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Disciples de Sadoc, dont nous venons de parler. Ils formaient une des quatre principales sectes des Juifs. Ce qui les distinguait principalement des autres Juifs était le sentiment qu’ils avaient sur l’existence des anges et sur l’immortalité de l’âme. Ils ne niaient pas que nous n’eussions une âme raisonnable, mais ils soutenaient qu’elle n’était pas immortelle, et par une conséquence naturelle, ils niaient les peines et les récompenses de l’autre vie. Ils prétendaient aussi que ce que l’on dit de l’existence des anges et de la résurrection future, ne sont que des chimères (Actes 23.8 Matthieu 22.23 Marc 12.18 Luc 20.27). Saint Épiphane et après lui saint Augustin ont avancé que les saducéens niaient le Saint-Esprit : mais ni Josèphe, ni les évangélistes ne les accusent point d’une semblable erreur. On leur a aussi imputé de croire Dieu corporel ; et de n’admettre point les prophéties.
On a assez de peine de comprendre comment ils pouvaient nier l’existence des anges, puisqu’ils recevaient les livres de Moïse, ou il est parlé si souvent des anges et de leurs apparitions. Il y a assez d’apparence qu’ils regardaient les anges, non comme des êtres particuliers et subsistant par eux-mêmes, mais comme des vertus inséparables de la divinité, à-peu-près comme les rayons sont inséparables du soleil ; ou peut-être qu’ils tenaient les anges non spirituels, mais mortels, de même que-cette substance qui nous anime et qui pense en nous. Les anciens ne nous apprennent pas de quelle manière ils se tiraient de l’objection que l’on pouvait tirer contre eux de tous ces endroits du Pentateuque, où il est parlé des anges.
Comme les saducéens ne reconnaissaient ni peines ni récompenses dans l’autre vie, ils étaient inexorables dans les châtiments des méchants. Ils observaient les lois, et les faisaient observer aux autres avec la dernière sévérité. Ils n’admettaient point les traditions, les explications ni les modifications des pharisiens ; ils s’en tenaient au seul texte des lois ; ils soutenaient qu’on ne devait observer que ce qui est écrit.
On accuse les saducéens de rejeter tous les livres de l’Écriture, à l’exception de ceux de Moïse ; et l’on remarque, pour appuyer ce sentiment, que notre Sauveur n’employa contre eux que des passages tirés du Pentateuque. Mais Scaliger en produit d’assez bonnes preuves, pour les justifier de ce reproche. Il remarque qu’ils n’ont paru dans Israël, que depuis que le nombre des livres saints fut fixé, et que s’ils avaient eu à choisir parmi les Écritures canoniques, le Pentateuque leur aurait été moins favorable qu’aucun autre livre, puisqu’il y est parlé si souvent et d’anges et d’apparitions. De plus, les saducéens assistaient au temple et aux autres assemblées de religion, où l’on lisait indifféremment les livres des prophètes, comme ceux de Moïse lls étaient dans les premiers emplois de la nation ; plusieurs même étaient prêtres. Les Juifs auraient-ils souffert dans ces emplois des personnes qui auraient rejeté la plus grande partie des Écritures ? Menassé Ben-Israël dit expressément, qu’à la vérité ils ne rejetaient point les prophètes, mais qu’ils les expliquaient dans un sens fort éloigné de celui des autres Juifs.
Josèphe assure qu’ils niaient le destin, disant que ce n’est qu’un nom vide de sens, que tout ce qui nous arrive de bien ou de mal est une suite du bon ou du mauvais parti que nous avons pris par le choix libre de notre volonté. Ils disaient aussi que Dieu est hors de portée de faire ou de connaître le mal, et que l’homme est maître absolu de ses actions. C’était là nier assez nettement la Providence ; et sur ce pied là, je ne sais quelle pouvait être la religion des saducéens, ni quelle part ils donnaient à Dieu dans les choses d’ici-bas. Il est pourtant certain qu’ils étaient non-seulement soufferts dans le judaïsme, mais même qu’on en a vii dans la souveraine sacrificature. Cela fait voir quel était alors l’état de la religion des Juifs.
Jean Hircan, grand prêtre de la nation, se sépara avec éclat de la secte des pharisiens, et s’attacha à celle de Sadoc. On dit même qu’il ordonna à tous les Juifs, sous peine de la vie, de recevoir les maximes de cette secte. Aristobule et Alexandre Jannée, fils d’Hircan, continuèrent à favoriser les saducéens ; et Maimonide assure quesous le règne d’Alexandre Jannée, ils s’emparèrent de toutes les charges du Sanhédrin, et qu’il n’y resta que le seul Simon, fils de Sécra du parti des pharisiens. Caïphe, qui condamna Jésus-Christ à mort, était saducéen (Actes 5.17 ; 4.1), aussi bien qu’Ananus le Jeune, qui fit mourir saint Jacques, frère du Seigneur. Aujourd’hui les Juifs tiennent les saducéens qui sont encore, quoiqu’en petit nombre, parmi eux, pour hérétiques.
La secte des saducéens n’est point éteinte ; elle fut fort affaiblie par la ruine de Jérusalem et par la dispersion des Juifs, mais elle se releva. Dès le commencement du troisième siècle ils étaient si redoutables en Égypte, qu’Ammonius, qui les voyait enseigner dans ce pays-là, se crut obligé d’écrire contre eux, ou plutôt contre les Juifs, qui toléraient les saducéens, quoiqu’ils niassent les points fondamentaux de la religion. L’empereur Justinien parle des saducéens dans une de ses novelles, les bannit de tous les lieux de sa domination, et les condamne aux derniers supplices, comme gens qui défendaient certains dogmes d’impiété et d’athéïsme, niant la résurrection et le dernier jugement.
Annus, ou Ananus, disciple de Juda, fils de Nachman, rabbin célèbre au huitième siècle, se déclara, dit-on ; en faveur des saducéens, et les protégea puissamment contre leurs ennemis. On leur donne encore un défenseur fameux au douzième siècle en la personne d’Alpharag, rabbin espagnol. Ce docteur écrivit contre les pharisiens, ennemis déclarés des saducéens, et leur soutint par des écrits publics, que la pureté du judaïsme ne se trouvait que parmi les saducéens ; que les traditions soutenues par les pharisiens étaient inutiles, et que les cérémonies qu’on avait multipliées à l’infini, étaient un joug insupportable. Le rabbin Abraham-Ben-David Hallevi répondit à Alpharag, et soutint la secte des pharisiens par deux grands arguments, celui de leur universalité et celui de leur antiquité. Il prouvait leur antiquité par une succession suivie depuis Adam jusqu’à l’an 1167, et leur universalité, parce que les Pharisiens sont répandus par tout le monde et se trouvent dans toutes les synagogues.
On voit encore aujourd’hui des saducéens en Afrique et en divers autres lieux. Ils nient l’immortalité des âmes et la résurrection des corps ; mais ils sont rares, du moins il y en a peu qui se déclarent pour ces sentiments. On connaît aussi parmi les mahométans des hérétiques nommés zendik, qui ne croient ni la résurrection ni l’autre vie ; mais d’autres soutiennent que ce terme signifie proprement un mage, disciple de Zoroastre et adorateur du feu. Il est certain que chez les Arabes et les autres mahométans zendik signifie en général un impie qui n’est ni juif, ni chrétien, ni mahométan ; ou qui étant dans l’une de ces trois religions, n’en croit pas les principes ou n’en observe pas, par mépris, les préceptes. On a aussi voulu confondre les saducéens avec ceux qui tenaient la métempsycose et avec les défenseurs des deux principes, c’est-à-dire les manichéens ; mais il est certain que ces sectes sont différentes du saducéisme.
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