le verrai point mourir, et élevant sa voix, elle se mit à pleurer. Or, Dieu écouta la voix d’Ismaël ; et l’ange du Seigneur ayant appelé Agar, la rassura, lui dit que Dieu avait écouté la voix de son fils, lui ordonna de l’aller lever et de le conduire à un puits qu’il lui découvrit, pour le rafraîchir. Elle prit donc Ismaël, lui donna à boire, et ayant rempli son outre d’eau, elle se retira dans le désert de Pharan, où l’enfant crût et demeura. Il devint habile à tirer de l’arc, et sa mère lui fit épouser une femme d’Égypte. Ismaël fut père de douze fils (Genèse 25.12), qui furent chefs de douze tribus dans l’Arabie où ils s’établirent, et possédèrent le pays qui s’étend depuis Hévila, vers la jonction de l’Euphrate et du Tigre, jusqu’à Sur, ville voisine de l’Égypte.
On ne sait quand Agar mourut. Les rabbins croient qu’elle était fille de Pharaon, mais saint Chrysostome veut qu’elle ait été l’une des esclaves que Pharaon donna à Abraham (Genèse 12.16). Les paraphrastes Chaldéens et plusieurs Juifs croient qu’Agar était la même que Céthura, dont le mariage avec Abraham est raconté (Genèse 25). Mais ce dernier sentiment n’est pas croyable. Les caractères que l’Écriture donne à Céthura sont trop différents de ceux qu’elle attribue à Agar. Philon croit qu’Agar avait embrassé la religion d’Abraham ; ce qui est assez vraisemblable.
Les Musulmans, qui descendent d’Ismaël, fils d’Agar, donnent de grands éloges à cette femme et racontent son histoire fort différemment de Moïse. Ils lui donnent le nom de Mère Agar par excellence et soutiennent qu’elle était, non simple concubine, mais femme légitime d’Abraham ; qu’elle fut mère d’Ismaël, fils aîné de ce patriarche et qui, en cette qualité, posséda l’Arabie, qui surpasse de beaucoup en étendue et en richesses la terre de Chanaan, qui fut donnée à Isaac son cadet.
Ils disent de plus qu’Agar prit naissance en Égypte dans la ville ou aux environs de Farina, qui était, disent-ils, capitale d’Égypte et le siège royal de Pharaon. Cette ville dans la suite fut tellement ruinée qu’il n’y en restait aucun vestige ; on montrait seulement le lieu de sa situation sur une hauteur en venant du Caire en Syrie, en passant par le milieu des sablons de Costir. Les Fatimites, c’est-à-dire, les descendants d’Ali et de Fatima, fille de Mahomet, la rétablirent, mais elle fut ruinée par Baudouin, roi de Jérusalem.
Ils prétendent qu’Agar mourut à la Mecque et qu’elle fut enterrée dans l’enceinte extérieure du temple qui y est et qu’ils nomment la Maison carrée. On peut voir ce que nous avons dit ci-devant en parlant d’Abraham.
Agar, selon saint Paul (Galates 4.24), est la figure de la Synagogue, qui n’enfante que des esclaves. Elle est chassée de la maison de son mari et de son maître, chargée de son fils,
Elle erre dans le désert, accablée de lassitude, de douleur et de soif, elle et son enfant ; tout cela marque les Juifs infidèles et incrédules qui ont persécuté Jésus-Christ et qui ont été chassés de leur patrie, de leur temple, de la maison de leur père. Ils sont errants, et vagabonds au milieu des nations et répandus parmi les chrétiens, odieux à tout le monde, à charge à eux-mêmes et aux autres, ayant un bandeau sur les yeux qui les empêche de voir la lumière qui les environne et de découvrir le puits d’eaux vives qui pourrait les désaltérer. Mais, à la fin, le Seigneur, touché de leurs malheurs, leur ouvrira les yeux : Agar se déchargera d’Ismaël ; le Seigneur leur ouvrira les yeux (2 Corinthiens 3.16, Romains 11.25-26) pour voir le jour, et pour venir à la fontaine de vie, au baptême qui les sauvera.
Nous (dit l’auteur de la préface générale sur l’ancien testament, dans la Bible de Vence, Tome 1 page 283) sommes touchés de voir Agar et Ismaël (Genèse 21.9-15) chassés de la maison d’Abraham ; et nous sommes surpris du peu de provisions qu’un homme aussi riche et aussi charitable que ce patriarche donne à une mère exilée et à un fils déshérité, qu’il envoie périr de misère et de soif dans une solitude. Rien n’est plus étonnant que toutes ces circonstances. Pourquoi se hâter dès le matin de faire une action dont le simple projet l’avait affligé ? Pourquoi se charger de ce qui paraissait odieux dans cette conduite, et n’en pas laisser le soin à Sara ? Pourquoi donner si peu de chose à une mère et à un fils qui était aussi le sien ? Pourquoi mettre sur les épaules d’une mère si affligée une charge que la moindre bête, parmi tant d’autres qu’avait Abraham, aurait pu porter ? Pourquoi l’envoyer sans guide, sans dessein, sans consolation ? Tout cela paraît si visiblement contraire à l’humanité et à la justice d’Abraham, qu’on ne peut s’empêcher d’en être blessé, si l’on ne va au delà du récit, en apparence fort simple, qu’en fait l’Écriture.
Mais après que saint Paul a tiré le rideau qui en couvrait le mystère (Galates 4.22), on voit dans la diligence d’Abraham, la sage précaution des apôtres de ne pas laisser de faux frères et des blasphémateurs avec des fidèles pleins de reconnaissance et d’amour pour Jésus-Christ ; on voit dans la sévérité de ce patriarche celle de Dieu même qui chasse de sa maison la synagogue orgueilleuse avec ses enfants. La charge mise sur les épaules d’Agar, marque l’attachement insensé et infructueux de la synagogue à des observances légales qui la courbent vers la terre, et que Jésus-Christ a abolies. Le pain et l’eau, donnés en si petite quantité, sont une preuve qu’elle a quitté une maison abondante, et qu’elle est condamnée à mourir de faim et de soif, pour n’avoir pas reçu celui qui est le pain de vie, et la source éternelle d’une eau qui désaltère pour toujours. Agar et son fils, marchant dans le désert, sans guide, sans route, sans dessein, et s’y fatigant inutilement, nous apprennent que la nation juive, en renonçant à l’Évangile, a perdu la lumière, la sagesse, l’espérance et le fruit de tous ses travaux. Rien n’est plus misérable que le Juif, ni plus désolé que la Judée. Le temple, le sacerdoce, Jérusalem, la royauté, le pays même, tout leur a été ôté. Agar et Ismaël errent depuis si longtemps autour d’une fontaine sans la voir. Jésus-Christ se montre aux Juifs dans toutes les Écritures ; l’éclat de sa croix brille de toutes parts ; ils sont au milieu de son empire, et leurs ténèbres le leur cachent encore. Agar et son fils sont par terre l’un et l’autre, de deux différents côtés, près de cette source, et meurent de soif. Il faut que Dieu envoie un ange qui ouvre miraculeusement les yeux à Agar, pour lui faire apercevoir une fontaine si visible et si nécessaire. Dès qu’elle la voit, elle y désaltère son fils ; et comme si c’était avoir tout trouvé que d’avoir trouvé cette eau salutaire, l’Écriture ajoute, aussitôt, qu’Ismaël devint un homme fort, grand et adroit ; qu’il s’établit avec puissance et avec gloire, et qu’il devint père de plusieurs princes. Si quelqu’une de ces circonstances avait manqué, 1a figure aurait obscurci la vérité, au lieu d’en être l’image.
Il fallait qu’Abraham se conduisit d’une manière en apparence inhumaine pour se conduire d’une manière éclairée et prophétique. Il fallait que, dans le récit, Moïse n’omît rien de ce qui était essentiel au mystère, quoiqu’il parût injurieux à Abraham. L’esprit humain ne serait pas descendu dans un détail si peu important selon les faibles lumières de la raison. Il en aurait dit trop, ou trop peu ; et l’on doit reconnaître ici qu’une main supérieure conduisait celle de Moïse ; et qu’une sagesse infinie, à qui tout est présent, marquait les plus grands événements futurs, sous les plus faibles circonstances d’une histoire passée.
Ces réflexions conduisent naturellement à cette conclusion, qui est une des règles que l’on doit suivre dans l’interprétation de l’Écriture : « Lorsqu’il y a dans l’Écriture des choses qui, par le simple récit, ne conviennent pas à notre faible raison, ou à l’idée que nous avons des personnes qui les ont faites, c’est une règle sûre qu’il y a sous cette écorce quelque mystère qu’il faut tâcher d’approfondir, ou du moins qu’il faut respecter, si l’on n’est pas assez heureux pour en découvrir le sens. »
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