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Le livre des psaumes est appelé dans l’Hébreu Sepher Tehillim, livre des hymnes (liber hymnorum. Psalterium, Luc 20.40). Dans l’Évangile on le nomme quelquefois le livre des psaumes, et quelquefois simplement, le Prophète, ou David, du nom de son principal auteur. Ce livre est regardé avec justice comme une espèce de précis de toute l’Écriture. Il contient en raccourci tout ce que l’on trouve dans les autres livres sacrés : Psalmorum liber quoecumque utilia sunt ex omnibus continet, dit saint Augustin. C’est une bibliothèque générale où l’on rencontre tout ce que l’on cherche pour le salut : In hoc libro spiritualis bibliotheca instructa est, dit Cassiodore. L’histoire sacrée nous instruit, dit saint Ambroise ; la prophétie annonce l’avenir, les corrections répriment les méchants, la morale persuade ; mais les psaumes produisent tous ces effets. L’utile et l’agréable y sont partout si sagement mêlés, qu’il est malaisé de décider lequel des deux l’emporte sur l’autre. De là vient le souverain respect qu’on a toujours eu pour les psaumes. C’était une règle presque générale que les évêques, les prêtres, les religieux devaient savoir le Psautier par cœur. L’Église en a fait la principale partie de son office, et a obligé les ecclésiastiques d’en réciter tous les jours quelque partie.
Les Hébreux partagent ordinairement le Psautier en cinq livres ; et plusieurs Pères admettent cette division, et la croient très ancienne. Eusèbe dit qu’elle se remarque dans l’original hébreu et dans les meilleures éditions des Septante. Saint Ambroise réfute expressément ceux qui rejetaient cette division, et qui la croyaient contraire au Nouveau Testament, qui ne cite le Psautier que sous le nom d’un seul livre. Cette dernière raison a suffi à saint Hilaire, à saint Jérôme, à saint Augustin, pour leur faire abandonner ce partage du Psautier en cinq livres, comme étant contraire à l’Écriture. Les nouveaux commentateurs sont partagés sur cette question, de même que les anciens. Les uns croient que le Psautier a été distribué en cinq livres par les auteurs mêmes de la collection des psaumes, et les autres veulent que cela soit plus nouveau, postérieur même au temps des apôtres. Au fond cette difficulté n’est pas d’une grande importance.
Mais ce qui nous persuade que cette distribution est très-ancienne et du temps même des premiers auteurs qui ont recueilli les psaumes en un corps, c’est qu’à la fin de chaque livre on lit la même conclusion, qui semble y avoir été mise par Esdras ou par ceux qui travaillèrent au recueil des livres sacrés depuis la captivité de Babylone. Ce qui est certain, c’est que ni les Juifs ni les chrétiens n’ont jamais compté que pour un livre le recueil des psaumes dans le dénombrement des livres de l’Écriture. Le premier livre du Psautier, selon les Hébreux, finit à notre quarantième psaume ; le second, au soixante et onzième ; le troisième, au quatre-vingt-huitième ; le quatrième, au cent cinquième ; le cinquième, au cent-cinquantième. Les quatre premiers livres finissent par ces mots : Amen, amen, dans l’hébreu ; et par : Fiat, fiat, dans le latin. Le cinquième, par Alleluia, dans l’hébreu et dans le latin.
Le nombre des psaumes canoniques a toujours été fixé chez les Juifs, comme chez les chrétiens, à cent cinquante ; car le cent cinquante et unième, qui se trouve dans le grec, n’a jamais passé pour canonique. Mais quoiqu’on convienne sur ce nombre de cent-cinquante psaumes, on n’est pas d’accord sur la manière de les partager. Les Juifs en font deux du neuvième, et commencent leur dixième à ces mots du psaume 9 v. 22 : Ut quid, Domine, recessisti longe ? En sorte que depuis cet endroit jusqu’au psaume 113 leurs citations et leurs nombres sont différents des nôtres et de ceux des Grecs. Ils avancent toujours d’un psaume, et ce qui est le dix-neuvième pour nous est le vingtième pour eux, et ainsi des autres. Les protestants, qui suivent la division des Hébreux, les citent de même ; et c’est-ce qu’il est bon de remarquer en lisant leurs livres.
Au psaume 113 : In exitu Israël de AÉgypto, ils s’éloignent encore davantage de nous, parce qu’ils coupent ce psaume en deux, et qu’ils commencent le 114 à ces mots : Non nobis, Domine, non nobis. De manière que le psaume 114 des Grecs et des Latins est pour eux le 116. Mais ensuite ils se rapprochent de nous, en joignant en un le psaume 114 Dilexi quoniam exaudiet, et le 115 : Credidi propter quod locutus sum. En sorte qu’ils ne diffèrent plus que d’un nombre jusqu’au 146 ; et alors du 146.Laudate Dominurn, quoniam bonus est psalmus, et du 147 Lauda, Jerusalem, Dominum ; les Juifs n’en faisant qu’un, ils reviennent avec nous, et continuent de compter ainsi que la Vulgate jusqu’à la fin du Psautier.
Il y a aussi quelque différence entre les anciens exemplaires grecs et latins sur la division du premier et du second psaume, les uns n’en faisant qu’un des deux, el les autres les partageant en deux, comme nous faisons encore aujourd’hui. Il est certain qu’en général la division du Psautier n’est pas aussi ancienne qu’on pourrait se l’imaginer, et que quelquefois on est obligé, pour donner à certains psaumes un sens bien suivi, de les unir à quelque autre, ou de les en séparer, selon que la matière le demande. Saint Hilaire dit que de son temps la distribution des psaumes n’était pas encore fixée parmi les Hébreux, et que les uns les partageaient d’une manière, et les autres d’une autre. Origène l’ait la même remarque. Il dit que dans l’Hébreu les psaumes ne sont point chiffrés par premier, second, troisième ; et du temps de Kimchi, c’est-à-dire, au douzième siècle, la chose était encore indéterminée. On peut voir dans notre Préface-sur les psaumes, article 2 et dans le Commentaire, que souvent on a fait plusieurs psaumes de ce qui n’en devait faire qu’un dans l’intention de l’auteur qui l’a composé.
La tradition des Hébreux et des chrétiens est qu’Esdras est le seul ou du moins le principal auteur de la collection du livre des psaumes. Eusèbe, saint Hilaire, Théodoret, l’auteur de la Synopse imprimée sous le nom de saint Athanase, Bède le Vénérable, et divers autres lui attribuent cet honneur. Saint Philastre dit que les sages de la nation juive les ayant recueillis, les rangèrent dans le même ordre qu’ils les avaient reçus de leurs ancêtres, qui les avaient sauvés de la main de leurs ennemis. Dès avant la captivité il y avait un recueil de psaumes de David, puisque Ézéchias (2 Chroniques 29.25-26), en rétablissant le culte du Seigneur dans le temple, y fit chanter les psaumes de David. Néhémie mit dans la bibliothèque qu’il forma à Jérusalem les psaumes de David.
Les spéculatifs ont fort raisonné sur l’ordre et l’arrangement que les psaumes tiennent entre eux. Ils y ont trouvé du mystère et du dessein, les uns d’une manière, et les autres d’une autre. Les uns ont cru y remarquer une suite d’événements de ta vie de David. D’autres ont prétendu qu’on y avait égard à l’ordre des solennités qui se célébraient dans le temple. Saint Chrysostome remarque que les premiers psaumes, généralement parlant, ont pour objet des sujets plus tristes, et les derniers des sujets plus gais et plus consolants. Saint Augustin avoue qu’il n’a pu encore découvrir le mystère de l’arrangement des psaumes entre eux, mais qu’il lui semble que les trois cinquantaines de psaumes ont rapport à la vocation, à la justification et à la glorification des saints, parce que le cinquantième est de la pénitence, le centième de la miséricorde, et le cent cinquantième de la louange de Dieu dans ses saints. Mais saint Jérôme remarque qu’il est inutile de chercher dans le Psautier une suite chronologique des cantiques qui aient rapport à certains événements de l’histoire, puisque ce n’est point l’usage des auteurs lyriques de suivre cet ordre dans leurs ouvrages ; et certes, pour peu qu’on examine le texte et l’esprit des psaumes, on verra aisément que ceux qui ont travaillé à ce recueil n’ont point eu d’autre dessein que de nous donner, avec une exactitude scrupuleuse et un scrupule religieux, tous ces saints cantiques comme ils les rencontraient, sans se mettre en peine ni de supprimer ce qui était déj à répété, ni de suppléer ce qui paraissait défectueux, ni de réunir ce qui était séparé, ni de séparer ce qui était mal à propos uni. Ils ont laissé le soin de.faire ces remarques à ceux qui devaient étudier la lettre des psaumes. Voyez notre Préface sur les psaumes, art. 3.
L’authenticité et la canonicité du livre des psaumes ont toujours été reconnues par les Juifs et par les chrétiens. Saint Philastre dit que les nicolaïtes, les gnostiques et les manichéens niaient que David eût été prophète, ni que ses ouvrages fussent inspirés du Saint-Esprit. Quelques anabaptistes ont aussi nié l’inspiration des psaumes. Mais le sentiment général de l’Église chrétienne a toujours été que tous les cent cinquante psaumes contenus dans le Psautier, étaient l’ouvrage du Saint-Esprit. Une seule chose fait de la peine à quelques personnes de piété, c’est que dans les psaumes on trouve quelquefois des espèces d’imprécations contre les méchants et les ennemis du prophète. Mais les Pères et les interprètes expliquent d’ordinaire ces endroits comme si c’était des prédictions du malheur qui leur doit arriver, ou des souhaits de leur conversion ; comme si l’on disait : Ils périront certainement, s’ils continuent dans leurs désordres ; ou : Qu’ils puissent périr, s’ilsne se convertissent. Saint Chrysostome dit que le prophète dans ces passages n’exprime pas ses propres sentiments mais ceux des autres. Saint Athanase dit qu’il fait des imprécations, non contre les hommes, ses ennemis visibles, mais contre les démons, ses ennemis invisibles. On peut voir M. Bossuet, évêque de Meaux, Préface sur les psaumes, et notre Commentaire sur le psaume 34 page 373, 374.
Rien ne prouve mieux l’obscurité des psaumes que le grand nombre de commentaires que l’on a faits et que l’on continue de faire pour les expliquer. Bocchiuset Drodius en ont compté plus de cinq cents. Le R. P. le Long de l’Oratoire nous en a montré, dans le second tome de sa Bibliothèque sacrée, jusqu’à six cent trente, sà ns compter ceux qui ont écrit généralement sur toute l’Écriture, ni ceux qui n’ont commenté qu’une partie des psaumes ; en sorte que, à tout prendre, on peut avancer qu’il y a plus de mille écrivains qui ont travaillé sur les psaumes. La difficulté de réussir dans l’explication de ces divins cantiques vient de plusieurs sources : la première est l’obscurité du texte hébreu ; la seconde, la nature du style, qui est très-élevé, et en même temps très-éloigné de nos manières ; la troisième est la profondeur de la matière. Le texte hébreu des psaumes est plus obscur que celui des autres livres de l’Écriture, comme en général le style des poésies est plus malaisé que celui de la prose. Les copistes d’ailleurs l’ayant moins entendu, et l’ayant copié plus souvent, y ont fait glisser plus de fautes. Il n’y a qu’à confronter la manière dont les Septante, le Syriaque et saint Jérôme ont traduit ce texte, avec ce qu’on y lit aujourd’hui, pour apercevoir cette différence.
On est d’accord sur l’authenticité des psaumes, et on convient qu’ils ont eu pour auteurs des hommes inspirés du Saint-Esprit ; mais on ne convient pas s’ils sont d’un ou de plusieurs écrivains, ni qui est celui ou qui sont ceux qui les ont composés. Les uns soutiennent qu’ils sont tous de David. D’autres le nient. Saint Chrysostome, saint Ambroise, saint Augustin, Théodoret, Cassiodore, Euthyme, Philastrius, et plusieurs nouveaux soutiennent que David seul en est l’auteur. Saint Hilaire, l’auteur de la Synopse attribuée à saint Athanase, et plusieurs autres prétendent le contraire. Il faut examiner les raisons de l’un et de l’autre sentiment.
Ceux qui croient que David a écrit tout le Psautier se fondent,
1° Sur l’Écriture, qui désigne ce saint roi par sa qualité de chantre d’Israël (2 Samuel 22.1).
2° Dans toutes les cérémonies ou il est parlé de chantres, de psaumes, on ne marque d’ordinaire que les psaumes de David. Ainsi à la dédicace du temple de Salomon (2 Samuel 7.7 1 Chroniques 23.5), les lévites récitaient les cantiques que David avait composés. Lorsque Ézéchias voulut rétablir le culte du Seigneur dans le temple (2 Chroniques 29.30), il ordonna aux lévites de louer le Seigneur par les paroles de David et d’Asaph le Voyant. Asaph était un chef de la musique du temps de David à qui ce prince envoyait les cantiques pour les chanter et pour y donner l’air. À la dédicace du second temple, après le retour de la captivité (Esdras 3.10 ; Néhémie 12.35-39), on chanta les louanges du Seigneur par les cantiques que David avait composés. Néhémie (2 Machabées 2.13) mit dans sa bibliothèque les psaumes de David. Jésus, fils de Sirach, loue le zèle de David qui a composé des hymnes pour être chantés devant le Seigneur (Ecclésiaste 47.10). Dans le Nouveau Testament, notre Sauveur et les apôtres citent toujours les psaumes sous le nom de David (Matthieu 22.42 Luc 20.41 Marc 3.36) ; et ils en usent ainsi en présence des Juifs, qui ne se sont jamais avisés de les contredire en cela, quoiqu’en presque tout le reste ils ne fussent que trop disposés à contester ce qui venait de la part de Jésus-Christ ou des siens. Et ils n’en citent pas seulement de ceux qui sont inscrits du nom de David ; ils en allèguent même sous son nom de ceux qui n’ont aucun titre particulier, comme saint Pierre cite le second psaume (Actes 4.25).
3° L’usage ancien, uniforme et perpétuel de l’Église, qui donne au Psautier le nom de psaumes de David, est encore une preuve de la persuasion où l’on a été dès le commencement, que ce saint roi et prophète était auteur de ces divins cantiques. Saint Philastre a poussé cela si loin, qu’il met au nombre des hérétiques ceux qui niaient que David fût auteur de tous les psaumes. Pérez, dans son Commentaire sur les Psaumes, avance que Josèphe l’historien, le paraphraste Jonathan et tous les anciens Juifs étaient persuadés que David avait composé tout le Psautier ; mais que les rabbins abandonnèrent cette opinion, lorsqu’ils se virent pressés par Origène, qui les battait par des passages tirés de ce saint livre. Mais que gagnaient les rabbins en niant que David fût auteur de tous les psaumes, puisqu’ils les reconnaissaient tous pour inspirés et pour l’ouvrage des prophètes ? Nous ne voyons pas distinctement dans ce qui nous reste d’Origène quel était son sentiment sur cette question : mais Génébrard assure que les talmudistes et les rabbins enseignent communément que tous les psaumes ne sont point de ce saint prophète.
Voilà ce qu’on dit pour montrer qu’il a écrit tout le Psautier. Mais le sentiment contraire ne manque pas de bonnes preuves, et le nombre de ceux qui veulent que David ait partagé cet honneur aveç plusieurs autres n’est pas moindre que celui des défenseurs de l’opinion que nous venons de proposer. Saint Hilaire dit nettement que les psaumes ont pour auteurs ceux dont ils portent le titre : Absurdum est psalmos David dicere vel nominare, cum ibi auctores eorum ipsis inscriptionum titulis commendantur. Saint Jérôme dans sa lettre à Sophrone, qui est une préface sur le Psautier, dit la même chose que saint Hilaire ; et dans un autre endroit il regarde comme une erreur de dire que tous les psaumes sont de David. On lit dans une note sur le titre du premier psaume, au Commentaire de saint Augustin sur le Psautier, que tous les psaumes ne sont pas de David. Mais les savants croient que cette annotation n’est point de lui, et qu’il faut chercher son véritable sentiment dans le livre 17 de la Cité de Dieu, chapitre 14.Où il s’exprime nettement en faveur de David.
Les Pères grecs ne sont pas moins favorables au sentiment qui reconnaît plusieurs auteurs des psaumes, que les latins. Saint Athanase désapprouve le sentiment contraire. Il ne compte que soixante-douze psaumes de David, et croit que ceux qui n’ont point de titre sont du même auteur dont le nom se trouve à la tête du psaume précédent. Dans sa Synopse, si toutefois elle est de lui, il dit qu’il y a des psaumes d’Idithun, d’Asaph, des fils de Coré, d’Aggée, de Zacharie et d’Eman ; qu’il y en a même qui sont de tous ces auteurs ensemble, comme ceux qui ont pour titre Alleluia. Il ajoute que ce qui a fait donner au Psautier le nom de psaumes de David, c’est que c’est lui qui est le premier auteur de ces sortes d’ouvrages, et qu’il régla l’ordre, le temps et les fonctions de quelques autres écrivains, dont on voit les noms à la tete de certains psaumes. Eusèbe de Césarée ne donne à David que soixante-douze psaumes. Il croit que les autres sont de ceux dont ils portent le nom. Les fils de Coré en composèrent onze ; Asaph douze ; Salomon deux ; Moïse un ; Ethan Jezraïte un. Il nous représente David au milieu d’une troupe de musiciens tous inspirés, chantant tour à tour suivant que le Saint-Esprit les animait, pendant que tous les autres et David lui-même demeuraient dans le silence et se contentaient de répondre à la fin Alleluia.
À ces autorités des Pères on peut joindre le suffrage d’une infinité d’auteurs plus modernes, comme les rabbins et plusieurs commentateurs chrétiens de toutes les communions, dont la plupart reconnaissent qu’il y a dans le Psautier plusieurs cantiques écrits depuis le temps de David, et qui portent en eux-mêmes des preuves de nouveauté, puisqu’ils parlent, par exemple, de la captivité de Babylone, qui est de beaucoup postérieure au temps de David. Il est certain que les litres des psaumes sont assez anciens. Or il y en a plusieurs qui portent d’autres noms que David. On en peut donc conclure au moins que dès ce temps-là on ne croyait pas que tous les psaumes fussent de David. Et ce raisonnement a encore beaucoup plus de force contre ceux qui tiennent les titres des psaumes comme inspirés, ainsi que nous l’allons voir.
Les titres des psaumes sont une des choses qui ont le plus exercé les interprètes, et sur lesquelles on a le moins de lumière et de certitude. Les uns ont un souverain respect pour les titres des psaumes et les regardent comme faisant partie de ces saints cantiques. Les autres les croient ajoutés après coup et de peu d’utilité. Quelques-uns s’imaginent que ces titres sont comme la clef du psaume, et que qui les entendrait bien entrerait aisément dans le sens de l’auteur sacré. Quelques autres les croient très-peu importants pour l’intelligence du texte, comme ayant été ajoutés par des auteurs assez récents, et souvent au hasard. D’autres disent que quand on avouerait que ces inscriptions sont très-utiles pour l’intelligence des psaumes, nous n’en pourrions tirer qu’un très-petit avantage, puisque la plupart sont si obscures, que les plus savants interprètes n’osent se flatter de les entendre, et qu’ils avouent qu’elles ne servent de rien pour éclaircir le psaume.
La plupart des Pères, conviennent assez de l’obscurité de ces titres, mais ils ont une bien autre idée de leur utilité. Origène rapporte une pensée qu’il avait apprise d’un Juif touchant l’obscurité des Écritures en général, et qui convient admirablement au livre des psaumes. L’Écriture, disait-il, est comme un édifice vaste et magnifique, composé de plusieurs appartements et de plusieurs chambres dont chacune a sa clef ; maïs la clef que vous trouvez auprès de chaque porte n’est pas celle qui lui convient. Souvent elle est ailleurs. Il s’agit de la trouver et de la démêler parmi plusieurs autres. Saint Augustin dit que le titre annonce le sujet du psaume : Tamquam prœco psalrni, est tituba psalmi. Le titre du psaume et le psaume sont deux choses qu’il ne faut pas séparer, dit saint Hilaire ; elles doivent s’entr’aider et se prêter mutuellement la main. Le titre est la clef du psaume, dit l’auteur du Commentaire sur les psaumes, imprimé sous le nom de saint Jérôme. Comme on ne peut entrer dans la maison sans la clef, ainsi on ne peut entendre le cantique, si on n’en explique le titre.
Saint Augustin va encore plus loin, puisqu’il semble regarder ces titres comme inspirés, de même que le reste du psaume. Sur le psaume 64, qui a pour titre Cantique de Jérémie et d’Ézéchiel, etc., il dit : On doit reconnaître ici la voix de l’inspiration sainte par le titre de ce psaume. Et ailleurs, parlant du titre du psaume 50 qui est intitulé : Psaume de David, lorsque Nathan le vint reprendre du péché qu’il avait commis avec Bethsabée, il dit : Cela ne se dit pas dans le corps du psaume ; mais on le trouve plus au long dans les livres des Rois. Or l’un et l’autre est Écriture divine : Utraque autem Scriptura canonica est. Théodoret est encore plus exprès, puisqu’il dit que ces titres sont de la main d’Esdras, qui était inspiré du Saint-Esprit, et qu’ils ont été lus et conservés par les Septante interprètes, qui avaient reçu aussi l’inspiration du ciel, et qui n’auraient eu garde de vouloir mêler des pensées humaines aux paroles du Saint-Esprit.
Les Juifs dans leurs synagogues lisent en chantant les titres des psaumes, de même que le reste de l’Écriture. Leurs rabbins les expliquent dans leurs commentaires. Les Septante et saint Jérôme les ont conservés dans leurs versions et dans les textes sacrés. La plupart des anciens et des modernes les ont considérés comme la clef des psaumes. Sans eux, comment discernerions-nous qui sont les auteurs de chaque psaume ? M.Bossuet, évêque de Meaux, dit positivement qu’ils ont été mis à la tête des psaumes par l’inspiration du Saint-Esprit, afin de nous faire connaître les auteurs et le sujet de chacun de ces divins cantiques, et qu’on ne doit point séparer les inscriptions des psaumes du corps des Écritures, puisqu’on les lit tout de suite et sans distinction dans l’Hébreu et dans toutes les versions. On peut voir pour le même sentiment M. Du Pin, Préface sur les psaumes, article 3.
Mais ce serait, ce me semble, outrer la matière que de prétendre que tous les titres des psaumes généralement sont canoniques et inspirés. Plusieurs théologiens catholiques ont dit tout net que la plupart ne servaient de rien à l’explication du psaume. Les Pères, entre autres saint Augustin, saint Hilaire, Théodoret, Cassiodore, ont reconnu que souvent ces titres n’avaient aucun rapport au corps du cantique, et qu’ils ne faisaient aucun sens dans l’endroit où on les mettait. L’Église catholique ne s’est jamais fait une loi de les chanter dans son office ; elle n’a jamais décidé qu’ils fussent canoniques ; car on convient que le concile de Trente, en déclarant canonique et authentique le texte latin de la Vulgate, n’a jamais prétendu canoniser tous les titres des livres saints. Les Septante, ou d’autres Grecs postérieurs ont ajouté des titres à certains psaumes qui n’en ont point dans l’Hébreu. Ces titres ont souvent varié. La version syriaque, qui est si ancienne, diffère souvent et de l’Hébreu et des Septante. Notre Vulgate n’est pas toujours d’accord avec l’Hébreu. Si les titres des psaumes avaient été regardés comme canoniques, aurait-on permis d’y toucher, de les altérer, de les supprimer, d’y ajouter ? Qui est le commentateur juif, catholique ou protestant, qui se fasse une obligation de suivre le titre du psaume dans son commentaire ? et cependant les Juifs et tous les chrétiens tiennent le Psautier pour Écriture divine.
Il faut donc dans cette question tenir un juste milieu.
1° Parler des titres des psaumes avec beaucoup de respect, puisqu’il y en a un bon nombre d’authentiques.
2° Reconnaître que ceux qui sont des premiers auteurs, des anciens prophètes, ou enfin d’Esdras, sont inspirés et canoniques.
3° Que ceux qui y ont été ajoutés, avant ou après Esdras, par des Juifs non inspirés ou par les Grecs, ceux qui sont manifestement contraires ou à l’histoire ou à l’esprit du psaume, ne méritent par eux-mêmes aucune considération particulière.
4° Enfin que les Pères mêmes qui ont paru les croire canoniques ou inspirés n’ont entendu parler que de ceux qui étaient dans le texte original et écrits de la main d’Esdras on des anciens prophètes ; car pour les autres, ils ne font nulle difficulté de les abandonner, comme on le voit dans Théodoret dans plusieurs occasions. On peut voir notre dissertation sur les titres des psaumes pages 29.30, et suivantes, où nous avons examiné cette question plus au long. Voyez aussi le P. Alexandre, Histoire vet. Test. Dissert. 24. quest. 1, art. 1.
En suivant les titres des psaumes qui se trouvent dans nos Bibles, il y en a soixante-douze qui portent le nom de David, cinquante qui sont sans nom d’auteur ; mais les rabbins croient qu’on doit les rapporter à celui dont le nom se lit immédiatement auparavant ; et cette tradition des Juifs est rapportée et suivie par Origène par saint Jérôme, par Eusèbe, par saint Hilaire et par saint Athanase.
On attribue aux enfants de Coré les psaumes 41, 43, 44, 45, 46, 47, 48, et les 83, 84, 87.
On attribue à Salomon le Psaume 71 : Deus, judicium tuum regi da ; et le 126 : Nisi Dominus oedificaverit domum.
On attribue à Ethan le Psaume 88 : Misericordias Domini in oeternum cantabo.
À Idithun le Psaume 76 : Voce mea ad Dominum clamavi.
À Moïse le Psaume 89 : Domine, refugiutn foetus es nobis.
À Asaph, le Psaume 49 : Deus Deorum Dominus locutus est.
Le Psaume 72 : Quam bonus Israël Deus.
Le Psaume 73 : Ut quid, Deus, repulisti in finem ?
Le Psaume 74 : Confitebimur tibi, Deus.
Item les 75, 76, 77, 78, 79, 80, 81, 82, 83.
On attribue à Adam le Psaume 91 : Bonum est confiteri Domino.
À Melchisédech le Psaume 109 : Dixit Dominus Domino meo sede a dextris meis.
À Jérémie et à Ézéchiel le Psaume 64 : Te decet hymnus.
À Jérémie le Psaume 136 Super flumina Babylonis, etc., qui est aussi attribué à David.
À Aggée et à Zacharie le Psaume 111 : Beatus vii qui timet Dominuml in mandatis ejus volet nimis ; et le Psaume 145 : Lauda, anima mea, Dominum ; laudabo Dominum in vita mea, etc.
Outre les cent cinquante psaumes dont nous avons parlé, et qui sont reconnus pour canoniques, il y en a un cent cinquante et unième, qui n’est point dans le canon et qui ne se trouve ni dans l’Hébreu, ni dans le Chaldéen, ni dans la Vulgate : mais on le lit dans le Syriaque, dans la plupart des exemplaires grecs, dans l’Arabe, dans la version anglosaxonne, dans les livres de prières des Grecs. Saint Athanase, Euthyme, Vigile de Thapse, l’auteur qui a interpolé les Épîtres de saint Ignace, en font mention et le citent. Saint Chrysostome y fait allusion dans l’homélie 17, au peuple d’Antioche. Il a pour titre : Cantique d’actions de grâces de David, lorsqu’il eut vaincu Goliath. Il commence ainsi : J’étais le plus petit de mes frères et le plus jeune de la maison de mon père, et je paissais les brebis de mon père, etc. Nous l’avons donné en latin et en français avec une explication, à la fin de notre commentaire sur les psaumes.
L’auteur de la Synopse attribuée à saint Athanase dit que David avait composé trois mille psaumes, du nombre desquels le roi Ézéchias en choisit cent cinquante, et supprima les autres. Il cite cela comme tiré des Paralipomènes, où nous ne lisons rien de semblable. Un auteur grec nommé Joseph Chrétien dit la même chose, et la cite comme des l’aralipomènes. Michel Glycas cite Psellos, qui le dit aussi ; et il paraît qu’il le croit lui-même. Il ajoute qu’après la captivité Esdras choisit les cent cinquante psaumes que nous lisons dans nos Bibles, du nombre de trois cents, ou même davantage, qu’il avait en main. L’auteur de la version syriaque dit que quelques-uns ajoutent à la fin du Psautier douze psaumes : mais il les rejette comme inutiles et sans autorité.
Psaumes de Salomon, ou Psautier de Salomon. Il faut voir le titre de Salomon.
On donne Ce nom à quinze psaumes du Psautier, qui sont le 119 et les suivants, jusqu’au 134 inclus. Le texte hébreu les nomme : Cantique des montées ; le Chaldéen : Cantique qui fut chanté sur les degrés de l’abîme. Cette explication est tirée de la tradition des Hébreux, qui racontent que quand on voulut jeter les fondements du temple au retour de la captivité de Babylone, il sortit de la terre une si prodigieuse quantité d’eau, qu’elle s’éleva à la hauteur de quinze coudées, et qu’elle aurait abîmé tout le monde, si Achitophel ; le fameux Achitophel qui s’était pendu sous David près de cinq cents ans auparavant, n’en eût arrêté le progrès en écrivant sur les quinze degrés du temple le nom ineffable de Jéhovah. Ils rapportent au même événement le psaume 129, De profundis clamavi, etc., qui est un des graduels. Voilà ce que disent les Juifs. Junius et Trémellius traduisent l’Hébreu par : Cantique des excellences, ou, Cantique excellent ; traduction qui n’est point désapprouvée par De Muis et par d’autres habiles interprètes ;, mais la traduction commune qui porte : Cantique des degrés, est plus généralement suivie.
Mais d’où leur vient cette dénomination ? Les interprètes croient que c’est parce qu’on les chantait sur les quinze degrés du temple. On n’est pas d’accord sur le lieu où étaient ces degrés. Les uns les prennent au dehors de ce saint lieu ; les autres, à son entrée. D’autres croient que ce sont les quinze degrés que Josèphe marque, pour monter de l’enclos des femmes dans le grand parvis D’autres enfin veulent que ce soit sur les degrés qui montaient du parvis des prêtres au vestibule qui était au-devant du saint ; mais on ne peut montrer ni par Josèphe, ni par l’Écriture, que ni lus degrés du vestibule, ni ceux des portes du temple, ni ceux du dehors fussent au nombre de quinze. On voit par Ézéchiel (Ézéchiel 40.22-26,31,37,49), que les uns étaient de huit, et les autres de sept degrés. D’ailleurs on ne voit par aucun endroit des Écritures que les lévites chantassent sur les degrés du temple. Leur place était autour de l’autel des holocaustes dans le parvis des prêtres.
Quelques-uns ont cru que ces psaumes étaient appelés Cantiques des degrés, parce qu’on les chantait sur une tribune qui était dans le parvis d’Israël, où les lévites lisaient quelquefois la loi (Esdras 9.4). Mais on ne voit par aucun endroit de l’Écriture, que l’on ait placé des chantres sur cette tribune, ni qu’on y ait chanté ces psaumes en particulier. L’auteur du Commentaire sur les psaumes, imprimé sous le nom de saint Jérôme, dit que dans le temple il y avait plusieurs degrés de dignités entre les prêtres et les lévites. Cela est vrai : mais en aucun endroit on ne dit qu’il y en ait eu quinze. Il y avait certainement ving-quatre familles sacerdotales, et autant de familles des lévites. Mais qu’est-ce que tout cela fait aux quinze psaumes graduels ? Quelques rabbins et un bon nombre de commentateurs traduisent l’Hébreu par Cantiques d’élévation, parce que, disent-ils, on les chantait d’un ton fort élevé ? ou parce qu’à chaque psaume on rehaussait sa voix.
Mais pour ne pas multiplier ici les conjectures, nous allons exposer notre système sur cela. Nous traduisons l’Hébreu par Cantique de la montée, ou du retour de la captivité de Babylone. L’Écriture emploie ordinairement le verbe monter lorsqu’elle parle de ce retour. Qui de vous est du peuple du Seigneur ? dit Cyrus dans son édit en faveur des Juifs : Qu’il monte à Jérusalem. Et il se présenta un assez bon nombre de personnes pour monter, dit Esdras ; Sassabasar partit avec ceux qui montaient de la captivité ; et voici les noms des enfants de la province qui montèrent ; et Esdras monta de la captivité (Esdras 7.9) et le premier jour du premier mots fut le fondement de la montée de Babylone. Dans le psaume 121, qui est un des graduels, il est dit que les tribus sont montées à Jérusalem. Enfin Jérémie (Jérémie 27.22), prédisant le retour de la captivité, dit Alors je les ferai monter et revenir dans leur pays. Ézéchiel s’exprime de même (Ézéchiel 39.2).
Toutes ces expressions montrent assez que les Hébreux se servaient ordinairement du verbe monter, en parlant du voyage de Babylone à Jérusalem, parce que Babylone était dans une plaine, et la Judée dans un pays de montagnes. Ainsi il est fort naturel de nommer Cantiques des montées les psaumes qui ont été composés à l’occasion de la délivrance de la captivité de Babylone, soit pour la demander à Dieu, soit pour lui en rendre grâces ; et c’est en effet ce que l’on remarque dans les psaumes graduels. Ils ont tous rapport à ce grand événement. Ils eu parlent en plusieurs endroits, et la plupart ne peuvent s’expliquer que dans cette hypothèse. Cela seul suffirait pour nous déterminer à expliquer en ce sens le terme de Cantiques des montées. Nous ne rapportons pas ici un grand nombre de passages tirés de ces psaumes, pour prouver ce que nous avançons ; il n’y a qu’à ouvrir le Psautier, pour s’en convaincre. Voyez notre dissertation, qui sert de préface aux psaumes graduels.
Ce sont ceux qui, dans l’Hébreu, commencent chaque verset ou chaque demi-verset par une lettre de l’alphabet rangée selon l’ordre alphabétique. Ces psaumes sont :
Le Psaume 24 : Ad te, Domine, levavi animam meam.
Le Psaume 33 : Benedicam Dominum in omni tempore.
Le Psaume 36 : Noli oemulari in malignantibus.
Le Psaume 110 : Confitebor tibi, Domine, in toto corde meo, in concilio justorum.
Le Psaume 111 : Beatus vir qui timet Dominum ; in mandatis ejus volet nimis.
Le Psaume 118 : Beati immaculati in via.
Le Psaume 144 : Exaltabo te, Deus meus Rex.
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