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Manne

Manne, ou Man. C’est la nourriture dont Dieu nourrit les Israélites dans le désert d’Arabie, pendant les quarante ans de leur voyage, depuis leur huitième campement dans le désert de Sin (Exode 16.13-14). La manne commença à tomber le matin du vendredi, seizième du second mois, nommé dans la suite Jiar, qui répond, selon Ussérius, au vendredi cinquième juin. Elle continua à tomber tous les jours au matin, à l’exception du jour du Sabbat, jusqu’après le passage du Jourdain, et â la Pâque de la quarantième année depuis la sortie d’Égypte. La manne tomba donc depuis le vendredi cinquième de juin de l’an du monde 2513, jusqu’au second jour de la Pâque, qui était un mercredi cinquième mai, de l’an du monde 2553, avant Jésus-Christ 1447, avant l’ère vulgaire 1451.

La manne dont parle Moïse était un petit grain blanc comme la bruine, rond et gros comme la coriandre (Exode 16.14 Nombres 11.7) tombait tous les matins sur la rosée, et lorsque la rosée était dissipée par la chaleur du soleil, la manne paraissait et demeurais seule sur le rocher ou sur le sable. Elle tombait tous les jours, excepté le jour du sabbat (Exode 16.5) ; et cela seulement aux environs du camp des Israélites. Elle tomba en si grande quantité pendant les quarante ans de leur voyage dans le désert, qu’elle suffisait à la nourriture de toute la multitude, qui montait à plus d’un million de personnes [Voyez Accroissement de la population des Israélites en Égypte], qui en ramassaient par tête chacun un gomor, ou un peu plus de trois pintes, mesure de Paris. Elle sustentait toute cette multilude, sans qu’aucun en fût incommodé. Il en tombait le vendredi une quantité double des autres jours ; et quoiqu’elle se changeât en vers les autres jours lorsqu’on la réservait, elle ne souffrait aucune altération le jour du sabbat ; et la même manne qui se fondait au soleil, lorsqu’on la laissait sur la terre, était si dure dans la maison, qu’on la concassait dans le mortier et qu’elle souffrait le feu ; en sorte qu’on pouvait la cuire dans la poêle, la pétrir et en faire des gâteaux (Nombres 11.8).

L’Écriture (Sagesse 16.20 Psaumes 77.25) donne à la manne le nom de pain du ciel et de nourriture des anges, soit qu’elle veuille marquer qu’elle était envoyée et préparée par les anges, et que les anges, mêmes, s’ils ont besoin de nourriture, n’en peuvent avoir de plus agréable que celle de la manne. L’auteur de la Sagesse (Sagesse 16.20-21) dit que la manne se proportionnait de telle sorte au goût de tous ceux qui en mangeaient, que chacun y trouvait de quoi contenter son appétit, et qu’elle renfermait tous les agréments du goût et toute la douceur des plus agréables nourritures. Expressions que quelques-uns prennent à la lettre. Et il y en a même qui croient qu’elle prenait jusqu’à la forme des choses que l’on désirait. Josèphe l’entend d’une manière plus simple, en disant que ceux qui s’en nourrissaient la trouvaient si délicieuse, qu’ils ne désiraient rien autre chose ; et saint Augustin remarque avec beaucoup de sagesse que l’auteur sacré dit simplement que la manne avait cette qualité, de se conformer au goût de ceux qui en usaient, en faveur des enfants de Dieu. Et comment les Israélites auraient-ils pu se plaindre que la manne leur causait du dégoût (Nombres 11.6), si elle se fût toujours proportionnée à leur goût et à leur volonté ?

Il tombe de la manne encore aujourd’hui dans plusieurs endroits du monde : en Arabie, en Pologne, en Calabre, au mont Liban, dans le Dauphiné et ailleurs. La plus commune et la plus célèbre est celle d’Arabie, qui est une espèce de miel condensé, qui se voit pendant l’été sur les arbres, sur les rochers, sur les herbes, et sur le sable de l’Arabie Pétrée. Elle est de la figure dont la dépeint Moïse. Celle qui se recueille aux environs du mont Sinaï est d’une odeur très-forte, qui lui est communiquée par les herbes sur lesquelles elle tombe. Elle s’évapore très-aisément, en sorte que si l’on en garde trente livres dans un vaisseau ouvert, il n’en restera pas dix au bout de quinze jours. On vend de cette manne d’Arabie dans les boutiques des apothicaires au Caire en Égypte. M. Saumaise croit que la manne dont les Hébreux se nourrirent dans le désert est la même qui se voit encore aujourd’hui dans l’Arabie. Plusieurs nouveaux sont de même sentiment. Il est vrai que la manne d’Arabie a une qualité médicinale qui purge et qui affaiblit, au lieu de sustenter et de nourrir : mais on prétend que si l’on en usait communément, l’estomac s’y accoutumerait, comme on a vu des gens s’accoutumer à des espèces de nourritures qui naturellement devaient être contraires à la santé. Mais on doit aussi reconnaître que la manne dont parle Moïse avait des qualités miraculeuses que n’a pas la manne ordinaire, et qui ne subsistèrent apparemment que pendant le temps que les Israélites s’en nourrirent. On peut consulter sur le sujet de la manne les Dissertations de Saumaise, de Buxtorf et de Bochart, sur le même sujet, et notre Commentaire sur l’Exode, 16.14 et suivants Voyez Altonare, Traité de la Manne.

On est partagé sur l’origine du nom de manne : les uns croient que man est mis au lieu de l’hébreu mah, qui signifie, qu’est-ce que cela ? et que les Hébreux, ayant vu pour la première fois cette nouvelle nourriture que Dieu leur envoyait, se dirent l’un à l’autre : man-hu, au lieu de mah-hu, qu’est-ce que ceci ? D’autres soutiennent que les Hébreux connaissaient fort bien la manne, et qu’en ayant vu une grande abondance autour de leur camp, ils se dirent man-hu, voici de la manne. M. de Saumaise et quelques nouveaux sont de ce dernier sentiment : ils tiennent que la manne que Dieu envoya aux Israélites n’était autre que cette rosée grasse et épaisse qui tombe encore aujourd’hui dans l’Arabie, laquelle se condensait sur-le-champ, et servait à la nourriture de tout le peuple ; que c’est la même chose que le miel saurage (Matthieu 3.4) dont saint Jean se nourrissait ; et que le miracle dont parle Moïse ne consistait pas dans la formation d’une mouvelle substance, mais dans la manière ponctuelle et uniforme dont elle était dispensée par la Providence, et par la quantité qui en tombait, qui était suffisante à nourrir une si grande multitude.

Les Hébreux et les Orientaux croient au contraire que la manne est toute miraculeuse. Les Arabes la nomment la dragée de la Toute-Puissance, et les Juifs sont si jaloux du miracle, sur cet article, qu’ils prononcent malédiction contre ceux qui oseront soutenir l’opinion contraire. Akiba soutenait que la manne avait été produite par l’épaississement de la lumière céleste, laquelle était devenue matérielle, et propre à servir de nourriture à l’homme. Le rabbin Isnaael désapprouva cette opinion, et la combattit sur ce principe, que la manne, selon l’Écriture, est le pain des anges. Or, les anges, disait-il, ne sont pas nourris par une lumière devenue matérielle, mais par la lumière de Dieu même. Voilà quelques exemples de l’idée qu’ils se forment de la manne :

Celle qu’on vend dans les boutiques d’apothicaires, et qu’on appelle ordinairement manne de Calabre, est une liqueur blanche et douce qui découle d’elle-même, ou par incision, des branches et des feuilles de frêne, tant ordinaires que sauvages. Pendant la canicule, et un peu auparavant, on ne la trouve que sur les frênes, et encore n’est-ce pas sur tous, mais seulement en Calabre et aux environs de Briançon. On l’amasse en plein soleil, qui la condense et la sèche. Dès le mois de juillet elle sort d’elle-même de l’arbre ; au mois d’août, on fait une incision à l’arbre, qui en donne encore une certaine quantité ; et, dans le même mois, lorsque celle-ci a cessé, il en sort une troisième sorte, qui se forme comme une espèce de sueur en la partie nerveuse des feuilles du frêne. La manne purge doucement, prise dans du bouillon. Fuschius dit que les paysans du Mont-Liban mangent la manne qui vient dans leur pays, comme ailleurs on mange le miel.

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