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Ou Pasques, Pascha. Ce terme est hébreu et signifie passage. Les Juifs prononcent Pesach. Quelques-uns ont voulu le dériver du grec pascho, je souffre, comme par allusion à la passion de Jésus-Christ ; mais sa vraie étymologie est le verbe hébreu pasach, passer, sauter. On donna le nom de Pâque à la fête qui fut établie en mémoire de la sortie d’Égypte (Exode 12), à cause que la nuit qui précéda cette sortie, l’ange exterminateur, qui mit à mort les premiers-nés des Égyptiens, passa les maisons des Hébreux sans y entrer, parce qu’elles étaient toutes marquées du sang de l’agneau qu’on avait immolé la veille, et qui pour cette raison est appelé agneau pascal.
Voici ce que Dieu ordonna sur la Pâque des Juifs (Exode 12). Le mois de la sortie de l’Égypte fut regardé depuis ce temps comme le premier mois de l’année sainte ou ecclésiastique ; et le quatorzième jour de ce mois, entre les deux vdpres, c’est-à-dire entre le déclin du soleil et son coucher, ou bien, suivant notre manière de compter, entre deux heures après midi et six heures du soir dans l’équinoxe, on devait immoler l’agneau pascal et s’abstenir de pain levé. Le lendemain quinzième, à commencer à six heures du soir précédent, qui faisait la fin du quatorzième, était la grande fête de la Pâque, qui durait sept jours. Mais il n’y avait que le premier et le septième jour qui fussent solennels. L’agneau qui était immolé devait être sans défaut, mâle et né dans l’année. Si l’on ne trouvait point d’agneau, on pouvait prendre un chevreau. On immolait un agneau ou un chevreau dans chaque famille, et si le nombre de ceux qui étaient dans la maison ne suffisait pas pour manger l’agneau, on en prenait de la maison voisine.
On teignait du sang de l’agneau immolé le haut et les jambages de chaque maison, afin que l’ange exterminateur, voyant ce sang, passât outre et épargnât les enfants des Hébreux. On devait manger l’agneau la nuit même qui suivait le sacrifice ; on le mangeait rôti, avec du pain sans levain et des laitues sauvages ; l’Hébreu à la lettre, avec des choses amères, comme serait de la moutarde ou antre chose de cette nature, pour lui relever le goût. Il était défendu d’en manger aucune partie crue ou cuite dans l’eau, et d’en rompre les os (Exode 12.46 Nombres 9.12 Jean 19.36) ; mais il fallait le manger entier, même la tête, les pieds et les intestins ; et s’il en restait quelque chose au lendemain, on le jetait au feu. Ceux qui le mangeaient devaient être en posture de voyageurs, ayant les reins ceints, des souliers aux pieds, le bâton à la main, et mangeant à la hâte. Mais cette dernière cérémonie ne s’observa, ou du moins elle ne fut d’obligation que la nuit de la sortie de l’Égypte. Pendant toute l’octave de la Pâque on n’usait point de pain levé, et quiconque en avait mangé était menacé d’être exterminé de son peuple. On chômait le premier et le dernier jour de la fête, en sorte toutefois que l’on y permettait de préparer à manger (Exode 12.16) ; ce qui était défendu le jour du sabbat (Exode 16.23).
L’obligation de faire la Pâque était telle, que quiconque aurait négligé de la faire était condamné à mort (Nombres 9.13). Mais ceux qui avaient quelque empêchement légitime, comme de voyage, ou de maladie, ou de quelque impureté volontaire ou involontaire : par exemple, ceux qui avaient assisté à des funérailles ou qui s’étaient trouvés souillés par quelque autre accident, devaient remettre la célébration de la Pâque au second mois de l’année ecclésiastique, ou au 6 du mois jiar, qui répond à avril et à mai.
C’est ainsi que le Seigneur l’ordonna à Moïse, à l’occasion de la demande que lui firent quelques Israélites qui avaient été obligés de rendre les derniers devoirs à quelques-uns de leurs parents (Nombres 9.10-11), et qui, à cause de leur souillure, n’avaient pu participer à la victime pascale. Nous voyons l’exécution de cette loi sous Ézéchias (2 Chroniques 30.2-3). Ce saint roi ayant résolu de faire célébrer une Pâque solennelle par tous ses sujets, on lui remontra que les prêtres n’avaient pas eu le loisir de se purifier en aussi grand nombre qu’il aurait été nécessaire pour servir à cette solennité. Ainsi il fut résolu qu’on en remettrait la célébration au mois suivant, ce qui fut exécuté.
On peut ajouter à ce que nous avons dit sur la dernière Pâque, que les chrétiens d’Orient, et surtout les Syriens, soutiennent que l’année que Jésus-Christ mourut, on célébra la fête le treizième du mois adar le samedi, qui commençait dès la fin du vendredi précédent, et que Notre-Seigneur la prévint d’un jour et la célébra le vendredi, qui commençait dès le soir du jeudi précédent, à cause qu’il devait mourir le vendredi. Calvisius met aussi la même Pâque le samedi quatrième jour d’avril, l’année trente-troisième de l’ère vulgaire, la trente-sixième de Jésus-Christ, qui tombe dans l’année 344 d’Alexandrie. [Voyez ma note au mot Pentecôte].
Voici les cérémonies que les Juifs d’aujourd’hui observent dans la célébration de la Pâque. Cette fête dure une semaine ; mais les Juifs qui sont hors de la Palestine la font huit jours, suivant l’ancienne coutume par laquelle le sanhédrin envoyait deux hommes exprès pour découvrir la lune naissante, et pour en donner incontinent avis aux chefs de cette compagnie. De peur de manquer à ce qu’on devait, on célébrait deux jours de fête : l’un nommé dies latentis lunoe, et l’autre dies apparentis lunoe. De cette sorte, les deux premiers jours de la Pâque et les deux derniers sont fête sont solennels, et on ne peut, ces jours-là, ni travailler, ni traiter d’affaires ; mais il est permis de préparer à manger et de porter d’un lieu en un autre ce dont on a besoin. Pendant les quatre jours du milieu, il est seulement défendu de travailler ; mais on peut manier de l’argent, et ces jours-là ne sont distingués des jours ouvrables que par de certaines choses singulières.
Pendant les huit jours de la fête, les Juifs ne mangent que du pain sans levain, et il ne leur est pas permis d’avoir en leur pouvoir ni levain ni pain levé. Pour mieux observer ce précepte, ils cherchent avec une exactitude scrupuleuse dans toute la maison pour en ôter jusqu’aux moindres choses fermentées. Ils visitent pour cela tous les coins du logis, les coffres, les armoires ; puis, ayant bien nettoyé la maison, ils la blanchissent et la meublent d’ustensiles tout neufs, ou de ceux qui ne servent qu’à ce jour-là. S’ils ont servi à d’autres, et qu’ils soient de métal, ce n’est qu’après les avoir fait repasser à la forge et polir. Dès le soir d’avant la veille de la fête, le maître du logis cherche par toute la maison, pour voir s’il n’y a point de pain levé. Sur les onze heures du jour suivant on brûle du pain, pour marquer que la défense du pain levé est commencée, et cette action est accompagnée de paroles qui déclarent qu’il n’y a aucun levain en son pouvoir, du moins qu’il le croit ainsi et qu’il a fait ses diligences pour cela.
Incontinent après, ils se mettent à faire des azymes ou pains sans levain, qu’ils appellent mazzoth, et en font suffisamment pour durer pendant les huit jours de la fête. Ils prennent garde que la farine dont ils se servent n’ait pas été mouillée ou échauffée, de peur qu’elle n’ait été fermentée. Ils en font des gâteaux plats et massifs de différentes figures ; et afin qu’ils ne lèvent point, ils les mettent aussitôt cuire dans le four, et au sortir de là ils les gardent avec beaucoup de propreté. Quelques-uns font de ces gâteaux avec des œufs et du sucre, pour les personnes délicates et malades ; ils les nomment mazza aschiras, c’est-à-dire riche gâteau sans levain.
Le quatorzième jour de nisan, les premier-nés des familles ont accoutumé de jeûner, en mémoire de ce que, la nuit suivante, Dieu frappa tous les premier-nés de l’Égypte. Le soir ils vont à la prière, et étant de retour au logis, ils se incitent à table, qui est préparée de jour et aussi bien servie que chacun le peut. Et pour observer la loi (Exode 12.8), qui veut qu’on mange l’agneau avec du pain sans levain et des herbes amères, ils ont dans un plat ou dans une corbeille quelque morceau d’agneau ou de cabri, tout préparé avec des herbes amères, comme du céleri, de la chicorée ou des laitues, et un petit vase où il y a de la sauce. Cette corbeille et ce petit attirail en mémoire de la chaux et des briques qu’on leur faisait faire, et qu’ils mettaient en œuvre en Égypte ; et tenant des tasses de vin, ils récitent la narration des misères que leurs pères souffrirent en Égypte, et les merveilles que Dieu fit pour les en délivrer. Ensuite ils rendent grâces à Dieu de toutes ces faveurs, ils disent le psaume 112, et les suivants qui commencent par Halleluia, puis ils soupent. Après souper ils continuent à dire et à chanter le reste de ces psaumes et autres louanges propres au jour ; puis ils s’en vont coucher. Le jour suivant on fait la même chose.
Les prières du matin sont les mêmes que celles qui se disent aux autres fêtes, excepté qu’ils y ajoutent ce qui est de particulier à celle-ci, avec les psaumes dont on a déjà parlé, depuis le 112 jusqu’au 118 inclus, On tire de l’armoire le rouleau du Pentateuque, et on lit à cinq le chapitre 12 de l’Exode, qui contient l’institution de la Pâque, et ce qui est contenu au chapitre 18 des Nombres, concernant les sacrifices propres à cette fête ; ensuite la prière Mussaf. Puis on lit des prophètes ce qui a rapport à ce qu’on a lu du Pentateuque ; et après dîner on fait la commémoration de la fête et l’on donne la bénédiction pour le prince sous la domination duquel ils demeurent, priant Dieu qu’il le conserve en paix et en joie, et que ses desseins réussissent, que ses États augmentent et qu’il aime leur nation, selon cette parole de Jérémie : Cherchez la paix de la ville où je vous ai transporté, et priez pour elle le Seigneur, parce qu’en sa paix vous aurez aussi la paix (Jérémie 19.7).
La même chose se pratique les deux derniers jours. On finit cette fête avec la cérémonie d’Habdala ou Distinction. Cette cérémonie d’Habdata se fait à ta fin du jour du sabbat, lorsque le maître du logis prononce certaines paroles et certaines bénédictions pour souhaiter que tout prospère dans la semaine où l’on va entrer. Au sortir de la synagogue, on va manger du pain levé pour la dernière fois.
Depuis le second soir de la Pâque ils comptent quarante-neuf jours jusqu’à la fête des Semaines, ou la Pentecôte ; et depuis le lendemain de Pâque ils comptent trente-trois jours, pendant lesquels ils ne se marient point, ne coupent point d’habits neufs, ne so font point les cheveux, ne célèbrent aucune réjouissance publique ; mais passent ces trente-trois jours dans une espèce de deuil, à cause d’une grande mortalité qui arriva, disent-ils, entre les disciples du rabbin À kiba. Le trente-troisième jour est célébré avec joie, et est regardé comme une fête, parce que ce jour-là la mortalité cessa. On nomme ce jour Lag, parce que les deux lettres hébraïques L et G valent 33, selon leur valeur numérique.
Les rabbins nous apprennent encore d’autres détails que Léon de Modène a omis ; par exemple : que si l’on néglige d’ôter le levain de sa maison, on mérite le fouet ; si on le mange par mégarde et sans y penser, on paie l’amende. On peut brûler le levain qu’on y trouve et le jeter dans l’eau, réduit en miettes. Lorsque les femmes ont pétri leur pain sans levain, on prend grand soin qu’il ne s’aigrisse, on se hâte de le mettre au four, pour ne lui en pas laisser le loisir, et on jette de l’eau par-dessus, de peur qu’il ne s’échauffe. Quelques-uns portent le scrupule jusqu’à ne pas nommer le nom de levain devant leurs enfants, de peur de leur faire naître l’envie d’en manger, de même qu’ils ne nomment pas le porc par son nom, de peur de le faire connaître : Ils l’appellent alla res, une autre chose.
Pour faire plus exactement la recherche du pain levé, on prend même en plein jour une chandelle, et on furette dans tous les recoins, pour y découvrir quelque mie de pain levé ; et afin que la chose ne paraisse ni affectée, ni ridicule, on cache dans un coin un morceau de pain dont on fait la découverte avec grande joie. Lorsque tout cela est fini, le père de famille met à part tout le pain levé qui est nécessaire pour la nourriture de ses gens jusqu’au 14 de nisan, et brûle le reste, en disant que tout ce qu’il y a de pain levé dans sa maison, tant ce qu’il y a trouvé, que ce qu’il n’y a pas trouvé, devienne comme la poussière de la terre, ou s’anéantisse. L’on choisit avec soin le blé ou l’orge qui doit être employé à faire des pains azymes ; et on prend toutes les précautions possibles pour empêcher qu’il ne s’aigrisse et qu’il ne s’échauffe, soit avant, soit après la mouture. On prend garde au sac ou il se met, et on ne le porte pas au moulin sur le dos d’un cheval, de peur qu’il ne s’échauffe ; on ne mêle au pain azyme ni beurre, ni sel, ni huile, de peur qu’ils n’y causent quelque fermentation. Il faut que ce soit un Juif qui le pétrisse, et les plus fameux rabbins se sont fait honneur d’y travailler.
Pendant que le temple a subsisté, les Juifs ont immolé un agneau dans le temple entre les deux vêpres, c’est-à-dire, après midi du treizième de nisan, depuis environ deux heures jusqu’à six heures du soir. Les particuliers les amenaient au temple et les immolaient, puis en offraient le sang aux prêtres, qui le répandaient au pied de l’autel. Le particulier ou le lévite, dans cette occasion, pouvait égorger sa victime, mais l’effusion du sang au pied de l’autel était réservée au prêtre. Philon dit qu’en cette fête le lévite, et même le juif laïque pouvait faire les fonctions dès prêtres, ce qu’il faut entendre dans le sens que nous venons de dire.
La veille de la fête, la mère de famille dresse une table la plus propre qu’elle peut ; ou y trouve deux gâteaux sans levain, deux morceaux d’agneau, une épaule rôtie, pour se souvenir que Dieu les a délivrés à bras étendu. L’autre morceau est bouilli en mémoire du sacrifice. Ils y ajoutent, à ce qu’on dit, quelques petits poissons, à cause du Léviathan ; un œuf dur, à cause de l’oiseau Ziz ; de la viande, à cause du Behemot (Le Léviathan, le Behemot et le Ziz sont trois animaux destinés au festin des élus dans l’autre vie) ; des noix et des pois pour les enfants, afin de les exciter à demander les raisons de cette cérémonie : ils ont une espèce de moutarde en forme de mortier, qu’ils composaient autrefois de dattes et de figues sèches, et à présent de châtaignes et de pommes, pour représenter le travail des briques ; ils l’appellent Charoseth (rem). Le père de famille se met à table avec ses enfants et ses esclaves, parce que tout le monde est libre ce jour-là. Étant assis, le chef de la famille prend des herbes amères environ ta grosseur d’une olive, qu’il trempe dans le charoseth ; il les mange et en distribue autant à tous les assistants.
Après avoir mangé, on retire un peu la table, et alors un jeune garçon chargé d’entonner l’hymne, fait plusieurs questions sur l’origine de ces cérémonies : Pourquoi on ne mange cette nuit-Ià que des pains sans levain ? Pourquoi on ne se sert que d’herbes amères ? etc. On rapproche la table, et le père de famille explique l’histoire et la cérémonie de l’agnau pascal et de toutes les cérémonies qui l’accompagnent. Il conclut en priant Dieu, et en exhortant les autres à le prier de rétablir Jérusalem et les anciens sacrifices, afin qu’on puisse manger l’agneau pascal, et apaiser Dieu par son sang : il rend grâces au Seigneur d’avoir procuré à leurs ancêtres une si glorieuse délivrance. L’oraison étant finie, il lave ses mains, et prend un des pains sans levain, le rompt et le bénit. Il ne bénit point les autres pains qui sont sur la table, parce qu’on doit se contenter cette nuit-là d’un morceau de pain ; car c’est un pain d’affliction, un pain destiné à des esclaves et à des misérables.
Il mêle ce pain avec les herbes amères et le charoseth, et le mange, en bénissant Dieu d’avoir donné cette ordonnance à son peuple ; il prend ensuite un morceau d’agneau qu’il mange, en faisant à Dieu de pareilles actions de grâces. Enfin il prend encore un petit morceau de pain, après quoi il n’est plus permis de manger ; mais on boit une troisième et une quatrième coupe de vin, dans lequel on a mêlé un peu d’eau. On entonne des actions de grâces et des psaumes, pendant que cette action dure. Autrefois, et avant la ruine du temple, il fallait que l’agneau pascal fût entièrement rôti : mais à présent, ils ne se croient plu, permis de servir l’agneau ni entièrement rôti, ni entièrement bouilli, parce que ce serait offrir et manger des sacrifices hors de Jérusalem et da temple ; mais ils en rôtissent une partie et font bouillir l’autre, ou ils retranchent une partie de l’animal, afin qu’il ne soit pas entier et qu’il n’ait pas l’air de victime.
Pour fixer le commencement du mois lunaire, et par conséquent la fête de Pâque, qui se célébrait le quatorzième jour de la lune de mars, les rabbins enseignent que leurs ancêtres avaient des sentinelles placées sur le sommet des montagnes, pour observer le moment de l’apparition de la nouvelle lune, et qu’aussitôt qu’ils l’avaient vue, ils couraient en diligence en donner avis au sanhédrin, qui dépêchait des courriers aux villes voisines, pour les avertir que la néoinénie commençait. Mais il y a beaucoup d’apparence que les anciens Juifs n’employèrent jamais ces précautions, elles étaient sujettes à de trop grands inconvénients, surtout pour les villes éloignées ; et on n’en remarque aucuns vestiges dans Josèphe, ni dans Philon, et encore moins dans l’Écriture. De plus, il nous paraît certain que les anciens Hébreux ne se servaient pas de mois lunaires ; ce qui renverse absolument le système de ces rabbins. Voyez ci-devant les articles mois et années.
Quant à la Pâque chrétienne, elle fut instituée par Jésus-Christ, lorsque, dans le dernier souper qu’il fit avec ses apôtres, il leur donna son corps à manger et son sang à boire, sous les espèces du pain et du vin [Voyez pain, note tirée du Génie du Christianisme] ; et lorsque le lendemain il abandonna son corps aux Juifs, qui le condamnèrent à la mort, et le firent crucifier par les mains des bourreaux. L’agneau pascal que les Juifs égorgeaient, qu’ils déchiraient, qu’ils mangeaient, et dont le sang les garantissait de l’approche de l’ange exterminateur, n’était qu’une figure de la mort et de la passion du Sauveur, et de son sang répandu pour le salut du monde. Cette pâque se célèbre tous les ans avec grande solennité dans l’Église chrétienne le dimanche d’après le quatorzième de la lune de mars ; mais elle doit se célébrer dans la sincérité, dans l’innocence et dans la vérité, figurées par les pains sans levain (1 Corinthiens 5.8). On y offre le saint Sacrifice de l’autel, qui est la mémoire, aussi bien que la réalité de celui que Jésus-Christ offrit sur la croix, et dont celui de l’agneau pascal n’était que le symbole. On réitère tous les jours le môme sacrifice en une infinité d’endroits ; en sorte qu’on peut dire que l’Église célèbre tous les jours la Pâque chrétienne.
Il y eut dans les commencements quelque diversité de sentiments et de pratiques dans la célébration de la Pâque. Dès le temps de saint Polycarpe, les Églises d’Asie célébraient Pâque au quatorzième de la lune de mars, en quelque jour qu’il arrivât, à l’imitation des Juifs ; et les Romains la faisaient, comme ils font encore aujourd’hui, le dimanche qui suit le quatorzième de la lune de mars. Saint Polycarpe étant venu à Rome sous le pontificat d’Anicet, conféra avec lui sur ce sujet : mais ne s’étant pu persuader l’un à l’autre de changer de coutume, ils ne crurent pas devoir rompre la paix des Églises pour une chose purement d’usage. La dispute sur cela s’étant échauffée sous le pontificat du pape Victor, vers l’an 188, les Asiatiques demeurant opiniâtrement attachés à leur pratique, et Polycrate, évêque d’Éphèse, avec les autres évêques d’Asie, ayant écrit au pape une longue lettre pour la soutenir, Victor envoya des lettres dans toutes les Églises, par lesquelles il les déclarait excommuniés. Les autres Églises n’approuvèrent pas la rigueur de Victor, et malgré sa sentence, elles demeurèrent unies de communion avec ceux qui continuèrent à célébrer la Pâque au quatorzième de la lune de mars.
Les choses subsistèrent en cet état jusqu’au concile de Nicée, tenu en 325, avec cette différence néanmoins, que la plupart des Églises d’Asie étaient revenues insensiblement à la pratique des Romains, et ne faisaient plus la Pâque au quatorzième de la lune de mars. Le concile de Nicée fit un réglement général, qui ordonnait que toutes les Églises célébrassent la fête de Pâque le dimanche qui suivait le quatorzième de la lune de mars ; et l’empereur Constantin fit publier ce décret dans tout l’empire romain. Ceux qui, nonobstant ce décret, continuèrent dans leur ancienne pratique, furent regardés dans l’Église comme schismatiques, et on leur donne le nom de Quartodécimans, ou partisans du quatorzième jour ; et en grec, Tessarésdécatites. On peut voir sur tout cela l’histoire ecclésiastique, à qui cette matière appartient principalement.
C’est une question fameuse parmi les commentateurs, savoir si notre Sauveur a fait la Paque légale et judaïque la dernière année de sa vie. Les uns ont cru que Notre-Seigneur n’avait pas fait la Pâque légale la dernière année de sa vie, mais que le souper qu’il fit le jeudi au soir avec ses disciples, et où il institua le sacrement de son corps et de son sang, était un simple repas, où l’on ne mangea pas l’agneau pascal. D’autres ont dit que notre Sauveur avait anticipé la Pâque, qu’il l’avait faite le jeudi au soir, et les autres Juifs seulement le vendredi. D’autres ont avancé que les Galiléens avaient fait la Pâque le jeudi, de même que Jésus-Christ ; mais que les autres Juifs l’avaient faite le vendredi. Enfin le sentiment le plus commun aujourd’hui dans l’Église chrétienne, tant grecque que latine, est que Jésus-Christ a fait la Pâque légale le jeudi au soir, de même que tous les autres Juifs.
Les évangélistes saint Matthieu, saint Marc et saint Luc paraissent assez favorables au sentiment qui veut qu’il ait fait la Pâque le jeudi au soir, de même que les autres Juifs. Mais il faut avouer que saint Jean lui parait contraire, puisqu’il dit que Jésus étant à table avec ses disciples (Jean 13.1-12), avant le jour de Pâque, ayant toujours aimé les siens, il les aima jusqu’à la fin, et après le souper, il leur lava les pieds. Et ensuite lorsque les Juifs eurent conduit Jésus à Pilate, afin qu’il le condamnât et le fit exécuter à mort, il remarque (Jean 18.28) qu’ils n’osèrent entrer dans le prétoire, de peur de se souiller, parce qu’ils voulaient manger la Pâque. Enfin il dit que le vendredi (Jean 19.14) était la parascève de la Pâque, et que le samedi suivant (Jean 19.31) était le grand jour de la fête. Pourquoi ? sinon parce que c’était la Pâque : et c’est pour cela que le vendredi précédent était la parascève, ou la préparation de la Pâque, qui se célébrait le lendemain.
Dans la dissertation sur la dernière Pâque de Notre-Seigneur, que nous avons fait imprimer à la tête du commentaire sur saint Matthieu, nous avons tâché de montrer que notre Sauveur n’avait pas fait la Pâque la dernière année de sa vie ; du moins que les Juifs ne l’avaient faite que le vendredi, jour de sa mort, et qu’il était mort sur le Calvaire à la même heure que les Juifs immolaient dans le temple la victime pascale ; en sorte que la figure et la réalité se rencontrèrent et s’exécutèrent ensemble comme à point nommé. Nous avons cité plusieurs anciens qui ont cru comme nous, que le vrai jour de la Pâque légale tombait cette année-là au vendredi, jour auquel notre Sauveur endura la mort.
Le nom de Pâque se prend :
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