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L’Écriture ne nomme jamais le nom de Bacchus, mais on trouve celui de Liber, qui est la même chose, dans les Machabées. Voyez (2 Machabées 6.7 ; 14.33). Enfin il en est parlé au troisième livre des Machabées, où il est dit que le roi Ptolémée Philopator fit imprimer la feuille de lierre, qui est un arbre consacré à Bacchus, sur ceux des Juifs qui ne voudraient pas renoncer à leur religion.
Les auteurs profanes connaissent plusieurs Bacchus ou Dionysius. Cicéron en nomme cinq : le premier, fils de Jupiter et de Proserpine ; le second, fils du Nil, qu’on dit avoir tué Nysas ; le troisième, qui fut fils de Caprius, qui régna en Asie et qui fut autour des lois sabaziennes ; le quatrième fut fils de Jupiter et de la Lune ; le cinquième, fils de Nisus et de Thione. Il aurait pu ajouter celui qui est le plus connu de tous, fils de Jupiter et de Sémélé. Celui-ci était Bacchus le Thébain. On connaît encore Bacchus l’Indien, fils d’Ammon et d’Amalthée. On parle encore d’un autre Bacchus Assyrien. Mais le plus fameux de tous est Bacchus fils de Jupiter et de Sémélé. Les poètes racontent sa naissance en cette sorte : Sémélé étant enceinte de Bacchus, pria Jupiter de la venir voir, comme il faisait pour Junon, avec la foudre et le tonnerre. Jupiter lui accorda sa demande, mais elle ne put soutenir cet éclat. Elle mourut de frayeur, ou fut étouffée par les flammes. Jupiter tira du sein de Sémélé le jeune Bacchus et l’enferma dans une ouverture qu’il avait faite dans sa cuisse. L’enfant y demeura jusqu’à ce qu’il fût à terme ; alors Jupiter l’en tira et le donna à Mercure, qui le porta à Nyse en Arabie, où il fut élévé par les Muses.
Bacchus est le dieu du vin. On prétend que c’est lui qui planta la vigne et qui apprit aux hommes à tirer le jus du raisin. On lui attribue diverses conquêtes et divers voyages dans l’Arabie et dans les Indes. Le lierre lui est consacré, aussi bien que la vigne, et on tire de sa vie diverses particularités qui ont fait croire à quelques savants qu’on avait confondu une partie de son histoire, avec celle de Moïse. Par exemple, on dit que Bacchus était fils du Nil, qu’il était d’une rare beauté, qu’il avait été renfermé dans un coffre et exposé sur l’eau, qu’il avait eu deux mères, qu’il était né de la cuisse de son père, Moïse était en quelque sorte fils du Nil, ayant été trouvé exposé sur le fleuve dans une espèce de coffre de jonc. Il était d’une beauté extraordinaire ; il eut pour première mère l’épouse d’Amram, et pour seconde mère la fille de Pharaon. On ne douta point, quand ou le trouva, qu’il ne fût fils d’un Hébreu et qu’il ne fût sorti de sa cuisse, selon l’expression de l’Écriture (Genèse 46.26 Exode 1.5) : Egressi sunt de femore il-lius ; mais on ne connaît point sa mère.
Bacchus fut élevé par les nymphes dans les montagnes de Nyse, en Arabie ; Moïse fut élevé par les soins de la fille de Pharaon, dans le pays de Gessen qui est entre l’Égypte et la Palestine, de même que les montagnes de Nyse. Le premier fit de grandes conquêtes, et entreprit de grands voyages ; Il avait des bacchantes dans son armée ; il s’avança jusqu’aux Indes, et, pendant qu’il était dans la lumière, les Indiens étaient dans les ténèbres. Moïse fut à la tête des hommes et des femmes de son peuple dans l’Arabie, autour du mont Sinaï ; ce pays est quelquefois nommé les Indes. Les bacchantes, qui accompagnaient Bacchus avec leurs cymbales et leurs tambours, marquent fort bien les femmes israélites, qui, au sortir de la mer Rouge, se mirent à danser et à jouer de ces instruments. On sait que les Égyptiens furent dans des ténèbres palpables pendant trois jours, au lieu que dans la terre de Gessen, où étaient les Israélites, on jouissait d’une claire lumière.
On dit que Bacchus passa à pied sec les fleuves d’Oronte et d’Hydaspe, après les avoir frappés avec son thyrse ; que son bâton de lierre avait rampé, lorsqu’il l’eut jeté à terre ; que les bacchantes, qui accompagnaient ce dieu, firent sortir l’eau d’un rocher, en le frappant avec le thyrse ; on ajoute qu’on voyait couler des ruisseaux de vin, de lait et de miel partout où elles passèrent. Tout cela convient tellement à Moïse, qu’il est impossible de ne l’y pas reconnaître. Le dieu Liber se revêtait d’habits somptueux ; il se serrait la tête d’un ruban. Il est quelquefois représenté avec des cornes ; il donna l’exemption de toutes les charges à ceux qui s’appliquaient à la musique ; il est nommé législateur ; son âne lui parla. Voilà encore des traits de ressemblance tirés de l’Histoire sainte, et appliqués à Bacchus. Moïse avait des rayons sur la face, que l’Écriture appelle des cornes. Il accorde de grands priviléges aux prêtres et aux lévites occupés à servir le Seigneur, et à chanter ses louanges. L’ânesse qui parle à Balaam, et les ornements magnifiques d’Aaron, ne regardent Moïse que comme législateur et historien sacré. On peut voir ces choses traitées plus au long dans Vossius, Bochart, Huet, etc [Delort de Lavaur nous paraît avoir résumé les recherches de ces savants sur Bacchus, Dionysius ou Liber. C’est pourquoi nous allons rapporter ici, nonobstant les traits de rapprochement qu’on vient de lire, tout le chapitre 15 de son livre intitulé : Conférence de la Fable avec l’Histoire sainte, seconde édition ; Avignon 1835. In-8, pages 74-84. Nous le divisons en paragraphes.
I. La singularité de la naissance de Bacchus ou Dionysius, dit-il, son nom, la grande variété de ses surnoms, pris de ceux que nos saintes Écritures ont donnés au vrai Dieu, et la ressemblance de ses plus considérables exploits avec ceux qui sont rapportés dans ces saints livres, ont fait apercevoir à tous ceux qui ont voulu y faire attention, que la Fable a puisé dans cette source toutes les merveilles dont elle a composé son Bacchus. Il est copié en partie sur Noé et sur Nemrod ; mais, pour la plus grande partie, sur Moïse et sur ses prodiges, dont la mémoire était récente et célèbre, lorsque Cadmus, se retirant de la Phénicie dans la Grèce, y porta le culte de Bacchus, que les Phéniciens avaient reçu de l’Assyrie.
On a compté plusieurs Bacchus. Diodore et Philostrate en reconnaissent trois : l’un de Thèbes, en Égypte ; l’autre, Indien ; le troisième Assyrien. Cicéron en compte cinq, dont l’un était né du Nil, suivant Orphée, dans ses Hymnes ; mais, suivant l’opinion commune, Bacchus était né sur les bords de ce fleuve, de Jupiter et de Sémélé Thébaine. La Fable feint que, s’étant abandonnée à Jupiter, elle eut l’ambition de vouloir être visitée de ce dieu, dans toute sa majesté et avec ses foudres ; qu’elle en fut brûlée ; que Jupiter tira l’enfant, au milieu des éclairs, du corps de la mère morte, et le cousit à sa cuisse, d’où il le fit naître quand le terme naturel fut accompli ; sur quoi l’on dit qu’il avait eu deux mères, ou qu’il était né deux fois. Après qu’il fut né, on l’enferma dans une caisse pour le sauver, et on l’exposa sur le fleuve, d’où il est appelé Nil dans Diodore et dans Macrobe ; Orphée l’appelle Myses, qui veut dire sauvé de l’eau. Il fut aussi nommé Dionysius. On disait qu’il avait été porté et élevé par des Nymphes, dans la ville de Nysa, en Arabie [Voyez blé, parg. 6], dont les habitants, issus d’Abraham, s’appliquaient volontiers,.pour flatter leur vanité, les histoires des autres descendants de ce patriarche. On ajoute qu’il fut mutilé. On le peignait fort beau et toujours jeune ; il se rendit illustre dans les armes, et parcourut l’Arabie avec une armée nombreuse composée d’hommes et de femmes ; il fut grand législateur, et donna ses Lois en deux tables, comme nous l’apprenons d’Orphée. On le représentait en taureau avec deux cornes, comme Osiris, et on l’appelait Cornu et Taureau.
II. Il avait à la main une verge entourée de serpents entortillés, appelée thyrse, qui faisait des prodiges fréquents, et qu’on portait dans la célébration de ses mystères : il était toujours accompagné d’un chien ; on lui attribuait d’avoir le premier planté la vigne, et donné le vin aux hommes, après le déluge universel ; il planta la vigne sur le mont Liban, dans la Palestine, où il étendit ses conquêtes.
On voit clairement, dans ce que nous avons rapporté, les aventures de Moïse, aussi Égyptien dont la naissance et le berceau, devenus célèbres, ont été l’original de la naissance ridicule de Bacchus et de son berceau, qui le fit appeler par les Grecs : Licnites, de Licnon, qui veut dire berceau : On fut obligé de cacher Moïse, dès qu’il fut né : il fut exposé sur le Nil, et il en fut sauvé par la fille de Pharaon, qui fut si charmée de sa beauté, qu’elle le fit élever, et l’adopta pour son fils. Philon conte qu’elle feignit même d’être grosse, et ensuite de s’en être accouchée ; d’où vient qu’on a donné deux mères à Bacchus, et qu’on e dit qu’il était né deux fois. Moïse était si beau, qu’on ne pouvait le voir sans en être charmé, dit Josèphe, comme le fut la fille du roi d’Éthiopie.
III. La manière de parler, dont l’Écriture se sert lorsqu’elle dit : Ceux qui étaient sortis de la cuisse de Jacob (Genèse 46.26 Exode 1.5), pour dire ses enfants, a donné lieu à l’imagination qui fait sortir Bacchus de la cuisse de son père. Moïse passa une partie de sa jeunesse dans l’Arabie, et s’y maria. Ce qu’on a feint de la mutilation de Bacchus, n’est qu’une altération de la circoncision ordonnée au peuple juif, que Moïse avait subie, et dont il reçut un ordre particulier pour son fils ; ce qui fit dire à sa femme : Vous m’étes un époux de sang (Exode 4.25-26).
IV. La naissance fabuleuse de Bacchus, au milieu des éclairs et des foudres de Jupiter, est une corruption de la tradition de l’histoire de Moïse, qui fut quarante jours avec Dieu, sur la montagne de Sinaï, enveloppé dans les flammes et les éclairs que les Hébreux voyaient, où ils le crurent consumé, et du milieu desquels ils le virent sortir comme un homme nouveau : c’est ce qui fit nommer Bacchus Ignigena, c’est-à-dire, enfant du feu. C’est aussi de cette montagne qu’on prit occasion de dire qu’il fut élevé à Nysa, par un petit changement dans le mot de Sina où Moïse reçut les instructions et la loi de Dieu en deux tables qu’il porta au peuple. Vossius a remarqué, que, dans la : Chronique d’Alexandrie, on confond Nysa et Sina dans l’Arabie, comme la même montagne. Les deux tables des lois que Bacchus donna à Béroé, près du mont Liban, ne sont qu’une copie de celles de Moïse, comme aussi les cornes qui parurent au front de celui-ci, lorsqu’il descendit de la montagne(Exode 31 ; Exode 34), en ont fait donner à Bacchus.
V. Le nom de Bacchus, somme Bochart l’a observé, est pris de Bar-chus, c’est-à-dire fils de Chus, appelé aussi Chuséen, qui fut Nemrod ; d’où Bacchus fut aussi appelé Nebrod par les Grecs. Un de ses anciens noms était Zagréus, c’est-à-dire grand et vigoureux chasseur ; c’est le nom par lequel l’Écriture désigne Nemrod.
VI. On ne doit pas être surpris que Bacchus soit composé de plusieurs personnages de l’histoire sainte ; mais la plus grande vartie en est copiée sur Moïse, comme l’a emarqué Vossius, qui croit que le Bacchus des Indes avait été formé sur Noé ; et celui d’Égypte et d’Arabie sur Moïse. Dans la suite, les aventures de l’un et de l’autre furent confondues, et encore plus altérées.
VII. On a pris de Noé l’invention de planter et de cultiver la vigne, et de l’usage du vin. On avait dit que Bacchus en avait planté près du mont Liban, joignant l’Arménie où Noé séjourna quelque temps après le déluge.
VIII. Bacchus, célèbre par ses conquêtes, avait reçu de Jupiter l’ordre de défaire les rois d’Arabie et des Indes, d’exterminer leurs peuples, et de faire avec son thyrse, des exploits dignes du ciel.
»Avec ce thyrse et une suite de gens sans armes, il mit en pièces des Géants ; il défit de puissantes armées ; il déliait la langue de ceux qui ne pouvaient parler ; il passa au travers de la mer Rouge et des fleuves dont les eaux se retiraient pour lui donner passage. Ce fut en fuyant les Égyptiens qu’il traversa de même l’Oronte et l’Hydaspe, où les Indiens furent submergés, lorsqu’il eut frappé du thyrse l’eau de ces fleuves. Rien ne résistait à cette verge.
IX. Étant l’exilé de Égypte, il eut affaire au roi d’Arabie, ennemi puissant et cruel. Il se laissa une fois séduire, et se livra sans précaution à ce roi, qui défit ses troupes avec un aiguillon dont on pique les bœufs, auprès du mont Carmel, dans la Palestine ; mais Bacchus, favorisé des dieux, défit dans la suite tous ses ennemis, et se rendit maître de leur pays ; le roi d’Arabie fut pris. De tous les Indiens, il n’en resta qu’un seul pour porter la nouvelle à leur roi, que tous les autres avaient péri, ou dans le combat, ou sous les eaux, par le thyrse de Bacchus.
Malgré les altérations inévitables, dans les traditions, par le laps de temps et par le passage d’une nation à une autre, on ne peut méconnaître, dans cette copie, l’original de l’histoire miraculeuse de Moïse, ni désirer une ressemblance plus sensible.
Moïse fut redoutable et célèbre par ses grandes conquêtes dans l’Arabie même, où l’on a placé celles de Bacchus. Il la traversa au milieu des plus grands obstacles ; il y défit et passa au fil de l’épée plusieurs nations : il tailla en pièces le Géant, roi de Basan, ses enfants et tout son peuple, les Moabites et les Madianites. Il conduisit les Israélites au bord du Jourdain ; et après lui Josué (qui l’avait suivi, qui lui succéda, et dont ou confondait aisément les exploits avec ceux de Moïse) conquit la Palestine, en chassa ou extermina les habitants. On appelait anciennement Indes tous les pays reculés vers l’Orient.
Tous ces succès étaient l’effet d’un ordre exprès du ciel : Je vous ordonne (lui dit Dieu) de tirer mon peuple de l’Égypte, pour aller se saisir des pays des chananéens, des Héthéens ; et ne craignez pas tous ces rois (lui dit-il ensuite) ; je les ai livrés entre vos mains avec tout leur peuple. Dieu lui ordonna encore de faire des prodiges avec sa verge, pour faire voir qu’il était envoyé du Tout-Puissant ; sur quoi on a feint des ordres pareils, donnés par Jupiter à Bacchus. Ainsi, avec peu de combattants et sans perte, Moïse, par cette verge, défit des armées nombreuses ; il prit des villes très-fortes ; il abattit les Géants de la race d’Enac. Rien n’est comparable aux prodiges de son histoire. Il avait naturellement de la peine à parler ; Dieu lai délia la langue, et lui dit : Je ferai qu’on vous entendra.
Il n’est pas nécessaire de faire observer que le passage de la mer Rouge par Bacchus, à la sortie de l’Égypte, et celui des fleuves mis à sec, où les ennemis qui le poursuivaient, étaient submergés par un coup de sa verge, sont pris du passage de la même mer et de celui du Jourdain, divisés par la verge de Moïse. Les postes, qui ne cherchent qu’à briller par tout ce qu’ils peuvent imaginer de merveilleux, n’ont eu dans cet endroit qu’à suivre l’original dans toutes ses circonstances.
À la sortie de l’Égypte, d’où les Égyptiens publiaient que Moïse et les Israélites avaient été chassés, il eut affaire à de puissants et cruels ennemis, les rois d’Arabie et du pays de Chanaan. Le peuple qu’il conduisait, sur le point d’entrer dans la terre qui lui était promise, voulut, contre les ordres que Moïse lui annonçait de la part de Dieu, combattre les Amalécites et les chananéens (Nombres 14) ; et Dieu le livra à ses ennemis ; il fut taillé en pièces. Mais Dieu s’étant apaisé en faveur de ce même peuple, le rendit enfin vainqueur ; les nations et les rois furent exterminés. La Fable a pris de Samgar, qui défit les Philistins avec un soc de charrue (Juges 3.31), l’aiguillon à piquer les bœufs, avec lequel elle attribue à Lycurgue d’avoir défait Bacchus. Lycurgue est ici un nom forgé de deux pour signifier un loup furieux et enragé.
Le thyrse de Bacchus, orné de pampres de vigne ou de feuilles de lierre qui, jeté par terre, s’était changé en serpent, et ceux dont les Bacchantes se couronnaient, sont une imitation de la verge de Moïse, convertie de même en serpent, quand il la jeta à terre en présence de Pharaon. Ils peuvent l’être aussi du serpent de bronze que Moïse fit élever, pour guérir les morsures des serpents dont les Israélites furent affligés dans leur voyage.
L’armée avec laquelle Bacchus parcourut l’Arabie et les autres pays qu’il subjugua, a été composée et mêlée de femmes et d’hommes, comme était composé le grand peuple que Moïse conduisit de victoire en victoire dans le désert de l’Arabie et dans la Palestine.
Bacchus et les femmes de sa suite faisaient sortir de l’eau des rochers, en les frappant avec le thyrse ; ils firent aussi sortir des flammes de la terre, en la frappant de même ; voilà les eaux du rocher frappé par la verge de Moïse, et les flammes qu’il fit sortir de la terre pour consumer Coré, Dathan et Abiron. On a aussi dit que Bacchus changea en vin l’eau d’un fleuve, en le touchant de sa verge, pour copier le changement de l’eau du Nil en sang (Exode 7), par la verge de Moïse.
IX. D’où aurait-on pu tirer l’imagination que les ennemis de Bacchus étaient dans les ténèbres, pendant que lui et son armée jouissaient d’une claire lumière, si ce n’est des ténèbres dont l’Égypte fut couverte, pendant qu’il faisait un jour fort clair pour tout le peuple d’Israël (Exode 10), et de la colonne de nuée lumineuse du côté de ce peuple, et obscure du côté de ses ennemis (Exode 14)
D’où aurait-on imaginé que le pays où Bacchus conduisait toute sa suite, découlait de lait, de vin, et de miel, si ce n’est de ce qu’il avait été dit, qu’il découlait des ruisseaux de lait et de miel dans la terre où Moïse conduisit les Israélites (Nombres 13)
De ce que le Seigneur, dans une colonne de nuée, conduisait son peuple et marchait à sa tête durant le jour et durant la nuit (Exode 135), les poêles ont dit que Jupiter en aigle conduisait l’armée de Bacchus dans l’Arabie et dans les Indes.
On mettait à la suite de Bacchus des chantres, des tambours, des danseurs, des flûtes et autres instruments ; ce qui lui fit donner le nom de Sabazius ; comme Tacite dit que, suivant les lois de Moïse, les prêtres des Juifs chantaient et jouaient du tambour et de la flûte.
X. Ce qu’on a chanté de Bacchus, qu’il arrêta le soleil, et l’obligea de retarder sa course pour prolonger le jour, ne peut avoir été imaginé que sur la tradition du soleil arrêté par Josué, successeur de Moïse, et souvent confondu avec lui.
XI. La fable rapportée par Pausanias, d’Euripyle puni par Bacchus, pour avoir par curiosité ouvert une caisse où l’effigie de ce dieu était renfermée, a un rapport sensible avec l’histoiredes Bethsamites punis pour avoir voulu trop curieusement voir l’arche sainte, comme il sera observé dans un autre endroit.
XII. Bacchus, irrité contre les Athéniens qui n’avaient pas reçu son culte avec assez de respect, les châtia, dit-on, dans les parties secrètes de leur corps, par des maladies auxquelles ils ne trouvèrent d’autre remède que d’offrir à ce dieu, avec toutes les marques d’un culte respectueux, suivant l’avis de l’oracle, des effigies de ces mêmes parties ; nous verrons aussi ailleurs, que c’est l’histoire assez connue des habitants d’Azot.
XIII. L’enlèvement d’Ariane, fille de Minos, roi de Crète, par Bacchus, rapporté par Pausanias, a été apparemment pris de ce que la fille du roi d’Éthiopie s’était livrée à Moïse.
Les Arabes, au rapport de saint Épiphane, adorèrent Moïse comme un dieu après avoir vu les prodiges qu’il opérait et son pouvoir sur les éléments et sur toute la nature ; ainsi a-t-on dit qu’ils adoraient Bacchus, dont la statue n’était qu’une pierre noire non polie, posée sur un piedestal d’or, conformément à ce que la loi de Moïse ordonnait, que les autels fussent faits de pierres non polies. Strabon assureque les Arabes ne connaissaient que deux divinités, Jupiter et Bacchus : et Pausanias représente celui-ci porté dans le ciel par Mercure. Aussi Tacite dit que quelques-uns avaient cru que les Juifs adoraient Bacchus ; mais il rejette cette opinion par la différence de leurs cultes. C’est que ceux-là croyaient que les Juifs adoraient Moïse, qu’ils confondaient avec Bacchus.
XIV. Bacchus, qui bâtit un temple à Jupiter Ammon, n’y mit aucune effigie ; ce qui se rapproche encore de la loi de Moïse qui le défendait (Exode 20.5 Lévitique 26 Deutéronome 2.15) ; et les Phocéens avaient un temple de Bacchus, de même sans statue ni effigie.
XV. Caleb, envoyé par Moïse pour aller visiter la terre promise (d’où il rapporta sur un levier, un raisin d’une grosseur prodigieuse pour faire voir la fécondité du pays), signifie en hébreu, un chien. De là la Fable a donné à Bacchus un chien fidèle, qui l’accompagne ; et en mémoire de ce beau raisin, elle a ajouté que Bacchus transporta son chien au ciel, et qu’il en fit une constellation dont l’emploi est de faire grossir et mûrir les raisins.
XVI. Saint Justin fait voir comment la Fable a horriblement défiguré et corrompu la prophétie de Jacob, sur la postérité de Juda, d’où devait.sortir le Messie, appelé en hébreu, Silo, pour en composer la fiction ridicule de Silène, compagnon de Bacchus, toujours porté sur un âne, et toujours plein de vin, avec des cornes au front.
La prophétie porte (Genèse 49.9-12) que le sceptre et le chef du peuple de Dieu demeureraient dans la postérité de Juda et de ceux qui seraient sortis de sa cuisse (c’est-à-dire de sa race) jusqu’à ce que Silo (c’est-à-dire celui qui devait être envoyé) en viendrait ; qu’il serait l’attente des nations ; qu’il attacherait l’ânon à la vigne, et l’ânesse au cep de la vigne, qu’il laverait sa robe dans le vin, et son manteau dans le sang du raisin ; que ses yeux sont plus brillants que le vin, et ses dents plus blanches que le lait.
C’est pour corrompre cette prédiction, dit saint Justin, que les démens inspirèrent ces fictions, que Bacchus était sorti de la cuisse de Jupiter, et qu’il enseigna à planter et à cultiver la vigne ; qu’ils employèrent les ânes dans ses, mystères ; qu’on représentait Silène avec Bacchus toujours pleins de vin, et leurs vêtements aussi arrosés de vin ; l’un et l’autre portés sur des ânes et inséparables ; qu’on le représentait d’un visage brillant et toujours jeune, mais portant des cornes (ce qui était pris de Moïse) ; ce fut du nom de Silo qu’on forma celui de Silène.
XVII. Le nom d’Akbir qu’on donne souvent à ce dieu, et qui, en hébreu, signifie également taureau et puissant, peut avoir aussi contribué à peindre Bacchus en taureau, et à l’appeler de ce nom.
De la même source viennent tant de mots qui paraissent barbares dans le culte et les cérémonies de Bacchus, et tant de noms du vrai Dieu que la Fable lui a transportés de nos saints livres.
Le nom de Dionystis composé de Rios, Jupiter, et de Nysa, où la Fable a placé son éducation a été pris, suivant Bochart, de l’inscription que Moïse avait érigée à Dieu : Jehova nissi, ou nissan ; c’est-à-dire, le Seigneur est mon étendard et ma protection (Exode 17.15). On mit au lieu de Jehova, qui est le nom propre du vrai Dieu, celui de Jupiter, ou Duos, et de là Denys, qui est Bacchus. C’est ce qui fit ensuite interpréter qu’il avait été élevé à Nysa.
D’Adonaï, Bacchus fut appelé Adonoeus ; de El, Éliel et Eleloe, autres noms du vrai Dieu, Eleloeus ; de ce que Dieu est dit un feu consumant, un Dieu jaloux, en hébreu Hu-es, on a donné à Bacchus ce même nom Hués, ou Hyés.
Le nom de Thyades, donné aux bacchantes, et celui de Thyan, donné à un temple de Bacchus, viennent de ce que les devins chaldéens étaient appelés Thyes.
On a appelé les fêtes et les mystères de Bacchus, Orgies, du chaldéen arzaia, qui veut dire mystères.
On l’a appelé en grec Hyés, comme l’on appelait aussi Jupiter, c’est-à-dire le maitre de la pluie, sur ce que Moïse levant sa verge vers le ciel, fit pleuvoir en Égypte, et fit ensuite cesser la pluie quand il le lui ordonna (Exode 4) ; Narthecophorus, portant toujours la verge ou le thyrse, qui est le symbole propre de Moïse ; et Mixobarbaros, parce que Bacchus conduisait des troupes mêlées de nations de barbares, comme Moïse conduisait un grand peuple que les autres nations appelaient barbare, et qui était en effet souvent indocile et barbare.
Le nom de Libérateur et de Sauveur, donné en plusieurs endroits à Bacchus, convient parfaiternent et proprement à Moïse, connu pour avoir délivré le peuple de Dieu de la servitude de l’Égypte.
XVIII. Bacchus était honoré dans l’Achaïe sous le nom d’Æsymnetès, c’est-à-dire caché et exposé dans le panier qui lui servait de berceau ; ce qui désigne uniquement Moïse : sous le nom de Mésatéus, formé du nom de Moïse et de celui de Dieu ; et sous celui d’Anthéus, c’est-à-dire qui fait fleurir, pris de la verge d’Aaron, mise par l’ordre de Moïse, son frère, avec celles des autres tribus d’Israël, pour discerner le choix de Dieu, laquelle, quoique entièrement sèche, fleurit dans une nuit.
Il fut aussi appelé Cadméen, parce que Cadmus apporta dans la Grèce les histoires de Moïse. Le nom de iflysés qu’Orphée lui donne au commencement de ce chapitre comme nous avons dit, est visiblement celui de Moïse. Nous avons marqué l’origine de celui de Dithyrambus, ayant deux mères, et de celui de Licnités, pris du prodige de son berceau.
19. On lui a donné pour père Jupiter, père des dieux, et régnant dans les cieux ; le père de Moïse était Antram, dont le nota en hébreu signifie père haut et élevé. Le nom de sa mère Jocabed, qui signifie ambitieuse, a donné lieu de faire périr la mère de Bacchus, par l’ambition d’être visitée par Jupiter dans tout son éclat, comme il visitait Junon.
XX. Pausanias nous enseigne qu’auprès de Thèbes il y avait un temple de Bacchus, surnommé Ægobolus, en mémoire de ce que Dieu y avait envoyé et fait trouver un chevreau, au lieu d’un enfant qu’on était sur le point d’y sacrifier ; ce qui ne peut être qu’un reste de tradition du bélier que Dieu envoya pour être immolé au lieu du jeune Isaac. Noùs verrons dans la suite d’autres imitations bien marquées de ce sacrifice.
Les païens ont accusé les Juifs d’adorer Bacchus. Tacite parle de cette accusation ; elle était fondée, dit-il, sur ce que les prêtres hébreux jouaient des instruments de musique, de la flûte et du tambour, qu’ils se couronnaient de lierre ; et qu’on avait trouvé dans leur temple une vigne d’or ; on crut qu’ils adoraient le dieu Bacchus. Mais, ajoute-t-il, les lois et les mœurs des Juifs sont trop éloignées du génie de Bacchus. Ce dieu aime la joie et la bonne chère, et les Juifs vivent d’une manière vile, absurde et sordide. Ce qu’il dit des prêtres des Juifs, qui se couronnaient de lierre, est sans fondement. La vigne d’or qu’on voyait dans le temple, était un présent qu’on y avait fait, et qui n’avait aucun rapport à la religion dès Juifs. Ce prétendu culte de Bacchus est aussi réel que celui d’un âne, que les mêmes païens imputaient aux Juifs.
Bacchus est nommé Liber, à cause de la liberté que le vin inspire. Antiochus Épiphane, roi de Syrie, ayant résolu de faire abandonner aux Juifs la loi du Seigneur, leur fit une rude persécution, et le jour qu’on célébrait la fête de Bacchus, on les contraignait d’aller par les rues couronnés de lierre en l’honneur de ce faux dieu. Le Grec porte à la lettre, qu’on les contraignait de suivre ta marche, ou la procession de Dionysies ou de Bacchus, ayant du lierre, où sur la tête ou dans les mains, c’est-à-dire, portant des couronnes de lierre, ou des thyrses, qui sont des bâtons enveloppés de lierre. Nicanor, un des généraux d’Antiochus, les menaçait, s’ils ne lui livraient Judas Machabée, de renverser leur temple, et d’en ériger un à sa place consacré à Bacchus.
Ptolémée Philopator ; roi d’Égypte, ayant pris la cruelle résolution d’exterminer les Juifs de ses États, qui ne voudraient pas renoncer à la religion de leurs pères, après les avoir auparavant dépouillés de leurs priviléges dont ils jouissaient comme bourgeois d’Alexandrie, leur fit imprimer avec un fer chaud la feuille de lierre, qui est la marque de la consécration à Bacchus. On dit que ce prince s’était fait imprimer à lui-Même la feuille de lierre, comme on faisait aux prêtres de la grande déesse.
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