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En latin, unicornis, en hébreu, rheem, en grec, monoceros, ou rhinoceros. Cet animal est fort connu dans les auteurs sacrés et chez les profanes. Mais ceux-ci en ont donné des descriptions si bizarres et si extraordinaires, qu’ils ont fait douter s’il y avait de vraies licornes, ou de vrais rhinocéros. Les voyageurs encore aujourd’hui varient dans la description qu’ils font de la licorne. Marmot dit qu’elle ressemble à un poulain de deux ans, excepté qu’elle a une barbe de bouc, et au milieu du front, une corne de trois pieds, polie, blanche et rayée de raies jaunes. Le R. P. Jérôme Lobo dit qu’en Éthiopie il y a un animal nommé arvocharis, qui est extrêmement vite, n’a qu’une corne, et ressemble à un chevreuil. Jean Gabriel, Portugais, assure avoir vu, dans le royaume de Damor, une licorne qui avait une belle corne blanche au front, longue d’un pied et demi. Le poil de son cou et de sa queue était noir et court, et l’animal était de la grandeur et de la forme d’un cheval bai. Vincent Le Blanc rapporte qu’il a vu une licorne dans le sérail du roi de Pégu, dont la langue était fort longue et raboteuse. Sa tête ressemblait plutôt à celle d’un cerf qu’à celle d’un cheval. Louis de Barthème dit qu’il a vu chez le soldan [lisez sultan] de la Mecque, en Arabie, deux licornes qui lui avaient été envoyées par un roi d’Éthiopie. Elles étaient grandes comme un poulain de trente mois, de couleur obscure, et avaient la tête presque comme celle d’un cerf, une corne de trois brasses de long, quelque peu de crin, les jambes menues, le pied fendu, et les ongles d’une chèvre. On dit qu’il y a aussi des licornes de mer, et qu’il en échoua une, en 1644, au rivage de l’île de la Tortue, voisine de celle de Saint-Domingue. Voyez le Dictionnaire des Arts et des Sciences.
De tout ce que nous venons de raconter, il s’ensuit visiblement, ou que la plupart des relations qui parlent de la licorne sont fausses, ou que les voyageurs ont confondu plusieurs espèces d’animaux en un seul. Nous savons qu’il y a plusieurs sortes d’animaux dans l’Éthiopie et dans les Indes, qui n’ont qu’une corne, les uns sur le nez, les autres sur le front, et les autres sur la tête. Ou trouve des vaches, des taureaux, des chevaux, des ânes, des daims, des chèvres et d’autres animaux, qui n’ont qu’une corne. Dalechamp en a remarqué jusqu’à sept espèces. Pline parle des ânes, des oryx, des taureaux qui n’ont qu’une corne. Le moine Cosme, Égyptien, nous a donné la description d’un rhinocéros, comme d’un animal connu en Éthiopie. Les Pères jésuites portugais, qui ont demeuré longtemps dans ce pays, assurent que non-seulement ils en ont vu, mais encore qu’ils en ont nourri. M. Chardin a vu en Perse un rhinocéros, qui avait une corne sur le nez, de la grosseur et de la forme à-peu-près d’un pain de sucre de deux livres. La couleur de cette corne était de gris brun, de même que la peau de l’animal au-dessus des narines. Le museau du rhinocéros est rond, tourné comme un bec d’aigle. Il n’a que quatre dents : deux en haut et deux en bas. Ses yeux sont placés fort bas, presque contre les lèvres. Sa queue est menue et composée de neuf ou dix nœuds. Sa peau est couverte partout ; hormis au dos et à la tête, de petits nœuds ou durillons, fort semblables à ceux d’une écaille de tortue. Ses pieds sont courts et épais, faits de trois fourchonsou argots de corne par le devant, et de durillons sur le derrière.
On assure que les Abyssins se servent des rhinocéros, les apprivoisent, et les accoutument au travail, comme ils font les éléphants. On montre plusieurs cornes de licornes, de monocéros ou de rhinocéros, dans les cabinets des curieux ; mais elles ne sont ni égales en grandeur, ni uniformes pour la couleur, la grosseur et la figure. La corne de la licorne est blanche, à ce que l’on prétend, et longue de cinq palmes. Celle du poisson monocéros est à-peu-près de même couleur, mais plus longue. Celles du rhinocéros sont brunes, solides, un peu recourbées, un peu moins longues que celles de la licorne. J’en ai vu de plusieurs espèces et de différentes grosseurs et grandeurs ; ce qui me persuade qu’elles ne sont pas d’une même espèce d’animal.
Le P. Lobo dit que la licorne a la corne blanche. Paul Lucas dit qu’elle est noire. L’animal qui la porte est beaucoup plus petit que l’éléphant, mais d’une force extraordinaire. Depuis le cou jusqu’au bas, il ressemble assez au buffle. Il n’a pas la corne du pied fendu, mais tout d’une pièce. Les éléphants fuient devant la licorne. Son mugissement est presque semblable à celui du bœuf, et tient un Ou du cri du chameau. On en voit une assez grande quantité dans les marais des Indes. Je trouve dans les papiers de la maison de Lorraine, surla fin du seizième siècle, sous le règne du grand-duc Charles, soixante mille florins donnés pour l’achat d’une licorne.
Au reste, les interprètes ne conviennent pas que l’hébreu rhéem signifie ni la licorne, ni le rhinocéros, ni le monocéros. Les uns croient que c’est l’urus, sorte de bœuf sauvage. D’autres entendent le daim, ou le chevreuil, ou l’oryx, qui èst une sorte de chevreuil d’Arabie, fort gras, d’un poil blanc, et qui a de fort grandes cornes Aristote ne donne qu’une corne à l’oryx ; mais les Arabes, qui l’appellent rim, lui en donnent deux. Le rhéem était fort farouche, puisque Dieu demande à Job (Job 39.9-10) s’il pourra apprivoiser le rhéem, si cet animal mangera dans son étable, comme une bête de service, et s’il l’attachera au joug. Moïse (Deutéronome 33.17) relevant la force de Joseph, dit que ses armes sont comme celles du rhéem ; cet le Psalmiste (Psaumes 21.22) prie Dieu de le garantir des dents du lion et de la corne du rhéem. Voyez Bochart, De Anim sacr parte I t. 3 chapitre 27.
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