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Fils d’Amathi, le cinquième des petits prophètes, était Galiléen, natif de Geth-opher (2 Rois 14.25), que l’on croit être la même que Jotapate, célèbre par le siège que Josèphe l’historien y soutint contre l’armée romaine, un peu avant la ruine de Jérusalem. Geth-opher était dans le pays de Zabulon, où se trouvait le canton d’Opher, ou Epher. Saint Jérôme la place à deux milles de Séphoris, tirant vers Tibériade. Quelques rabbins croient que Jonas était ce fils de la veuve de Sarepta, qui fut ressuscité par Élie (1 Rois 17.17) ; et cela, parce que cette veuve, ayant reçu son fils vivant, dit au prophète : Je sais à présent que la parole de Dieu est vérité dans votre bouche. On donna à ce jeune homme le nom de fils d’Amathi, parce qu’en hébreu, amath signifie la vérité, et que, par sa résurrection, Jonas était en quelque sorte devenu fils d’Élie. Cette raison est certainement très-faible. Toutefois le sentiment qui veut que Jonas soit le fils de cette veuve est très-commun. Il est certain que Jonas vivait sous Joas et sous Jéroboam II rois d’Israël. Il ne peut donc être le fils de la veuve de Sarepta, puisque le premier de ces deux princes ne commença à régner que soixante ans après le transport d’Élie d’autres ont voulu que Jonas ait été le fils de la femme de Sunam, dont Élisée ressuscita le fils (2 Rois 4.16-17, 36, 37). Mais Sunam et Geth-opher sont des lieux trop éloignés l’un de l’autre ; et nous savons certainement par l’Écriture que Jonas était de Geth-opher. Quelques-uns croient que Jonas était ce prophète qu’Élisée envoya à Jéhu pour le sacrer roi d’Israël (2 Rois 9.1-3) : mais ce fait n’est nullement certain.
L’auteur de la Vie et de la Mort des prophètes, cité sous le nom de saint Épiphane et de Dorothée, et la Chronique pascale disent que Jonas était natif de Cariatham, près d’Asoth, sur la Méditerranée. On lui attribue au même endroit cette prophétie : Quand on verra dans Jérusalem des peuples innombrables venus du côté de l’occident, alors on doit s’attendre à voir périr cette ville de fond en comble ; et que cette ville sera ruinée quand on verra pleurer la pierre avec compassion. Ces nations, venues du côté de l’occident, sont les Romains ; et la pierre qui pleure sur Jérusalem, est Jésus-Christ, qui est nommé la pierre angulaire dans l’Écriture, et qui pleura sur Jérusalem peu de jours avant sa passion. Le même saint Épiphane raconte que Jonas, de retour de Ninive, et confus de ce que sa prédiction contre cette ville n’eût pas été suivie de l’exécution, se retira avec sa mère près de la ville de Sur, ou plutôt de Tyr, où il demeura jusqu’à sa mort, dans la campagne de Saar ; et qu’il fut enterré dans la caverne de Cenezoeus, juge d’Israël. Ce jugé est apparemment Caleb, ou Othoniel ; on donne à Caleb le surnom de Cénézéen en plus d’un endroit (Nombres 32.12 ; Josué 14.6-14) ; mais on ne lit pas qu’il ait été juge d’Israël. Othoniel était fils de Cénez (Josué 15.17 ; Juges 1.13).
Voici ce que nous savons certainement sur le sujet de Jonas. Dieu lui ayant ordonné d’aller à Ninive (Jonas 1.1-2), et d’y prêcher que le cri des crimes de ses habitants était monté jusqu’au ciel, et qu’ils étaient menacés d’une ruine prochaine, au lieu d’obéir à ces ordres, il voulut s’enfuir, et aller à Tharse en Cilicie. Il s’embarqua donc à Joppé [Voyez Joppé] ; mais le Seigneur ayant envoyé sur la mer une violente tempête, les mariniers saisis de crainte, crièrent chacun à leur Dieu, et jetèrent dans la mer ce qui était dans leur vaisseau pour le soulager. Cependant Jonas dormait au fond du vaisseau. Alors le pilote alla l’éveiller, et ceux qui étaient dans le navire jetèrent au sort pour savoir d’où venait cette tempête ; car elle les avait surpris dans un temps où il n’y en avait aucune apparence. Ayant donc jeté le sort, il tomba sur Jonas. Ils lui demandèrent qui il était, et ce qu’il pouvait avoir fait pour attirer sur eux un tel orage. Il leur répondit qu’il était Hébreu, qu’il adorait le Dieu du ciel, qu’il était du nombre de ses prophètes, et qu’il fuyait devant sa face, pour ne pas aller à Ninive, où il était envoyé. Ils lui demandèrent ce qu’il y avait à faire pour se garantir du naufrage. Il répondit : Prenez-moi, et me jetez dans la mer, et la tempête s’apaisera. En effet ils le jetèrent dans la mer, et aussitôt l’orage fut apaisé.
Dieu prépara en même temps un grand poisson pour engloutir Jonas (Jonas 2.1-3). Ce poisson était, selon les uns, une baleine ; ou, selon d’autres, la lamie, le ranis tarcharias, ou le chien de mer. On peut consulter sur cela notre Dissertation sur le poisson qui engloutit Jonas, imprimée à la tête des douze Petits prophètes ; et ci-après l’article poisson qui engloutit Jonas. Le prophète fut reçu dans le ventre du poisson ; et il y demeura trois jours et trois nuits. Il cria au Seigneur, et le Seigneur l’exauça, et ordonna au poisson de le rendre, et de le jeter sur le bord. On croit qu’il le jeta au pied d’une montagne qui s’avance beaucoup dans la mer, entre Berythe et Tripoli (C’est une tradition de ce pays-là). d’autres croient que ce fut sur les côtes de Cilicie, à deux lieues au nord d’Alexandrette, ce qui est beaucoup plus probable que ce que quelques-uns enseignent, que le poisson le conduisit jusque dans le Pont-Euxin (Josèphe), d’autres dans la mer Rouge, et d’autres dans le golfe Persique, et d’autres au bord proche de Ninive ; ce qui n’a nulle apparence de vérité [Voyez Ionin].
Alors le Seigneur fit entendre sa voix une seconde fois à Jonas (Jonas 3.1-2), et lui dit d’aller à Ninive. Il y alla ; et étant entré dans la ville, qui avait trois journées de chemin, c’est-à-dire, environ vingt-cinq lieues de tour, comme le marque Diodore de Sicile, Jouas marcha pendant un jour entier dans la ville, en criant : Dans quarante jours Ninive sera détruite. Les Ninivites crurent à sa parole, et se convertirent. Ils ordonnèrent un jeûne public, et se couvrirent de sacs, depuis le plus petit jusqu’au plus grand. Le roi même de Ninive, que nous croyons être le père de Sardanapale, connu dans les profanes sous le nom d’Anacyndaraxa, ou d’Anabaxare, et, dans l’Écriture, sous le nom de Phul, descendit de son trône, se couvrit d’un sac, et s’assit sur la cendre. Il fit défense aux hommes de prendre aucune nourriture, et de donner aux animaux ni à manger ni à boire. Il ordonna que les hommes et les animaux se couvriraient de sacs, et qu’ils crieraient au Seigneur de toute leur force ; Dieu se laissa toucher à leur pénitence, et n’exécuta point la sentence qu’il avait prononcée contre eux.
Jonas s’en affligea, et s’en plaignit à Dieu (Jonas 4.1-3), disant qu’il s’était toujours bien douté qu’étant un Dieu de clémence et de miséricorde, il ne manquerait pas de se laisser fléchir. Il demanda au Seigneur qu’il le tirât du monde ; et s’étant retiré hors de la ville, il se fit un petit couvert de feuillages, jusqu’à ce qu’il vit ce qui arriverait à la ville. Le Seigneur fit croître au-dessus de sa cabane une plante nommée en hébreu kikaion, que les uns ont rendu par une courge, d’autres par un lierre, d’autres par palma Christi, ou ricinus. Voyez ci-après Kikaion [et Ricin].
Le lendemain, dès le point du jour, le Seigneur envoya un ver qui piqua la racine de cette plante, et la fit sécher ; de sorte que le soleil venant à donner sur la tête de Jonas, il se trouva dans un si grand abattement qu’il demanda à Dieu qu’il le tirât du monde. Alors le Seigneur lui dit : Croyez-vous avoir raison de vous fâcher ainsi pour la mort d’une plante qui ne vous a rien coûté, qui est née dans une nuit, et est morte la nuit suivante ? Et vous ne voudriez pas que je pardonnasse à une ville comme Ninive, où il y a six vingt mille personnes qui ne savent pas distinguer leur main droite d’avec la gauche, c’est-à-dire, où il y a six vingt mille enfants qui n’ont pas l’usage de la raison, et qui n’ont point encore offensé Dieu par des péchés actuels ? Comme les enfants ne font, pour l’ordinaire, que la cinquième partie des personnes qui remplissent les villes, on présume qu’il y avait dans Ninive environ six cent mille personnes.
Après cela, Jonas revint apparemment de Ninive dans la Judée. Nous avons vu ci-devant ce que saint Épiphane a dit de sa retraite à Tyr, et de sa mort dans la campagne de Saraa. Les Orientaux, qui montrent son tombeau à Mosul qu’ils croient être la même que Ninive, sont persuadés qu’il y mourut et y fut enterré. Du temps de saint Jérôme on voyait son tombeau dans la Palestine, à Geth ; et les Turcs encore aujourd’hui montrent son mausolée à Geth-opher, dans une chapelle souterraine, renfermée dans une mosquée. On croit avoir le corps de Jonas à Venise, dans l’église de Saint-Apollinaire. On en voit aussi des reliques à Nocera, dans le royaume de Naples, et dans l’abbaye du Mont-Cassin, où l’on montre une de ses côtes. Les Grecs ont depuis longtemps marqué leur vénération pour la personne de Jonas. Dès le sixième siècle il y avait une église et un monastère dédiés à ce prophète. Les Grecs font sa fête le 21 de septembre, et les Russes le 22. Son nom ne parait pas dans les anciens martyrologes des Latins. Vers le quatorzième siècle on le mit au 27 de janvier ; mais Baronius l’a fait remettre au 21 septembre. Voyez Bollandus et M. Baillet.
On ne sait en quel temps Jonas prédit (2 Rois 14.25) que Jéroboam II roi d’Israël, rétablirait le royaume de Samarie dans sa première étendue, depuis l’entrée d’Emath jusqu’à la mer Morte. On ignore si ce fut avant ou après son voyage de Ninive. Notre Sauveur dans l’Évangile a souvent fait mention de Jonas. Il dit (Matthieu 12.41 ; Luc 11.32) que les Ninivites s’élèveront au jour du jugement contre les Juifs, et les condamneront ; parce qu’ils ont fait pénitence à la prédication de Jonas, et que les Juifs ne le veulent pas écouter, lui qui est plus grand que Jonas. Et lorsque les pharisiens lui demandèrent un signe pour prouver sa mission (Matthieu 12.39-40 ; 16.4 ; Luc 11.29-31), il leur répondit qu’il ne leur en donnerait point d’autre que celui du prophète Jonas, c’est-à-dire celui de sa résurrection, qui devait mettre le comble à tous ses autres miracles, et rendre les Juifs inexcusables dans leur endurcissement [Jonas a fourni à la hiéroglyphique chrétienne un sujet dont elle a beaucoup profité. « Il se retrouve partout comme emblème de la résurrection, dit M. Cyprien Robert. Toutes les circonstances de l’histoire de sa mission se trouvent traitées dans une suite de tableaux et de bas-reliefs d’abord on le voit triste et rêveur, après l’ordre qu’il a reçu de Dieu ; assis sur une pierre, il semble désirer la mort ; puis, au milieu de la tempête, il est jeté à la mer par les matelots ordinairement nus, pour signifier la rudesse de leur travail ; sur un autre relief, il est tombé dans la gueule du monstre qui l’a déjà à moitié englouti ; la tempête est figurée par la lune en déesse à tête radiée, ou par un triton, ou Borée planant bizarrement dans les airs, et soufflant dans une trompette marine ; quelquefois le monstre se répète deux fois dans la même scène, ou bien il a deux têtes et deux gueules béantes, l’une engloutissant, l’autre rejetant Jonas sur le rivage. Alors on le voit, s’appuyant sur le bras droit et couché sous les feuilles de la citrouille dite cucurbita lagenaria, d’où pendent des fruits allongés, comme les concombres, qui étaient sculptées en bois dans plusieurs endroits du temple de Salomon. Partout Jonas est nu, ainsi que Daniel exposé dans la fosse aux lions. Partout on voit Jonas englouti ou revomi par la baleine, ou couché en paix sous l’arbre du rivage : figure des élus de Dieu que la Providence défend jusque dans la gueule des monstres, et qui se retrouvent intacts après le combat ; emblème du Sauveur dans le tombeau, etc. »]
L’Écriture (Jonas 1.3) dit que Jonas s’enfuit de la Judée de devant la face du Seigneur, et s’embarqua à Joppé pour se sauver à Tharsis. C’est lui-même qui a écrit ces mots, qui semblent insinuer qu’il croyait qu’étant à Tharsis, il serait hors de portée de la puissance de Dieu, et que Dieu ne voudrait pas ou ne pourrait pas de là l’envoyer à Ninive. Si le prophète pensait ainsi, certainement sa pensée n’était pas selon la science. Mais il vaut mieux prendre ces mots, comme s’ils voulaient dire que le prophète s’imaginait que, dès qu’il serait éloigné de la Judée, Dieu ne penserait plus à l’envoyer à Ninive ; mais qu’il y en enverrait quelque autre, parce qu’il n’est pas ordinaire que Dieu répande l’esprit de prophétie hors de la terre sainte ; mais de quelque manière qu’on l’interprète, il est véritable qu’elle emporte quelque incongruité, et qu’elle n’est nullement exacte.
Les mahométans connaissent l’histoire de Jonas ; mais ils ne la connaissent qu’imparfaitement. Ils disent qu’il fut envoyé de Dieu à la ville de Mosul ou Moussai, sur le Tigre. Mosul est, dit-on, bâtie à l’endroit ou auprès de l’ancienne Ninive. Il leur dit que s’ils ne se convertissaient leur ville périrait infailliblement un tel jour qu’il leur marqua. Le jour arrivé, la ville ne périt point, et on ne vit rien arriver de ce dont le prophète l’avait menacée, parce que les habitants avaient détourné les effets de la puissance de Dieu par leur pénitence. Jonas pour se dérober aux reproches des Ninivites, résolut de s’enfuir. Il s’embarqua, et le vaisseau dans lequel il était, étant en pleine mer, s’arrêta tout à coup, sans qu’on pût le faire ni avancer, ni reculer.
Les mariniers, dans cette extrémité, résolurent de jeter un homme du vaisseau dans la mer, s’imaginant par ce moyen apaiser Dieu, ou enfin faire cesser la cause qui les arrêtait. Ils tirèrent au sort, et trois fois le sort tomba sur Jonas. Il fut jeté en mer, et aussitôt un poisson l’engloutit, et l’emporta jusqu’au plus profond des abîmes. Alors il prononça cette prière qui est rapportée dans l’Alcoran, et que les mahométans tiennent pour la plus sainte et la plus efficace de toutes les prières : Il n’y a point, Seigneur, d’autre Dieu que vous. Soyez loué à jamais ; je suis du nombre des pécheurs ; mais vous êtes miséricordieux au-dessus de tout ce que je puis dire. Les mahométans ont appelé ce prophète le compagnon du poisson, à cause qu’il a demeuré 4O jours dans le ventre de celui qui l’engloutit. Selon la véritable histoire, il n’y demeura que trois jours. Théodoret dit que Jonas n’ayant pas voulu aller de bon cœur à Ninive, Dieu l’y envoya chargé de chaînes.
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