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Modin

Bourg célèbre [sur une montagne du même nom] dans la tribu de Dan, d’où étaient Mathatias et ses fils (1 Machabées 2.1-15), si connus sous le nom de Machabées. Ce lieu ne devait pas être loin de la mer, puisque les mariniers pouvaient voir de leurs vaisseaux le mausolée qu’on y érigea en l’honneur de Mathatias (1 Machabées 13.30). Eusèbe dit que Modin n’était pas éloignée de Diospolis, et que de son temps on y voyait encore les tombeaux des Machabées. Saint Jérôme, sur le chapitre 30 d’Isaïe, insinue que c’était peu de chose, puisqu’il le nomme simplement un petit village, viculus. Voyez l’article de Mathatias.

Quoi qu’il en soit, Modin n’est pas seulement célèbre par le tombeau des Machabées, il l’est encore par le combat que Judas Machabée, avec une poignée de gens, osa livrer contre Antiochus Eupator, et dont il se retira avec honneur. Voici comme la chose arriva.

Judas Machabée ayant appris qu’Antiochus Eupator venait en Judée pour la réduire, dans le dessein de traiter les Juifs avec encore plus de dureté que n’avait fait son père Antiochus Épiphane (2 Machabées 13.9) tint conseil avec les anciens du peuple, et résolut de le prévenir et d’aller au-devant de lui. Remettant donc toutes choses au pouvoir de Dieu, créateur de l’univers, et ayant exhorté ses gens à combattre vaillamment et à sacrifier leur vie pour défendre leurs lois, leur temple, leur ville, leur patrie et leurs concitoyens, il fit marcher son armée, et fut camper près de Modin. Et après avoir donné aux siens pour mot du guet, La victoire de Dieu, il prit avec lui les plus braves de son armée, attaqua la nuit le quartier du roi, et tua dans son camp quatre mille hommes, et le plus grand des éléphants avec tous ceux qui le montaient. Ayant ainsi rempli tout le camp des ennemis de trouble et d’effroi, il se retira avec l’assistance du Seigneur, après cet heureux succès.

Observations sur le combat de Judas Machabée contre Antiochus, près Modin (2 Machabées 13.15) et suivants. Judas Machabée était un excellent général d’armée ; ses actions et sa conduite dans toutes les guerres qu’il a eues à soutenir contre tant d’ennemis formidables est tout ce qu’on voit de plus grand et de plus admirable. Un Sertorius, un Scanderberg, n’ont rien fait qui puisse égaler les grandes actions de ce héros. Je ne vois rien dans l’antiquité de plus savant et de plus profond que la méthode des Juifs dans l’art de combattre et de se ranger ; toujours les plus faibles en nombre et toujours supérieurs à leurs ennemis par leur hardiesse à entreprendre, par la sagesse de leur conduite et par leur habileté dans la science des armes.

Cependant il est surprenant que Polybe, historien si exact et si bien informé des affaires de l’Asie, ne fasse aucune mention des Machabées, ni des guerres qu’ils ont soutenues avec tant de gloire contre Antiochus et son successeur, tandis qu’il décrit les guerres du même Antiochus avec tout le soin et le détail qu’on peut souhaiter, et avec la même exactitude qu’il fait celles des Romains. En vérité c’est ce que je ne puis comprendre.

Lorsqu’on peut vaincre par la ruse, il ne faut pas, dit-on, employer la force ; cette maxime est éblouissante, mais elle n’est pas toujours vraie, qu’on y fasse attention.

Toutes les ruses des Machabées sont ordinaires, elles ne sont pas même en fort grand nombre, et ils ne les ont pas toujours employées ; ils ont combattu le plus souvent en plein jour ; la science a eu beaucoup plus de part à leurs victoires que l’artifice ; et tout leur artifice ne consistait que dans la fine disposition de leurs troupes ; c’est donc l’art qui a le plus contribué au succès de tant de belles et si hardies entreprises. Au reste, quand la tromperie, qui est hors de cet art, se trouve jointe avec la distribution prudente et rusée d’une armée, c’est une marque de l’esprit du général qui renferme en lui tout ce que l’art de la guerre a de grand et de beau dans ses plus profondes et plus nobles parties.

L’entreprise de Judas Machabée sur le camp d’Antiochus Eupator peut être mise au nombre de celles où l’art n’a pas moins de part que la ruse ; il dérobe une marche nocturne à Antiochus, cela n’est pas difficile à une petite armée, et c’est un grand avantage car un général surpris dans son camp, quand même il aurait le temps de se mettre en bataille, est un général à demi vaincu. Cette maxime est indubitable, et Antiochus l’éprouva ; car à peine approchait-il de la Judée, que Judas, abandonnant au jugement du Seigneur l’événement de cette entreprise, marcha hardiment au-devant de lui, et lui donna un si terrible échec, qu’il répandit le trouble et l’épouvante dans tout son camp, après lui avoir tué quatre mille hommes et le plus grand des éléphants.

L’auteur sacré ne dit rien de l’ordre sur lequel Judas combattit mais nous ne saurions ignorer sa méthode. Lorsqu’il était infinimént inférieur à ses ennemis, il combattait par corps séparés sur une très-grande profondeur, et il lui suffisait de percer pour être assuré de la victoire. On voit assez par ce passage (2 Machabées 15), Il prit avec lui les plus braves d’entre les jeunes hommes, qu’il forma un corps de ce qu’il avait de troupes d’élite pour tomber sur le quartier du roi : ainsi je crois que son armée était rangée sur trois corps. Le corps où Judas commandait devait être au centre, parce que le général de l’armée se campait ordinairement au milieu de son camp. Il y a apparence que Judas trouva de la résistance, et que les ennemis eurent le temps de lui opposer un corps de troupes, qui fut rompu et mis en déroute ; autrement il eût taillé et mis en fuite toute l’armée d’Antiochus ; mais craignant de succomber au grand nombre, il aima mieux se retirer après cette expédition.

Il y a dans l’auteur sacré une contradiction apparente ; il dit, au 13, que Judas attaqua la nuit le quartier du roi, et au 17, que cette action se passa à la pointe du jour. Pour concilier ces deux passages, je pense que l’attaque se fit pendant la nuit, et que l’action ne fut terminée qu’à la pointe du jour

[M. Poujoulat va nous fixer sur la situation de Modin et dignement nous parler des héros illustres qui y recurent le jour. Le passage que nous allons citer est extrait d’une de ses le’lres à M. Michaud ; c’est la 96 de la Correspond d’Orient, tome 4 pages 228-231 :

« En parcourant, dit-il, le désert de Saint-Jean [Voyez Jean-Baptiste], j’avais devant moi, au nord-ouest, la haute montagne où s’élevait Modin, patrie des Machabées ; je me suis acheminé jusqu’au sommet de la montagne, en passant par un village arabe nommé Zuba. Le livre des Machabées est l’Iliade des Hébreux. Quels guerriers que les fils de Mathatias, Jean, Simon, Judas, Eléazar et Jonathas ; l’Écriture les compare à des géants terribles, à des lionceaux qui rugissent à la vue de leur proie : leur épée était la protection d’Israël, et chacun de leurs combats était une victoire. « Souvenez-vous des œuvres de nos ancêtres, leur disait Mathatias à l’approche de sa mort, et vous acquerrez une grande gloire et un nom éternel. » C’est à Modin que furent ensevelis les vaillants d’Israël. « Simon, disent les livres saints, fit bâtir sur le sépulcre de son père et de ses frères, un haut édifice qu’on voyait de loin, dont toutes les pierres étaient polies devant et derrière ; il fit construire sept pyramides, dont l’une répondait à l’autre, une à son père, une à sa mère, et quatre à ses frères ; il plaça tout autour de grandes colonnes, et sur les colonnes des armes pour servir de monument éternel ; et auprès des armes, des navires en sculpture, pour être vus de loin par tous ceux qui navigueraient sur la mer ».

Ainsi, les navigateurs avaient de glorieux sépulcres à saluer sur les mers de Syrie, comme sur la mer d’Hellé ; mais on cherche vainement à Modin les tombeaux des Machabées ; je ne sais si je me tromperais de beaucoup en disant que les Machabées étaient contemporains des héros d’Homère ; voyez que de grandes choses dans le même âge et dans deux pays différents qui sans doute ne se connaissaient pas !

Richard Cœur de Lion qui, à l’époque de son expédition en Palestine, resta longtemps campé à Ramla, s’aventurait quelquefois seul ou avec un petit nombre de chevaliers pour trouver des musulmans à combattre ; un jour, le roi d’Angleterre s’étant plus avancé que de coutume dans les montagnes de Jérusalem, aperçut la ville sainte et versa des larmes ; Richard pleura à l’aspect de cette cité pour laquelle il avait pris la croix et l’épée, et que sa bravoure ne pouvait délivrer. N’y a-t-il pas toute une épopée dans ces pleurs religieux du roi pèlerin ? Quand Richard, l’Achille des croisades, pleure à l’aspect de Jérusalem, ses larmes sont-elles moins héroïques que les larmes du fils de Pélée ? Dans les environs de Jérusalem, du côté du couchant, on ne peut découvrir la ville que du haut de la montagne de Modin ; il faut en conclure que le monarque anglais était sur cette montagne lorsque ses regards rencontrèrent la cité sainte. Voilà Richard, défenseur de la croix, que le hasard conduit auprès des tombeaux des défenseurs d’Israël.

Ainsi, en vous parlant de Modin, je vous aurai nommé tout ce qu’il y a de plus éclatant dans la gloire des armes ; Judas Machabée en Israël, Achille aux temps héroïques de la Grèce, Richard Cœur de Lion aux temps héroïques de l’Europe : ces trois grandes figures nie frappent par leur merveilleuse ressemblance.

Après avoir trouvé que c’est du haut de Modin que le roi d’Angleterre aperçut la ville sainte, je reconnais d’une manière évidente que vous avez eu raison de placer l’Emmaüs des croisés au village de Jérémie appelé aujourd’hui village d’Abou-Ghos, car la montagne de Modin n’en est pas loin, et nos chroniques nous disent que les hauteurs d’où Richard découvrit Jérusalem étaient voisines d’Emmaüs. Il ne doit plus y avoir aucun doute sur cette question. Des citernes, des grottes, des chambres souterraines, telles sont maintenant les curiosités de Modin. Les restes de l’ancienne ville ont servi à bâtir un village, une mosquée et un fort ; c’est dans ce fort que le fameux Abou-Ghos avait coutume de se retirer, lorsqu’autrefois les pachas d’Acre ou de Damas lui faisaient la guerre. Les Arabes de Modin cultivent leur montagne et recueillent en assez grande quantité des olives, de l’orge et du blé. La montagne de Modin est une des plus hautes de la Palestine ; du sommet de ce mont, le regard se promène, au midi, sur la Judée pâle et blanchâtre ; au couchant, sur les vertes plaines de Ramla et sur la mer ; au nord, sur la Galilée, entrecoupée de riantes collines ; à l’orient, le regard s’arrête sur Jérusalem ; vue des hauteurs de Modin, Jérusalem se présente avec les teintes les plus lugubres et ressemble à une cité couchée dans la poussière ; à cet aspect, mon cœur s’attristait, et peu s’en est fallu que je n’aie pleuré comme Richard.

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