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Mort

L’homme ayant mangé du fruit défendu, encourut la peine de mort, pour lui et pour toute sa postérité. Il mourut aussitôt de la mort de l’âme ; et dès ce moment il fut sujet à la mort du corps, qu’il ne souffrit que longtemps après. S’il était demeuré fidèle à Dieu, et qu’il n’eût point violé le précepte qu’il lui avait donné de ne pas manger du fruit défendu, il ne serait point mort, et l’usage du fruit de l’arbre de vie l’aurait conservé dans une santé constante et heureuse ; et après avoir vécu longtemps sur la terre, Dieu l’aurait transporté comme Énoch et Élie, dans une vie absolument immortelle. Les Pères et les conciles enseignent que sans le péché, Adam ne serait pas mort : mais les rabbins croient qu’après avoir très-longtemps vécu, son âme se serait séparée de son corps, sans douleur et sans violence, par le baiser du Seigneur, [Voyez Ange de mort ou Moïse, tradition des Juifs sur sa mort], pour aller jouir d’une vie encore plus heureuse dans l’éternité et l’immortalité.

Il est indubitable que c’est par la jalousie et la malice du démon que la mort est entrée dans le monde (Sagesse 2.24) et que le péché d’Adam a causé la mort à ce premier père et à nous tous (Romains 5.22). Saint Augustin distingue deux sortes d’immortalité dans l’homme, l’une grande, et l’autre moindre. La grande et la plus parfaite immortalité consiste à ne pouvoir mourir : Dieu et les anges jouissent de cette heureuse prérogative. La moindre immortalité consiste à pouvoir ne pas mourir : c’est celle dont Adam jouissait dans l’état d’innocence. Il pouvait, en demeurant dans l’obéissance qu’il devait à son Créateur, éviter la mort en usant du fruit de l’arbre de vie, et de ce moindre degré d’immortalité il pouvait parvenir à celui de ne point mourir, qui est l’état des bienheureux après la résurrection. Il fut donc chassé du paradis après son péché, afin qu’il ne mangeât point du fruit de l’arbre de vie, qui lui aurait procuré une vie éternelle.

Les Sociniens prétendent que le premier homme était créé mortel, et que le péché n’a apporté en cela aucun changement à sa condition. Ils prétendent même s’appuyer de l’autorité des rabbins. Mais ceux-ci soutiennent nettement que si nos premiers pères eussent persévéré dans l’innocence, ils eussent toujours vécu. Menassé Ben-Israël, qui vivait au milieu du siècle passé, soutient que l’immortalité du premier homme est fondée sur l’Écriture, et que plusieurs fameux rabbins qu’il cite sont de ce sentiment. Il montre que cette immortalité d’Adam s’accorde avec la raison, puisque Adam n’avait aucune cause intérieure qui le pût faire mourir, et qu’il n’avait rien à craindre du dehors, vivant dans un lieu délicieux et agréable, où tout lui était soumis, et que le fruit de vie, dont il se devait nourrir, augmentait sa force et entretenait sa santé. Les rabbins soutiennent que cet arbre de vie était d’une grosseur prodigieuse, que toutes les eaux de la terre sortaient de son pied ; que quand on aurait marché cinq cents ans, on aurait eu peine à en faire le tour : ce sont des exagérations ou des expressions figurées. Mais ils ne doutent point qu’il n’eût une vertu vivifiante, et que, par une qualité naturelle que Dieu lui avait donnée, il ne pût conserver l’homme dans un état d’immortalité ; et que ce fut pour empêcher qu’il n’en mangeât et qu’il ne vécût éternellement, que Dieu chassa du paradis le premier homme après sa désobéissance.

Jésus-Christ par sa mort a vaincu la mort el nous a mérité la béatitude et l’immortalité bienheureuses. Ce n’est pas à dire qu’il ait rendu notre âme immortelle, de mortelle qu’elle fut auparavant, ni qu’il nous ait mérité la grâce de ne pas mourir ; il n’a rien changé dans la nature de notre âme, et n’a pas jugé à propos de nous dispenser de la nécessité de mourir ; mais il nous a rendu la vie de la grâce, et nous a mérité par sa résurrection l’immortalité bienheureuse, pourvu que les mérites de son sang et de sa nort nous soient appliqués par la foi et par les sacrements, et que par notre faute nous ne rendions pas vaine la volonté qu’il a de sauver tous les hommes.

Quant à la résurrection des morts, nous en parlerons sous le titre de résurrection.

Le nom de mort se prend dans l’Écriture non-seulement pour la mort du corps et pour celle de l’âme : pour la première mort, qui est celle qui arrive lorsque l’âme se sépare du corps ; et pour la seconde mort, qui est celle de la damnation éternelle ; mais aussi pour un grand danger, un danger éminent [imminent] de mort, pour la peste et les maladies contagieuses, pour le poison, pour un grand malheur. On dit les portes de la mort, pour le tombeau et pour l’état des morts après cette vie ; les vases ou les instruments de la mort, pour des armes meurtrières et dangereuses ; les liens ou les pièges de la mort, pour les pièges que l’on tend à son ennemi pour le faire mourir ; un fils de mort, pour un homme qui mérite la mort, ou qui est condamné à la mort ; la poussière de la mort, pour l’état où un mort est réduit dans le tombeau. L’amour est fort comme la mort, dit Salomon (Cantique 8.6) ; nul ne résiste à la mort, ni à l’amour.

Morts

Mortuus, le Mort. Nous croyons que les Hébreux sous ce nom entendaient quelquefois le faux dieu Adonis. C’est en ce sens que nous expliquons ces paroles de Moïse (Deutéronome 14.1) : Soyez les enfants du Seigneur votre Dieu ; vous ne vous ferez point d’incisions, et vous ne vous raserez point entièrement la tête pour le Mort. C’est qu’on pratiquait tontes ces choses dans le deuil d’Adonis. Et dans un autre endroit (Deutéronome 26.14) les Israélites, venant présenter leurs prémices au Seigneur, font cette profession : Je n’ai point mangé de ceci dans mon deuil, je n’en ai point employé pour une chose impure, je n’en ai point consumé pour les funérailles ; l’Hébreu, à la lettre, je n’en ai rien donné au mort, apparemment à Adonis. Les sacrifices des Morts, dont parle le Psalmiste (Psaumes 105.26), et auxquels il dit que les Hébreux participèrent dans l’abomination de Béelphégor, sont aussi, comme nous le croyons, des sacrifices que l’on offrait en l’honneur de Béelphégor. Voyez notre dissertation sur Béelphégor, imprimée à la tête du commentaire sur les Nombres. [Voyez Donis et Béelphégor].

Morts

Mortuus, coena mortui. Les Hébreux étant persuadés de l’immortalité de l’âme et de la résurrection future, il n’est pas étrange qu’ils aient eu beaucoup de considératiou pour les morts. Ils regardaient comme un souverain malheur d’être privés de la sépulture (Jérémie 8.2 ; 22.14 Ecclésiaste 6.3 2 Machabées 5.10), et les plus gens de bien se faisaient un devoir d’ensevelir les morts, de faire leurs obsèques, de porter à manger sur leurs tombeaux, afin que les pauvres en profitassent (Tobie 1.20 ; 2.10 ; 6.18). Lorsqu’un Israélite venait à mourir dans une maison ou dans une tente, tous ceux qui s’y trouvaient et tous les meubles qui y étaient contractaient une souillure qui durait sept jours (Nombres 19.14-15). Tous ceux aussi qui, à la campagne, touchaient le corps d’un mort de lui-même ou tué, ceux qui touchaient ses os ou son sépulcre étaient aussi impurs pendant sept jours ; et voici la manière dont cette souillure s’expiait. On prenait de la cendre d’une vache rousse immolée par le grand prêtre au jour de l’expiation solennelle (Nombres 19.3-6). On en jetait dans un vase plein d’eau, et un homme exempt de souillure trempait un bouquet d’hyssope dans cette eau, et en arrosait les meubles, la chambre et les personnes souillées. On faisait cette cérémonie le troisième et le septième jour. Mais outre cela il fallait que celui qui avait contracté cette souillure se baignât tout le corps et lavât ses habits le septième jour ; après quoi il était censé parfaitement purifié.

Les rabbins enseignent que l’on ne contractait point de souillure dans les funérailles, à moins que le mort ne fût un Israélite : car pour les gentils, disent-ils, ils souillent pendant leur vie ceux qui les approchent ; mais après leur mort, leur cadavre demeure pur et n’imprime aucune impureté. Les Israélites au contraire pendant leur vie exhalent une odeur de pureté qui sanctifie ceux qui s’en approchent : mais après leur mort, leur âme et le Saint-Esprit les ayant quittés, ils ne sont plus propres qu’à répandre l’infection et la souillure. Les règles que nous avons rapportées, pour la purification de ceux qui avaient touché un mort ou assisté à des funérailles, ne s’observent plus depuis la destruction du temple et depuis qu’on ne fait plus le sacrifice de la vache rousse. Ainsi les Juifs ne se tiennent plus souillés par aucun mort (Voyez Léon de Modène, Cérém des Juifs).

Tous ceux qui se trouvent présents au lieu où un malade vient d’expirer déchirent leurs habits, suivant la très-ancienne coutume des Hébreux ; mais on n’en déchire d’ordinaire que l’extrémité, et de la largeur de la main, moins pour marquer une vive douleur que par cérémonie. Si la déchirure est faite pour un parent, on ne la recoud point ; si c’est pour un étranger, on peut la recoudre au bout de trente jours. C’est un ancien usage de répandre dans la rue toute l’eau qui se trouve dans la maison et dans le voisinage. Les rabbins disent que l’ange exterminateur a lavé dans ces eaux le glaive meurtrier dont il a tué le malade, et qu’il leur a communiqué un poison mortel. Après cela, on met le mort étendu sur le pavé, on lui replie le pouce dans la main, on allume un cierge aux pieds ou à la tête du mort. Ensuite on lave le corps, on met une chemise, et sur la chemise un autre habit de fine toile, dont il se revêtait le jour de l’expiation solennelle ; puis son taled, qui est une pièce d’étoffe carrée, avec des houppes. Enfin on lui met un bonnet blanc sur la tête, et en cet état il est enfermé dans le cercueil.

Dans la Palestine, anciennement, il paraît que les personnes de quelque distinction et qui en avaient le moyen, faisaient embaumer leurs corps ; mais cet usage ne fut jamais général. Saint Jean (Jean 19.39) remarque que Notre-Seigneur fut enveloppé de linges et frotté d’aromates, comme c’est la coutume des Juifs. Nous lisons que l’on brûla ou avec le corps, ou auprès du corps de quelques rois de Juda (2 Chroniques 21.19 ; 16.14 Jérémie 34.5), quantité d’aromates ; mais on ne peut pas assurer qu’il y ait eu aucun usage uniforme sur cela.

Après que le corps a été quelque temps exposé, les parents s’assemblent pour le porter en terre. On l’emporte les pieds devant, selon les rabbins. Anciennement ils avaient des pleureuses à gage et des joueurs d’instruments lugubres, qui accompagnaient le convoi (Jérémie 9.17-18 Matthieu 9.23). Les rabbins disent qu’il n’était pas permis à un Israélite d’avoir moins de deux joueurs d’instruments aux obsèques de sa femme, sans compter la pleureuse à gage ; qui y était toujours. Ceux qui rencontraient une pompe funèbre devaient par honneur se joindre à elle et mêler leurs plaintes à celles des parents du mort. C’est à quoi le Sauveur semble faire allusion, lorsqu’il dit (Luc 7.32) : Nous avons fait des lamentations, et vous n’avez point pleuré avec nous. Et saint Paul veut qu’on pleure avec ceux qui pleurent (Romains 12.15), et qu’on se réjouisse avec ceux qui se réjouissent.

Lorsqu’on est arrivé au cimetière, on place le cercueil à terre ; puis si le mort est de quelque considération, quelqu’un de la compagnie fait son éloge. Après cela, ils font dix fois le tour de la fosse, en récitant une assez longue prière qui commence par ces paroles (Deutéronome 22.4) : Le Dieu fort ; son œuvre est parfaite, etc. Ensuite on descend le mort dans la fosse, le visage tourné vers le ciel. Les plus proches parents jettent les premiers de la terre sur le mort ; puis on remplit la fosse avec une pelle. Ils se retirent du cimetière, marchant en arrière ; et arrachant trois fois de l’herbe, ils la jettent derrière le dos, en disant : Ils fleuriront comme l’herbe de la terre. Ils croient que tous les corps des Juifs se rendent dans la Palestine par des conduits souterrains, ce qu’ils appellent le roulement des morts ou le roulement des cavernes. Ils espèrent ressusciter et jouir de la béatitude en ce pays-là. Ils ne croient pas que l’âme du mort soit reçue dans un lieu de repos, avant que le corps soit réduit en poussière. Ils s’imaginent que pendant l’année qui suit son décès elle va souvent visiter son corps dans le tombeau. On peut consulter notre dissertation sur les funérailles des Hébreux, à la tête de l’Ecclésiastique. [Voyez aussi De l’origine de la crémation, ou de l’Usage de brûler les corps ; dissertation traduite de l’anglais de Jamieson, membre de la société royale d’Edimbourg ; par Boulard, Paris, 1821].

Morts

État des morts après leur décès. Voyez ci-devant âmes.

Mosa  

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