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Manger

Manducare. Les anciens Hébreux ne mangeaient pas indifféremment avec toutes sortes de gens : ils auraient cru se souiller et se déshonorer de manger avec des gens d’une autre religion ou d’une profession honteuse et décriée. Du temps du patriarche Joseph (Genèse 43.31), ils ne mangeaient point avec les Égyptiens, ni les Égyptiens avec eux. Du temps de notre Sauveur, ils ne mangeaient point avec les Samaritains (Jean 4.9). Et les Juifs étaient fort scandalisés de voir que Jésus-Christ mangeait avec les publicains et les pécheurs (Matthieu 9.11). Comme il y avait plusieurs sortes de viandes qui leur étaient défendues, ils ne pouvaient avec bienséance manger avec ceux qui en mangeaient, de peur de contracter quelque souillure en touchant de ces viandes, ou que par accident on en laissât tomber sur eux quelque chose.

Aussi l’on remarque, dans les repas des anciens Hébreux, que chacun avait sa table à part. Joseph, donnant à manger en Égypte à ses frères, les fit asseoir séparément chacun ayant sa table, et lui-même était assis séparément avec les Égyptiens qui mangeaient avec lui, et il envoya de devant lui à chacun de ses frères ce qui leur devait être servi (Genèse 43.31). Elcana, père de Samuel, distribua de même à ses deux femmes leurs portions séparément (1 Samuel 1.4-5). Dans Homère, chacun des conviés a sa petite table à part, et le maitre du festin fait la distribution des viandes à chacun d’eux. Ou assure qu’à la Chine la même chose se pratique encore à présent, et dans les Indes il y a plusieurs personnes qui ne mangent jamais dans un même plat ni sur une même table, et ils ne croient pas même le pouvoir faire sans péché : ce qu’ils observent non-seulement dans leur pays, mais aussi lorsqu’ils sont en voyage et dans les pays étrangers.

Les mœurs antiques que l’on voit dans Homère se remarquent de même dans l'Écriture au sujet du manger, du boire et des repas. On y trouve.de l’abondance, mais peu de délicatesse, un grand respect pour les hôtes, faisant consister l’honneur qu’on leur fait à leur servir à boire et à manger plus abondamment qu’aux autres. Dans le repas qu’Abraham fit aux trois anges qu’il reçut dans sa tente, il leur servit un veau gras entier, du lait, du beurre et du pain cuit sous la cendre, où l’on avait employé trois mesures de farine, dont chacune tenait plus de vingt-huit pintes de farine. Joseph fit servir, devant son frère Benjamin une portion de viandes cinq fois plus grande que celles de ses frères. Samuel mit devant Saül un quartier de veau tout entier. Régulièrement les femmes ne paraissaient point à table dans les repas des hommes. Ç’aurait été parmi ces peuples, comme c’est encore aujourd’hui en Italie et en Espagne, et dans tout l’Orient, une indécence que personne n’aurait approuvée.

Les assaisonnements étaient le sel, le miel, l’huile, la crème. La plupart des épiceries dont nous nous servons leur étaient inconnues. Ils connaissaient l’anis, le gingembre, le safran, et quelques autres herbes souvent nommées dans l’Écriture, et on ne doute pas qu’on ne s’en servit dans les sauces. Le miel, encore aujourd’hui, entre dans la plupart des ragoûts des peuples de la Palestine [Voyez Assaisonnement et beurre]. Les repas solennels [voyez Fêtes] étaient accompagnés de chants et d’instruments. Amos reproche aux débauchés d’Éphraïm (Amos 6.5) de se divertir dans leurs repas, au son des instruments, comme s’ils en savaient aussi bien jouer que David. Les parfums et les odeurs précieuses étaient en usage dans toutes les fêtes. La femme pécheresse de l’Évangile répand de l’huile de parfum sur les pieds de Jésus-Christ (Luc 7.37) : Marie, sœur de Lazare, en fait de même (Jean 12). L’heure ordinaire du repas était midi. Joseph fit servir à manger à ses frères à cette heure-là (Genèse 43.25). Saint Pierre, étant sur la terrasse de Simon le Corroyeur, voulut descendre pour prendre de la nourriture à midi (Actes 10.7-10). Les juges de Babylone qui voulaient séduire Susanne se retiraient dans leurs maisons pour manger à midi (Daniel 13.7-8). Les docteurs juifs enseignent que les jours de fête il n’était pas permis de manger avant midi, qui était l’heure où les cérémonies étaient achevées. Le Talmud marque la onzième heure du matin comme la plus propre à prendre de la nourriture. Si l’on diffère davantage, ils croient qu’il en peut arriver des inconvénients, et qu’alors si l’on refuse au corps la nourriture dont il a besoin, il se consume soi-même, et se nourrit de sa propre substance, comme l’ours pendant l’hiver.

Anciennement les Hébreux étaient assis à table, de même que nous le sommes aujourd’hui ; dans la suite, ils imitèrent les Perses et les Chaldéens, qui mangeaient couchés sur des lits de table. On remarque toutefois, dans les Proverbes de Salomon (Proverbes 23.1), dans Amos (Amos 6.4-7), dans Ézéchiel (Ézéchiel 23.41) et dans Tobie (Tobie 2.4), quelques vestiges des lits de table, mais l’usage n’en était pas général. On voit dans des auteurs sacrés du même temps des expressions qui prouvent qu’on s’asseyait aussi à table. On était couché sur des lits de table au festin d’Assuérus (Esther 1.6), et dans celui qu’Esther donna au roi et à Aman (Esther 7.1). Le Sauveur était de même couché à table lorsque la Madeleine oignit ses pieds d’un parfum précieux (Matthieu 26.7), et lorsque, dans la dernière Cène, saint Jean l’évangéliste avait la tête posée sur son sein (Jean 13.25).

Nous parlerons ailleurs de la distinction des viandes que les Hébreux observent dans leurs repas. Ils sont sévères à observer la loi qui défend l’usage du sang, et de la graisse, et du nerf de la cuisse de l’animal (Lévitique 3).Les anciens docteurs hébreux avaient interdit l’usage de la chair et du poisson dans le même repas ; mais aujourd’hui ils se sont mis au-dessus de ces règlements, et en mangent indifféremment, pourvu que ce soient des animaux et des poissons permis par Moïse (Lévitique 11.9-12) Ce législateur défend de cuire le chevreau ou l’agneau dans le lait de sa mère (Exode 23.19 34.26). Les Juifs l’expliquent d’une défense de manger du lait, du beurre ou du fromage avec de la viande, et ils l’observent très-religieusement.

Avant de se mettre à table, ils ont grand soin de se laver les mains ; ils parlent de cette pratique comme d’une cérémonie essentielle et d’une stricte obligation. Après le repas ils les lavent de nouveau. Aussitôt qu’ils ont lavé les mains, ils se mettent à table, et le maître de la maison, ou le plus qualifié de la compagnie, prenant le pain, le rompt, mais ne le divise pas ; puis, mettant les mains par-dessus, il récite cette bénédiction : Soyez béni, Seigneur notre Dieu, roi du monde, qui produisez le pain de la terre. À quoi les assistants répondent : Amen. Puis, ayant partagé le pain aux conviés, il prend le vase qui contient le vin, ou la bière, ou autre liqueur, et l’élevant avec la main droite, il dit : Béni soyez-vous, Seigneur notre Dieu, roi du monde, qui avez produit le fruit de la vigne. Après cela on dit le psaume 22 : Dieu est mon pasteur, je ne manquerai de rien. Il m’a placé dans de bons pdturages, etc. Buxtorf et Léon de Modène, qui nous ont donné le détail des cérémonies des Juifs, diffèrent entre eux en quelques circonstances, mais c’est que Buxtorf écrivait principalement les cérémonies des Juifs d’Allemagne, et Léon de Modène les pratiques des Juifs d’Italie.

Après le repas ils ont soin qu’il reste toujours quelque morceau de pain sur la table ; le maître de la maison fait laver un verre, l’emplit de vin, et l’élevant en haut, il dit : Messieurs, bénissons celui dont nous avons mangé le bien. À quoi les autres répondent : Béni soit celui qui nous a comblés de ses biens, et qui par sa bonté nous a repus. Puis le maître récite une assez longue prière, dans laquelle il rend grâce à Dieu des bienfaits dont il a comblé Israël, le prie d’avoir pitié de Jérusalem et de son temple ; de rétablir le trône de David ; d’envoyer Élie et le Messie ; de les délivrer de leur longue captivité, afin qu’ils ne soient plus dans la nécessité de demander l’aumône, et d’emprunter des chrétiens, contre lesquels ils prononcent des malédictions, sous le nom de peuple charnel et de créatures maudites. Tous les assistants répondent : Amen. Après quoi ils récitent ces paroles du psaume (Psaumes 33.10-11) : Craignez le Seigneur, vous tous qui étes saints, etc. Puis, ayant fait boire à la ronde un peu du vin qui est dans son verre il boit le reste, et on achève de desservir.

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